AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Julian Barnes (533)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Elizabeth Finch

Quand je décide de me garder le dernier Julian Barnes pour les frimas, comme on se garde un bonbon pour la note gourmande je suis sûre de mon coup. Finesse, élégance, profondeur et intelligence. Sans oublier la petite touche d'humour. Cocktail garanti, les ingrédients changent mais pas la manière. Lire Julian Barnes c'est autant un plaisir qu'un enrichissement de l'esprit. Le seul risque à tenter d'en parler est de se sentir bien moins intelligent que lui.



Dans ce dernier opus, il met en scène la relation et la fascination intellectuelle d'un ancien élève pour sa professeure, Elizabeth Finch au sein d'un cursus pour adultes. Neil a déjà une trentaine d'années et un parcours professionnel décousu lorsqu'il suit ce cours intitulé "Culture et Civilisation". Elizabeth Finch est un professeur iconoclaste qui s'attache surtout à ouvrir l'esprit de ses étudiants en les incitant à questionner et à explorer les différentes facettes des vérités historiques pour mieux tenter d'appréhender le monde. A se méfier du préfixe "mono" par exemple ou à se souvenir d’Épictète pour ce qui dépend ou ne dépend pas de nous. Avec parfois des références étonnantes comme lorsqu'elle invite à lire Hitler. Captivé, Neil continuera à déjeuner avec elle deux ou trois fois par an bien après la fin de son enseignement, tentant de percer l'aura de mystère qui entoure cette femme solitaire, au caractère affirmé mais secret. A sa mort, il héritera de ses livres et de ses papiers dont beaucoup de notes autour de Julien l'Apostat, et se fera fort de marcher dans ses traces sans trop savoir ce qu'il cherche.



Encore une fois, Julian Barnes nous offre un texte hybride qui joue avec les notions de réalité historique et de fiction en interrogeant la fabrication des récits. C'est un thème qui revient très souvent chez lui, tout comme celui des traces que nous laissons et la façon dont on se souvient de nous. Le plaisir du cheminement est nourri d'emprunts philosophiques et historiques ainsi que de l'étude du personnage de l'empereur romain Julien l'Apostat, prétexte à s'interroger sur la façon dont l'histoire se serait écrite si sa préférence pour les religions polythéistes avait empêché l'emprise du christianisme. "Il faut toujours garder à l'esprit ce qui aurait pu arriver, autant que ce qui s'est produit" professait Elizabeth Finch, ne pas oublier que l'Histoire est écrite du point de vue des vainqueurs. 



En fait ce genre de lecture ne se raconte pas, elle agit comme une potion revigorante pour l'esprit, ingurgitée avec le sourire en compagnie du plus charmant guide qui soit.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          132
England, England

Quelle idée géniale, n'est-ce pas de créer un immense parc de loisirs, destiné, bien sûr, à une élite internationale, n'hésitant pas à délier sa bourse, afin de faire connaître les trésors et la culture de l'Angleterre !

Ce parc, installé sur l'île de Wight, renommée tout simplement l'Île, va dérouler sous le regard émerveillé des visiteurs la grandiose épopée anglaise de la bataille de Hastings en 1066 à celle d'Angleterre en 1940, en passant bien entendu par les grandes figures de son histoire, à commencer celle de Robin des Bois, l'incontournable héros, le brigand au grand coeur, défenseur du pauvre et de l'opprimé, sans oublier sa Royale Majesté, évidemment, sans qui, l'Angleterre ne serait pas ce qu'elle est !

Stupéfiant, is'nt it ?

Stupéfiant, c'est la façon dont Julian Barnes va nous conter la chose et nous présenter la genèse de ce Kolossal Projet, mis en oeuvre par Sir Jack et ses conseillers "l'Historien officiel, sa stupide petite moustache, sa chaîne de gousset de gandin efféminé, son gilet de branleur télévisuel, ses manchettes prétentieuses." qui "lui, devait lever la tête pour regarder Jeff, ses épaules bovines, sa figure chevaline, sa crinière d'âne, ses yeux luisants de mouton."



Stupéfiant de cynisme surtout, la galerie de personnages que l'auteur fait défiler dans cette gouleyante histoire avec une verve extrêmement vacharde, où la nature humaine, mise à nu sans complaisance, renvoie le lecteur à ce qu'elle a de plus dégradant.

On rit, oui, mais on rit jaune, tant le propos démonte avec férocité les mécanismes de la psyché humaine.

En outre, que va devenir l'Angleterre (la vraie) dans tout cela ?

That is the question !

Commenter  J’apprécie          133
La seule histoire

Un roman consacré à la passion amoureuse façon Gabrielle Russier dans le film Mourir d’aimer, du moins au début. Raymond Radiguet dans le Diable au corps a aussi écrit sur l’histoire d’un jeune homme amoureux d’une femme mûre. Plus loin encore dans le temps, relire Stendhal dans le Rouge et le Noir dans sa première partie, où la forte attirance entre Mme de Rênal et Julien Sorel faisait aussi tout le charme du récit. En fait, une liaison hors normes inspire beaucoup ces messieurs les écrivains même par-delà le Channel.

Ici, en vacances chez ses parents, Paul - dix-neuf ans - joue pour se désennuyer avec Mrs Susan Macleod au tennis. Cette femme mûre d’environ la quarantaine bien sonnée l’inspire et devient rapidement sa maîtresse. On assiste à la montée de la passion puis à sa lente dégradation jusqu’au final, assez triste. Tout cela pour dire que le premier amour d’un ado le marque pour la vie.

C’est bien écrit avec sa petite touche d’humour anglo-saxon. Ainsi quand « quelques semaines plus tard, elle vous tend deux ou trois feuilles de papier. « Ne lis pas ça devant moi. » Vous vous éloignez et, dès la première phrase lue, votre optimisme s’évapore. Elle a transformé sa vie, et son mariage, en une courte histoire comique, qui vous semble tirée de quelque écrit de l’humoriste américain James Thurber. C’est peut-être le cas. L’histoire d’un homme en costume trois-pièces, appelé Mr Elephant Pants, qui chaque soir va au pub – ou au bar de la gare de Manhattan - et rentre chez lui dans un état qui inquiète fort sa femme et ses enfants. Il renverse le portemanteau, frappe du pied les pots de fleurs, crie après le chien, provoquant un sentiment de Grande Alarme et d’Abattement, et n’arrête son tapage que lorsqu’il finit par s’endormir sur le canapé et ronfle à en faire tomber les tuiles du toit » (page 135).

Elle parle de l’alcoolisme de son époux mais lui, son jeune amant, parle de son état d’ébriété avancé et à vingt-cinq ans, il se trouve démuni face à une telle situation. Avec humour, il remarque qu’il n’y a pas d’articles dans la presse intitulés : « Comment s’y prendre avec son amante alcoolique d’âge mûr ». Il doit se débrouiller seul et finalement il jette l’éponge. Je pense que la situation décrite est très réaliste et que l’écrivain a bien su nous la faire comprendre. Mourir d’aimer ! Qu’on aime ou pas ce roman, c’est une question de goût mais difficile de reprocher à cet auteur d’être aussi près de la réalité entre deux êtres qui s'aiment et se détestent tout à la fois.



Commenter  J’apprécie          130
Le fracas du temps

Non, ceci n'est pas un roman, pas non plus vraiment une biographie de Chostakovitch, puisque Julian Barnes a pris le parti de mettre en avant trois temps forts de l'existence du compositeur, marqués par la peur, la honte et la couardise, ce qui lui enlève le respect de soi et imprime en lui, à tort ou à raison, la conscience de sa lâcheté.



"Il avait aussi appris des choses sur la destruction de l'âme humaine.... Une âme pouvait être détruite d'une de ces trois manières : par ce que les autres vous faisaient ; par ce que les autres vous contraignaient à vous faire à vous-même ; et par ce que vous choisissiez volontairement de vous faire à vous-même. Chaque méthode était suffisante, mais, si les trois étaient présentes, le résultat était imparable." p 227



En fait, et Julian Barnes le rend magnifiquement, l'existence de Dimitri Chostakovitch est tout entière plombée par l'aura maléfique du "petit père des peuples", le tyran sanguinaire Staline, que ce soit avant et également après sa mort, puisque même disparu, certains de ses séides ont continué d'entretenir l'état d'esprit en vigueur sous le régime stalinien.



Le principal propos de l'auteur est donc bien de montrer l'horreur et la déshumanisation de l'existence quotidienne sous l'impitoyable férule du régime soviétique, ceci illustré par les aléas de la vie du compositeur. Et Julian Barnes de réussir sa démonstration avec brio, en utilisant pour ce faire et de façon éclatée différents moments de la vie du compositeur.



Encensé au début de sa carrière, Chostakovitch connaît ses premiers déboires avec son opéra malédiction "lady Macbeth de Mzensk" sur lequel La Pravda titra "du fatras en guise de musique" écrivant que cette musique "cancanait et grognait". En effet le dieu Staline, de la loge gouvernementale, mal située juste au dessus des percussions qui jouaient fortissimo, avait été incommodé au point de quitter la représentation bien avant la fin.

Nikita Kroutchev, quant à lui, n'hésita pas à comparer la musique de Chostakovitch "à des croassements de corbeaux".



Dès lors, on ne peut qu'être admiratif de cet homme, qui malgré les tracasseries et les avanies qu'il a dû subir, assorties de la peur d'être arrêté, envoyé en camp, ou pire encore, a pu et su exprimer l'étendue de son talent.

"Qu'est-ce qui pourrait être opposé au fracas du temps ? Seulement cette musique qui est en nous - la musique de notre être- qui est transformée par certains en vraie musique. Laquelle, au fil des ans, si elle est assez forte et vraie et pure pour recouvrir le fracas du temps, devient le murmure de l'Histoire" p 172



L'auteur, hélas ne s'étend pas suffisamment, sur le travail de composition du musicien, parfois obligé d'écrire de la musique de circonstance sur commande et sans envie, de la mauvaise musique pour de mauvais films, selon son avis.



On reste donc cruellement sur sa faim et on se demande comment Chostakovitch a pu surmonter tous ses déboires et réussir à composer, outre les concertos et la musique de chambre, les 15 chefs d'oeuvre symphoniques qu'il a offert à la postérité dont plusieurs touchent au sublime et figurent au panthéon de l'art musical.

Ceci hélas reste un mystère à la lecture de cet ouvrage et c'est vraiment dommage !



"l'art appartient au peuple" disait Lénine. N'appartient-il pas plutôt à ceux capables de le produire et à ceux qui l'aiment ?



Commenter  J’apprécie          133
Une fille, qui danse

Un livre que j'ai voulu lire, car il devait aborder les thèmes du temps qui passe, du poids du passé, de la vieillesse, de la vie en général.... chose que j'ai peu trouvée. Du moins, que j'aurais voulu beaucoup plus creusé.



Mon avis est donc très très mitigé pour ce livre (le premier que je lis de Julian Barnes), qui a reçu de nombreuses critiques élogieuses (ont-ils lu le même livre que moi ??!!!) et que je n'ai peut-être pas compris (la fin reste pour moi un brouillard : soit je l'ai compris et je fus peu surpris soit je ne l'ai pas compris et la faute en revient à l'auteur et à moi-même). Je vais arrêter avec les parenthèses, mais c'est ce que vous retrouverez dans ce livre, donc préparez-vous. ;)



J'avais l'impression, avant de le lire, que ce livre était une sorte de polar tout en apportant une réflexion philosophique sur le temps et ses blessures. En le terminant, j'ai encore plus de mal à le situer.



Le suicide est omniprésent, la douleur aussi ainsi que l'oubli, puis les souvenirs qui reviennent.



Il y a des phrases qui font réfléchir et rappellent des choses vécues. J'ai aimé les lire, mais voilà tout.



La première partie est intéressante, car elle pose le cadre de l'histoire. La seconde partie...est particulièrement introspective : Tony (le personnage principal de l'histoire. AHHHH désolé je recommence) se pose des questions, à des remords, de l'amertume et s'amène à se remémorer son passé, du moins ce qu'il pense avoir vécu. En faisant ça, il se fait du mal, mais Tony, retraité n'a finalement que ça à faire. Du mois, il ne veut faire que ça.

De là viennent les questions intéressantes du roman, qui sont de savoir si nos souvenirs sont vraiment les nôtres et si nous avons vraiment vécu les événements comme on le dit, comme on le pense ? Aussi, l’auteur nous rappelle que nos perceptions de la réalité sont très différentes, les unes des autres : que cette même réalité et perçue, vue et vécue différemment selon notre histoire et notre environnement. Il aborde des observations intéressantes, mais peu enrichies. Il reste sur la face visible de l’iceberg sans aller véritablement creuser. J'en reste sur ma faim concernant ce livre, et sur cette fin ! Pourtant j'en ai lu des romans introspectifs qui apportaient une véritable critique et des observations sur notre monde, et ils m'ont plu. Là ce ne fut pas le cas.



Tony semble perdu. Tony est perdu. Finalement, Tony n'a pas fait les bons choix et eu les bonnes réactions au moment voulu. Mais là encore, nos actions et sentiments découlent d'un temps et d'un contexte, et ces derniers sont amenés à changer, du moins ils peuvent être amenés à évoluer, chemin faisant. C'est toute l'histoire de ce livre.



Un roman mélancolique très vite lu (peu de pages et pourtant ce fut long) et, je pense, qui sera vite oublié (mise à part cette fin qui m'a semblait sortir de nulle part). ((Encore des parenthèses...)).



Enfin, cet avis n'est que le mien, mais est aussi celui d'un lecteur. Donc, ne soyez pas déçu ou au contraire agréablement surprit lorsque vous refermerez ce livre ;) Chacun ses goûts :)







Commenter  J’apprécie          132
Quand tout est déjà arrivé

Trois récits, trois points de vue pour une interrogation universelle : quelle est notre place dans l'univers ? C'est en tout cas comme ça que j'interprète ce recueil par l'intermédiaire duquel Julian Barnes s'attache à trouver un sens, par l'élévation de la pensée, à ce qui n'en a pas. La vie, la mort. En l’occurrence, ici celle de sa femme, sa compagne pendant trente ans, décédée en 2008 après une maladie à la progression fulgurante.



Le premier récit, Le péché d'élévation, nous entraîne à la suite des pionniers aéronautes et surtout de Nadar, qui eut le premier l'idée de la photographie aérienne et l'expérimenta lors de nombreux vols en ballons. L'humour de Julian Barnes est ici au service de personnages iconoclastes, passionnés, enthousiastes et déterminés à accomplir le rêve de chaque pauvre créature terrestre : s'élever et regarder le monde d'en haut. Le second récit, A hauteur d'homme met l'accent sur ce qui est pour certains l'un des moyens de s'élever : l'amour. L'histoire très amusante des amours entre Sarah Bernhardt (qui fut d'ailleurs photographiée par Nadar, rien n'est innocent ici) et Fred Burnaby, un militaire anglais également féru d'aéronefs sert de prétexte à l'auteur pour quelques réflexions sur ce qui pousse l'humain à rechercher l'amour alors que "chaque histoire d'amour est une histoire de chagrin potentielle. Sinon sur le moment, alors plus tard". Ce qui nous amène au troisième récit, certainement celui pour lequel ce recueil a été construit, La perte de profondeur. Ou la sensation de s'écraser au sol lorsque l'amour qui nous avait permis l'élévation nous est brusquement retiré. Outre le difficile travail de deuil, Julian Barnes interroge sur le chagrin, la solitude, l'impossible perception par autrui - fut-il proche - du terrible manque de l'être avec lequel on partageait une sorte de bulle plus légère que l'air qui permettait l'élévation.



Avec ces trois textes, l'auteur offre une réflexion à la fois profonde et émouvante, mais toujours teintée de la pointe d'ironie qui est sa marque de fabrique. Ecrit en 2012, soit quatre ans après le décès de son épouse, il contient tous les ingrédients qui ont contribué au cheminement de la pensée de l'homme devenu subitement veuf et contraint de poursuivre seul.



Bien plus qu'un témoignage, une offrande précieuse.



"Vous réunissez deux êtres qui n'ont encore jamais été mis ensemble.(...) parfois cela marche et quelque chose de nouveau est créé, et le monde est changé. Puis, à un moment ou un autre, tôt ou tard, pour telle ou telle raison, l'un des deux est emporté. Et ce qui est retiré est plus grand que la somme de ce qui était réuni."
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          132
A jamais

C’est la couverture de ce Folio 2 euros qui a – évidemment – attiré mon oeil en librairie. Lecture de circonstance et occasion de vérifier si je m’adapte à Julian Barnes (sur les conseils d’une amie, j’ai lu il y a très longtemps Le perroquet de Flaubert et – désolée pour les fans – je me souviens d’un sentiment d’incompréhension et d’ennui…). Les trois nouvelles rassemblées ici, extraites du recueil Outre-Manche me permettaient donc une expérience courte.



Dans Expérience, le narrateur est le neveu d’un vieil homme qui raconte sans cesse, et dans des versions différentes, sa visite à Paris et sa rencontre avec les poètes surréalistes qui lui ont proposé une expérience sexuelle pour vérifier si un Anglais peut distinguer à l’aveugle la différence entre une femme française et une anglaise. Bon, les conversations entre l’oncle Freddy et le neveu sont racontées avec ironie et la fin de l’histoire l’est tout autant mais le sujet est pour le moins « daté à l’époque actuelle.



A jamais, qui donne son titre à ce livre, dresse l’histoire d’une vieille femme dont le frère a été tué en 1917 dans la Somme. Elle conserve toujours précieusement les cartes postales impersonnelles de l’armée sur lesquelles les soldats biffaient les mentions qui ne les concernaient pas – mais son frèe a osé écrire une mention personnelle sur le bord d’une des cartes. Chaque année elle fait le pèlerinage du souvenir dans la Somme, d’Albert à Amiens, elle préfère les petits cimetières du Commonwealth au Mémorial de Thiepval mais elle ne peut pas ne pas passer devant ce mastodonte où sont gravés les noms des soldats disparus sans sépulture. Vieille Anglaise un peu excentrique, son deuil n’est toujours pas achevé des dizaines d’années après la mort de son frère. Elle s’interroge avec justesse sur ce que deviendra la mémoire de tous ces soldats sacrifiés lors de la première guerre mondiale.



La dernière nouvelle, Ermitage, met en scène deux amies célibataires qui « dorment dans le même lit » lors de leurs voyages en France à la fin du 19è siècle. Elles finissent par racheter un château bordelais dont elle vont restaurer le vignoble. Florence apporte l’argent et se contente d’une vie agréable dans sa propriété. Elle lasse à Emily le soin de s’occuper et de bagarrer parfois avec le régisseur et les autres employés du domaine sur la manière de protéger les vignes des maladies et de créer un vin authentique. On est dans le Médoc et le moins que l’on puisse dire, c’est que Julian Barnes connaît parfaitement la région et les grands crus.



Trois nouvelles – surtout les deux dernières pour moi – agréables à découvrir avec leur charme anglais et leur douce ironie.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
Commenter  J’apprécie          120
Le fracas du temps

Je suis certainement partiale, ayant un faible pour la musique de Chostakovitch depuis que j'ai découvert dans ma jeunesse son Concerto pour piano, trompette et cordes. Plus tard, j'ai réalisé avec stupéfaction le côté plus sombre de sa musique et pris connaissance du drame de sa vie à travers le film Bruno Monsaingeon « Guennadi Rojdestvensky : profession chef d'orchestre ». Le livre de Julian Barnes est à mi-chemin entre le roman et le documentaire. On y trouve le détail digne des meilleurs biographes sans les longueurs inévitables inhérentes aux véritables ouvrages du genre. Dans le fracas du temps, on trouve surtout la sensibilité du romancier qui nous fait vivre avec le musicien les affres de l'angoisse, les tortures psychologiques que le pouvoir soviétique lui a imposées au fil de sa vie. On comprend très bien son remords de se sentir lâche et la nécessité de l'être pour pouvoir continuer à composer, la chose pour laquelle il avait le plus d'aptitudes et qui donnait un sens à sa vie en dépit de toutes les contraintes.

Ce livre décrit comment le parcours d'un artiste s'inscrit dans le contexte de l'Histoire. Je l'ai dévoré et me promets de revenir rapidement à son auteur que je connais peu. Je le recommande à tous, que vous soyez mélomanes ou pas, historien ou pas, spécialiste d'une chose ou d'une autre ou de rien du tout.
Commenter  J’apprécie          122
Arthur et George

Arthur, c’est Conan Doyle, né à Édimbourg, étudiant en médecine? puis médecin sans clientèle? qui devient le célébrissime auteur de Sherlock Holmes, auteur comblé, pair du royaume.



George est le fils d’un pasteur de la campagne anglaise, enfant solitaire, différent des fils de paysans, adolescent bouc émissaire des vauriens de sa campagne, juriste pointilleux accusé à tort d’un crime dont il ne peut se disculper. Ce n’est qu’après une centaine de pages qu’on apprend que le père de George, le pasteur, est Parsi et que la solitude et la persécution dont George et sa famille sont l’objet sont sans doute d’origine raciste.



Arthur prend la défense de George pour sa réhabilitation, utilisant les méthodes de son célèbre détective pour disculper George.

C’est un livre dense, une biographie de Conan Doyle passionnante, une description de la société victorienne très intéressante.




Lien : http://miriampanigel.blog.le..
Commenter  J’apprécie          120
England, England

L'auteur brillamment espiègle du Perroquet de Flaubert réussit un coup remarquable. Il a imaginé, avec son esprit coutumier, une Angleterre créée spécialement pour les touristes, située sur l'île de Wight et dotée de tous les éléments essentiels de l'anglicisme sous leur forme idéalisée : des Beefeaters, de simples gendarmes de campagne, des matchs de cricket de village, une tour de Londres judicieusement fournie avec un magasin Harrod's, des reproductions de Robin des bois et de sa bande, une bataille d'Angleterre menée par des Spitfire d'époque tous les jours, de nombreux pubs et, bien sûr, un palais de Buckingham miniature (le vrai roi et la vraie reine sont désormais des salariés et tenus d'assister aux cérémonies,si besoin).

C'est toute l'idée et la conception de Sir Jack Pitman, l'un de ces barons dont les romanciers anglais semblent si friands. L'héroïne Martha Cochrane (qui a été présentée de manière touchante dans un bref chapitre d'ouverture alors qu'elle était enfant) va travailler pour lui et monte bientôt dans son organisation.

Martha et son amant font chanter Sir Jack, qui est pris dans l'une de ces manigances sexuelles bizarres qui semblent ne plaire qu'aux Anglais, et prennent le contrôle de l'ersatz d'Angleterre. Ensuite, les rôles sont inversés, Martha est expulsée et le livre déambule dans une coda délicieusement poignante qui envisage une véritable Angleterre qui s'est en effet retirée du monde contemporain pour évoquer avec amour des racines rustiques.



La grâce avec laquelle le rire cynique du roman est transformé en une émotion à la fois sombre et calme est le produit du savoir-faire d'un écrivain de grand talent.


Lien : http://holophernes.over-blog..
Commenter  J’apprécie          110
L'homme en rouge

Sur la couverture, il a fière allure le docteur Samuel Pozzi

dans son vêtement écarlate à collerette blanche ; d'où le titre du roman de Julian Barnes "l'homme en rouge".

Il est en réalité un médecin et aussi un mondain fréquentant le tout Paris de la Belle Epoque.

Autour de lui, l'auteur nous présente une innombrable galerie de personnages, certains très célèbres (Proust,

le comte De Montesquiou, Sarah Bernhardt...) d'autres moins connus comme Jean Lorrain, journaliste, critique perfide et colporteur de cancans et potins plus ou moins vérifiables.

Parmi ce florilège, une place importante est accordée au comte De Montesquiou, dandy incontournable de ce temps là, incarné dans "la recherche du temps perdu" de Proust.

C'est pourtant le docteur Pozzi qui est le plus digne d'intérêt. Grâce à l'étendue de ses relations, à son immense empathie, sa grande intelligence, ses capacités d'innovation, son dynamisme, il est devenu le pionnier de la gynécologie. Son apport aux progrès de la médecine est important et mériterait un plus grand développement.

Julian Barnes étant un romancier avant tout, c'est la chronique mondaine qui a pris le pas et qui donne vie et légèreté au récit.



A noter : l'abondant crédit photographique fort utile.





Commenter  J’apprécie          110
Une fille, qui danse

Ce livre de Julian Barnes, Une fille, qui danse, a attiré ma curiosité parce qu’il y était question de la mémoire et du caractère fictionnel des souvenirs…, vastes thématiques qui me sont chères.



Le personnage principal de ce roman en est aussi le narrateur à la première personne… Tout tourne autour de lui et de ses ressentis. Tony Webster, arrivé à l’âge de la retraite, revient longuement sur sa vie et sur certains évènements de son passé. Nous sommes en Angleterre, des années 1960 à nos jours.

La première partie raconte la fin de l’adolescence et le passage à l’âge adulte en présentant les protagonistes ce cette histoire, quatre copains de lycée, pleins de grandes idées qui commentent le monde qui les entoure : aux côtés de Tony, nous faisons la connaissance d’Alex, de Colin et surtout d’Adrian, l'esprit fort du groupe, à la fois intelligent et brillant. Naturellement, une fille gravite autour des jeunes hommes, la secrète Veronica, qui sortira d’abord avec Tony avant de le quitter pour Adrian. Le suicide d’un de leurs camarades sera prétexte à de longues discussions et extrapolations diverses.

Dans la seconde partie de ce livre, le narrateur fait un grand bond en avant, une ellipse temporelle qui va changer le point de vue. Si les souvenirs des années de jeunesse étaient à la fois très vivants et précis, les années suivantes vont nous être décrites à travers le prisme de la mémoire et des impressions de Tony. J’ai retenu la métaphore de la boite noire des avions qui ne sert qu’en cas d’accidents et dont le contenu est automatiquement effacé quand il ne se passe rien de potentiellement grave. La sérénité de Tony est bousculée par un étrange testament, celui de la mère de Veronica, qui le rend légataire de documents très personnels concernant Adrian. Alors que Tony est en paix avec sa propre vie, qu’il a digéré son divorce, qu’il est grand-père, etc…, il renoue avec son passé et s’interroge sur ses actes.



Je ne connaissais pas Julian Barnes avant de lire ce livre… Je découvre une plume très introspective, à travers un personnage très agaçant qui intellectualise énormément, dont le point de vue à la fois égocentrique et subjectif fausse et dénature l’enchainement des faits. Des parcours se chevauchent, des suicides se répondent… Tout devient matière à interprétation. J’avoue m’être un peu perdue, avoir eu du mal à m’intéresser aux personnages, pourtant très travaillés, disséqués même dans un souci d’observation et de détails poussés à l’extrême. Seule l’ex-femme de Tony trouve grâce à mes yeux pour sa distance et son bon sens !

D’un bout à l’autre de ce roman, il m’a manqué des clés de lecture. Je n’ai pas compris pourquoi la traduction française a donné autant d’importance à Veronica dans le titre ni la présence de la virgule, puisque Tony concentre l’ensemble du propos sur sa personne… The Sense of an ending était un titre plus général mais qui me parlait davantage.

J’avais choisi une version audio de ce livre, plutôt bien lue par Théo Frilet ; ce jeune comédien livre une belle performance qui restitue la personnalité du narrateur. J’avoue cependant avoir parfois écouté d’une oreille un peu distraite, comme quand on saute quelques lignes dans un texte écrit… J’avais un peu de mal à m’intéresser à l’existence plutôt terne et ennuyeuse de Tony, une vie banale de Monsieur tout le monde. Malgré mon ennui, je voulais voir où Julian Barnes voulait m’emmener, comprendre le ressassement de certaines images et de souvenirs plus précis les uns que les autres : une montre portée tournée sur la face interne du poignet, Veronica dansant une seule fois pour Tony, l’ambiance malsaine d’un week-end chez ses parents à elle avec la poêle à frire dans l’évier et le sperme dans le lavabo… J’attendais le bouleversement promis par la quatrième de couverture qui tardait à venir. Le dénouement ne m’a pas particulièrement émue ni touchée ; je crois surtout que j’étais contente d’en avoir terminé avec ce livre…



Une conclusion en demi-teinte, donc… Bien écrit, bien fouillé, mais ennuyeux et égocentré.

Commenter  J’apprécie          110
Le fracas du temps

Une âme pouvait être détruite de trois manières: par ce que les autres vous faisaient; par ce que les autres vous contraignaient à vous faire à vous-même; et par ce que vous choisissiez volontairement de vous faire à vous-même. Chaque méthode était suffisante, mais, si les trois étaient présentes, le résultat était imparable.



J'ai voulu introduire par une citation cette chronique commune avec ma colistière La jument verte de Val. Car l'essentiel est là, dans ce résumé du statut de l'artiste en pays de dictature. Julian Barnes, auteur dont je ne ne connaissais que l'adaptation ciné de son roman Une fille, qui danse, devenu sur les écrans l'excellent A l'heure des souvenirs, a écrit une sorte de biographie partielle et et libre du compositeur Dimitri Chostakovitch. De quel espace de liberté jouit-il précisément sous le joug stalinien? Et de quel droit jugerions-nous aujourd'hui l'hier de la glaciation soviétique? Ou tout autre régime autoritaire évidemment.



Julian Barnes l'exprime très bien, un artiste n'existe réellement que par ses oeuvres. Encore faut-il les montrer ou les faire entendre. Chostakovitch est passé sous le fer soviétique du stade d'étoile adulée, de musicien du siècle, comblé d'honneurs, au rang de suppôt rétrograde, rénégat et accusé de formalisme bourgeois, Oncle Jo n'ayant pas apprécié une représentation de Lady Macbeth du district de Mzensk. Chostakovitch échappa au pire mais dut de longues années subir la terreur ordinaire, la crainte d'hommes de la nuit silencieux et rapides, qu'il attend sur son palier. Eut-il de "remarquables facultés d'adaptation"?



Stratégie d'un enfermement moral, persécutions du quotidien et du dérisoire, puis liberté très surveillée y compris lors de ses voyages en Amérique. Dans ce grand pays d'absurdie on ne peut même se fier si peu que ce soit à son interrogateur, la versatilité de la tyrannie étant telle que le questionneur d'un soir peut le lendemain avoir à rendre des comptes. Le fracas du temps est un grand livre, un livre effrayant sur l'homme et les perversions du pouvoir. Aucune épouvante dans ce livre. Pire, la banalité des jours d'un régime immonde. Là nous sommes dans la version est. Il existe d'autres modèles en d'autres points cardinaux.



Mais être un lâche, c’était s’embarquer dans une carrière qui durait toute une vie. Vous ne pouviez jamais vous détendre. Vous deviez anticiper la prochaine fois qu’il vous faudrait vous trouver des excuses, tergiverser, courber l’échine, vous refamiliariser avec le goût des bottes et l’état de votre propre âme déchue et abjecte. Etre un lâche demandait de l’obstination, de la persistance, un refus de changer – qui en faisaient, dans un sens, une sorte de courage.

Commenter  J’apprécie          110
La seule histoire

Sélection de janvier 2019 du Grand Prix Elle



Une histoire bouleversante, magnifiquement mise en Abymes savamment orchestrée en trois parties, avec l'emploi du Je, du Vous et du Il.

Un exercice difficile mais totalement réussi.

Le Je, c'est Paul Casey, 19 ans, qui attend que l'été passe en flemmardant, souvent houspillé par ses parents qui aimeraient bien qu'il se trouve un petit boulot. Mais, là n'est pas son intention. Un jour il se décide à aller au club de tennis local, et rencontre Susan Macleod, 48 ans, très différente de l'idée que se fait Paul des personnes de cette génération.

Susan, il ne saurait la comparer à une femme comme sa mère. La meilleure amie de Susan, Joan est là, bienveillante, elle a suffisamment souffert pour ne pas juger. Elle a de l'affection pour Paul, ils deviennent alliés.

Elle a le goût de la liberté, même si elle est mariée et mère, elle aussi.

Une histoire se construit, pas celle du jeune homme et de la « cougar » qui fait son éducation et qui veut rester jeune à tout prix, ce serait presque le contraire. Et c'est en cela que cette histoire prend une belle dimension et que le lecteur comprend pourquoi c'est La seule histoire.

Le Vous, entre de plain-pied dans la construction d'un couple, ce qui le solidifie ou le détruit. C'est à la fois savoir être deux, être un plus un, être solo, une multiplicité de possibilités mais le couple, surtout atypique n'échappe pas à l'œil social, celui qui juge, qui dissèque, qui condamne.

« Vous comprenez que, même si elle est l'esprit libre que vous l'imaginez être, elle est aussi un esprit libre abîmé. Et qu'il y a une question de honte au fond de tout cela. Honte personnelle, et honte sociale. »

Susan se révèle une femme profondément meurtrie, sans carapace et surtout une femme qui n'a jamais trouvé Sa place. Alors elle sombre.

« Votre irritation et votre désespoir, cependant, sont mêlés d'une certaine fierté qu'elle n'ait causé « aucun souci ». Mais si elle en avait causé ? »

Le délitement du couple devient inévitable pour ne pas dire une question de survie.

Le Il, celui qui plusieurs décennies après les faits se remémore cette histoire qui a laissé une cicatrice indélébile dans son cœur, et qu'il décide de rendre visible.

« C'était comme s'il regardait, et vivait, sa vie à la troisième personne. Ce qui lui permettait de la jauger plus précisément... »

Inéluctabilité de la situation ne pouvait qu'être émaillée de responsabilités, remords, culpabilité et entrecoupée de et si ? Si, si facile de refaire l'histoire. Chacun fait face avec ses armes à l'instant T. Et comme le dit un proverbe « avant de juger une personne, marche pendant trois lunes dans ses mocassins. »

C'est l'heure du bilan, au crépuscule d'une vie riche, et pourtant entre ombre et lumière faut-il avoir des regrets ?

Plus importante que toutes les histoires vécues dont on se souvient à coup d'anecdotes...

Se dire que La seule histoire est celle qui vous a construit, fait homme parce qu'il l'a aimée.

Julian Barnes nous offre, à travers une construction habile, un livre profond et subtile à la fois, prégnant et léger. De beaux portraits d'hommes et de femmes.

Une belle interrogation sur la vie.

©Chantal Lafon-Litteratum Amor 25 novembre 2018.
Commenter  J’apprécie          110
Une fille, qui danse

Au fil des livres, cela ne se dément pas : Julian Barnes connaît parfaitement l'âme humaine, surtout ses faiblesses. Jusqu'à présent, son humour prenait le dessus et lui permettait de traiter les petites bassesses de ses semblables par la dérision et le juste recul. Ici, on le sent plus inquiet et cela influence sa plume, moins piquante que d'habitude. Il est question de mémoire ou plutôt de la façon dont chacun s'arrange avec la sienne et s'ingénie à réécrire l'histoire dans le sens qui lui permet d'avancer.



Le narrateur, Tony Webster se souvient très bien de ses années de lycée et d'université avec ses amis, Colin et Alex, perdus de vue depuis longtemps. Tout comme Adrian, le quatrième mousquetaire, le bel Adrian, intelligent et doué, celui dont tout le monde recherchait la compagnie et l'approbation. Tony se souvient très bien de sa relation avec la belle mais distante Veronica à l'université, leur séparation après une petite année et la nouvelle qu'elle était désormais avec Adrian. Il avait enfoui tout ceci au fond de sa mémoire, tout comme le suicide d'Adrian quelques mois seulement après qu'il lui eut envoyé une lettre dans laquelle il disait ce qu'il pensait de la relation de ses deux amis. Quarante ans plus tard, un événement l'oblige à se souvenir et à revivre toutes ces années. L'amitié, le couple, les compromis. Il s'apercevra que l'histoire est bien différente de celle qu'il s'est raconté à lui-même, sa version officielle en quelque sorte et, face à une terrible révélation, il devra se confronter à la question de la responsabilité.



Comme toujours avec Julian Barnes, le propos est dense, vaste matière à réflexion autour des étapes et des événements à partir desquels on bâtit sa vie, jour après jour. Jusqu'au moment où l'on se retourne pour contempler le chemin parcouru et où des fondations bancales menacent de faire écrouler tout l'édifice. L'auteur est apparemment arrivé à cette étape de sa vie sinon, comment expliquer un tel accent de sincérité ?
Lien : http://motspourmots.over-blo..
Commenter  J’apprécie          110
Elizabeth Finch

« Comme Elizabeth Finch aurait été la première à le faire remarquer, il nous faut chaque jour avoir affaire au « bois tordu de l’humanité ». Déraison et cupidité et égoïsme : peuvent-ils être extirpés de la nature humaine? »

Neil, le narrateur, revient sur sa première rencontre avec Elizabeth Finch, une enseignante hors norme qui animait un cours sur la Culture et la Civilisation destiné aux adultes. Sous sa houlette, le groupe était incité à réfléchir tout haut, à discuter et à argumenter autour de maints thèmes philosophiques et politiques. Au décès subit d’E.F., Neil apprend qu’il hérite de ses papiers (notes, carnets et livres) pour quelque obscure raison qu’il ne peut identifier. Commence alors une lente introspection dans l’existence de cette enseignante, devenue au fil des années une amie, mais de celle que l’on ne connaît jamais vraiment.

Julian Barnes propose un récit à la narration décousue que j’ai eu peine à saisir au tout début. À partir des hauts faits de la vie de Julien l’Apostat, dernier empereur romain ayant abjuré le christianisme pour retourner vers le paganisme, Neil reprend la thèse avancée par Elizabeth Finch du temps de son enseignement. Minutieusement, le narrateur refait le monde, établit les nouveaux jalons d’une civilisation qui n’aurait pas eu à subir les effets délétères d’une religion monothéiste et qui de fait, aurait préservé ses dieux changeants et conciliants à l’instar d’un unique Dieu jaloux et revanchard.

Un roman déroutant et intéressant.

Commenter  J’apprécie          100
Une fille, qui danse

Retour de lecture sur "Une fille, qui danse" de Julian Barnes. Cet auteur n'est apparemment pas un débutant puisqu'il est présenté comme le plus célèbre des romanciers contemporains anglais, sa notoriété m'avait totalement échappée. On voit effectivement très vite qu'on n'a pas affaire au premier venu, vu la qualité de l'écriture que j'ai beaucoup aimée,  l'intelligence du propos et de son traitement. Il raconte, à la première personne, avec beaucoup d'ironie et de cynisme, l'histoire d'un homme, qui, arrivé à la retraite, est confronté à son passé et à ce qu'il a fait lorsqu'il avait 20 ans. Le récit démarre par la réception d'une lettre mystérieuse, suite au décès de la mère d'une femme avec qui il a été en couple. Barnes nous détaille avec énormément de sensibilité les états d'âme de cet homme, qui essaye d'analyser avec un maximum d'honnêteté sa vie, les choix qu'il a pu faire, tout en ne comprenant pas tout malgré son âge. Il nous parle avec beaucoup de lucidité de ses erreurs de jeunesse et des arrangements que la mémoire met en place pour les rendre plus acceptables. Plus généralement c'est une réflexion très juste sur le temps qui passe et notre perception de celui-ci par rapport à notre vécu. L'histoire est superbement bien construite jusqu'à sa fin, on ne s'ennuie pas un instant. Un très beau livre. 
Commenter  J’apprécie          102
L'homme en rouge

Cela ressemble plus à des notes préparatoires qu'à un livre. Un peu fouillis, charmant, décousu, sans vraie ligne directrice -en tout cas pas vraiment une biographie solide et étayée de l'homme en rouge, même si on apprend beaucoup sur lui, par petites touches à aller pêcher dans de multiples notations éparpillées.

Le contexte lui-même n'est pas rendu de façon très convaincante.

Il faut le prendre comme il est, une conversation au coin du feu avec un Anglais amoureux de la France et d'autant plus ironique sur ses travers.

Reste que les moments les plus intéressants sont justement ceux où Barnes se focalise sur son personnage, ses recherches, ses avancées, ses voyages, etc, et rend vivante toute une époque des techniques médicales.
Commenter  J’apprécie          100
La seule histoire

Au fil de mes lectures je me suis aperçue que j’avais une attirance de plus en plus forte pour la littérature anglaise car j’apprécie sa délicatesse mais aussi le richesse de l’écriture qui restitue parfaitement l’ambiance d’un lieu, les sentiments mais aussi la minutie des observations, la construction du récit.



Julian Barnes me confirme ce bien-être que je ressens avec les auteurs anglais. J’ai retrouvé à plusieurs moments une touche à la Virginia Woolf : observer chaque attitude, la façon d’entrer dans les pensées du narrateur, ses petits traits d’humour.



Le thème de ce roman c’est l’amour mais l’amour absolu, total, qui vous construit, qui influence toute votre vie, qui laissera son empreinte bien au-delà de la séparation, de la mort.



Le livre comporte trois parties : dans la première où le narrateur parle à la première personne, le « je » évoque totalement sa jeunesse, sa fougue, ses espérances, la rencontre avec cette femme qui a 30 ans de plus que lui mais qui, peu à peu, sans réel coup de foudre, mais de façon amicale puis amoureuse va jouer un rôle prépondérant dans sa vie.



L’auteur ne tombe pas dans le piège d’en faire une femme cougard, initiatrice du jeune homme et c’est presque l’inverse qui se produit.



Le premier amour détermine une vie pour toujours : c’est ce que j’ai découvert au fil des ans. Il n’occupe pas forcément un rang supérieur à celui des amours ultérieures, mais elle seront toujours affectées par son existence. Il peut servir de modèle, ou de contre exemple. Il peut éclipser les amours ultérieures ; d’un autre côté, il peut les rendre plus faciles, meilleures. Mais parfois aussi, un premier cautérise le cœur, et tout ce qu’on pourra trouver ensuite, c’est une large cicatrice. (p94)



Dans la deuxième partie le narrateur, qui est devenu un adulte, parle à l’homme qu’il était alors et utilise le « vous », en étant presque moralisateur et critique. Le couple s’est s’installé et commence, sans que Paul en est eu conscience au début, de l’addiction à l’alcool de celle qu’il aime et qui la voit se transformer.



Cette partie est particulièrement forte en émotions et en sentiments : on suit la lente descente, la lente déchéance de cette femme qui a tout quitté pour vivre avec son jeune amant mais qui révèle bien des fêlures. Lui, malgré tous ses efforts restera impuissant face à elle, face à l’alcool, n’arrivant même pas à lui en vouloir.



La peur panique mène certains à Dieu, d’autres au désespoir, certains à l’oubli des émotions, dautres à une vie où ils espèrent que rien ne les troublera plus jamais. (p100)



Dans l’ultime partie le narrateur prend de la distance avec son héros : il utilise le « Il » car c’est l’heure des bilans : plus de 20 ans ont passé et il regarde avec lucidité cet amour qui a marqué de son empreinte toute sa vie amoureuse :



Etrange que, lorsqu’on est jeune, on ne se sente pas de devoir envers l’avenir ; mais quand on est vieux, on a un devoir envers le passé. Envers la seule chose qu’on ne peut changer. (p207)



J’ai trouvé la description de la personne sombrant dans l’alcoolisme très vraie, très bien analysée mais sans violence, sans colère, simplement un état de faits, passant à des scènes absurdes, dégradantes à d’autres pleines de pitié, de désespoir de ne pouvoir plus aider l’autre allant même jusqu’à se protéger soi-même, continuer à vivre (presque) normalement.



Il n’y a pas de faux-fuyants, reconnaisant le droit à son héros de s’enfuir, de trouver de faux prétextes afin malgré tout de vivre sa jeunesse. L’écart d’âge devient plus marqué, l’acool accentuant les traits mais si l’alcool n’avait pas tout abîmé, que serait devenu leur amour ?



J’ai beaucoup aimé le personnage de Joan, la meilleure amie de Susan, très anglaise dans son style, vivant seule entourée de ses chiens, refusant le monde, lucide et indulgente avec son amie, et auprès de qui Paul cherchera à comprendre la face cachée de celle qu’il aimait.



Une écriture magnifique, d’une poésie et d’une justesse inouïes, glissant de l’observation, à la narration, instillant des touches d’humour, ne versant jamais dans le vulgaire. Une construction originale avec ses trois narrations à trois voix : je, vous, il.



Une tranche de vie, une tranche d’amour, total, absolu, mais sans flamboyance extrême, un amour que les deux entités ont d’abord caché puis assumé (plus ou moins), certaines scènes où Paul est l’invité de Susan dans sa maison, en présence de son mari, Gordon, semblent totalement suréelles, même si les apparences sont trompeuses. Très humour et ambiance british en fin de compte.



Une tranche de vie également de cette femme qui n’a connu que trois hommes dans sa vie : un amour mort, un mari et ce jeune amant mais qui n’a pu surmonté son démon, peut-être parce qu’elle savait dès le début qu’il était peut-être celui qui lui permettrait de quitter une vie qu’elle n’aimait pas mais qui ne pouvait lui offrir un réel avenir, mais aussi d’un homme qui sait que cette relation a changé, certainement le cours de sa vie.
Lien : http://mumudanslebocage.word..
Commenter  J’apprécie          100
Une fille, qui danse

Difficile de raconter ce roman atypique qui me semble être un récit philosophique sur le temps qui passe. Tony Webster nous raconte son vécu d’homme. Il a follement rêvé sa vie quand il était jeune, puis a vécu celle d’un citoyen lambda et au terme de celle-ci, il scrute le passé à la recherche de ce qui aurait pu être différent et, certainement aussi pour se sentir encore vivant.

L’auteur pose également une question intéressante sur la place de la littérature dans notre vie : les « petitesses que l’art exagère ». La littérature nous trompe-t-elle ? car finalement la vie est décevante ?

C’est un roman féroce, drôle, un véritable brainstorming sous un crâne « normal ». Je ne suis pas toujours d’accord avec l’auteur mais je me suis régalé pendant ma lecture.

Par contre je n’ai pas du tout aimé la fin ou alors elle est aussi banale et quelconque que la vie de l’ami Tony.

Commenter  J’apprécie          100




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Julian Barnes Voir plus


{* *}