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Critiques de Jules Barbey d`Aurevilly (289)
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Contre Goethe

La plume ultra-acide, Barbey d'Aurevilly s'attaque au souverain jupitérien des lettres allemandes, dont le front serein, entouré de nuages, n'a pas blêmi pour autant. On lit encore beaucoup Barbey d'Aurevilly, notamment Les diaboliques, mais aussi ses journaux, romans, lettres, poèmes. Assez peu sa critique, me semble-t-il. Une critique d'opinion dont l'objet souvent nous échapperait aujourd'hui. En l'occurrence, Goethe est ennuyeux, Goethe n'a aucun talent, Goethe est un plagiaire et un touche-à- tout ! C'est très drôle, quel esprit caustique ! Avec la distance, il ne reste heureusement que l'humour de ces polémiques démodées, et un témoignage vivant sur les moeurs littéraires féroces de l'époque. Mais le vitriol est excellent, on en redemande.

Au-delà du comique de circonstance, c'est un pan de l'histoire littéraire qui se dévoile. Barbey d'Aurevilly écrit en pleine guerre de 1870, durant le siège de Paris. Son anti-germanisme s'explique : il répond aux canons prussiens par sa petite salve acrimonieuse. Il épargne madame De Staël, qui reste pourtant l'auteur du délit d'avoir introduit Goethe en France : le style de la grande femme de lettres lui vaut cette grâce. La préface de Lionel Richard explique d'autres raisons de la mise en pièces : Jules Barbey d'Aurevilly avait succédé à Sainte Beuve, et aurait bien voulu briller comme son illustre prédécesseur au firmament des critiques parisiens. Las, il ne parvint pas à faire oublier l'auteur des Lundis. Mais reconnaissons le, si Goethe n'est pas l'écrivassier ennuyeux qu'il veut bien nous décrire, du moins le Contre Goethe vaut encore d'être lu, et avec quel plaisir !
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Du dandysme et de George Brummell

Lecture pour dandies, vaniteux. Il paraît que ce peuvent être des qualités. Je crois. Pour certains nietzschéens... Et pour certains historiens. Allez savoir.
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Du dandysme et de George Brummell

Georges Bryan Brummel a fait la pluie et le beau temps dans les salons les plus huppés de l'aristocratie anglaise. Son exceptionnelle beauté...on va jusqu'à le comparer à l'Appolon du Belvédère! Il faut reconnaître à ce fils de modeste commerçant un certain génie dans l'art de la composition de sa garde-robe, mais en plus il emporte l'amitié amoureuse de l'héritier de la couronne et de se faire accepter dans les clubs les plus fermés de Saint-James Street pour animer les soirées les plus élégantes de Londres! Fêté, admiré un seul mot de lui suffit à faire la fortune d'un tailleur! Dans le cas inverse un froncement de sourcils fera le malheur à qui lui déplait. Et pourtant ce dandy va sombrer progressivement dans la misère et l'oubli. En mars 1840 dans une humble cellule de l'asile de Caen seule, une religieuse veille sur une épave humaine agonisante: un vieillard chauve et décharné. Qui pourrait reconnaître le beau Brummel? le favori tout-puissant du prince de Galles, le dandy glacé auquel toutes les impertinences étaient permises?
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Du dandysme et de George Brummell

Au-delà de la biographie admirative volontairement mythifiée du dandy anglais de la première moitié du 19ème siècle George Brummell, c'est bien au service de sa propre cause que s'emploie le talent de Barbey d'Aurevilly, proposant une véritable théorie du dandysme comme modèle d'indépendance d'esprit et d'existence, défiant le pouvoir et les hautes classes sociales, avec un art raffiné de l'artifice, du signe, du langage, du double-sens et un opportunisme de l'instant présent, singulièrement capable de juger le bon moment pour le bon mot et la bonne victime.

Personnage conceptuel échappant à l'Histoire, Brummell devient sous la plume de l'auteur normand si anglophile un mythique et rebelle dandy flamboyant, reprenant le "il y a un je ne sais quoi chez le dandy" décrit par Montesquieu, le spécifiant par une sorte de grâce qui le différencie des simples mortels.

Avec une écriture exquise sertie dans un génie narratif propre à Barbey d'Aurevilly, ce récit biographique s'affranchit des faits réels de la vie de Brummell, le dandy anglais devenant un personnage littéraire idéalisé incarnant entre les lignes Barbey d'Aurevilly lui-même et son dandysme normand puis parisien (Paris étant un passage obligé du dandysme et le territoire naturel de tous les bouffons des puissants), même si l'auteur restera singulièrement solitaire et souvent à l'écart des cercles de courtisans.



Volontairement chargée d'approximations, cette biographie de Brummell filtre tout ce qui gênerait le mythe du dandy parfait. Brummell, jeune hussard, proche du prince de Galles, séduit la Cour britannique et devient une institution du dandysme anglais puis s'exilera en France où il mourra en dandy. On l'aura compris : avec le grand Brummell de Barbey d'Aurevilly, c'est sa vie qui est son œuvre.

Rien sur ses revers de fortune, alors que Brummell a vécu dandy moins de temps qu'il n'a été dans la déchéance et la médiocrité, devenu dans son exil un perdant endetté, revanchard et oublié. Rien sur le petit Brummell escroc, maître-chanteur, grossier, prétentieux, voleur, menteur et manipulateur.

L'intérêt de cette œuvre réside surtout dans la capacité que l'auteur a à défendre la fatuité anglaise : la vanité des hommes, sentiment négatif mais sincère, étant incontournable, autant l'assumer et la mettre en scène pour construire une vie indépendante et moqueuse des pouvoirs. Mais c'est oublier de la part de l'auteur que le dandy est une fragile apparence, un porteur de masques qui ne vit que dans la considération d'autrui et dépendant des subventions des dominants.



Très éloigné de la théorie du dandysme surstoïcien de Baudelaire dans Le peintre de la vie moderne où le dandy est un personnage typique des périodes intermédiaires où les pouvoirs migrent des vieilles classes possédantes vers les nouvelles dominantes, le Brummell de Barbey d'Aurevilly fait silence à dessein sur certaines évidences : Brummell n'a fait personne, c'est la couronne britannique et les classes dominantes qui l'ont fait dandy puis l'ont défait. Entretenu par les riches tant qu'il était à la mode, l'éphémère Brummell et ses savants nœuds de lavallière ont été une illusion d'indépendance.

Car la rébellion du dandy tourne toujours à vide puisqu'il se rebelle pour lui-même et son miroir, éternellement incapable de dépassement de soi. Obsédé par sa posture, Brummell en oublia d'être lui-même, donc il ne fut rien et mourut comme tel, laissant derrière lui une ou deux anecdotes mondaines, un ouvrage de mode et quelques fort malveillants mots d'esprit.

Ainsi, le mythe forgé par Barbey d'Aurevilly se révèle aussi fragile, assujetti aux puissants et vain que le furent Brummell et sa collection de porcelaines de Saxe.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Du dandysme et de George Brummell

un morceau de'histoire sorti de l'oubli, une époque disparue dont il nous est difficile de percevoir les contraintes. ça m'a rappelé la citation de Talleyrand: "« Qui n'a pas vécu dans les années voisines de 1789 ne sait pas ce que c'est que la douceur de vivre. »
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Journaliste : Articles et chroniques

Comme de nombreux écrivains au 19e siècle, Barbey d'Aurevilly a entretenu des relations étroites avec la presse. le métier de journaliste, qu'il a exercé pendant cinquante ans, lui a à la fois assuré un revenu et une renommée. Mais ses relations avec les différents journaux auxquels il a collaboré n'ont pas été de tout repos…Personnage contrasté, dandy, libertin, défenseur de la tradition, de l'Église et de la monarchie, il dénonce avant tout l'esprit bourgeois et matérialiste de son époque. Avec un indéniable talent et n'hésitant pas à s'attaquer à des auteurs illustres, Victor Hugo, Zola, Alexandre Dumas, le « bas bleu » George Sand, il défend sa conception du monde, de la littérature et du journalisme. Regrettant amèrement le temps où ce dernier ne se consacrait qu'à la politique et à la littérature et n'était pas devenu un bazar de l'esprit où les commérages remplacent les débats de fond, où l'on parle de tout et de n'importe quoi…



Il a fondé quelques journaux, dont « La Revue du monde catholique », et collaboré à de nombreux autres, le Pays, Le Figaro, le Constitutionnel, le Gaulois. Il se rallie en 1851 au régime impérial et soutient Napoléon III. Il aurait aimé se consacrer à la politique mais on lui confie plutôt des rubriques de critique littéraire ou d'art, ses convictions passionnées entrainant polémiques, parfois procès voir la censure…



Ce livre de Pierre Glaudes nous permet de découvrir quelques articles de cet écrivain enflammé, dont la plume est parfois féroce mais le propos toujours argumenté, et dont l'activité de journaliste, « cet écrivain d'un jour » n'est pas forcément connue. Et pas inintéressant de se plonger dans l'histoire de la critique littéraire…

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L'Amour impossible

Avec "Ce qui ne meurt pas", roman lui aussi de sa jeunesse mais qu'il retravailla dans son âge mûr, "L'Amour Impossible" est, en tous cas à mon sens, le moins bon des textes romanesques de Barbey. L'écrivain avait sous-titré son oeuvre "Chronique Parisienne" et, en définitive, c'est bien là que gît le problème.



"L'Amour Impossible" met en scène un dandy de vingt-sept ans, l'éternel dandy dont on sait combien il est cher au coeur de l'auteur, répondant ici au joli nom de marquis de Maulévrier (je vous épargne le prénom ) et par ailleurs amant irrésistible, aux pieds duquel s'abandonnent les plus belles femmes du monde. Pour l'instant, Maulévrier est celui de la ravissante Mme d'Anglure, laquelle, à l'heure où commence notre récit, s'est retirée à la campagne pour une raison qui, je vous l'avoue, m'échappe complètement. De toutes façons, ce n'est que provisoire : les deux amants doivent se retrouver très vite et leur romance prospérer. Seulement, Maulévrier, qui s'ennuie vite semble-t-il - l'ennui, attitude et même posture on ne peut plus caractéristique du dandy - s'impose peu à peu auprès de la marquise de Gesvres, amie de Mme d'Anglure et femme, cela s'entend, d'une grande beauté, dont le mari occupe un poste dans la diplomatie. Pour l'heure, M. de Gesvres est retenu à Pétersbourg et, soyons francs, sa conjointe n'en a pas grand chose à faire. Il faut bien dire que cette femme, toujours très belle malgré l'âge qui avance - elle a cinq ans de plus que Maulévrier - est réputée n'avoir jamais connu ni la passion du coeur, ni les plaisirs des sens. Une vraie gageure, on s'en doute, pour un dandy comme Maulévrier.



Une liaison débute, très particulière et très verbeuse - et croyez-moi, question verbosité, je suis une authentique spécialiste ! Hélas ! en dépit des prétentions de Maulévrier, elle est vouée à l'échec le plus lamentable car il est bien vrai que Mme de Gesvres ne ressent rien. Tout au plus un frémissement, par-ci, par-là mais toujours au-dessus de la ceinture même si jamais dans la région du coeur. Au-dessous de la ceinture, c'est pour ainsi dire le néant absolu et le beau dandy a beau s'entêter, rien n'y fait. Maulévrier s'obstine pourtant et, sans aucun égard pour une malheureuse qui, elle, l'aime éperdument et le désire tout autant, laisse tomber Mme d'Anglure ainsi qu'il le ferait d'une paire de gants défraîchie. La pauvre finira par en mourir de chagrin sans que son ancienne amie ni son ancien amant ne parvienne l'un ou l'autre à comprendre comment l'Amour, en certaines circonstances et chez certaines natures prédisposées, ça peut mener au tombeau.



Avec une amoralité aussi infâme que délicieuse, Mme d'Anglure est-elle à peine refroidie que le lecteur incrédule voit Mme de Gesvres et M. de Maulévrier s'en aller pour ainsi dire main dans la main ... acheter des gants, je crois, ou alors des rubans. Il n'y a plus rien de physique entre eux, encore moins d'amour mais disons qu'une sorte de sympathie s'est instaurée entre ces deux créatures à sang froid : elles se sont reconnues de la même espèce et cela leur suffit pour goûter à ce qu'il faut bien appeler le bonheur, un bonheur particulier et égoïste certes mais le bonheur tout de même.



L'analyse des relations entre les héros est très fine, pour ainsi dire brodée au petit point : on songe parfois à Proust au sommet de son art. Mais l'ensemble reste horriblement "parisien" et artificiel. Malgré tous les efforts de leur créateur, aucun membre du trio ne parvient à "décoller", à révéler une personnalité réelle et surtout crédible, à se détacher en pleine lumière. Au mieux, Gesvres et Maulévrier forment un couple de narcissiques monstrueux mais totalement dénués d'intérêt parce qu'ils le sont sans aucune méchanceté tandis que la pauvre d'Anglure fait plus figure d'une incroyable nunuche que d'une victime romantique. Telles quelles, ce sont de merveilleuses marionnettes, qui débitent le discours imposé par un Barbey perdu et comme obsédé par sa "chronique parisienne" mais qui, ce faisant, ne donnent pas un seul instant l'impression de songer vraiment à la signification de ce qu'elles racontent.



Pour les amateurs de Barbey, cet étrange triangle amoureux préfigure en fait celui qui hantera très vite le reste de l'oeuvre : deux femmes tourbillonnant autour d'un homme qui les aime et les repousse tour à tour. Simplement, l'écrivain n'en est qu'au tracé des silhouettes. Sa vision, lui qui l'aura si souvent tourmentée, écorchée, somptueuse, est ici aussi plate que la morne plaine de Waterloo chantée par Hugo - auteur dont Barbey incendiera un jour, et non sans raison, les pesants, indigestes et trop angéliques "Misérables". Et pour une fois, aucun soupçon de fantastique, rien de cette atmosphère inimitable qui signe tant de textes de Barbey, du plus modeste au plus achevé.



Mais un très bel exercice de style, c'est certain. A ne réserver cependant qu'aux inconditionnels. ;o)
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L'Amour impossible

"Il y a seulement de la malchance à n'être pas aimé. Il y a a du malheur à ne point aimer." écrivait Camus dans l'été. Voilà sans doute le thème principal de L'Amour Impossible, premier roman de Barbey d'Aurevilly.

Hélas, l'auteur traite ce thème avec une distance glaciale et moult descriptions psychologiques, clichés de son époque, qui rendent long ce court roman. On a du mal a rentrer dans ce triangle amoureux (ou pas amoureux), et tout autant dans ce tout Paris fermé de la Restauration, qui n'était en fait pas grand chose. Dans le cours du récit, Barbey fait allusion au plus célèbre verset de l'Ecclésiaste (Vanité des vanités, tout est vanité) : avait il conscience de la vertigineuse mise en abîme qu'il faisait ?

Alors bien sûr, lecture après lecture, je vois émerger un jeune auteur, et vais poursuivre, en espérant mieux.
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L'Amour impossible

Une forme très particulière de l'amour impossible, du moment où nous sommes en période du romantisme où la plupart des enjeux se jouent autour des personnalités qui se rebellent contre la société, on obéit parfois à la loi seul contre tous ou l'amour s'en va contre le monde, mais l'amour impossible qui nous concerne ici est celui de deux êtres, conscients de leur égo un peu trop suprême, qui reconnaissent en eux cette entrave qui ne saura les soumettre à un amour aveuglant...ils choisissent de planer sur la planète de Platon...

Pour un premier roman de Barbey, on lui pardonne sa jeunesse dans le style!
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L'Ensorcelée

« Je viens de relire ce livre qui m'a paru encore plus chef-d'oeuvre que la première fois. » - Charles Baudelaire.

Qu'importe si cette histoire est abracadabrantesque, cousue de fil blanc, de fil noir...

Plus que l'histoire elle-même, c'est la manière de la narration qui donne ici la force au texte. Car L'Ensorcelée est construit sous forme de récits enchâssés les uns aux autres et c'est ce qui m'a, me semble-t-il, tenu en haleine jusqu'au bout de l'histoire.

J'ai été séduit ici par l'art de Jules Barbey d'Aurevilly de nous conter une histoire, de la poser dans " son jus " ...

Venez, approchez, je vous emmène en Normandie dans la lande sauvage et secrète de la presqu'île du Cotentin, tout près de Lessay. Nous ne sommes pas très loin des paysages maritimes de la Bretagne et d'une idée du mystère qui habite certaines terres... C'est peut-être par une nuit comme celle-ci, ballotée par les vents, fouettée par les pluies venues de nulle part, qu'il faut aborder cette histoire. Nous sommes au milieu du XIXème siècle. Deux voyageurs font connaissance par hasard dans un cabaret, au Taureau rouge, « un cabaret d'assez mauvaise mine ». L'un, le narrateur, qui se rend à Coutances s'est égaré, l'autre qui s'appelle Maître Louis Tainnebouy connaît bien les lieux et se rend à une foire le lendemain. Pour raccourcir le trajet, ce dernier propose que tous deux traversent à cheval cette lande austère et désolée...

Lorsque la jument de l'un deux se met à boîter, ils décident de faire halte au milieu de cette nuit dont le silence est brusquement rompu par les neuf coups d'une cloche qui résonnent au loin. Maître Tainnebouy est alors troublé. Il croit reconnaître la cloche de Blanchelande. C'est comme si la lande s'ouvrait brusquement, entraînant nos deux voyageurs dans un passé presque révolu. Nous voilà d'emblée plongés en L'an VI de la République française. Maître Tainnebouy va alors se faire conteur d'une histoire totalement insolite, celle de cet étrange abbé de la Croix Jugan, ancien chouan dont s'était éprise d'une fatale passion Jeanne-Madeleine le Hardouay, née de Feuardent, déchue par son mariage au rang de roturière. Mais qui était cet ecclésiastique ? Mais qui était Jeanne le Hardouay ?

C'est un ancien chouan, un prêtre à la gueule cassée par des ennemis qui ont cru le tuer au moment de la chouannerie, on a déchiré son visage, il n'en a plus, il n'aurait pas dû survivre, il a survécu, il est devenu un être défiguré, orgueilleux et impassible, entièrement voué au service de deux causes, Dieu et la monarchie. Comment a-t-il pu inspirer alors un tel amour auprès de Jeanne le Hardouay ? C'est l'histoire d'un amour profondément tragique que nous narre ici Barbey d'Aurevilly.

Jeanne-Madeleine le Hardouay, née de Feuardant est une héroïne bien malgré elle. J'ai aimé cette femme....

Voici un récit qui convoque des personnages pittoresques, qui ressemblent trait pour trait au paysage du lieu. Des femmes, des hommes, des pierres, des croix, des églises, de la terre aussi, des bêtes à peine moins hostiles que les habitants de ce pays vis-à-vis de leur destin... Des pâtres qui traînent par-là, mécréants et qui vont jouer un rôle décisif dans le récit.

Comment ne pas songer alors à ces contes d'antan de la Bretagne profonde, comme ceux que me racontait ma grand-mère, m'évoquant par exemple le souvenir d'un exorcisme dont elle avait été témoin enfant dans son village natal ?

Comme ceux issus de la Légende de la mort, d'un certain Anatole le Braz... Comment ne pas songer un seul instant à ce récit de naufrageurs, à cette jeune femme noyée, échouée sur le rivage, qui portait une bague au doigt qu'un des pilleurs d'épaves trancha... Bien sûr, l'histoire ne s'arrêta pas là. Mais je m'égare...

C'est une histoire façonnée de ténèbres et de croyances, le théâtre d'enjeux qui semblent nous dépasser a priori.

L'écriture de Barbey d'Aurevilly est sans doute moins lisible aujourd'hui. Elle mérite d'être visitée pour sa langue d'une maîtrise impressionnante. C'est un plaisir de lire un texte classique aussi beau.

Mais que nous dit ce roman presque deux cents ans plus tard ? Que certaines croyances ont la vie dure... On ne croit plus au diable aujourd'hui, à la malédiction tracée de certaines destinées... Mais on croit à d'autres choses tout aussi irrationnelles, invraisemblables. On s'en étonne chaque jour.

Ici est peut-être dénoncée une manière de sceller déjà par avance le sort à quelqu'un qui ne vous ressemble pas.

La littérature classique a souvent cette magie de nous replonger dans nos existences actuelles.

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L'Ensorcelée

Après "Les Diaboliques" et avant "Une Vieille Maîtresse", "L'Ensorcelée" est probablement le roman le plus connu de Barbey. C'est en tous cas, au niveau de la construction narrative ainsi que pour l'utilisation du fantastique dans l'histoire, un roman pour ainsi dire parfait. S'ajoute à ces caractéristiques, et c'est la première fois, une dimensions historique, celle de la Chouannerie vendéenne, qui contribue à donner à cette "Ensorcelée" une épaisseur de trame qui nous confirme que l'écrivain s'est enfin trouvé et qui sait où il va.

Nous avons eu déjà l'occasion de le faire remarquer : Barbey d'Aurevilly est un conteur né. Il aime lorsque les récits s'enchâssent l'un dans l'autre, lorsqu'une voix succède à une autre, ce qui lui permet, comme dans "Une Vieille Maîtresse", de faire entendre au lecteur des points de vue différents, voire contradictoires, dans le but, non avoué mais évident, de l'inciter à trouver lui-même sa propre voie.

"L'Ensorcelée" débute ainsi par le récit d'un premier narrateur, en qui l'on discerne sans peine, même s'il s'efface pendant la plus grande partie du récit, le "maître du jeu" qui va bâtir en fait le roman et ordonner sa construction dans le sens voulu par l'auteur. Est-on obligé d'y voir Barbey ? Certainement moins qu'à l'habitude, le personnage n'ayant absolument pas les effets dandys qui sont propres à ses incarnations habituelles : Barbey n'intervient ici qu'à titre de créateur, un créateur hanté à l'époque par l'idée d'écrire plusieurs romans historiques à la Walter Scott, se déroulant au coeur de sa région natale, la Normandie. Nous sommes loin, très loin des salons parisiens et de leur élégante préciosité. L'écrivain va même jusqu'à utiliser ici toute une foule d'expressions pâtoisantes qui font d'ailleurs très "couleur locale" et comblent le lecteur tant elles sont toujours fort bien amenées.

A ce narrateur d'origine normande mais qui ne fait que passer dans son pays d'origine, se substitue très vite maître Louis Tainnebouy, riche fermier cotentinais avec qui il traverse de nuit une lande dotée d'une très mauvaise réputation (brigands et apparitions diverses, en gros), la lande de Lessay. C'est Tainnebouy qui, sa jument s'étant blessée au sabot, va, durant les heures de repos forcé qu'il passera sur la lande avec son compagnon, nous conter la mystérieuse histoire de l'abbé de la Croix-Jugan dont, pour son malheur, va tomber amoureuse Jeanne-Madelaine Le Hardouey, née de Feuardent - tout un programme. Pour son malheur disons-nous car la jeune femme est retrouvée un jour noyée dans un lavoir. Meurtre ou suicide ? On pencherait volontiers pour le dernier mais il y a à vrai dire tant de tensions, tant de bizarreries dans l'air ambiant, tant de commérages aussi sans oublier la foule de non-dits mais surtout de "trop-dits" et de sous-entendus, que le premier n'est peut-être pas à écarter tout-à-fait ...

Au lecteur de se faire son opinion. De même, lui faudra-t-il choisir entre le paranormal carrément malveillant et le pragmatisme le plus sûr de sa science s'il lui prend fantaisie de vouloir expliquer ces pâtres-bohémiens qui vont et viennent sur la lande, chassés de partout ou presque et maudissant solennellement à tour de bras quiconque leur porte tort - Madelaine, tout comme son époux, avait reçu cette malédiction - et surtout ce que Barbey voulut un temps donner comme titre à son roman, c'est-à-dire "la messe de l'Abbé de la Croix-Jugan", une messe spectrale, une messe qui célèbre plus la damnation d'une âme que sa rédemption, une messe qui se déroule dans un flamboiement rougeâtre des plus spectaculaires et à laquelle assista une nuit - troisième récit, celui-là indirect, qui apporte à "L'Ensorcelée" sa touche finale et somptueusement infernale - le malheureux Pierre Cloud, lequel avait été mêlé d'assez près à l'affaire des Le Hardouey.

Pierre Cloud, reconnaissons-le, ne s'endormait pas devant les bonnes chopines. Mais doit-on pour autant taxer ses dires de billevisées d'ivrogne ? ...

Barbey a passé tout son roman à nous préparer à cette fin. Il a fait monter crescendo en un premier temps le malaise simple, qui vous donne un petit frisson, mais sans plus, avant d'embrayer avec l'angoisse franche, qui vous glace les réflexes et le raisonnement, les deux marinant dans l'horreur, celle-là bien réelle (oh ! que c'est habile, cette réalité sauvage, impitoyable, gorgée de violence, qui a conduit un homme deux fois aux abîmes de la Mort avant de le ramener à la vie, changé à jamais - ou peut-être inchangé au contraire, ce qui se révèlerait bien pire ) puisqu'elle est due aux excès de la guerre civile, qui, en l'An VI de la République française, s'abat sur le destin de La Croix-Jugan, personnage aussi fascinant que rebutant. Non en raison de ses traits complètement défigurés mais plutôt parce qu'il semble que son âme - ou son esprit, là aussi, choisissez ce qui vous gêne le moins :evil: - ait été, dès le départ, marquée par le sceau du Mal. Un Mal au sens large, un Mal qu'on préfère ne pas avoir à définir, le Mal abstrait à l'état pur dont la puissance presse comme un citron quiconque se laisse séduire par lui avant de le rejeter en le vouant au suicide ... ou au crime. L'abbé de la Croix-Jugan, qui parle si peu, est en lui-même - et restera - un mystère car Barbey ne lui donne jamais l'occasion de nous exprimer son point de vue : le faire eût sans aucun doute privé le personnage des trois-quarts de, sinon de toute, son authenticité.

Fait exceptionnel, ce "Méchant" - le plus achevé de son auteur - qui tient pourtant du bon vieux mélodrame par bien des points dont son impassibilité de surhomme avant l'heure, ne nous paraît jamais outrancier ou incroyable, et certainement pas ridicule. Plus on s'enfonce dans le roman, plus La Croix-Jugan nous fait peur. Même si l'on ne sait absolument pas où il est allé ni ce qu'il a réellement fait ou pas, l'orgueil luciférien que nous lui découvrons, constante de son caractère jusque sous les baïonnettes des Bleus, nous assure qu'il est allé trop loin et qu'il a fait beaucoup trop. On a de lui l'image d'un être quasi mutique, plein de mépris et de hauteur, homme du monde encore quand il se retrouve parmi les aristocrates du temps jadis, mais c'est avant tout un "maudit" de très grande classe et l'un des meilleurs en ce genre qu'ait jamais produit la littérature française et même mondiale. Un maudit à la Barbey d'Aurevilly, c'est-à-dire un mélange de romantisme byronien et de matérialisme pur, un personnage qui, en bonne logique, ne devrait pas s'imposer avec une telle puissance au lecteur d'abord sans méfiance, puis de plus en plus hérissé et enfin sursautant à chaque bruit qu'il perçoit dans un coin de sa chambre. Oeuvre réaliste et cependant lyrique, roman historique et roman de terroir si l'on y tient, "L'Ensorcelée" est avant tout une époustouflante histoire de fantômes qui n'en sont pas et d'humains qui sont des fantômes. En cela réside toute l'insidieuse la magie de ce livre que je vous conseille de ne jamais lire après minuit. ;o)
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L'Ensorcelée

J'ai eu beaucoup de mal à terminer cette lecture. C'est pourtant un genre que j'apprécie, mais là, que ce soit l'histoire ou les personnages, rien ne m'a réellement touché.
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L'Ensorcelée

Un sombre prêtre mystique aux pratiques déviantes, occultes, dont la solitude et l'impassibilité alimente la méfiance des locaux.

De sournois bergers nomades mi-sorciers frappant de malédiction tous ceux qui oseraient les mépriser.

Un village moyen dominé par les nouveaux-riches sans moeurs et d'anciennes familles nobles délaissées et pourrissant dans la résignation et la nostalgie...

Tout ceci se déroule en basse Normandie, près des Landes de Lessay, des contrées désertiques et brumeuses propices à l'imagination.



La révolution a déraciné et appauvri bien des familles nobles. Jeanne Feuardent, qui en fait partie, s'est mariée par nécessité financière à un vulgaire spéculateur immobilier, indûment enrichi par l'acquisition de biens de l'église juste après la révolution.



Blessée par cette mésalliance, elle n'est pas la seule à conserver une rancoeur contre la révolution.



Un sombre prêtre, ancien chef des Chouans (contre-révolutionnaires de Bretagne et Basse Normandie), auto-défiguré après un suicide raté en pleine fuite lors d'un combat pour abréger ses souffrances, est sauvé par miracle en pleine forêt par une âme charitable. Tandis qu'il est soigné, se repose, encore inanimé, cinq bleus (soldats républicains) se ruent vers le prêtre et lui arrachent les bandelettes-pansements qu'il avait sur la tête et lui fourent des braises ardentes sur sa chair encore vive.



Le prêtre ne mourut pas de cette effroyable torture et lorsqu'on rouvrit les églises, on le vit errer dans l'église enveloppé dans un capuchon noir.



Jeanne, qui, d'ordinaire est vive et téméraire, est prise par une fascination morbide et terrifiante pour ce prêtre. Obsédée désormais par lui, son cas est aggravé par un sort que lui jette un berger mystique et nomade qui voue une haine à tous ceux qui le méprise au point de les maudire.



Désirant fouiller les plus profondes énigmes du prêtre obscur, elle se rapproche de Clotilde, dit La Clotte, une ancienne courtisane de vieux châteaux féodaux entièrement disgraciée et répudiée par son époque contemporaine.

Celle-ci la met en garde à propos du passé sulfureux du prêtre tout en lui contant son combat héroïque sous l'égide des Chouans.

Le prêtre se souciait guère de ses fonctions et passait la plupart de son temps à fréquenter les salons de la haute noblesse, à se laisser désirer par des femmes sans jamais consentir à quoi que ce soit, les laissant souffrir pour lui...

En pleine révolution, son côté égocentrique et rebelle collait à merveille avec la stature d'un chef de contre-révolutionnaires... Hélas, toute résistance des Chouans était vouée à l'échec.



Effet du sortilège ou de sa propre admiration malsaine, Jeanne se laisse asservir par le prêtre. Ce dernier maintient de grandes ambitions occultes, il côtoie une comtesse et correspond avec de grandes familles nobles de la région. Jeanne lui sert d'ambassadrice dévouée.

On laisse sous-entendre dans le roman qu'il conspire en permanence pour restaurer la monarchie comme l'avaient voulu les Chouans, et cela bien après la "Chouannerie" période de guerre civile des Chouans. Cependant, une fois son dernier espoir avorté, il rejette Jeanne avec mépris et reprend son isolement taciturne.



Dévorée de passions et abîmée de honte, Jeanne se précipite au suicide.



Lors de son enterrement, la foule ensauvagée se venge sur la Clotte qui est lapidée et trainée dans la boue et qui décède dans une lente agonie. le petit peuple s'agite dans les rumeurs, fait le lien avec le prêtre, pense aussi au mari de Jeanne qui a disparu depuis de nombreuses semaines… Mais rien, ni même la Clotte tuée injustement par barbarie, ne pourra éclairer les raisons de ce suicide aux yeux des locaux.



Le mari de Jeanne a lui aussi été maudit par les bergers, il avait compris trop tard la malédiction de Jeanne, et, dans un mouvement de désespoir s'est évaporé dans les Landes où il préparera avec patience sa vengeance envers le prêtre.

Une bonne année plus tard, lors des fêtes de Pâques pour lesquelles le prêtre donne une cérémonie, il est fusillé par le mari de Jeanne qui prend aussitôt la fuite.



Alors que tout le monde pensait que le prêtre était définitivement mort, il semble réapparaitre lors de certaines messes nocturnes à minuit avec 9 sons de cloches qui lui est caractéristique. Seul dans l'église d'une clarté rouge, on peut l'apercevoir faire sa messe infernale, dans les tortures du désespoir et des invocations terribles à un Dieu irrité qui ne l'écoute pas...



C'est un roman qui nourrit l'imagination et qui laisse plein de suppositions. On explique peu finalement les raisons de l'affection de Jeanne pour ce prêtre, est-ce le simple coup du sortilège ? Ou est-ce l'admiration de Jeanne pour ce prêtre-soldat qui a tout bravé pour défendre sa cause, le retour à la stabilité de la monarchie, elle qui conserve également cette mélancolie des familles nobles avant la révolution ? On aurait aimé apprendre davantage sur la relation entre Jeanne et le prêtre où l'auteur donne peu de détails, peu de dialogues, avant ce suicide qui apparait un peu trop soudainement. Pareil pour la mari de Jeanne, qu'est-il devenu après avoir assassiné le prêtre après tant d'années de vagabondage ? Lui qui était si riche, si confortablement installé, qu'a t-il fait depuis ? Et puis cette conspiration du prêtre, en quoi cela consistait très exactement ? Quels étaient les moyens employés ? On doit deviner à peu près tout mais ce n'est pas désagréable.



C'est un peu au lecteur de compléter l'auteur. Il nous offre un luxe de détails sur chaque personnage, leur enfance, famille, moeurs… Puis c'est à nous d'éclairer le présent et l'avenir avec ce qu'il donne.

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L'Ensorcelée

L'une des meilleures façons d'entrer dans l'œuvre de Barbey d'Aurevilly, qui permet de cerner facilement le rapport torturé que consiste l'amour, à la limite de l'hubris antique et de la perversion satanique : l'amour détourne l'Homme de Dieu en lui proposant une autre idole, bien imparfaite et destructrice, l'Autre.
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L'Ensorcelée

"L'ensorcelée" débute comme ces histoires à murmurer dans la pénombre, de préférence en des lieux isolés, et réputés maléfiques...



Presqu'île du Cotentin, première moité du XIXème siècle...

Ce pays de vallées fertiles et d'herbages verdoyants qu'est la Normandie compte aussi des espaces nus et stériles, "où l'homme passe et où rien ne vient, sinon une herbe rare et quelques bruyères, bientôt desséchées".

La lande de Lessay est un de ces paysages arides et désolés, idéal pour détrousser un voyageur.



Il y a de cela quelques années, de retour de Coutances, le narrateur voyageait dans ces parages. Devant traverser la fameuse lande, il trouva pour l'accompagner un fermier du cru, maître Tainnebouy. Lors d'une halte froide et nocturne nécessitée par la blessure d'une de leurs montures, les deux compères entendirent le son, inattendu et inexpliqué en un tel endroit, d'une cloche. L'occasion pour maître Tainnebouy d'évoquer la figure légendaire de l'abbé Jéhoël de La Croix-Jugan, ancien moine de l'abbaye de Blanchelande, sise aux abords de Lessay, qui comptait autrefois de puissants chanoines, dorénavant à l'abandon.



Dernier-né de fratrie, et donc destiné à la prêtrise, l'abbé de la Croix-Jugan délaissa dans sa jeunesse les obligations de son état, pour mener au sein de la chouannerie vendéenne le combat contre les "bleus" républicains. Il s'en fut de peu qu'il y laisse la vie, et dut faire le deuil de sa séduisante physionomie. C'est atrocement défiguré par l'ennemi qu'il réintégra les ordres. Opposant au monde une distance hautaine et silencieuse, et le mystère de son abominable figure abritée sous un capuchon, l'abbé suscita à la fois répulsion et fascination, d'aucuns l'assimilant à une apparition quasi diabolique.



Jeanne de Feuardent, issue d'une famille aristocratique mais orpheline, était l'épouse d'un paysan nouvellement enrichi aux rustres manières. Connue pour son éternelle bonne humeur, sa droiture et sa discrétion, elle succomba pourtant, à s'en rendre malade, au charme étrange mais puissant de cet homme qui ne semblait s'intéresser à personne...



A l'instar de son charismatique personnage central, "L'ensorcelée" est un roman fascinant, qui envoûte et oppresse à la fois. Barbey d'Aurevilly fait planer sur son intrigue tout le magnétisme d'un héros dont on entend à peine le son de la voix, et dont les apparitions restent finalement sporadiques. Par un subtil jeu de suggestions, et en faisant porter son récit par la voix de tiers qui évoquent les événements à travers le prisme de leurs souvenirs, ou dont ils ont eu connaissance eux-mêmes par le vent de la rumeur, Barbey d'Aurevilly élabore sans doute l'une des figures les plus marquantes de la littérature. Le cadre de l'intrigue, terre de superstitions, où planent encore les rancœurs et les haines avivées par les affrontements révolutionnaires, se prête par ailleurs à merveille à l'atmosphère qu'a voulu rendre l'auteur.



La dimension maléfique et surnaturelle de son histoire prend une ampleur croissante qui tient en haleine jusqu'à une conclusion qui imprègnent le lecteur de relents d'angoisse prégnante.



A lire, évidemment !
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L'Ensorcelée

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L'Ensorcelée

Lorsque le récit commence, un voyageur à cheval arrive à l’auberge du taureau rouge, à l’orée de la lande de Lessay, dans le Cotentin. Il y rencontre un fermier, maître Tainnebouy, qui accepte de le guider à travers la lande. Au cours de leur périple, le fermier se met à raconter à son compagnon l’histoire de l’abbé de la Croix-Jugan.

Cet abbé fut naguère un chouan qui, suite à une défaite face aux républicains près de St Lô, décida de se suicider. Recueilli et soigné par une vieille femme, il survécut mais les républicains le retrouvèrent et le défigurèrent de façon abominable. Après-guerre, on le vit réapparaître aux vêpres de l’église de Blanchelande, enveloppé dans un capuchon noir. Le chouan, devenu prêtre, fascina la belle Jeanne de Feuardent, femme d’un riche propriétaire terrien. Succombant à un attrait incontrôlable pour cet homme à l’horrible figure, Jeanne devint l’ensorcelée, celle dont la mort engendra les pires tragédies...



La découverte de l’univers de Barbey d’Aurevilly fut un vrai choc. Étrange, inquiétant, sauvage, son récit sans concession exacerbe la violence des passions amoureuses. A l’évidence, le bonhomme entretenait une fascination pour le sacrilège, l’horrible (le visage du prêtre) et les forces occultes (les bergers errant sur la lande aux pouvoirs de sorciers). La lisière du fantastique est aussi par moment allègrement franchie, notamment lors de l’épisode du miroir. L’écriture est à la fois précise, expressive et tout en tension. Il y a bien quelques longueurs mais les événements marquants sont si nombreux qu’à chaque fois que le propos semble s’enliser, l’intérêt du lecteur est relancé par un coup de théâtre. La violence est omniprésente et s’accompagne d’un refus de toute morale. Une forme d’outrance et d’insolence propre au dandysme qui sonne comme un défi adressé au bon goût. Et que dire des personnages : point de tiédeur ou de demi-mesure. Du prêtre à Jeanne en passant par le mari trompé, les sorciers et même la Clotte, vieille femme paralytique qui sera lynchée sur la place publique, tous sont animés d’une force de conviction absolument remarquable et représentent des figures marquantes qu’il est difficile d’oublier.



Je suis sacrément content d’avoir plongé sans retenu dans ce bouillonnement des passions saupoudré d’un zeste de surnaturel où la morale n’a pas sa place. La violence de l’écriture de Barbey, surprenante et sulfureuse, m’a, je dois l’avouer, ensorcelé au point que j’ai hâte de poursuivre la découverte de son œuvre avec le recueil de nouvelles Les diaboliques (tout un programme !).


Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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L'Ensorcelée

Ce livre m'a énormément plu au début, au milieu aussi ...la fin fut un peu laborieuse.

En ce début de XIXe siècle, le narrateur se rend en Normandie. A la nuit tombée, dans le brouillard sur la lande déserte, il finit par rencontrer un homme, Maître Tainnebouy, avec qui il est content de faire un bout de chemin, les routes étant peu sûres. Ils vont tranquillement dans la lande de Lessay dans le Cotentin, botte à botte, chacun sur leur cheval jusqu'à ce que la jument grise se blesse. Commence alors dans la lande déserte une promenade étrange et fantastique où les deux hommes entendent alors neuf coups étranges. Maître Tainnebouy commence à raconter une histoire elle aussi très étrange.

L'histoire que raconte Maître Tainnebouy remonte à une dizaine d'années peut-être un peu plus ....c'est l'histoire de Jeanne, qui en l'an VI après la révolution française, rencontre un homme, l'abbé de la Croix de Jugan. A moitié roturière par sa mère et à moitié noble par son père, Jeanne est (mal) mariée à un homme de mauvaise réputation (il a racheté à bas prix les biens des exilés de la Révolution).

L'abbé de la Croix Jugan est quant à lui un ancien Chouan : Il est défiguré.... mais l'attirance qu'elle ressent pour lui est très forte.

Alors l'auteur nous raconte la lente déchéance de cette ensorcelée. Clotilde, une vieille femme essaie de lui venir en aide. Entre l'indifférence du curé tout à son idéal de Chaouan, un mari jaloux, Jeanne-Madelaine se débat contre la passion, se faisant manipuler par ce curé mystérieux.



J'avoue avoir un peu décroché à la fin : fatigue ou alors manque d'intérêt suite à la disparition de notre ensorcelée, qui elle m'a beaucoup intéressée ?



En conclusion : une lecture exigeante, un français à la fois relevé et des passages avec des mots de patois normand, un arrière plan historique intéressant..... Et quels portraits de personnages.....
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L'Ensorcelée

Déjà, pour commencer, il est clair que si je n'avais pas eu à lire ce livre dans le cadre de mes études, je ne me serais jamais intéressée à ce roman. Pourtant, j'ai passé un bon moment.

Comme souvent avec les livres d'écoles, on a qu'une hâte le terminer mais une fois terminée, je me suis rendue compte qu'il m'avait plu et qu'il n'était en fin de compte, pas si mal.



Tout d'abord, il est question d'un narrateur (dont on ne connaît pas le nom) qui souhaite se rendre à la Lande de Lessay. Louis de Tainnebouy, qu'il va rencontrer accepte de lui montrer le chemin et part avec lui, sur leurs chevals. Ils vont se retrouver coincé dans un bois et là, les cloches vont sonner. Louis de Tainnebouy va alors conter l'histoire de Jeanne et de l'Abbé de la Croix-Jugan. Une terrible histoire car Jeanne va tomber amoureuse de l'Abbé. Puis, nous sommes aussi en pleine guerre des chouans.. donc au passage : multiples tortures, meurtres avec aussi une part de superstitions.



Il va, par la suite, se passer deux faits marquants qui rend la lecture plus palpitante. On y retrouve une part de mystère comme dans un roman policier. Je ne vous en dis pas plus pour ne pas vous cacher l'effet de surprise. Un indice : le premier titre pour ce livre avait été "La messe de l'Abbé de la Croix-Jugan". Que va t'il se passer pendant une certaine messe ?



En bref, malgré quelques passages qui ne sont pas simples, c'est un roman intéressant qui ne vous fait pas passer un moment désagréable.
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L'Ensorcelée

Jules Amédée Barbey d'Aurevilly (1808-1889) est un écrivain français qui a contribué à animer la vie littéraire française de la seconde moitié du XIXème siècle. Il a été à la fois romancier, nouvelliste, essayiste, poète, critique littéraire, journaliste, dandy et polémiste. Un temps républicain et démocrate, Barbey finit par adhérer à un monarchisme intransigeant, méprisant les évolutions et les valeurs d’un siècle bourgeois. Il revient au catholicisme vers 1846 et se fait le défenseur acharné de l’ultramontanisme et de l’absolutisme. Ses choix idéologiques nourriront une œuvre littéraire, d’une grande originalité, imprégnée de sa foi catholique et marquée par la question du mal et du péché.

L’Ensorcelée ou La Messe de la Croix-Jugan est un roman datant de 1854. Roman historique, fantastique et passionnel. Roman historique car sa toile de fond est la Chouannerie, cette guerre civile qui opposa Républicains et Royalistes dans l'ouest de la France, de la Bretagne à la Normandie, lors de la Révolution française, entre 1792 et 1800. Roman légèrement fantastique parce que dans toutes les provinces françaises, récits et légendes locales en font mention, ici il s’agira d’un berger jeteur de sorts. Enfin roman passionnel, quand l’amour mène à la folie, la mort n’est jamais loin.

Dans le Cotentin, près de Coutances. A la tombée de la nuit, le narrateur, très certainement Barbey d’Aurevilly, traverse la lande de Lessay à la sinistre réputation, en compagnie de maître Tainnebouy, herbager et fermier qui connait bien les lieux. Quand au cœur de la nuit, une cloche lugubre retentit, le fermier en donne la sinistre explication à son compagnon et le récit de débuter réellement.

J’en résume très brièvement les grandes lignes : l’abbé Jéhoël de la Croix-Jugan s’était engagé avec les Chouans mais après une terrible bataille perdue, croyant sa cause perdue, il tente de se suicider en se tirant une balle de fusil dans le visage mais il survit et en conservera d’horribles blessures à la face.

Quelques années plus tard, l’ancien moine réapparait et sa personnalité étrange intrigue Jeanne Le Hardouey. Fille d’un notable ayant perdu sa fortune, elle a épousé par devoir Thomas le Hardouey un nouveau riche. Attirée irrésistiblement par le prêtre, elle lui sert de messager pour contacter les rebelles Chouans par amour. Un amour non partagé qui la poussera à recourir à la sorcellerie pour s’attirer en vain ses bonnes grâces. Le drame entre piste, la belle est retrouvée noyée dans un lavoir et l’abbé est assassiné en pleine messe pendant la consécration le jour de Pâques ! Depuis, selon des témoins, le prêtre célèbrerait toutes les nuits cette messe inachevée à jamais et la cloche qui tinte en serait le signal…

Un bon roman pour se replonger dans ces textes anciens avec leurs qualités et leurs défauts (pour un lecteur d’aujourd’hui). De l’action, du mystère, on peut frémir si on se pousse un peu, et toujours ce décalage temporel nous permettant de comparer les ressorts psychologiques entre hier et maintenant. Roman très Normand comme le voulait l’auteur, termes du patois local ou tournures de phrases nous immergent dans le bocage. Inutile d’aller loin pour trouver de l’exotisme !

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