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Citations de Jean-Philippe Toussaint (481)


Je regardais par la vitre sans penser à rien, témoin passif de cette compression de l’espace et du temps qui donne le sentiment que c’est à l’écoulement du temps qu’on assiste de la fenêtre des trains pendant que défile le paysage.
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Marie, dans mes bras, en pleurs, la robe mouillée, les cheveux mouillés, approchait ses lèvres très près de ma bouche et me demandait en tremblant pourquoi je ne voulais pas l'embrasser, et, la gardant dans mes bras, je répondais à voix basse en lui caressant les épaules et les cheveux pour l'apaiser que je n'avais jamais dit ça. Mais je ne l'embrassais pas [...]. Et je ne répondis pas, je ne savais que répondre, je me souvenais très bien de la réponse que je lui avais faite alors, mais je ne pouvais pas lui dire maintenant que je ne voulais ni l'embrasser ni ne pas l'embrasser [...].
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La main et le regard, il n'est jamais question que de cela dans la vie, en amour, en art.
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Il vivait seul, retiré, avec ses chevaux, le jardin, un peu de pêche sous-marine, des promenades solitaires et une remarquable bibliothèque d’histoire de l’art et de philosophie, conservant un lien de plus en plus ténu avec le monde et cultivant sans ostentation une misanthropie tempérée, ayant fini par se convaincre que, moins on a de relations avec les hommes, meilleures elles sont.
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A travers les eaux troubles et indécises du souvenir, c'est le terme du voyage qui se profile et c'est le visage de ma propre mort que je risque d'apercevoir dessiné dans le sable.
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Sept ans plus tôt, elle m’avait expliqué qu’elle n’avait jamais ressenti un tel sentiment avec personne, une telle émotion, une telle vague de douce et chaude mélancolie qui l’avait envahie en me voyant faire ce geste si simple, si apparemment anodin, de rapprocher très lentement mon verre à pied du sien pendant le repas, très prudemment, et de façon tout à fait incongrue en même temps pour deux personnes qui ne se connaissaient pas encore très bien, qui ne s’étaient rencontrées qu’une seule fois auparavant, de rapprocher mon verre à pied du sien pour aller caresser le galbe de son verre, l’incliner pour le heurter délicatement dans un simulacre de trinquer sitôt entamé qu’interrompu, il était impossible d’être à la fois plus entreprenant, plus délicat et plus explicite, m’avait-elle expliqué, un concentré d’intelligence, de douceur et de style. Elle m’avait souri, elle m’avait avoué par la suite qu’elle était tombée amoureuse de moi dès cet instant. Ce n’était donc pas par des mots que j’étais parvenu à lui communiquer ce sentiment de beauté de la vie et d’adéquation au monde qu’elle ressentait si intensément en ma présence, non plus par mes regards ou par mes actes, mais par l’élégance de ce simple geste de la main qui s’était lentement dirigée vers elle avec une telle délicatesse métaphorique qu’elle s’était sentie soudain étroitement en accord avec le monde jusqu’à me dire quelques heures plus tard, avec la même audace, la même spontanéité naïve et culottée, que la vie était belle, mon amour.
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L'instituteur nous donne un devoir pour le lendemain, des lignes de lettres à tracer. (...) soudain je fais une tache d'encre sur la feuille. Blop. Un pâté. Ma poitrine se contracte, je suis sans force, le monde vient de s'écrouler autour de moi. C'est la première catastrophe absolue à laquelle je suis confronté dans ma vie professionnelle. Je ne sais comment réagir. Je suis un petit garçon de six ans ( même pas six ans, cinq et demie à la rentrée scolaire de 1963) et je suis effondré.

(p.13)
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Je veux saisir Monet là, à cet instant précis où, encore convalescent(...)il pousse prudemment la porte de l'atelier.(..)
Il nuance,il accentue.Il n'est pas satisfait, il efface,il insiste,il recommence.Et là, dans l'atelier,face à la peinture qui lui résiste, face à la peinture qui se défend, face à la peinture qui se refuse,Monet s'obstine,il reprend,il retouche.Monet ne lâche plus la brosse.Il pénètre toujours plus avant dans la peinture,il s'y fond,il s'y dilue.Il n'y a plus trace de son corps terrestre dans l'atelier,son esprit s'est dissous dans la peinture.Monet est devenu peinture.(...)
Monet peut fermer les yeux et lâcher prise-peindre les Nymphéas aura été pour lui la plus apaisante des extrêmes-onctions.
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Je connaissais tous les silences de la maison, ses craquements nocturnes, les brusques reprises du réfrigérateur pendant la nuit, que suivait un dégradé de hoquets exténués, qui annonçait le retour apaisé d’un ronronnement plus régulier dans le sombre silence de la maison endormie dans l’obscurité. Le matin, réveillé aux aurores, je demeurais dans le lit à écouter les premiers murmures des oiseaux, si légers que leurs modulations fluides se fondaient dans le silence environnant.
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Elle n’était pas à son bras, mais elle était avec lui, cela sautait aux yeux, elle était implicitement avec lui, elle était violemment avec lui, la minuscule distance qui les séparait était plus violente que s’ils s’étaient touchés, mais il n’y avait pas de contact entre eux, ils se frôlaient de l’épaule, un infime écart de vide demeurait entre leurs manteaux. Je regardais Marie, et je voyais bien que je n’étais plus là, que ce n’était plus moi maintenant qui étais avec elle, c’était l’image de mon absence que la présence de cet homme révélait. J’avais sous les yeux une image saisissante de mon absence. C’était comme si je prenais soudain conscience visuellement que, depuis quelques jours, j’avais disparu de la vie de Marie, et que je me rendais compte qu’elle continuait à vivre quand je n’étais pas là, qu’elle vivait en mon absence – et d’autant plus intensément sans doute que je pensais à elle sans arrêt.
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Même si je ne dormais pas, c'était le mystère irréductible du rêve qui était en train d'agir et de jouer en moi, qui permet à la conscience de construire des images extraordinairement élaborées qui s'agencent dans une succession de séquences apparemment disposées au hasard, avec des ellipses vertigineuses, des lieux qui s'évanouissent et plusieurs personnages de notre vie qui fusionnent, se superposent et se transforment, et qui, malgré cette incohérence radicale, ravivent en nous, avec une intensité brûlante, des souvenirs, des désirs et des craintes, pour susciter, comme rarement dans la vie même, la terreur et l'amour.
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Comme celui de la vie humaine, le temps d'une partie d'échecs est limité, qui s'écoule dans le murmure de son tic-tac inexorable. Un ingénieux dispositif vient encore renforcer le supplice, qui fait se soulever un petit drapeau rouge à l'intérieur de la pendule, qui se soulève toujours davantage à mesure que le temps passe, se stabilise en équilibre fragile et menace de tomber, sa chute scellant la défaite, et métaphoriquement, la fin de la vie du joueur dont le temps imparti est écoulé.

(p.108)
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C'est aussi ce jour là, à sept ans, que j'ai du prendre conscience de l'étendue du continent des échecs et des milliards de parties différentes qui pouvaient être jouées, dix à la puissance cent vingt selon l'estimation du mathématicien Shannon.

(pp.105-106)
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J'étais là, immobile, devant l'échiquier de ma mémoire - et j'y resterai tout au long de ces pages, c'est le présent de ce livre, dans son présent infini.

(p.9)
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Marie me prit doucement la main sous la
pluie. Elle ne m’avait pas regardé, elle avait simplement soulevé la main à côté d’elle et avait pris la mienne avec naturel, et ce geste si tendre qui
m’emplit d’apaisement, ce geste si inattendu, me
parut aussi surprenant que si les deux navires que
nous avions sous les yeux, abandonnant un instant
la froideur impassible avec laquelle ils cohabitaient dans le port, s’étaient soudain rapprochés dans un geste de tendresse.
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J'attendais la vieillesse, j’ai eu le confinement.
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Elle avait marché une centaine de mètres et s’était arrêtée en face de la mer, qui s’étendait en contrebas, bleue, plane, immobile, que mouvait à peine une houle imperceptible qui la ridait par moments de frissonnements indécelables. Le ciel rejoignait la mer à l’horizon, et les deux bleus se fondaient l’un dans l’autre, le bleu soutenu de la mer et celui, plus pâle, du ciel légèrement brumeux. Il n’y avait pas un bruit autour d’elle, le silence de la nature, quelques imperceptibles gazouillis d’oiseaux, un vol de papillon, une brise infime qui infléchissait avec langueur les herbes hautes de la propriété.
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la perfection ennuie,
L'imprévu vivifie l'art.
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"Je l'aimais, oui. Il est peut-être très imprécis de dire que je l'aimais, mais rien ne pourrait être plus précis"
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Je sortis de la poche de ma veste les feuillets que j’avais remplis ce matin. Je les étalai devant moi sur le pupitre, les fis glisser, les répartis avec soin. Je m’apprêtais à poursuivre, quand je me sentis soudain complètement vide. Je n’avais plus aucune idée de ce que j’allais dire. Je portai une des feuilles à mes yeux, et je m’aperçus que mon écriture manuscrite était à peine lisible. Je ne parvenais pas à me relire. J’inclinai la feuille vers la lumière zénithale d’un projecteur pour mieux déchiffrer mes notes, et je découvris que ce n’était pas la bonne feuille, je reposai la feuille sur le pupitre, en pris une autre. Je n’avais toujours pas enchaîné, cela faisait plus de trente secondes que je me tenais debout en silence sur la scène. J’imaginais qu’une vague de réprobation muette devait s’élever de l’assistance. p. 160-161
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