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Citations de Joseph Kanon (44)


Comprendre ? Ce qui s’est passé en Allemagne ? Comment peut-on comprendre un cauchemar ? Comment ai-je pu faire une chose pareille ? Comment les autres ont-ils pu ? Quand on se réveille, on ne peut rien expliquer. On se prend seulement à espérer que rien de tout ça n’a eu lieu. Que ce n’est pas possible.

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Ils étaient presque sur la place quand Franck lui signala une maison de deux étages sur leur gauche. Le crépi rose était un peu passé, l'entrée se faisait sur le côté, par une grille.
"Regarde. La maison de Tchekhov. C'est là qu'il recevait ses patients. Il n'en reste pas grand chose, mais c'est bien sa maison, donc ils ne la démoliront pas pour mettre autre chose à la place."
Ils bifurquèrent dans Malaïa Nikitakaïa et allèrent jusqu'au coin suivant. Une autre maison, bleu pâle cette fois, en partie dissimulée derrière un haut mur.
" La maison de Beria. On dit que c'est là qu'il amenait les petites filles. Huit ans. Neuf ans. Personne ne disait rien. C'est à se demander si les voisins entendaient quelque chose... Tu te rends compte ? Tchekhov, Beria. A deux rues l'un de l'autre. Impossible de voir ça ailleurs.
_ Ailleurs, il n'y aurait pas de Beria.
_ Mais si, lui renvoya Franck calmement. Il existe des tas de variations sur ce thème. Il a simplement eu une carrière plus longue que la plupart des autres. Un monstre. Mais c'est lui qui a fait la bombe que voulait Staline."
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Ils durent annuler la première tentative. Plusieurs jours pour trouver un bateau et une planque, et quelques heures à peine avant la récupération le vent se leva, le poyraz. Il descendait en hurlant depuis le nord- est, soulevant au passage une forte houle sur la mer Noire.
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Elle aurait pu mentir, prétendre que Marthe était partie. Elle aurait pu la sauver. Son ancienne camarade de classe. Mais non. "C'est elle. Elle est juive." Voilà ce qu'elle a répondu.
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"_ Vous avez entendu déjà parler de ce qui s'est passé à Albuquerque ?
_ Saul...
_ Très détendue. Elle a les papiers dans son sac à main, les papiers les plus précieux du monde à ce moment-là, et quand elle arrive à la gare ils fouillent les bagages. Carte d'identité et tout le bazar. Pourquoi à ce moment-là ? Personne n'en sait rien. Peut-être juste la routine. Mais elle doit monter dans ce train. Comme il y a beaucoup de soleil, elle porte un chapeau. Elle l'enlève et glisse les papiers dedans, sous le ruban intérieur. Et au moment où elle arrive devant le garde de la police militaire elle lui tend son chapeau en lui demandant s'il veut bien le tenir pendant qu'elle ouvre son sac pour lui présenter sa carte d'identité. C'est lui qui a les plans entre ses mains pendant qu'elle cherche ses papiers. Après ça, merci beaucoup, reprenez votre chapeau madame, et elle monte dans le train. Pas mal, non ? Et tout ça sans ciller. Rien."
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Sans danger, mais, d'une certaine manière, bien envoyé. Il cherchait à provoquer une réaction. La famille laissée derrière comme levier : la même chose qui avait intéressé Campbell.
"Je crains que ce ne soit définitif. Nous divorçons.
- Oh ! réagit Markus, sans savoir quoi faire de cette dernière information. Et vous êtes quand même venu.... C'est donc une question de conviction. Admirable ! Mais vous savez que le sujet est épineux. Tout ce temps passé à l'Ouest. Pas en ce qui vous concerne, ajouta-t-il très vite. Pas les écrivains. Mais les soldats russes, les prisonniers de guerre... Ils ne savent plus où ils en sont. Le camarade Staline a tout de suite compris le problème. Quand ils ont passé du temps à l'Ouest, il faut les rééduquer."
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"Aucune religion ne peut survivre au doute. Et ne vous y trompez pas, ils ne connaissent pas le doute. Pas Ulbricht et les autres. Qu'ont-ils d'autre de toute façon? Ils ne vivent que pour leur Église. Qui pourrait être aussi pur qu'eux ? » Il sourit et leva un doigt en l'air. « A part l'Infaillible. C'est toujours la même chose, vous comprenez ? Rome. Moscou. En ce moment nous traversons une période d'inquisition. Après retour à la normale".
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C'est devenu une église. Et dans une église, quelle est la fonction des prêtres ? Défendre la foi. Extirper le péché. Ne pas autoriser le doute. Parce que quand ce genre de choses commence, tout s'écroule.
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Simon regarda la Loubianka. Un immeuble de bureaux de l'époque des tsars avec une façade jaune. Une statue se dressait au milieu de la place, des camions progressaient lentement tout autour. Pas de voiture noire devant le portail, pas de cris en provenance du sous-sol. Des tuyaux d'arrosage pour laver le sang sur les murs. Des milliers de gens. D'autres à venir.
"C'était une compagnie d'assurances dans le temps. Les assurances Rossya. La prison s'y est installée dans les années trente." Un signe de tête en direction de la statue. "Djerjinski, le père fondateur. Et regardez là-bas, maintenant. Detsky Mir. Le plus grand magasin de jouets de toute la Russie. Les enfants adorent y aller...Vous savez, ils ne sont pas très sensible à l'ironie, ici. Ca va bien pour le magasin, parce qu'il n'est pas vraiment là." Il venait de montrer le bâtiment du KGB. "Il n'existe pas. Rien de tout cela n'est arrivé. Parce que si c'était le cas, si on commençait à le voir... Alors personne ne voit rien. C'est juste un vieil homme bien gentil qui regarde jouer les enfants. Des millions de gens ont disparu et personne ne les a vus partir. C'est comme ça dans ce pays. Les choses n'existent pas, même quand on les a sous les yeux. Alors il en a pensé quoi Soames, de tout ça ? Et Weeks, ou n'importe lequel d'entre eux ? Quand ils ont compris pour qui ils travaillaient. Voilà ce que je voudrais savoir."
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"Tu vois ce bâtiment, là-bas ? En face, dans la diagonale. Hôtel Moskva." Simon regarda. Un bâtiment très laid qui dominait une place juste en-dessous. "Tu vois que les deux moitiés ne sont pas pareilles ? On raconte qu'ils ont soumis deux projets à Staline. Il devait choisir mais il a juste dit : "Oui, c'est très bien", et personne n'a eu le courage de demander : "Lequel ?" Alors ils ont construit les deux, l'un au-dessus de l'autre. Comme ça personne n'a eu d'ennui."
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Juste après San Ivo, des employés municipaux curaient un canal, un boulot peu ragoûtant, réservé pour l'hiver, quand il n'y avait pas de visiteurs. Des planches obstruaient chaque extrémité, et de gros tuyaux en caoutchouc pompaient l'eau en laissant une couche de boue au fond. Les ouvriers, chaussés de bottes, retiraient saletés et débris à la pelle. La boue recouvrait tout, éclaboussait les bleus de travail, s'agglutinait en grumeaux sur les bords du canal, juste sous la marque laissée par la vase. La grande peur de Gianni, c'était d'être sali si quelqu'un remuait la fange. je l'imaginai sur une terrasse du Lac de Garde, en train de boire avec ceux qui avaient ordonné le départ des convois. J'en avais rencontré en Allemagne, de ces hommes qui ne comprenaient pas encore tout à fait de quoi on les accusait. Mais ceux-là étaient en prison et, épuisés, effrayés, n'étant plus protégés par leur uniforme, attendaient leur procès. Les autres, dans la rue, vaquaient à leurs occupations et rien ne permettait de les reconnaître, ni regard hanté ni tremblement furtif causés par des souvenirs importuns. Le crime n'avait pas laissé de trace. Ils s'en étaient tirés, libres de se déplacer, et même d'épouser une femme riche. Ils souriaient à la table du dîner. Personne ne savait. Rosa n'acceptait pas qu'ils s'en sortent aussi facilement et avait demandé mon aide.
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Ce qu'il venait de voir était plus qu'une arme. Il en tremblait encore. Peut-être Oppenheimer en avait-il prévu l'ampleur, peut-être personne. Cela n'avait pas encore de nom. Ce n'était pas la mort. On savait représenter la mort, on avait inventé les pyramides, les indulgences et des métaphores à n'en plus finir pour s'en faire une idée. Or tout cela était dérisoire en regard du nuage qui venait de s'élever du désert.
Tout ce que nous avions cru savoir n'était qu'une suite de contes insignifiants à réviser. Le vrai secret était ici. L'anéantissement. La table rase. Un déclic chimique transmué en lumière violette. La fin du conte. Dorénavant, nous allions vivre à jamais dans la peur.
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Soudain un éclair, plus blanc que le magnésium, comme un flash d'appareil photo. Une éblouissante lumière lui transperça le corps et envahit l'espace autour d'eux. Tout devint blanc. Il ferma les paupières une seconde, mais la prodigieuse lumière resta imprimée sur sa rétine. L'éclat grandissait, dévorait le ciel, transfigurait le panorama. Et si Fermi avait raison ? Si cela ne s'arrêtait plus, si les corps fondaient sous la chaleur ? C'était maintenant une immense boule, toujours aveuglante, qui montait en soulevant le désert. La boule grandit, grandit, jaune d'abord puis violette, étrange, terrifiante. Un violet surnaturel que personne avant eux n'avait vu. Son coeur s'arrêta de battre, il voulait se détourner, mais le spectacle l'hypnotisait. Alors les contours du scintillement se précisèrent : le désert s'arrachait du sol en un nuage ascensionnel, relié à la terre par une tige colossale.
Le bruit arriva à retardement : un fracas de tonnerre répercuté par les montagnes, qui roula dans la vallée en déchirant les airs. Qu'est-ce que ce devait être à proximité de la déflagration ! Il chancela, étourdi. Une violence sans limite, inexorable. Personne n'y survivrait.
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Comment pouvait-on vivre ainsi, obnubilé par une croyance unique, qui évacuait tout le reste ? Pouvait-on vraiment être indifférent à la souffrance des autres au nom d'une idée ? Une vie entière pour une idée. Et une idée fausse.
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Il se débattit avec le cric, essaya de fixer la manivelle et se baissa pour regarder sous le châssis.
"Tu y arriveras, tu crois ? dit-elle.
_ Il faut l'espérer. A moins que tu ne veuilles passer la nuit ici." Il leva les yeux.
"Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ?
_ Rien. Toi. Si tu voyais ta tête. Un petit garçon contrarié. As-tu au moins une vague idée de ce que tu fais ?
_ Je fais comme j'ai vu faire. Tu as une autre solution ?
_ Je pourrais retourner à pied jusqu'au poste de garde, battre des cils et persuader le ranger de venir réparer. Il rappliquerait aussi sec.
_ Je me débrouillerai", dit-il en installant le cric.
Elle soupira en riant. "Les hommes; Vous êtes bien tous les mêmes.
_ Mais encore ? fit-il avec indifférence.
_ Vous ne voulez jamais demander d'aide. Ou une direction. Un homme ne demande jamais une direction. Il tourne en rond mais ne demande jamais.
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"Par milliers...murmura Eisler.
_ On croyait savoir on ne savait pas. Friedrich, ils ont tué tout le monde.
_ Ils ont gagné, dit Weber.
_ Non, qu'est-ce que tu racontes ?
_ Ils ont tué tout le monde. Il est trop tard, tu ne vois pas ? Tout ce travail. Nous arrivons trop tard."
Weber se leva et sortit en trainant le pas.
_" Qu'a-t-il voulu dire par "nous arrivons trop tard" demanda Connolly.
_ Nous sommes venus ici pour vaincre les nazis. En soldats, vous comprenez. C'était notre façon de nous battre. Avec nos règles. Nos expériences. Nous n'étions que de petits binoclards, nous n'avions ni les muscles, ni les bottes, ni les bataillons. Mais nous avions l'intelligence. Nos armes étaient ici, dit-il en se frappant la tempe. Nous allions fabriquer une bombe pour tuer les nazis. Une chose terrible, c'est vrai. Mais avec les nazis, tous les coups étaient permis. Même la bombe. Ils voulaient tuer tout le monde. Et vous voyez, ils l'ont fait. A quoi servons-nous maintenant ? Tant que les nazis sont menaçants, nous n'avons pas à nous poser de questions morales. Mais qu'allons-nous faire de cette bombe s'il n'y a plus de nazis ?
_ Je ne sais pas.
_ Moi non plus. Aucun de nous.
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"Et en ce moment, dit-elle, quel casse-tête essayez-vous de résoudre ?
_ En ce moment, je ne sais pas. J'essaie de comprendre ce que je fabrique ici, dans une pièce pleine de jean-foutre qui s'empiffrent, au lieu de me faire tuer à Okinawa. De comprendre ce que les autres fabriquent à Okinawa. Ce que pensent les pilotes japonais quand ils s'écrasent en piqué sur les navires. Pourquoi un type a été assassiné dans le parc. Ce que nous allons faire après la guerre..." Il s'interrompit pour l'observer.
"Pourquoi je fais semblant de penser à tout ça, alors que, en réalité, le seul problème qui me préoccupe vraiment est de savoir comment je pourrais coucher avec vous ?"
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"_ Qu'a-t-on raconté aux gens, quelle est la version officielle et qu'en pensent-ils ? Il ne peut pas y avoir un meurtre dans une petite communauté sans quelque explication.
Oppenheimer médita un instant.
_ Non, en effet. Mais maintenant que vous m'y faites penser, on en parle très peu. Ils savent qu'il a été agressé et détroussé. Ca crée un certain malaise, surtout dans une petite ville comme Santa Fé, mais la vie continue.
_ Ils savent pourquoi ?
_ Vous voulez parler de son homosexualité ? Non, il n'y avait aucune raison de le leur dire. Je suis certain que cela ne leur a jamais traversé l'esprit. A moi non plus, d'ailleurs. Je vous conseille de laisser ce pauvre homme reposer en paix. Et ses amis. S'il en avait, ce qui m'étonnerait.
_ Vous admettrez cependant que, s'il y a quelqu'un qui sait, ce serait utile de lui parler.
_ Oui, bien sûr. Mais comment voulez-vous le dénicher ? En épluchant les fiches de la bibliothèque pour savoir qui lit André Gide ?"
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Il raconta l'histoire que tous connaissaient déjà : l'exilé qui revient à Berlin, la joie d'être chez soi, les espoirs des socialistes. Puis les désillusions, l'inquiétude grandissante devant la manière dont le parti traitait ses membres, et, enfin, le refus de condamner un innocent.
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Erich avait trouvé sa voix : sans affectation, ferme, soutenue par la tranquille assurance du survivant. Ce serait une très bonne voix de radio, très personnelle et sans artifices. Les baraquements. La boue radioactive. Les malades qu'on remet au travail. Le désespoir né de la certitude qu'on ne trouvera jamais la liberté, qu'on travaillera jusqu'à la mort.
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