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Critiques de Jérôme Garcin (478)
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Le voyant

France Culture a consacré en avril une semaine de « A voix nue » à Jérome Garcin et ces cinq émissions passionnantes m’ont incité à relire « Le voyant » et à retrouver Jacques Lusseyran qui fut un brillant étudiant, malgré la perte de sa vue à 8 ans, un résistant, un déporté, un professeur de lettres et de philosophie contraint à un exil américain, mais qui fut également influencé par « maitre » Georges Saint-Bonnet.



Le co-fondateur de Défense de la France, le déporté de Buchenwald force l’admiration et sa survie est un miracle rendu possible par la complicité, la protection d’autres détenus, pas toujours exemplaires, que Jacques Lusseyran remet debout et mobilise dans un combat quotidien qu’il immortalise en publiant « Et la lumière fut ».



Le survivant épouse Jacqueline Pardon, active elle aussi dans le réseau Défense de la France, mais, dépressif, tombe sous l’emprise d’un gourou Georges Saint-Bonnet … qui finit par épouser Jacqueline. Jérome Garcin analyse avec finesse et délicatesse la fascination du couple pour le « maitre » et montre comment des êtres cultivés et intelligents peuvent être embrigadés dans une secte si le « climat » de celle ci se traduit par un mieux être.



Jacques Lusseyran consacre un livre en 1964 à « Georges Saint-Bonnet, maître de joie » et ceci contribue à voiler la vie lumineuse du couple, tombé dans l’oubli d’où Jérome Garcin, les sort un demi siècle après.



Jérôme Garcin démontre qu’une bonne biographie n’est nullement une hagiographie et que chacun a ses zones d’ombre. Ce portrait ainsi nuancé est d’autant plus convaincant et riche d’enseignements pour le lecteur.



Agréablement écrit, cet essai fait écho aux drames que l’auteur a vécus et dominés depuis son enfance… ainsi, le visage de Jacques Lusseyran « s’éclaire, il parle, il sourit, il parait plus vivant que les vivants. »

Et le plus étrange est que cet aveugle nous regarde !
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Olivier

« Je suis né le 4 octobre 1956, à minuit pile. Toi, juste après. Tu m’as laissé la priorité. Je devais être pressé de sortir, en éclaireur. Mais tu as été le premier à partir, en reconnaissance. »



À l’âge de six ans, le frère jumeau de Jérôme Garcin, Olivier est fauché par un automobiliste qui prend la fuite.

Jérôme Garcin à travers ce récit autobiographique décrit avec grande finesse les aphtes du vide, du manque.

Comme bon nombre de personnalités dont il rend hommage en partie ici, il est impossible de se remettre de la perte d’un enfant. Impossible de se remettre de la perte d’un jumeau alors que dans le ventre de la mère, les bébés se cajolaient déjà mutuellement.



Jérôme Garcin rend un bien bel hommage à la littérature ainsi qu’à l’écriture. Il ne serait peut-être pas devenu écrivain sans le départ précipité de ce frère, écrire devient une urgence absolue pour exorciser la douleur. Les livres quant à eux lui ont servi à poursuivre ses rêves d’Olivier. Chaque personnage était prétexte à imaginer Olivier.



Sans pathos, à pas feutrés, ce récit aborde bon nombre de thèmes autour de la gémellité avec beaucoup d’amour, de clairvoyance et avec un souci du mot juste dont chacun d’entre eux est choisi avec tact pour un rendu de grande beauté.



Un récit que j’ai aimé lire, dans lequel je me suis sentie bien, un récit réconfortant et libérateur, inutile de crier à l’amour du frère parti trop tôt pour comprendre combien un couple gémellaire peut être déraciné sans son autre. Inutile de s’apitoyer pour ressentir les différents replis et refuges pour panser l’âme.



C’est doux et empreint de vérités qui nous rappellent l’importance de se raccrocher aux fondamentaux pour continuer à avancer, les livres, la musique, le théâtre, autant de fils qui maintiennent le cordon ombilical à la vie.
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Bleus Horizons

Bleus horizons, en référence à « Horizons chimériques », une des rares oeuvres de Jean de La Ville de Mirmont, mort pour la France en octobre 1914, c’est la couleur des uniformes des poilus, ce sont aussi les horizons ciels et marines qui enchantent les rêves du marin, voguant de Bordeaux au Havre, ou réconfortent les « Gueules cassées » soignés à Deauville et Trouville.



Louis Gémon, héros imaginé par Jérome Garcin, est un bordelais embrigadé dans la même unité que Jean de Mirmont, et blessé quelques jours après lui. Pendant plus de vingt cinq ans, il consacre sa vie à connaitre l’écrivain et à diffuser son oeuvre. Evocation qui nous révèle André Lafon, Georges Pancol, Emile Despax, Fernand Moncaut-Larroudé, aquitains tombés au champ d’honneur, et François Mauriac, Jacques Rivière, André Lamandé, le Martiniquais de Bordeaux René Maran, et la mystérieuse Jeanne Alleman (alias Jean Balde) survivants au conflit.



Hommage également au vicomte Eugène Melchior de Vogùé à qui l’on doit de « mieux connaître, en France, les secrets de l'âme russe et le génie de son roman » et panégyrique de Charles Péguy (41 ans), Alain-Fournier (27 ans), Louis Pergaud (33 ans), sacrifiés avec Jean de La Ville de Mirmont (28 ans), aux cotés d’un million de poilus.



Leur sacrifice peut sembler vain, une génération plus tard, quand la Wehrmacht entre dans Paris et occupe la France, mais inspire Louis Gémon le 21 janvier 1942.



Subtile, documenté, délicat, cet essai remarquable s’inscrit dans la série que Jérome Garcin consacre aux vies exemplaires et brisées.
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La Chute de cheval

La chute de cheval qui hante la mémoire de Jérome Garcin est celle de son père, Directeur des services littéraires des PUF, mort au galop le 21 avril 1973. Tragédie qui éloigne l’auteur de l’équitation durant 20 ans, mais après son mariage avec la fille du comédien Gérard Philippe, leurs trois enfants lui remettent le pied à l’étrier et depuis lors c’est à cheval qu’il parcourt le Pays d’Auge et qu’il écrit sa passion de l’art équestre et de la Normandie tout en songeant au destin de ses proches … « mes fragiles »



Une autre victime du cheval est Théodore Géricault, mort à 33 ans en 1824 et la chute de ce romantique introduit la seconde bataille d’Hernani qui oppose en 1842 deux écoles, celle du comte Antoine d’Aure qui incarne la tradition, et celle de François Baucher. Bataille arbitrée par un cheval nommé Géricault : « En grand uniforme, le sabre au côté et le bicorne à la main (toujours cette tenace envie de séduire les militaires !), François Baucher fit son entrée en musique et, sans que Géricault manifestât la moindre résistance, se lança sur la piste circulaire dans « un galop coulant » pour offrir au Tout-Paris ébaubi une voluptueuse série de pirouettes appuyers et changements de pied. Au salut final, les d'auristes quittèrent le Cirque en piteux état et, pendant que l'orchestre jouait La Parisienne, Baucher fût ovationné par la foule qui consacrait ainsi la victoire des libéraux et des romantiques sur « les perruques ». Théophile Gautier pleurait de joie. Par superstition et pour I'occasion, il avait revêtu le gilet rose qu'il portait, douze ans plus tôt, à la création d'Hernani. Baucher venait de libérer l'équitation comme Hugo, le vers dramatique. »



Jérôme Garcin évoque les grandes figures qui ont marqué l’histoire de l’équitation et ces pages combleront les cavaliers mais il évoque aussi les écrivains et particulièrement « Le cavalier pressé », Paul Morand, qui monta jusqu’à ses quatre-vingts ans et publia deux ouvrages mémorables, un roman Milady en 1944 et une « anthologie de la littérature équestre » en 1966. « Dans cette magnifique anthologie, inaccessible aux piétons ordinaires, illisible pour qui ne s'est jamais risqué à effectuer, à cheval, des figures de haute école et n'a jamais connu le presque indescriptible bonheur d'y parvenir, Paul Morand néglige les écrivains, fors Montaigne, Corbière et lui-même, avec un extrait de sa chère Milady. Cela prouve que si l'académicien se méfiait de ses pairs, il ne se détestait point. Cela témoigne surtout de la seule ambition qu'avait le fier retraité de Vevey, étranger à la patrie des gens de lettres, celle d'appartenir à la phratrie des écuyers, cette Olympe imaginaire où se donne, sans états d'âme, tous jeux d'orgue sortis, la reprise des dieux. »



Et l’animateur du Masque et la Plume conclut : « J'aime, le soir venu (…) parmi mes vieux livres retrouvés, cette manière de retraite qui prolonge la haute solitude des randonnées à cheval, des excursions entre ciel et terre : ce sont des pèlerinages sans but, sans lieu saint et sans pénitence, où l'on entend pourtant chanter, venues de nulle part, les voix de ceux qu'on a aimés et où l'on voit danser, entre les arbres, les rêves que l'on n'a pas accomplis, sauf celui de galoper, de galoper plus vite que le temps qui passe. »



J’ai beaucoup apprécié ces pages émouvantes et instructives qui donnent envie de poursuivre la promenade littéraire en sa compagnie.



PS : Le Voyant
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Le syndrome de Garcin

En parcourant son arbre généalogique, Jérôme Garcin ne raconte pas seulement la vie de ses grands parents et arrière grands parents, mais décrit l’évolution de la médecine, du statut social du Docteur, voire du Professeur, ou de l’académicien, membre de l’Académie de Médecine, de père en fils, ou de père en gendre … époque où la famille jouait un rôle essentiel dans la transmission du savoir et du pouvoir… « les humanités ».



L’une de ses branches familiales, originaire de la Martinique, est arrivée à Paris lors de l’éruption du Volcan Pelé, tragédie qui décima la famille d’une de mes grands-mères, ce qui a rendu cette lecture mélancolique, mais est fort intéressant en notre siècle où l’intégration est une préoccupation essentielle.



Le père du romancier fut éditeur, lui est un humaniste qui joue sa partition à la radio depuis des décennies, et ils sont à jamais marqués par les qualités d’écoute de leurs ancêtres, sans avoir persévéré dans la médecine. Cette écoute est peut être ce qui manque aujourd’hui lors de certaines consultations …
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Le dernier hiver du Cid

« Vous aviez raison, il se pourrait que je joue prochainement « le Menteur et Hamlet ». C'était le 23 octobre 1959, c'était il y a un mois. Il n'aura pas pu dire : « Etre ou ne pas être, telle est la question » parce qu'il n'est plus. »



C'est avec beaucoup d'émotions que je viens de refermer le livre de Jérôme Garcin. Je regarde la photo de Gérard Philipe qui ne quitte pas mon bureau depuis très longtemps. Ce n'est pas sa meilleure photo ! du plus loin que je me souvienne, il a toujours été mon idole, je ne saurais dire pourquoi. D'aucuns vous diront qu'il a créé sa propre légende en mourant en pleine gloire si jeune. Mais j'étais beaucoup trop petite pour me rappeler.



Peut-on envisager qu'une petite fille puisse se sentir envoûtée par la voix harmonieuse de l'aviateur du Petit Prince, cette voix à nulle autre pareille, aux intonations masculines mais toute de douceur, fluide, à la plasticité toute féminine, faisant surgir de l'imagination de cette petite fille, des images de désert et d'un aviateur penché sous sa carlingue auprès duquel apparaît ce magnifique petit bonhomme. Sont-ce mes professeurs de français qui m'ont inoculé ce virus au temps où nous apprenions les répliques de nos classiques afin de pouvoir, lors du gala de fin d'année scolaire, monter sur les planches et déclamer ces citations, donner la réplique à nos camarades, tout ceci dans un état d'excitation que seules des élèves pouvaient ressentir à l'idée de jouer devant les parents. Peut-être aussi, les couvertures de nos classiques Larousse où Gérard, magnifique dans son costume du Cid, captait notre attention, lui dont la seule pensée nous éclairait lors de nos répétitions. (Il y avait aussi Thierry la fronde qui animait nos cours de récréation:-))) !



Ce grand adolescent, au visage d'ange noble et romantique, nous a quittés le 25 novembre 1959. Il a rejoint les étoiles à quelques jours de ses 37 ans. C'est dans le costume du Cid qu'avait dessiné le peintre Léon Gishia, dans un pourpoint bleu horizon recouvert d'une cuirasse matelassée bleu nuit à passements dorés et sa cape rouge vermillon que ces cuissardes l'ont transporté pour son ultime représentation, lui l'incarnation du talent et de la grâce.



Il fut avec Jean Vilar, les grandes heures du TNP. Quel dommage que Jean Vilar n'ai jamais souhaité que soient filmées les pièces de théâtre interprétées au festival d'Avignon ! Ce sont ces grands instants où Gérard Philipe donnait toute sa force, toute son incandescente beauté, toute sa capacité à incarner aussi bien la Tragédie que la Récréation. Il fut, pour moi, le Cid, Lorenzaccio, Ruy Blas, Fanfan La Tulipe, et le film qui m'a marquée, Les Orgueilleux avec Michèle Morgan.



Revenons au livre écrit par son gendre posthume si je peux m'exprimer ainsi.



L'auteur est l'époux d'Anne-Marie Philipe, fille de Gérard Philipe et de son épouse Anne. Anne-Marie avait cinq ans au décès de son père, et son frère Olivier, trois ans. Il semble évident que le mythe a rejailli sur l'ensemble de la famille. Difficile pour l'auteur de ne pas rendre hommage à ce sublime acteur.



Jérôme Garcin, relate, avec pudeur, sans rajouter du mélo au drame, à la manière d'un journal intime, les trois derniers mois de la tragédie qui va se jouer sous nos yeux, des vacances aoutiennes de Ramatuelle jusqu'à ce fatidique 25 novembre 1959.



A la suite de douleurs abdominales violentes, Gérard consulte le professeur François Gaudart d'Allaines. le diagnostic envisage un abcès amibien du foie. Une intervention est envisagée à la clinique Violet. Seulement voilà, le couperet tombe, on ouvre et on referme, cancer du foie foudroyant. L'équipe de médecins demande à voir Anne toute seule et c'est toute seule qu'Anne affrontera la nouvelle. Anéantie, elle cachera la vérité à Gérard.



Jérôme Garcin sait parfaitement décrire les émotions, les sentiments auxquels Anne doit faire face. Son désespoir, sa colère, son chagrin, devant la cruauté du destin, et toutes les pensées qui viennent l'assaillir. Ses deux jeunes enfants ne grandiront pas dans les yeux de leur père. le mythe est avant tout un père et un fils ! Et l'on assiste, les larmes aux yeux, mois après mois, semaine après semaine, au courage d'Anne qui fait face à son mensonge, à sa conscience mais Anne reste avant tout le pilier de son artiste de mari. Gérard ainsi protégé peut se consacrer aux projets qui le stimulent, aux textes qu'ils se préparent à interpréter comme Edmond Dantès ou Hamlet.



L'auteur aborde avec beaucoup d'humanité ces derniers jours. Il évoque aussi l'artiste engagé et l'homme qui malgré le succès, est toujours resté d'une grande humilité.



J'ai eu aussi plaisir à lire tous les passages évoqués sur les grandes tragédies grecques, que de souvenirs ! J'imagine que pour nombre de jeunes lectrices et lecteurs, l'histoire de Gérard Philipe est terriblement abstraite et fait partie de la préhistoire !!! Mais pour moi, ce fut un afflux de souvenirs, de tendresse, de poésie et de larmes !



C'est une plume extrêmement sensible que celle de Jérôme Garcin et j'ai bien l'intention de m'intéresser à sa bibliographie.



Je termine par la tirade de Perdican dans « On ne badine pas avec l'amour De Musset » et je vais vous faire une confidence, j'ai toujours souhaité que cette tirade soit mon épitaphe :



« J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui ».





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Olivier

Le 7 juillet 1962 un chauffard écrase Olivier, 5 ans, frère jumeau de Jérôme. Le 21 avril 1973 un cheval écrase Philippe Garcin, 45 ans, son père.



Ces deux accidents mortels marquent depuis lors la vie de celui qui anima durant des décennies « Le Masque et la Plume ». En 1998, il publie « La chute de Cheval » consacré à feu le directeur des éditions PUF. En 2011, « Olivier » évoque « l’enfant éternel » avec pudeur et hauteur de vue, en analysant les conséquences de la gémellité et les drames liés à la disparition de la moitié d’une paire.



Le récit alterne les chapitres de mémoire, où Jérôme Garcin revient sur des scènes familiales, sur ses parents, ses grands-parents, sa fratrie, son mariage avec la fille de l’acteur Gérard Philipe, prématurément disparu (« Le dernier hiver du Cid »), leurs enfants, leurs chevaux et les chapitres de réflexion sur la gémellité, la mort d’un enfant ou d’un jeune adulte, en convoquant Radiguet, Rimbaud, Léopoldine Hugo, en relisant Constantin Virgil Gheorghiu et Jacqueline de Romilly.



Cette alternance transcende le destin d’Olivier et entame des réflexions philosophiques et religieuses qui donnent au récit un caractère universel, car quelle famille échappe-t-elle à la mort ?



De la révolte à la sérénité, en un demi siècle, Jérôme Garcin s’est construit, une main appuyée sur l’épaule de son frère éternellement présent à ses cotés. Cet appui, l’auteur le partage dans un récit bouleversant mais riche d’espérance qu’Olivier conclut en nous murmurant « Va, vis et deviens ».



PS : mon avis sur La chute de cheval
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Olivier

Première rencontre littéraire pour moi avec cet écrivain reconnu au style de qualité, qui m'a surtout émue par la pudeur dégagée dans ce dévoilement de soi. Une blessure terrible que celle de la perte d'un jumeau à l'âge de 6 ans, celui où l'on apprend à lire et écrire.

Un lien gémellaire si fort qu'il étonnera toujours les non-jumeaux, et le deuil de cette moitié de soi est quasi impossible.



Un récit touchant et juste, mais qui reste positif à mon sens, et qui permet de ressentir et comprendre comment l'on se construit sur un tel drame dans une famille de médecins de renom, où la connaissance, la littérature, la culture et l'art ont occupé une place prépondérante.
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Le dernier hiver du Cid

Le dernier hiver du Cid est le récit poignant des dernières semaines de Gérard Philippe, un peu gâché quand même par un Jérôme Garcin qui s'écoute écrire et abuse des envolées lyriques et références aux héros incarnés par le comédien.



Ainsi parlant du chirurgien qui l'a opéré et annoncé sa fin imminente à Anne, son épouse, Garcin écrit «  il se souvient d'être allé voir le Cid ... Ce soir-là, il découvrit que, malgré le col trop amidonné du pourpoint, Rodrigue avait la grâce, que la voix d'un guerrier pouvait être caressante et que portées par une sincérité qui frôlait l'innocence, ces vieilles stances pouvaient être d'une candeur éclatante. Même la manière dont il allait embrasser Don Diègue était joyeuse. La tragédie renouait avec l'espagnolade. La Castille était lumineuse. On ne sentait ni le poids du palais ni la lourdeur des étoffes. le théâtre exultait de vie et descendait dans celle des spectateurs. El Cid rayonnait. »



Bien sûr, on peut comprendre Jérôme Garcin en gendre admiratif d'un parfait héros de tragédie, jusqu'à sa vie écourtée par la maladie. Un héros beau, humain, sympathique attirant la lumière et les foules. Passant outre les railleries des tenants de la Nouvelle Vague. Épousant une femme discrète à la beauté imparfaite alors qu'il a tenu dans ses bras les plus brillantes et belles des comédiennes. Un jeune héros résolument de gauche qui ne retira jamais ni son aide ni son affection à son père Marcel, collabo nationaliste condamné à mort par contumace, réfugié en Espagne.



Finalement Gérard Philippe apparaît un être singulier sans fioritures inutiles. Et malgré les réserves de style, moi qui n'avais pas d'intérêt particulier pour Gérard Philippe (livre lu dans le cadre d'un cercle de lecture), contre toute attente, j'ai trouvé ce livre touchant et me suis attachée à la personnalité du comédien. Je peux même dire que grâce à Jérôme Garcin, j'ai découvert un être engagé et sensible qui m'a émue.



Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Mes fragiles

Alors que, sur France Inter, on annonçait le départ de Jérôme Garcin de l’émission « Le masque et la plume », je me plongeais dans son dernier récit qu’il a consacré à ses chers disparus : sa mère et son frère, morts à six mois d’intervalle.



C’est avec une énorme tendresse tissée de pudeur que Jérôme Garcin nous fait entrer dans sa relation intime avec sa mère « si lumineuse et mystérieuse à la fois, et Laurent, son frère fragile « plein d’une candeur végétale, d’une bonté sans emploi »

Avec l’évocation de ces deux morts récentes survenues à six mois d’intervalle, l’auteur revient sur d’autres morts, toujours aussi douloureuses. Il y a eu celle, accidentelle, de son frère jumeau, fauché à cinq ans par une voiture. Comment se remet-on de la perte de son double ? Cette disparition s’est alourdie de celle du père, encore un accident, une chute de cheval cette fois ci.

Mais les morts restent présents, invisibles mais bienveillants

« Les morts sont patients. Exigeants et patients. Mon jumeau fauché par un chauffard a attendu que je grandisse pour grandir en moi et avec moi. »

Après ces disparitions brutales, la littérature et les livres ont été d’un grand réconfort pour Jérôme Garcin qui a pu compter aussi sur l’amour de sa femme la comédienne Anne-Marie Philipe.

Il évoque cette maison avec son jardin à Bray-sur-Seine en Champagne, maison de famille ou il fait si bon de se retrouver. Dans le jardin, et le parfum des lilas résonnent les rires des enfants mais les défunts fréquentent encore les lieux. Au hasard d’une pensée vagabonde, d’un serrement de cœur, apparaissent aussi, discrètes, paisibles, les silhouettes de ceux qui ne sont plus. Ils continuent d’habiter les lieux.

Bien sûr, les absents qui ont la vedette ce sont sa mère Françoise, morte en 2020 et de son frère Laurent, victime de l’épidémie de Covid qui partira six mois seulement après la mère.

La présence des morts, elle est essentielle, immense, pour l’auteur, et elle imprègne chacune des pages de cet essai émouvant.

On découvre ses disparus avec le sentiment de les rencontrer vraiment en les côtoyant de façon intime et c’est ce rapprochement qui rend cet essai si sensible.

« Plus le temps passe et plus je crois à la présence des morts. Ils sont là. Leur âme demeure, plane et s’obstine »

En les racontant, leur rendant la parole, Jérôme Garcin leur redonne un souffle de vie, il continue à les faire vivre grâce au pouvoir des mots. Aucune mièvrerie dans l’écriture. Sobre, sincère, sensible, elle exalte des vies trop tôt fauchées et cela nous touche au cœur.



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Mes fragiles

La mort en 1962 de son frère jumeau, fauché à six ans par une voiture, puis, dix ans plus tard, celle de son père, d’un accident de cheval à quarante-cinq ans, avaient déjà conduit Jérôme Garcin à l’écriture de deux récits : Olivier et La chute de cheval. L’auteur franchit une nouvelle étape de son douloureux pèlerinage auprès de ses défunts, « une lampe torche à la main, à pas comptés, dans le labyrinthe des [s]iens », avec cette fois les disparitions, en 2020 de sa mère de 89 ans, à bout de souffrance à force d’usure cardiaque et ostéoporosique, et six mois plus tard, de son frère Laurent, ce « grand petit garçon » de 55 ans, atteint du syndrome de l’X fragile et victime de la Covid-19.





Jérôme Garcin est doué pour l’écriture et sa belle narration intelligente et sensible, lumineuse de tendresse pour ses « fragiles », ne peut qu’émouvoir, alors qu’empli de chagrin, il revient sur leur fin de vie et sur l’impuissante sollicitude longtemps éprouvée face à leur vulnérabilité sans remède. Si ses pages nous touchent, ce n’est pas seulement pour la perte éprouvée par le narrateur qui leur survit. C’est aussi parce qu’elles sont pleines de cette inquiétude si désarmée de n’avoir pu protéger ces êtres chers et vulnérables de la souffrance qui fut la leur : la souffrance d’une mère rendue aussi frêle qu’un oiseau par une maladie atrocement douloureuse, mais aussi torturée par l’idée de laisser derrière elle un fils fragilisé par le handicap, sans même qu’elle se doute jamais du diagnostic tardif dont on aura préféré lui épargner le poids, jugé culpabilisant, de son origine génétique ; la souffrance d’un frère dont la déficience intellectuelle et les angoisses profondes rendent plus terribles encore sa confrontation avec la mort, de sa mère d’abord, de lui-même ensuite, qui plus est dans l’isolement hospitalier imposé par le contexte pandémique.





Pour autant, si beau et respectable soit-il, ce texte arrimé à la relation autocentrée d’une expérience de la maladie et du handicap, de la vieillesse et de la mort, du deuil enfin, parce qu’il ne quitte jamais le registre personnel pour atteindre à l’universel, laisse infuser chez son lecteur un sentiment diffus de désappointement : celui de lire le journal intime, de grande qualité certes, mais pas une œuvre majeure, d’un nom célèbre du monde littéraire parisien.


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Le voyant

Un instant d’exaspération… avec ma critique largement rédigée, qui disparaît !!! Je ne vais pas me laisser décourager … d’autant que je quitte très à regret ce très beau livre, qui m’a fait connaître une « belle personne », écrivain-philosophe-enseignant de talent, mais resté totalement méconnu. Nous ne pouvons qu’éprouver une large reconnaissance à l’encontre de Jérôme Garcin… à nous faire partager son admiration envers Jacques Lusseyran…



Cette biographie, hormis les émotions que nous ressentons successivement au fil des coups du destin qui auraient dû abattre cet homme mais l’ont au contraire renforcé dans son appétit de la Vie, du monde , de la Connaissance sous toutes ses formes…nous offre d’autres sentiments intenses , remuants, bouleversants ; lorsque l’auteur explique la ligne constante des raisons de son travail d’écrivain et les sujets qui perdurent au fil du temps : rendre immortels par l’écriture ses « très chers disparus ». L’extrait qui suit l’explique fort justement…



« Une fois encore, une fois de plus, je pense à mon père, né à Paris, quatre ans après Jacques Lusseyran, passé lui aussi par la khâgne de Louis-Le-Grand, fou de littérature, amoureux de la langue du XVIIIe, éditeur accompli, mais écrivain empêché, dont la mort accidentelle en pleine nature, au printemps de 1973, à l'âge de quarante-cinq ans, dessine une ligne droite que je n'aurai jamais fini de vouloir prolonger dans des livres brefs peuplés de jeunes morts qui continuent de vivre, de lire, et d'écrire. (p.180) »



Nous songeons à plusieurs écrits, « Olivier », son jumeau décédé prématurément, « Bleus horizons », sur l’écrivain, La Ville de Miremont, fauché si jeune, lors de la première guerre…, mais également son excellent texte hommage à Jean Prevost (lui aussi, fauché dans ses jeunes années)



Il me tarde de me plonger dans les « mots » de ce « Voyant aveugle »….qui m’a séduit par son caractère lumineux, sa passion pour l’écriture, la philosophie, l’enseignement, les femmes, La vie sous toutes ses facettes… et « cerise sur le gâteau »…se profile derrière le visage de Jacques Luysseran, celui d’un autre écrivain-philosophe, si cher à mon cœur… Je voulais nommer « Albert Camus » que notre écrivain-résistant a rencontré…sans omettre la rencontre en septembre 1942, d’un professeur agrégé de Lettres, Jean Guéhenno, qui le marquera durablement ; je vous retranscris un extrait de Jérôme Garcin, décrivant cet étudiant brillant devant ce professeur admiré :



« Dans un Paris vert-de-gris, il enseigne le droit des peuples à être heureux. Jacques Luysserand lui trouve une voix ancestrale qui a « les douceurs de Virgile, la bonhomie de Montaigne et la bravoure de Michelet ». Il boit les paroles de ce moraliste humble qui vante d’autant plus le devoir de se surpasser qu’il doute de ses dons littéraires et se dit sans cesse tenté par « la naïveté ». Il ignore que, dans la résistance, Guéhenno s’appelle Cévennes comme Jean Bruller se nomme Vercors, mais il sait que jamais il n’a connu « maître aussi noble et d’une si totale conscience » (p.70)



Je dis, redis à l’infini le plaisir intense de cette lecture-découverte absolue…qui va m’entraîner maintenant vers les mots et les écrits de Jacques Luysseran… j’enchaînerai sans doute, ensuite, la relecture de Jean Guéhenno, dans la foulée de l’enthousiasme de cette biographie captivante…



.Je termine cette chronique un peu désordonnée sur une déclaration d’amour fou de jacques Luysseran à l’Existence et à la nécessité de l’écriture qui transfigure tout…

"Je le répète, il n'y a rien d'autre. Les jours où j'ai écrit, je Suis. Il peut m'arriver tout ce qu'on voudra. J'aime le monde et tout ce qu'il contient. Si je n'écris pas, je suis infirme.". S'il écrit, il n'est donc plus handicapé. Il vit mieux, plus fort, plus haut. (p. 154)



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Le dernier hiver du Cid

Le roman nous livre les derniers mois de la vie de Gérard Philipe depuis le mois d'août 1959 jusqu'au 25 novembre de la même année, jour de sa mort.

Le récit commence en plein été à Ramatuelle. le comédien passe des vacances très actives à retaper sa maison, à jouer avec ses enfants, à vivre un peu avec sa femme, Anne loin de la vie parisienne.

Pour la première fois, il souffre de la chaleur, ressent des douleurs dans le bas-ventre mais la vie continue. Mille projets se dessinent devant lui dont le film de Montecristo, une pièce de Hamlet sur la scène du théâtre Jean Vilar et bien d'autres.

Rentré à Paris, il doit se faire opérer d'un abcès au foie . Un abcès que les médecins déclarent ne pas être grave mais c'est en ouvrant pour l'opérer qu'ils découvriront les dégâts causés par une tumeur inguérissable au foie.

Gérard Philipe décèdera quelques semaines plus tard, le 25 novembre persuadé que sa convalescence va être longue. Il est serein et relit les tragédies grecques. C'est aussi un grand amateur de Corneille et c'est dans son costume du Cid qu'il sera enseveli. Il l'a joué 150 fois.

En mourant, il laisse sa femme, Anne Philipe qui nous a livré "Le temps d'un soupir" que j'ai lu au lycée. Il laisse aussi deux très jeunes enfants : Anne-Marie et Olivier.

Son gendre, le bien connu Jérôme Garcin que j'avais lu dans "Le voyant" ,raconte ces derniers mois ainsi que les origines de l'acteur.

Il nous livre un récit excessivement bien écrit, je me suis surprise à relire des passages deux fois. C'est étonnamment vivant alors qu'il nous parle des derniers mois d'un homme, le père de sa femme.

Il rend hommage à ce jeune homme emporté par la maladie à 37 ans sans exagérer sur ses qualités ni sur ses défauts.

J'ai trouvé qu'il faisait là un beau cadeau à sa femme Anne-Marie.

En tant que personne de plus de soixante ans, j'ai connu la voix de Gérard Philipe me racontant "Le petit Prince" dans une version simplifiée. C'était merveilleux. Quelle ne fut pas ma déception à mon entrée au collège, à 12 ans, quand j'ai dû lire le livre en version intégrale. Je me suis réconciliée

avec le récit depuis.

Et puis, j'avais regardé "Fanfan la Tulipe" avec mes parents.

En vacances chaque année à Grimaud, mes parents et leurs amis avaient absolument voulu aller sur sa tombe à Ramatuelle. J'étais toute petite et j'avais été très impressionnée. J'avais l'impression qu'on voyait sous les pierres à peines posées. J'avais 4 ans en été 1960. J'ai gardé l'image flash de cette visite et ressenti l'émotion de mes parents qui avaient eu l'occasion de le voir jouer dans la pièce "Les caprices de Marianne" d'Alfred de Musset.

Un très beau témoignage de Jérôme Garcin que j'ai tardé à lire alors qu'il était dans ma PAL depuis sa sortie.

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Le voyant

Aveugle à l'âge de huit ans, jeune résistant déporté à Buchenwald, professeur dans des universités américaines - faute d'avoir pu enseigner en France à cause de son handicap -, le brillant Jacques Lusseyran surmonte les épreuves comme touché par la grâce.



Cet homme semble guidé par une étonnante lumière intérieure : " Jamais il n'évoque ses souffrances, toujours il remercie le ciel de lui avoir fait découvrir la sidérante faculté de l'homme à combattre la mort, à résister à ce qui le détruit. " Ce qui ne fait pas de Jacques Lusseyran un saint car souvent son amour des femmes a primé sur ses obligations conjugales et paternelles.



Mais un homme exemplaire malgré tout, qui montre le chemin pour atteindre à l'essentiel : " s'exercer à fermer les yeux est aussi important qu'apprendre à les ouvrir " écrit Jérôme Garcin. Un auteur que je découvre très inspiré, qui multiplie les envolées lyriques signifiantes en accord parfait avec le personnage.



Et si, comme le souligne Garcin, il reste peu de chose de la courte vie de Jacques Lusseyran, ce livre remarquable contribue largement à remédier à cette injustice.

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Le voyant

Jacques Lusseyran méritait bien ce livre tant son parcours fascine, force l'admiration et le respect. Tombé aveugle à la suite d'un accident pendant son enfance, élève brillant, il s'engage dans la résistance malgré son handicap, arrêté en 1943, il connaitra L'horreur des camps nazis (Buchenwald),en réchappera pour mourir à 47 ans dans un accident de voiture. Un destin forcément peu banal, qui méritait cette mise en lumière.

Pourtant si l'histoire est forcément forte, j'ai eu du mal à avoir de l'empathie pour cet homme admirable et respectable. Le style de Garcin est à mon avis pour beaucoup dans ce sentiment d'inachevé, ce style suranné, cette manière de mettre à distance le lecteur (en tout cas moi) m'a empêché d'éprouver l'émotion que cette histoire appelait. A lire assurément ne serais-ce que pour saluer la vie de Jacques Lusseyran, malgré ma réticence quant au récit propre.
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Mes fragiles

Préambules : je ne m’intéresse qu’au livre, je préfèrerais lire les textes sans connaître leurs auteurs, je n’avais jamais lu Jérôme Garcin.

« Mes fragiles » a pour lui d’être bien écrit - et c’est déjà beaucoup.

Pour le reste, il est la synthèse parfaite de tout ce que j’abhorre : autofiction, livre d’ennui pandémique, microcosme parisien, souvenir lacrymal et production mineure de personne connue.

Garcin n’a pas été cherché son histoire très loin puisqu’il évoque sa famille. Il y a quelque chose d’agaçant dans sa manière de l’ériger en exception. Beaucoup de familles ont été touchées par la maladie. La sienne est unique, génétique, c’est le syndrome de l’X fragile. On a tous des amis proches qui sont venus au chevet de nos anciens. Les siens s’appellent Erik Orsenna ou Michael Lonsdale. Les souffrances de l’auteur sont d’une facture inédite, ses épreuves, autrement plus romantiques. Cette impression récurrente que l’auteur se place au-dessus d’une mêlée que je le soupçonne de mépriser un peu.

Vieillesse, maladie, peur de la mort, perte d’un être cher, liturgie des messes d’enterrement, secret de famille… Des thèmes que l’auteur aborde sur un registre plus personnel qu’universel ; voilà ce qui distingue un journal de bord d’un roman.

À défaut de trouver son propos original, je retiendrai donc sa belle écriture, sans occulter des tournures prétentieuses, comme cette manière de transformer les auteurs en adjectifs : un vitrail claudélien, un souvenir proustien ou un jardin giralducien (p78).

Un bon livre ? Non, mais une excellente dissertation de Khâgne dont le sujet était « Racontez votre déchirure familiale ». À l’école, lieu d’apprentissage, ça vaut 20/20, ailleurs…

Bilan : 🔪

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Littérature vagabonde

Ravissement !

Au cours des années 1980 et 90, Jérôme Garcin s'est fait le chantre des écrivains dans un tour de France de leurs demeures parce qu'il leur doit ses plus longs voyages et ses plus grands bonheurs..



Alors qu'autrefois rencontrer un écrivain se méritait, aujourd'hui ils intercèdent, l'air de rien ou vigoureusement, pour passer au petit écran car miss télé ne se déplace plus que chichement.



Dans une très belle et longue introduction, le maître queux du Masque et de la Plume fait revivre quelques personnages, vivants et morts, en nous conviant à la table de l'une ou dans le jardin d'un autre. C'est l'apéritif coloré et généreux qui précède le menu aux quarante plats assaisonnés des occupations, des secrets, des recettes, des détestations et des amours de ces écrivains qui ont décidé de vivre loin des fureurs et des artifices de la ville.



De Georges Perros qui fréquentait les "pierres, le ciel et la mer" à Douarnenez, éternel insatisfait, à Anne Phillipe dont la grâce de sylphide se plaisait infiniment dans un hamac à Ramatuelle pour des conversations entre amis. de Daniel Boulanger à Senlis qui, pour ne pas se rencontrer, a enlevé tous les miroirs de sa maison, et fait une confiture de cerises divine à René Char, le colosse rugissant des Busclats à l'Isle-sur-la-Sorgue qui, en dehors de ses anciens compagnons de Résistance ne voit personne et projette d'écrire un bestiaire sur les animaux qui peuplent ses alentours et qu'il observe inlassablement avec ses jumelles.



En passant par Michel Tournier en son presbytère de Choisel dont il entretient le jardin avec dévotion et qui croit avec constance aux "vertus créatives de l'austérité", et par les excentricités suisses de Jacques Chessex qui s'allonge sur les tombes pour dialoguer avec les morts à Ropraz.



En Suisse encore, à Genève, Frédéric Dard se serait bien vu "professeur de chagrin" s'il n'avait été écrivain, lui qui, sa vie durant, a cohabité avec l'angoisse et trouvé dans ses romans le défoulement cathartique.



Alors que dans le nord-ouest, Julien Gracq s'est retiré à Saint-Florent-le-vieil mais n'oublie pas qu'il a été agrégé d'histoire-géo et ne manquait aucun meeting de la CGT pour "apporter la contradiction aux réactionnaires", dans le sud-est, François Nourissier, après avoir collectionné les maisons, s'est fixé à Ménerbes et s'est révélé comme un "lovelace du delco" tant il considère les voitures comme ses plus belles conquêtes après le style et les chiens. Et les femmes.



Et ainsi de suite de Julien Green à Angelo Rinaldi, de Françoise Sagan à Claude Roy ou Henri Guillemin.



Immense plaisir de lecture à déguster à petites bouchées et à relire pour en savourer le raffinement condimentaire.



Un régal à partager entre amis.







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Le voyant

"Lisez Le Voyant de Jérôme Garcin"!



Après la belle et enthousiaste critique de Fanfanouche, j'ai bien peu de choses à ajouter.



Résistant oublié, Jacques Lusseyran méritait cet hommage littéraire, pour ce destin si particulier, cette fulgurance dramatique de vie: aveugle par accident dans l'enfance, résistant à 17 ans, déporté vers Buchenwald à 20 ans, injustement oublié de ses contemporains français au retour des camps.

Interdit de Fonction Publique pour cause de cécité (incroyable!), il trouvera reconnaissance et avenir professionnel aux Etats Unis, où son travail d'écrivain a toujours été réédité.

Et comme s'insurge son biographe: "En France, rien!"



Jérôme Garcin nous dresse un portrait attachant d'un jeune homme doué, charismatique, intuitif, comme "extra-lucide" pour sentir ou juger situations et individus, capable de sublimer sa cécité et sa petite lumière intérieure pour s'affranchir des épreuves intolérables des camps.

Un homme qui n'échappe pas à sa part d'ombre et aux controverses des bien-pensants par une liberté de vie défiant morale et bienséance ( le puritanisme américain étant ce qu'il est...)



En marge de la vie personnelle de l'homme, un livre juste et nécessaire, une leçon d'espoir en rapport avec le handicap. Un récit très émouvant.
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Le dernier hiver du Cid

Jérôme garcin qui a épousé Anne Marie la fille de Gérard Philipe, nous raconte en deux cents huit pages. les Six dernier mois, de celui qui fut le plus élégant, fin,

subtil, séduisant, humble, intelligent, éblouissant acteur de sa génération. c'était il y a soixante ans, que Gérard Philipe nous quitter il avait 36 ans.

tout ses films était un événement, du rouge et le noir a monsieur ripois en passant par le diable au corps, les liaisons dangereuses ou l, inoubliable fanfan la tulipe.

atteint d'un cancer incurable. sa femme n'a rien voulu lui dire, sans avoir recours au pathos ou a l, apitoiement. le livre reconstruit ses six derniers mois.

le temps qui passe, mais aussi les tournants dans la vie culturelle ont peut être fait oublier ce que fut Gérard Philipe son role majeur, sa vie exemplaire, la résistance, le soutien loyal a un père qui lui avait pris un mauvais chemin.

le festival d, Avignon aurait pu lui rendre un hommage, mais heureusement qu'il y avait l, amour du public.tout âgés confondu. la rentrée littéraire est foisonnante pour les babelofiles et on sait pas des fois ce qu'il faut choisir. mais pour le dernier hiver du cid , je n, hésite pas du tout. lisez le, c'est passionnant.💞
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Le dernier hiver du Cid

Novembre 1959, l’acteur Gérard Philippe disparaît en pleine célébrité, foudroyé à 37 ans par le cancer. Dans son livre « Le dernier hiver du Cid » Jérôme Garcin, qui a épousé sa fille, raconte les derniers mois du comédien qui incarnait l’espérance de la jeunesse de la décennie d’après-guerre.



L’auteur nous fait suivre jour après jour - un chapitre par jour – les actes marquants et le combat contre la maladie apparue soudainement et qui va se révéler inguérissable. Bien que très faible, mais ignorant la gravité de son mal contrairement à ses médecins et son épouse, Gérard Philippe croit avoir la vie devant lui et continue de nourrir de nombreux projets au cinéma et au théâtre. Anne, son épouse, va lui cacher la vérité et lui permettre de rêver, jusqu’au dernier jour, à ses futurs rôles, «il est heureux comme un rescapé ». Dans ce récit sobre, qui se déroule d’août à novembre 1959, Jérôme Garcin rappelle l’aura de Gérard Philippe, qui repose pour partie sur la brièveté de sa vie et la soudaineté de sa mort, devenant l’éternel jeune premier du théâtre français.



Témoignage intéressant, sous forme d’un bel hommage à Gérard Philippe, disparu il y a soixante ans et drapé pour l’éternité dans son costume de scène du Cid.

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