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Citations de Ismaïl Kadaré (281)


Nous (Albanais) sommes installés ici depuis la nuit des temps. Les Slaves, eux, qui s'agitent beaucoup en ce moment, à l'instar de nouveaux venus, ne sont arrivés des Steppes d'Orient que depuis trois ou quatre siècles.
Chapitre XXV
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Le lendemain de son retour du monastère des Trois-Croix, Stres se met à nouveau à l’œuvre pour élucider l'énigme de la venue de Doruntine. Il rédigea une nouvelle instruction, plus détaillée que la première, n'ordonnant pas seulement l'arrestation de tous les suspects, mais promettant aussi une récompense à quiconque aiderait à la capture de l'imposteur, directement ou par ses révélations.
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La grande demeure apparut au loin, lugubre, tout au bout d'un espace plat. Sur toute cette distance, le sol humide était jonché de feuilles mortes. La maison, qui avait été jadis l'une des plus vastes et importantes de la principauté, exhalait désormais le deuil et l'abandon. Les volets des fenêtres des étages supérieurs étaient pour la plupart fermés, les avant-toit par endroits endommagés, le terrain devant l'entrée, avec ses vieux arbres un peu voûtés et moussus, paraissait désolé.
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Apparemment, il s'agissait de brasillements d'idées subversives que l'Etat, pour un motif ou un autre, se devait d'isoler, tout comme on isole le microbe de la peste jusqu'à ce qu'il soit neutralisé.
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La neige fondue baignait la plaine et les collines à l'entour, faisant luire l'asphalte noir de la chaussée. En toute autre saison cette pluie monotone eût semblé à quiconque une triste coïncidence. Mais le général n'était guère surpris. Il venait en Albanie afin d'assurer le rapatriement des restes de ses compatriotes tombés à tous les coins du pays pendant la dernière guerre mondiale. Les négociations avaient été entamées dès le printemps et les contrats définitifs signés seulement à la fin du mois d'août, quand, justement, les premières journées grises font leur apparition.
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Parfois s approchant de la fenêtre comme pour reposer son regard sur l'étendue de la plaine, Stress se demandait si la réalité de cette histoire n'était pas radicalement différente de l'idée qu'il s'en faisait.
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Lorsqu'il entendait parler des réserves mondiales de pétrole, de charbon ou de sel gemme, il s'étonnait presque que perso ne ne rendit compte nulle part des réserves planétaires de méchanceté, de bonté, de crimes. Il était convaincu qu' il en existait ainsi des gisements, à l'instar des autres minerais ou des ressources énergétiques. L'histoire est écrite de manière absolument erronée , meditait-il alors: quelques batailles, quelques traités , mais l'essentiel fait toujours défaut.
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Tout semblait suivre son cours le plus normal. Aucune opposition émanant de qui que ce fût. Rien de plus naturel, d'autant que lui, Besnik Struga, était allé là-bas, qu'il venait de rentrer de la grande épreuve, du front, du haut du cratère, où il avait été effleuré par la lave, ainsi qu'il venait lui-même de le raconter. Il était donc compréhensible que son cas fut réglé rapidement, le contraire eut été ridicule… Mais voilà que, subitement, au milieu de la quasi-somnolence générale, une voix s'éleva :
"Camarade Besnik Struga, quel est l'état de vos relations avec votre fiancée ?"
La question étincela comme une lame de poignard. Depuis un long moment, la réunion était pareille à un corps assoupi, mais elle sentit l'entaille. Sa torpeur se dissipa.
"Comment ? fit Besnik.
- Quel est l'état de vos relations avec votre fiancée ?"
La question avait été posée, puis répétée par le chef du personnel.
"Qu'est-ce que cela signifie ?" s'insurgea Besnik.
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Il avait froid aux pieds et, chaque fois qu'il remuait un peu ses jambes engourdies, il entendait les cailloux crisser plaintivement sous ses semelles. A la vérité, la plainte était en lui. Il ne lui était jamais arrivé de rester aussi longtemps immobile à l'affût derrière un talus, au bord de la grand-route.
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Sous ce ciel de poix, dans toutes les villes, tous les bourgs et villages de la province à peine soumise, les crieurs publics lisaient le décret impérial arrivé de la capitale : " Esclaves et raïas du grand padichah, citoyens de la province d'Albanie administrée jusqu'à hier par Ali le Noir, le sultan vous a accordé la grâce. Vous mangerez dans la paix le pain de la servitude, à condition que vous déposiez immédiatement les armes. Il vous est ordonné de dépouiller immédiatement vos vêtements aux couleurs éclatantes et de ne vous vêtir désormais que de grosse laine noire ou grise. Vous ne laisserez pas vos cheveux s'allonger et vous vous couvrirez la tête de fez en peau de buffle. Vous ne monterez plus des chevaux, mais seulement des juments et des mules. Vous boucherez vos cheminées de manière que vous ne soyez plus en rapport direct avec le ciel d'Allah à travers la fumée, mais que celle-ci sorte en flocons de vos fenêtres et de vos portes, après vous avoir tous noircis, avec vos effets, votre bétail et vos enfants. Vous ne serez allégés de toutes ces restrictions que lorsque vous aurez prouvé au sultan par des actes et non par des paroles que vous avez chassé de votre esprit toute idée de rébellion et le souvenir d'Ali le Noir."
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De toute évidence, la déclaration du grand vizir était une menace directe à l'adresse de toutes les provinces et pachaliks du grand Etat, surtout des régions qui jouissaient d'une certaine autonomie, comme ç'avait été le cas de l'Albanie jusqu'à la veille. D'un ton dur, le grand vizir déclara que la Sublime Porte ne permettrait désormais aucune fausse interprétation de cette autonomie et encore moins un mauvais usage de cette dernière. L'attention des observateurs étrangers fut attirée particulièrement par le passage du discours du grand vizir où, pour la première fois, au nom du gouvernement et du sultan-empereur, apparaissait une formulation qui jetait un nouveau jour sur la notion d' "autonomie des provinces", dont la propagande d'Etat s'était vantée des années durant, la présentant comme la plus claire expression de l'épanouissement de la liberté des nations au sein de la famille impériale. Indépendamment des images poétiques, avait dit le grand vizir, il faut comprendre une fois pour toutes que cette autonomie est un autonomie limitée. Le pouvoir central l'avait considérée comme telle jusque là et il continuerait de le faire jusqu'à la fin des temps... Il dit que, sans égard au fait que le grand Etat plurinational ottoman se composait de nations aux appellations différentes, en réalité ces nations, avant d'être turque, albanaise, grecque, serbe, bosniaque, tartare, caucasienne, etc... étaient toutes fondamentalement des nations islamiques. L'histoire, ajouta le grand vizir, nous a fourni jusqu'ici maints exemples de la manière dont ont fini ceux qui en avaient jugé différemment, et ce fait que nous avons sous les yeux, conclut-il, en montrant de la main le plat d'argent portant la tête d'Ali pacha, n'en est qu'un exemple de plus.
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Pendant ses heures de service, lorsqu'il se lassait de contempler le café de loin, Abdullah tournait ses regards vers les lances des deux sentinelles qui montaient la garde jour et nuit devant la niche. Mais c'était un spectacle fort monotone, et il n'y accordait d'attention qu'aux moments où la place était déserte. En revanche, lorsque celle-ci se remplissait de monde, il trouvait intéressant de suivre des yeux le mouvement des prunelles des badauds ou des touristes confrontés pour la première fois avec la tête. Il savait bien que la vision d'une tête tranchée n'était pas un spectacle habituel pour personne, et pourtant, lui semblait-il, la terreur et l'émoi qui se lisaient sur les visages des spectateurs dépassaient les limites de l'imaginable. Il avait le sentiment que ce qui les impressionnait le plus, c'étaient les yeux et cela non pas tant parce que c'était des yeux de mort, mais parce que comme tout le monde, ils avaient l'habitude de ne voir les yeux d'un homme que comme une partie de son corps. Et c'était peut-être précisément cette absence de corps, se disait Abdullah, qui faisait paraître les yeux de la tête tranchée plus grands et plus importants qu'ils ne l'étaient en réalité.
A la vérité, il était convaincu qu'en général, les gens avaient eux aussi, moins d'importance qu'ils ne s'en attribuaient.
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La grande croix, là-haut sur la tour de la prison, se dressa, irritée. Elle devint claire, insolente. Un dessin sur une pièce de soie. Mais je me demandais comment deux traits tracés l'un sur l'autre sur un morceau de tissu pouvaient susciter un si grand chagrin. Une pièce d'étoffe agitée par le vent plongeait dans la consternation une ville entière. C'était étrange.
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On sentait dans l'air la faim de l'État ottoman. Jusque-là, on avait été accoutumé à la féroce avidité des Slaves. Franche, les crocs pointés en avant, elle semble toujours redoutable. A sa différence, la pression ottomane n'est pas dénuée d'un certain élément de séduction. Et ce n'est probablement pas un hasard si elle a pour emblème la lune. À sa lueur, le monde peut être plus commodément assoupi et charmé.
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L'Interprétation [des rêves] est au premier chef un travail créatif. L'étude des images et des symboles ne doit pas y être poussée à l'extrême. L'essentiel est de faire siens certains principes, comme en algèbre. Au demeurant, ces principes eux-mêmes ne doivent pas être pris de manière trop rigide ; autrement, ce travail perdrait son vrai sens.
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Partager le pouvoir, cela veut dire avant tout partager les crimes !
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Le Kanun savait bien ce qu'il faisait en interdisant aux femmes l'entrée de cette pièce.
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L'intendant du sang sourit amèrement. Tous ceux qui le connaissaient auraient été surpris d'apprendre que lui, Mark Ukacierre, qui avait rarement eu peur dans sa vie, même des choses qui faisaient pâlir les plus graves, avait éprouvé un sentiment de crainte devant une femme. Pourtant, c'était bien cela: elle lui avait fait peur. A son regard, il avait aussitôt compris qu'elle mettait en doute certaines choses qui se disaient autour de la table.
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Le mariage de Doruntine, en revanche, était un évènement dont tout un chacun se souvenait avec netteté. C'était un de ceux que le temps a la faculté d'embellir, et cela non point parce qu'ils sont inoubliables en soi, mais parce qu'ils ont le don de coaguler tout ce qui, du passé, est beau ou jugé tel, et qui n'est plus.
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Il mit de côté les listes nominatives de base et en sortir d’autres, remplies de notes et de petites croix rouges en marge. C’étaient des listes contenant diverses indications concrètes qui devaient faciliter la recherche des dépouilles. Les militaires n’y étaient pas groupés selon leurs formations, mais d’après les lieux où ils étaient tombés, et à côté de chaque nom était inscrite la cote correspondant aux relevés des cartes topographiques, ainsi que la taille de chacun et les caractéristiques de sa dentition. Les noms de ceux qui avaient déjà été retrouvés étaient marqués de petites croix rouges, mais elles étaient encore rares.
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