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Critiques de Julien Heylbroeck (75)
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Lazaret 44

Des gens qui convoitent toutes les ressources d’un cadavre géant de Seiche, comme le feraient des drosophiles ou des asticots.

Cela donne une image moche de nos capacités à profiter de tout, même de l’impensable.

Et n’est-ce pas un peu logique, un peuple qui se meurt sur les restes d’un corps en décomposition ? Et qui partagent la dépouille avec des charognards et des champignons ? Une seiche géante qui baigne dans une eau noire ? Voilà, c’est un drôle de Paradis, on ne comprend pas trop pourquoi des gens s’y installent… Ah si pour les bénéfices de cette énergie, le Verrot, que libère le cadavre titanesque de cet architeuthis pourrissant sur cette planète.



Une partie de cette population, souffre d’une maladie qui s’appelle Le Sanglot. Certains s’en sortent, d’autres en meurent, et les derniers mutent. On les appelle les Boursouflés. Ses Boursouflés sont enfermés dans une prison : Lazaret 44. Tandis que d’autres sont parvenus à se cacher dans les bas-fonds nauséeux de l’architeuthis.



Une lutte des classes entre les ouvriers qui souffrent et un gouvernement véreux et profiteur. Une ambiance de pourritures dans tous les sens du terme...



6 personnages très différents qui se croisent...



Et d’autres surprises putrides et peu ragoutantes…



J’ai assez rapidement pensé à Ru de Camille Leboulanger, d’autant que le thème social y est très présent également en plus de cette curieuse tendance à vivre sur un être colossal.



Beaucoup de similitude dans ses deux romans et pourtant on y verra également beaucoup de différences.

C'est un très bon roman pour ceux qui aiment le genre, mais le vocabulaire (architheutis, le mistelle, les mires, les échevins, les cruxiens, cosmoport, etc...), les noms et l'Univers très futuristes m'ont égaré. Et même si je l'ai lu jusqu'au bout, j'ai peiné à lire certains passages, j'ai aimé suivre Knaagdier, Pruystinnck et Wydooghe, mais beaucoup moins les autres.

Je n'étais pas le public.



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Total Chaos

L’association ImaJn’ère, qui met en valeur les littératures populaires (thriller, polar et roman noir) et de l’imaginaire (science-fiction, fantastique et fantasy), consacrait cette année une de ses anthologies au Total Chaos, au thème de l’ « apocalypse sociétale », à travers neuf nouvelles misant tantôt sur le roman noir, tantôt sur le thriller. Ce thème apocalyptique fut choisi, semble-t-il, en réponse à cette fameuse fin du monde du 21 décembre 2012.



Dans Scato intégriste, Jean-Bernard Pouy égraine sa plume acide pour dépeindre les débordements inhérents à nos sociétés bien trop extrémistes et toujours plus anti-consensuelles. Avec Le goût amer des empanadas, Julien Heylbroeck délivre un court polar sur fond de révolution chilienne en 1973. Vincent Herbillon et ses Oubliés pointent du doigt les affres de la pollution et ses conséquences socio-économiques. Jilali Hamham choisit, dans 93 Panthers, de revisiter des Blacks Panthers version banlieue parisienne. Éric Lainé, quant à lui, crie à l’Émeute et développe brillamment le climat urbain que nous pourrions rencontrer prochainement si l’indifférence progresse encore. Jérôme Verschueren livre dans son Extrasystole un récit échevelé d’une extrême densité violente. Le Samedi noir de Jean-Hugues Villacampa est empreint d’un cynisme médiatique lourd. Robert Darvel nous lance un « On se revoit à la Saint-Truphème » plus qu’intrigant. Enfin, Dominique Delahaye joue au Tir aux pigeons sur fond de revendications désespérées.

On peut saluer le niveau d’ensemble de cette anthologie, même si une ou deux occurrences m'ont laissé de marbre. Chaque nouvelle nous place, d’une certaine façon, devant l’importance des médias très marqués par la possible fin du monde en 2012, alors que ce sont eux qui la créaient à trop en parler, et surtout sans aucun fondement. Ces textes sont marqués également par une extrême diversité dans l’approche du terme « apocalypse sociétale » et ce sont parfois les plus dérangeants qui se retrouvent être les meilleurs, car vraiment cruels de réalisme, notamment ceux qui se fondent sur des débordements d’émeutes très actuelles. Détournement des médias, folie passagère, trahisons, crimes collectifs : il y a de tout ici ! Enfin, nous pouvons également signaler que les dessins d’Arro, Gregor et Gérard Berthelot sont de bonne facture et tentent de coller au mieux à l’atmosphère de chaque nouvelle, même si certains sont un peu minimalistes.



Une anthologie pour dénoncer les affres de nos sociétés perverties et corrompues, qui vont vers toujours plus d’annihilation, vers un Chaos Total à plus ou moins brève échéance. Réjouissant, n'est-il pas ?



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Lazaret 44

Les fresques ambitieuses sont plutôt rares à l’heure actuelle dans la science-fiction française. C’est pourquoi la publication chez Les Moutons Électriques du dernier roman de Julien Heylbroeck a de quoi rendre curieux. Derrière ce pavé de 450 pages impeccablement illustré par Melchior Ascaride se cache non seulement un univers science-fictif dense et audacieux mais également une galerie de personnages illustrant parfaitement les racines rôlistes de son auteur, aussi féru d’histoire que de jeux de rôles dans la vraie vie. Bienvenue dans Lazaret 44, un endroit où la pourriture n’est pas qu’une simple figure de style.



Les fils de la Seiche

L’auteur de Stoner Road adopte le principe du récit choral à travers six personnages dont les points de vues se croisent et s’entrecroisent pour tisser une tapisserie narrative à la fois surprenante et familière.

En effet, si l’on pourrait penser à l’angle narratif adopté par un certain George R.R. Martin, c’est surtout par la parenté avec des œuvres plus inattendues que Lazaret 44 trouve sa véritable voix.

Mais d’abord, intéressons-nous à l’univers proposé par Julien Heylbroeck.

Nous sommes dans un coin reculé de la galaxie, plus précisément dans le système Blemmydès, et l’on débarque avec l’un des personnages principaux du récit sur une bien étrange cité : Karkasstad.

L’originalité de celle-ci ? Être entièrement contenue dans la carcasse d’une monstrueuse bête interstellaire échouée sur une planète autrefois florissante, plus précisément ici un Architeuthis (comme le calmar géant ou, plus savoureusement, comme un certain magazine de jeux de rôles).

Alors que la dépouille du léviathan spatial n’en finit pas de pourrir (et qu’elle baigne même dans un lac noir de putréfaction appelé mistelle), les hommes ont décidé de s’y établir pour en extraire tout ce qui était possible ou imaginable. Il faut dire que Karkasstad est la seule occurrence connue d’Architeuthis ayant touché terre pour y mourir. Les autres, pourtant nombreux, flottent dans l’espace infini.

Au sein de cet univers étrange dressé par Julien Heylbroeck, de gigantesques monstres pleins de tentacules et de chitine ont surgit sans crier gare du néant avant de s’attaquer aux mondes humains…puis de mourir tout aussi subitement sans plus d’explications ! Ces deux « apocalypses » ont non seulement donné l’occasion aux hommes de développer moults cultes plus bizarres les uns que les autres (et dont celui de la Seiche Immaculée ressemble à une réécriture de la Bible par Lovecraft) mais ont aussi offert la possibilité d’exploiter de gigantesques ressources biologiques désormais en libre-service. On pense notamment au verrot, une sorte de combustible qui sert de pétrole dans l’univers de Lazaret 44 et à une myriade d’autres substances toutes plus repoussantes les unes que les autres. Cet attrait pour les ingrédients improbables a d’ailleurs une raison d’être évidente dans l’univers de Karkasstad puisque la médecine et la science telles que nous les connaissons n’existent pas ou…de façon radicalement différente. Julien Heylbroeck imagine en effet que les partisans de la méthode scientifique ont perdu et que l’alchimie s’est imposée dans tous les domaines, du soin à l’informatique en passant par le voyage intergalactique.

En lieu et place des médecins, ce sont des mires affublés de masques de peste que l’on retrouve dans les dispensaires tandis que les programmes alchiformatiques gère les artefacts technologiques des vaisseaux et des système planétaire. On trouve même des golems, des nefs spatiales animées par un feu-vivant et donc conscientes dont se servent certaines guildes pour parcourir l’espace. Pour peu, on pourrait presque croire que l’auteur essaye d’infiltrer de la fantasy dans la science-fiction !



Des Sanglots et du sang !

Sur ce background déjà particulièrement dense et malin, le français va donc venir construire un récit polyphonique qui croise à la fois l’enquête policière et récit social dans lequel la révolte gronde. Il est temps d’ailleurs de vous parler des personnages qui portent ce Lazaret 44.

D’abord, on suivra le mire Otto Knaagdier qui débarque sur Karkasstad avec le lecteur en début d’ouvrage avec pour double-objectif de retrouver un ancien amour perdu et de faire des prélèvements sur les malades du Sanglot pour le compte d’une puissante guilde, Dioscoride. Par la suite, nous faisons la connaissance de Klaas Prustinnck, un des échevins (comprendre député) de la cité-carcasse qui souhaite améliorer l’ordinaire des travailleurs des puits de chair. Parmi eux, notre troisième personnage avec Kiana Wydooghe, une entrailleuse (nom donné aux personnes qui travaillent à extraire les substances précieuses de la carcasse de l’Architeuthis dans des conditions souvent épouvantables) et bientôt meneuse d’un vent de révolte parmi les populations ouvrières honteusement exploitées par une caste dirigeante menée par un autre personnage important, Serge Othonqui, gouverneur de Karkasstad et manipulateur de première. Enfin, il reste Heïlwigr Buterdroghe, dame directrice de la guilde Dioscoride qui compte bien utiliser les informations rapportées par Knaagdier pour révolutionner le voyage interstellaire (et se faire une place au soleil), et Ueman Cocatrix, pauvre citoyen touché par la terrible épidémie qui ravage la cité et qui le pousse à fuir dans le quartier le plus sinistre de Karkastaad : Coda, la ville des Boursouflés.

Arrêtons-nous d’ailleurs quelques secondes sur ces derniers termes puisqu’il faut ajouter aussi d’emblée que l’univers inventé par Julien Heylbroeck n’est pas uniquement vérolé par des dépouilles monstrueuses surgie de nul part mais également par des épidémies à l’échelle cosmique (des « cosmodémies ») qui ravagent l’humanité. Sur Karkastaad, il s’agit du Sanglot qui transforme peu à peu les Sanglotards en Boursouflés s’ils n’en sont pas tout simplement morts auparavant. Les Boursouflés, comme leur nom l’indique, sont atteints de toutes sortes de mutations et de déformations corporelles atroces qui les transforment en monstres aux yeux du reste de la population. Il est pour coutume, lorsque l’on présente les premiers stigmates du Sanglot, de s’exiler à Coda, sorte de bidonville au pied de la cité où des légendes de cannibalisme vont bon train, ou de se livrer/d’être capturé et de finir au Lazaret 44, une sorte d’asile terrible qui ressemble davantage à un mouroir qu’à autre chose.

Ajoutons à cela un système simple mais efficace de gouvernance où chaque côte de la cité élit un député — ou échevin — qui siège au conseil et où les classes sociales se conçoivent en fonction de la position sur le cadavre de l’Architeuthis, plus vous êtes proches des cervicales et du crâne et plus vous êtes riches, à l’inverse, les habitants des lombaires et du sacrum sont les plus miséreux.

Voilà qui termine ce tour d’horizon vous permettant de comprendre la densité de l’univers imaginé par Julien Heylbroeck.



« Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse… »

Pourtant, aussi important soit-il, le background ne fait pas tout et il serait d’ailleurs injuste de réduire Lazaret 44 à un simple planet-opera (qui a dit carcasse-opera ?). En effet, dès le départ, l’auteur français lance deux intrigues principales : la première porte sur l’enquête menée par Otto Knaagdier autour de la terrible épidémie de Sanglot et sur son ancien amour qui a mystérieusement disparu au sein du fameux Lazaret 44, la seconde tourne elle autour de la situation politique et sociale de Karkasstaad et amène Julien Heylbroeck à nous livrer sa propre version science-fictive (et fantasque) de Germinal en remplaçant les mineurs du Nord par les Entrailleurs de la Cité.

Même si l’auteur n’a pas la même prétention littéraire qu’un certain Emile, cette touche révolutionnaire est parfaitement négociée, permettant d’explorer avec brio les enjeux qui régissent ce système de cité faussement libre où la démocratie n’est qu’une illusion. On comprend rapidement que l’une des thématiques de Lazaret 44, c’est de réfléchir sur la notion même de liberté qui nous est offerte en tant que citoyen et comment le système s’échine à nous diviser pour mieux nous garder sous contrôle (et dans la pauvreté si possible). Les arcs narratifs de Kiana et Serge seront d’ailleurs les pierres angulaires de cet affrontement qui finit forcément par dégénérer. Entre deux, l’auteur en profite toujours et encore pour étoffer son univers, lui ajouter un sport national avec le pugilat, ou le faire fourmiller de nuisibles et autres bestioles dégoûtantes (de la tique de la taille d’un chat au boskard, une saleté à pinces que vous n’avez guère envie de rencontrer dans un puits).

Ce qui réjouit d’autant plus le lecteur, c’est l’idée singulièrement originale (et secouée) de faire de l’alchimie une discipline sérieuse et crédible…du moins dans la diégèse de Lazaret 44. Il y a ce décalage constant entre des recettes et procédés complètement tirés par les cheveux et le sérieux papal avec lequel les personnages s’en servent au quotidien, que ce soit pour les remèdes de mire de Knaagdier ou les procédés de voyages spatiaux utilisés par Buterdroghe. Heylbroeck n’a pas son pareil pour jongler entre série B, série Z et science-fiction de premier ordre, alternant entre un humour souvent grotesque et un sense-of-wonder trempé dans le body-horror pur et dur.

À ce sujet, le roman a quelque chose de très organique qui ressemble presque à de la New Weird, et pas simplement parce qu’il se déroule dans une carcasse de calamar spatial élevé au rang de divinité défunte, mais aussi et surtout parce que l’épidémie du Sanglot ressemble à s’y méprendre à une version Lovecraftienne de notre bonne vieille peste bubonique. La différence principale ici, c’est que le bubon peut avoir deux têtes et des pinces de crabe géant. L’inventivité de Julien Heylbroeck renvoie parfois à un autre auteur français génial publié justement chez le même éditeur en la personne de Timothée Rey, partageant un certain goût outrancier dans l’écriture et un côté jusqu’au-boutiste qui permet de creuser toujours plus profond au sein d’un univers qui va de surprise en surprise pour le lecteur. C’est aussi, bien sûr, un hymne à la liberté des peuples, un appel à l’égalité entre les hommes et à la solidarité entre les travailleurs sans parler de jouer au-delà des apparences pour sortir par le haut de la maladie comme de la pauvreté. Sous ses allures de divertissement, Lazaret 44 a aussi beaucoup de choses à dire sur l’humain qui lui donne sa substance première.

Bien évidemment, l’entreprise n’est pas parfaite. On reprochera par moment à son auteur de délayer son récit ou encore le personnage de Heïlwigr Buterdroghe dont l’action, à l’écart des autres, reste plus ennuyeuse et moins utile au final. On pourrait aussi dire qu’un certain deus-ex machina permettant l’évasion de Knaagdier semble vraiment poussif…

Mais il ne faudrait pas oublier l’ambition rare et monstrueuse de ce roman qui passionne et qui, surtout, laisse d’immenses possibilités à son auteur pour le futur !



Récit-monstre où se mêle révolution, action et chair putréfiée, Lazaret 44 offre un univers de science-fiction dense et passionnant au lecteur. Julien Heylbroeck parvient à construire une galaxie dangereuse et impitoyable où l’alchimie prend dès les premières pages. Lazaret 44, c’est Germinal qui rencontre Perdido Street Station avec une bonne rasade de Cthulhu pour assaisonner le tout.
Lien : https://justaword.fr/lazaret..
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Riposte Apo

Chaque année, l’association ImaJn’ère organise un salon littéraire dans le centre d’Angers ainsi qu’un concours de nouvelles menant à une anthologie. 2013, année post-prévisions mayas de décembre 2012, fut l’occasion de publier deux volumes, l’un davantage polar (Total Chaos), l’autre plus centré sur l’aspect science-fictionnel des choses (Riposte Apo). C’est ce dernier opus qui voit des nouvelles de Thomas Geha, Arnaud Cuidet ou bien Patrice Verry composer son sommaire.



C’est Thomas Geha qui ouvre le bal dans le décor d’un « Ciel bleu d’un hiver à jamais » ; cet habitué des mondes post-apocalyptiques s’appuie sur une petite fratrie qui déambule sur un terrain hostile pour esquisser une histoire de fin du monde pourtant pas complètement dénuée d’une lueur d’espoir bienvenue.

Christian Vilà joue une carte déjà plus provocante avec « Pose ta peau, Calypso ! » : seule rescapée de trois épidémies dévastatrices, la jeune fille dénommée Calypso en vient à s’imaginer en nouvelle mère nourricière d’une Humanité en manque de chair.

« Un ciel parfait » est un doux euphémisme pour Romuald Herbreteau, puisqu’il prend place dans un monde en guerre particulièrement proche de notre situation. Si vous ne connaissez pas le Kazakhstan, il est toujours intéressant de le découvrir sous les tirs ennemis et en enjambant les cadavres de vos compagnons...

Dans « La fin des Puissants », Romain d’Huissier pose la question du renouvellement de l’espèce dominante dans un monde accaparé par l’espèce humaine depuis trop longtemps. Mystère et astuce font le sel de ce texte relativement court.

Sylvain Boïdo, l’un des lauréats du concours ImaJn’ère 2013, nous décrit « L’éclat des Ténèbres » au bout d’un suspense haletant entre amour et torture. Le monde post-apocalyptique qui sert de toile de fond n’est qu’esquissé, mais pose suffisamment de malaise pour s’y sentir happé.

Avec « Les Affamés », le spécialiste de jeux de rôle, Arnaud Cuidet, a tout compris du renouvellement du genre post-apocalyptique en revenant à l’essence même du terme : une révélation. Samuel, héros involontaire d’une évasion en règle d’une de ces Enclaves post-apocalyptiques, va subir/jouir/profiter d’une révélation personnelle salvatrice. Le fait e la rupture avec le monde précédent soit symptomatique de notre époque et que les affamés soient des zombies plus mystérieux qu’à l’accoutumée ne gâte évidemment rien.

Artikel Unbekannt tourne sa nouvelle « Caïn et la belle » avec roublardise et simplicité : un homme, un réveil, une femme, une rencontre. Si le déroulé est rapide, les éléments sous-jacents sont plus intéressants, autour notamment d’une religion teintée d’humour noir.

C’est avec ses « Songeries dans l’antichambre de la Mort par l’Horloger de l’Apocalypse » que Jean-Valéry Martineau fut également sélectionné en tant que lauréat d’un des concours ImaJn’ère 2013, c’est mérité tout d’abord par le fait qu’il ne regarde pas, comme habituellement, les conséquences de l’apocalypse, mais plutôt son déclenchement. Ensuite, il ne gâte rien avec la mise en action de deux personnages puissants : l’Horloger de l’Apocalypse qui voit notre monde toujours s’entredéchirer et chercher sa destruction, et la Mort, traditionnelle Faucheuse toujours prête à faire couler des rivières rouge sang.

Le duo Batista & Batistuta nous relate, quant à eux, un retour sur une Terre accaparée par un Satan volcanique. « Mike Mana contre Satan », c’est alors un peu de space opera, une histoire d’amour à la hauteur et quelques sirènes à sauver, le tout dans une atmosphère de fin du monde destructrice façon « Tapisserie de l’Apocalypse ». Si le titre sous-entend un affrontement final bateau, il n’en est rien, rassurez-vous.

Misez sur « La peine Capitale » de Christian Bergzoll pour suivre le chemin vers de nouvelles vies après des catastrophes météorologiques dévastatrices. La destinée des futures générations est alors en question : que faire si des nouveau-nés arrivent ? que faire s’ils n’arrivent pas ? Rien ne vaut mieux qu’une jeune fille qui se pose ce genre de questions pour être notre narrateur.

Comme souvent dans ses nouvelles, Jérôme Verschueren mise avec « Métabole » sur un récit percutant et quasi anatomique (descriptions des plus précises à l’appui). Pourtant, ce n’est pas l’attrait principal ici, puisque l’auteur lève le voile très progressivement sur un devenir possible de notre condition en parcourant d’innombrables galeries souterraines sans fin et surtout sans grand espoir, ambiance !

Tesha Garisaki, une des lauréates du concours de nouvelles ImaJn’ère 2013, lance « Seul » son héros à la recherche de survivants. Brest, Rennes, Nantes, Angers, l’Ouest de la France est parcouru à la vitesse de ce qui marche encore, et en l’occurrence les jambes de son héros.

Non sans une certaine ironie et une ironie certaine, Brice Tarvel déclare avec sa famille quasi parfaite, « Enfin l’apocalypse » ! Tout est parti en miettes et le quatuor composé de P’pa, M’man, Florentin et Miquette prépare la survie. Bons mots et coups du sort au programme !

À partir d’un article de Ciel & Espace, Patrice Verry compose, lui, un condensé de sept milliards d’années de l’histoire de l’humanité qui prend son origine dans « Une visite au Mont-Saint-Michel », attendez-vous donc à une visite-éclair et à des voyages dans le temps fulgurants !

Quant à lui, Xavier-Marc Fleury tente de sauver « Les derniers terriens » dans une opération militaire mêlant plusieurs espèces d’humanoïdes un peu déjantés contre des une attaque de la Terre par des êtres suprêmes répondant au nom d’Entité. La fin du monde est pour maintenant !

Comme à son habitude, et par exemple comme dans Rétro-Fictions (l’anthologie d’ImaJn’ère 2014), Robert Darvel tisse un récit bien construit où il préfère se mettre en scène dans Angers, ville où chats et tapisseries font bon ménage. « Sept pour un million » est alors une courte fuite en avant dans une ville en proie au démontage/dépliage en règle.

Guillaume Bergey, autre lauréat d’un des concours ImaJn’ère 2013, nous lance dans une quête pour « Le Sérum ». Dans une Angers post-apocalyptique divisée notamment entre Hospitants, Errants et Îlotiers, les armes lourdes sont de sortie au prix de ce qui vit et de ce qui peut donner de l’espoir, ou ce qu’il en reste.

C’est enfin Julien Heylbroeck qui clôt ce volume à grands coups d’« Absinthe » en une nouvelle courte mais intense, et surtout particulièrement noire sur les conséquences de catastrophes nucléaires comme Tchernobyl ou plus récemment Fukushima. La question de la mémoire est bien prégnante ici.

Rien que dans les choix relatifs à l’événement « apocalyptique », il y a de tout, donc, ici : que ce soit sur le déclenchement, la réalisation ou les conséquences bien après, nous pouvons découvrir dans Riposte Apo tantôt des récits intimistes, tantôt des univers plus approfondis, allant de la catastrophe écologique à l’extermination technologique, en passant par la damnation satanique et l’accident bête.

Notons, enfin, que l’environnement angevin et tout particulièrement la Tapisserie dite de l’Apocalypse de Saint-Jean, conservée au château d’Angers, ont inspiré bon nombre de contributeurs de cette anthologie. Qu’elle soit utilisée comme véritable toile de fond, comme simple accessoire du récit ou bien comme sorte de deus ex machina lui subodorant un pouvoir mystique et/ou destructeur, cette œuvre d’art médiévale mérite encore bien des égards. Elle aurait même pu constituer une section à part entière au sein de cette anthologie.



Riposte Apo est donc une anthologie en accord avec son sujet : particulièrement noire. N’y venez pas un soir d’orage, au cœur de l’hiver, alors que la déprime pointe et que votre vie amoureuse part à vau-l’eau ! Dans toute autre situation, il est toujours agréable de voir ce que des auteurs amateurs ou professionnels ont pu faire, en peu de pages chacun, d’un thème aussi rude que la catastrophe apocalyptique.

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Rétro-fictions

Avec l’anthologie 2014 d’ImaJn’ère, nous touchons à tous les genres, il y a de tout au niveau du ton, et enfin nous explorons quasiment tous les continents ! Grande variété donc, permise par l’intitulé de l’appel à textes qui a conduit à cette publication : la plume portée vers le passé, le but était de surprendre en créant une aventure se déroulant entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle (plus exactement entre 1851 et 1949) ; tant en SFFF qu’en polar, les thèmes permettaient d’explorer énormément d’aspect (uchronies, univers steampunk, aspect gothique, utopies, genre noir, enquête, investigation, politique, etc.). Avec seize nouvelles de taille et d’univers très variables, la diversité est le maître mot offert au lecteur.





Avec « Sempervirens », Jeanne-A Debats nous plonge dans l’enfer de la Première Guerre mondiale. À l’aube du centenaire du déclenchement des hostilités en Europe, il s’agit là de s’engouffrer dans les tranchées où la mort est présente de la plus violente des manières. « Tout ce chemin pour rien : une bombe y est tombée directement. L’ancien refuge où l’on trouvait un brasero, du vin, des cigarettes et parfois de la soupe chaude, n’est plus qu’un cratère, un trou de terre obscure et martyrisée d’où s’échappent encore quelques fumerolles acides. »

Automne 1916, dans les Flandres en proie aux obus et autres armes de destruction massive, Nico voit sa tranchée atrocement subir les affres de la guerre et finit par n’être uniquement accompagnée de ces sortes de « compagnons du devoir » que sont Pensée et Mémoire, ses deux pigeons pour seule compagnie dont les noms seront évidemment porteurs de sens au cours du récit. Dans cette atmosphère guerrière où la survie est devenue son seul but, sa fuite l’entraîne dans un lieu inversement proportionnel au monde des tranchées, en l’occurrence une drôle de petite boutique où l’attendent une jeune femme et une quantité de produits. C’est la part de fantastique chère à Jeanne-A Debats qui entre alors en scène.

En effet, l’auteur, notamment du recueil La Vieille anglaise et le continent et de Métaphysique du vampire, joue sur le fort contraste entre deux mondes opposés qu’on aurait peine à imaginer se côtoyer aussi simplement. Contrairement à ce que pourraient croire les adeptes du style de Jeanne-A Debats, elle ne se révèle pas aussi crue dans son propos qu’à l’accoutumée, et c’est davantage la situation qui exige de la violence pour l’arrière-fond et de la gouaille pour le personnage principal, histoire de mettre en avant la césure entre l’horrible de la situation et la spontanéité avec laquelle Nico tente de se rattacher à la vie. Même si nous n’en apprenons finalement bien peu sur lui-même, c’est son destin qui constitue le vrai tragique de cette nouvelle. Et tout repose dans sa quête pour rester « toujours vert », « toujours fringant », suivant comment on comprend ce titre mystérieux en latin.



Lauréate du concours ImaJn’ère 2014, Sylvie Jeanne Bretaud nous propose de suivre « L’ombre de Whitechapel ». Elle revisite de manière inattendue l’affreuse affaire de Jack l’Éventreur datant de 1888. Emeline, souffrante, confesse une histoire survenue lors de sa jeunesse. Alors qu’elle fréquentait son amie « la douce Ginger », une des prostituées de son quartier, il a fallu qu’elle tombe quasiment nez à nez avec le tueur en série.

L’auteur mise sur une nouvelle plutôt courte avec une histoire relativement simple mais incorporant plusieurs références bien connues de l’époque victorienne. Dans une ambiance noire mi-glauque mi-guindée, elle ne nous épargne pas l’atrocité des crimes de l’Éventreur : « Je vais te punir, catin. Pour ta peine, je te mets le sein droit sous la tête... les reins sur la commode... le foie sur la chaise, la rate dans le tiroir. Tu auras beaucoup de mal à te reconstituer après ça ! » Avis donc aux amateurs de « court mais intense » !



Par « La Garde rouge », c’est à la Commune de Paris que s’attaque Arnaud Cuidet. Menacée à la fois par Versailles et les Prussiens, celle-ci doit faire face à un étranglement critique et toute découverte est bonne à prendre pour un éventuel avantage stratégique. Pendant cette année 1871, Gustave, à la tête d’une petite troupe de « réquisitionneurs » fouille las bas-fonds de Paris, accompagné notamment d’Émile et d’Agnès : un trio composé « d’un vieil ingénieur, d’un contremaître bourru et d’une féministe turbulente », pour reprendre les mots de l’auteur. Tous trois semblent s’intéresser à une forge recelant bien des avantages pour la défense de Paris. Avant de dévoiler sa trouvaille qui « suscite » bon nombre de réactions, Arnaud Cuidet maintient le mystère, un peu artificiellement certes, mais ça tient bon. « Oui, c’est une entreprise insensée. Ne pourrait-on pas dire la même chose de la Commune ? Après tout, vous avez accepté de travailler avec des femmes ; c’est déjà fou, non ? »

Dans ce contexte, « La Garde rouge » apparaît alors comme un défi technologique pour l’année 1871. Machineries, ferronneries et tuyauteries ont la part belle pendant un certain nombre de paragraphes. Ça sent le proto-steampunk dans le sens où nous allons chercher des applications à la technologie de l’époque que nous n’avons pas tenté dans notre histoire. Tout cela amène l’auteur à nous délivrer finalement un combat déterminant entre le Rouge et le Blanc. Façon match de boxe : à ma gauche, La Garde, géante de fer communarde ; à ma droite, Le Versaillais, le chevalier blanc au service du pouvoir. Entre prises de catch et manœuvres d’abordage, Arnaud Cuidet se fait clairement plaisir dans ce combat singulier entre deux masses robotiques dignes d’un film sur Godzilla, dans cette analogie du combat naval entre deux navires flambants neufs uniquement créés pour se détruire l’un l’autre. Immanquablement pour les amateurs de combat dantesque et métallique !



C’est grâce à « La tour » que Léon Calgnac a lui aussi été élu lauréat du concours ImaJn’ère 2014. D’une première affaire sur un roman sulfureux, parlant vaguement de meurtre et d’adultère, l’auteur se focalise sur Hippolyte Sénéchal, directeur du journal L’Événement en novembre 1867, pour en tirer un récit volontairement pompeux pour coller à la bourgeoisie de l’époque. Toutefois, le cœur de cette nouvelle ne réside pas en cette amorce, mais bien dans le mystère qui s’installe progressivement. « Le mystère n’est pas immoral. Le mystère n’est pas politique. Les gens aiment le mystère. » Ce fameux mystère, constamment recherché par l’auteur, tente de se condenser autour de deux personnages travaillant côte à côte pour la scène principale : le jeune critique littéraire Pierre Sandoz et le neurologue Jean-Martin Charcot (ayant d’ailleurs eu son rôle historique dans la définition de l’hypnose dans le domaine médical). En passant par une sombre affaire de déliriums communs, cette « tour » apparaît alors comme le point commun de cas pathologiques étrangement connectés.



Francis Carpentier nous propose, avec « OYAPOC 1902 », un récit perdu entre France et Brésil, l’Oyapoc étant le fleuve servant de frontière entre les deux États en Guyane française depuis 1713. Sur un ton léger, voire humoristique de temps à autre, mais sans jamais négliger un langage très littéraire, nous suivons une expédition en pleine jungle entre considérations politiques, ethnologiques et économiques. « La saison des pluies noyait tout, on n’accédait plus aux abattis, le gibier se terrait, le poisson nageait loin des filets. Les vivres que l’ancien conseil municipal n’avait pas détournés s’étaient épuisés en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. La disette sévissait. Pour rire, les gens disaient qu’en s’entraînant à jeûner pendant tout le carnaval, ils seraient fin prêts pour le carême. » En effet, quand il s’agit d’éviter les postes de douane pour aller piquer la mine d’or du voisin et s’arroger des droits sur telle tribu indienne locale, la forêt amazonienne est un lieu privilégié. Ça sonne créole, ça sonne vrai et ça donne envie de filer en douce dans la jungle (ou pas finalement).



C’est dans des horizons bien plus proches de nous que Brice Tarvel place « La porte bleue ». Sur un ton très décalé, il place directement son histoire dans un Angers uchronique de 1924 où la boutique PhénomèneJ est déjà quasiment comme nous la connaissons aujourd’hui. « Il fallait voir Hugues le Bouquiniste, dressé maintenant hors de ses donjons de carton, la claymore au poing, l’œil éclairé d’une redoutable lueur guerrière, face aux vélociraptors circulant comme une armée cuirassée avide de conquêtes. » Il s’agit bien de suivre Hugues Campavila, le bouquiniste aventurier, et son épouse Carmen, la ménagère compulsive, dans une chasse loufoque aux trousses d’une nuée de vélociraptors ayant traversé ladite porte du titre. Ça promet !



Quant à Jean-Hugues Villacampa, lui aussi lauréat du concours ImaJn’ère 2014, il nous présente à son tour un « Drôle de poulet » en la personne d’Antonin Desloirs, commissaire de Givet, bourgade ardennaise à la frontière belge. Petite bourgade, petit commissaire de pas grand-chose, et pourtant c’est dans une ambiance à la Maurice Leblanc (que le personnage principal côtoie d’ailleurs) que nous découvrons une affaire bien peu commune. « Meurtre dans la haute » aurait tout aussi bien pu être le titre, car le casting local est gratiné. C’est alors l’occasion de suivre une orgie gastronomique en forme d’huis-clos macabre et seul le dénouement pourra en dire davantage...



Jean-Luc Boutel préfère, lui, nous narrer l’histoire d’un emmerdeur (sic). Avec « L’invasion des hommes-taupes » (sous-titrée « Une aventure inédite de Sélénex »), il s’intéresse d’abord à Anselme Castagneul qui, comme d’autres savants au même moment, disparaît en plein cœur de Paris par la voie du souterrain, mystère au rendez-vous là aussi. Pas sûr que la narration en chapitres au sein de cette nouvelle favorise vraiment la compréhension, mais en empruntant tous les codes du « héros dévoué à sa mission », l’auteur tend fortement vers la thématique du super-héros, avec le dénomme Sélénex, le protecteur de la capitale. Dans cette optique, nous ne pouvons nous empêcher de penser à une forte inspiration de l’histoire vis-à-vis d’un antagoniste bien connu des Quatre Fantastiques (de Marvel), le tout premier même, l’Homme-Taupe, le Moloïde. C’est alors l’occasion pour le lecteur d’explorer à la va-vite un espace qui fait encore beaucoup fantasmer : les bas-fonds et les souterrains de Paris, ici dans leur réalité au tournant des XIXe et XXe siècles, dans un aspect un peu gothique et, en tout cas, effrayant. Beaucoup de descriptions et peu de dialogues viennent entraîner le récit, pour une nouvelle pourtant bien portée sur l’action. Et en matière de péripéties en milieu souterrain, il y a de quoi s’occuper, avec en plus de cela quelques machineries complexes pour égayer le voyage. En plus de cela, croiser quelques têtes connues comme Rosny-Aîné, Gustave Eiffel, et quelques autres, n’est jamais un mal.



Artikel Unbekannt a choisi de nous narrer le Japon des années 1940 de manière stéréotypée certes, mais parfaitement réglée. Un « Japon, année zéro » où les deux bombes H seront l’horizon des événements. Kiyochi, Kumiko et Kojima forment les trois volets de cette exploration du Pays du Soleil levant, qui se définissent très simplement comme suit « Kojima aimait Kumiko qui aimait Kiyochi qui n’aimait personne ». Et le rythme ternaire imposée par le fond est dès lors présent dans la forme en toute circonstance. Dans leurs choix comme dans leur destin, trois voies possibles et inéluctables apparaissent dans ce Japon. Statisticiens, enseignants et yakusas : ces voies possibles ne sont pas légion et demandent autant d’honneur que de violence sur soi. « Les yakusas : un état dans l’état, une bague de feu autour d’un doigt de glace, le chaos à l’intérieur de l’ordre, un monde parallèle dont le roi invisible a le geste bruyant, mais le verbe discret. »

Forcément, entre un triangle amoureux et les affres de la vie quand la politique des yakusas s’en mêle, cela ne peut que créer des étincelles. Et Artikel Unbekannt nous entraîne dans un tourbillon de situations apparemment inéluctables. Violence des mots comme de certaines scènes dont une magnifique de torture, dégoulinante à souhait, une pointe de fantastique liée à la fameuse tradition des tatouages dans le milieu des yakusas : les ingrédients font plaisir à voir et l’ensemble s’enchaîne magnifiquement bien.



« Écarlate était le ciel » selon Anthony Boulanger, autre lauréat du concours ImaJn’ère 2014. Et en effet, à l’automne 1916, les combats aériens font rage dans le ciel européen. Le ballet incessant des rapaces de métal est à peine interrompu par l’intrusion de nouvelles armes toujours plus meurtrières. Pour autant, la guerre ne règne pas entre les Nations du monde puisque celles semblent, au contraire, toutes alliées face à des forces surnaturelles et monstrueuses appelées les Résurgences, celles-ci ayant pris le contrôle du Royaume-Uni et de l’Irlande, notamment. « Depuis que l’ennemi avait conquis les airs, la guerre avait pris une nouvelle tournure. De l’attaque, les nations continentales étaient passées à la défense puis au repli contrôlé. De l’espoir, les peuples étaient passés à l’accablement. À une certaine forme de désillusion et de fatalisme. » À l’heure d’une bataille décisive, Manfred von Richthofen doit jeter toutes ses forces pour trouver ce qui fera enfin la faiblesse de ces monstres de toutes formes ayant déclaré la guerre à l’humanité.



« Une aventure de Béla Bartók » nous promet Jérôme Verschueren. Avec « Le chevalier noir », il reprend son héros qu’il publie déjà au Carnoplaste lors de l’une de ses enquêtes au cœur de New York en janvier 1941, toujours en quête d’activités nazies à détruire. Cette fois, Béla Bartók, croyant devoir démanteler une cellule nazie, un laboratoire à super-soldats, en plein centre de la Grande Pomme, tombe sur une affaire d’un caractère bien plus fantastique. Les fantômes rôdent parfois dans la ville et ce n’est pour le plus grand bonheur des vivants. Avec son assistante Becky, il s’agit pour lui de remonter la piste de ce qui fait la terreur du quartier et les apparences sont évidemment trompeuses.



Jean Bury réinvente la « légende » de Louis Pasteur et du petit enfant atteint de la rage avec « La Rouille », ce qui peut être considéré comme l’équivalent de la rage pour les robots de son petit monde. Car, en effet, l’univers à tendance steampunk qu’il met en place est l’occasion de voir proliférer les « eiffels », ces automates en plein développement. La combinaison entre mécanique et microbiologie est intéressante et suivre les explications du savant incompris est bien plaisant. Une nouvelle plutôt sympathique donc puisqu’elle ne se prend pas la tête, se suffit à elle-même et résout astucieusement une affaire bien délimitée.



Avec « Marionnettes », direction l'URSS des années 1930 ! Une Union soviétique en pleine mutation, profondément marquée par l'arrivée au pouvoir de Staline et les phases d'épuration qui ont suivi. C'est dans ce contexte tendu, alors que tout le monde se méfie de tout le monde, qu'est découvert en 1937 le corps d'un officier de l'Armée Rouge, atrocement massacré dans des circonstances bien étranges. Difficile en une vingtaine de pages seulement de mettre en place une intrigue très complexe, néanmoins la nouvelle de Julien Heylbroeck n'en est pas moins divertissante, l'auteur n'hésitant même pas à faire intervenir quelques spécialités du folklore russe.



Sélectionné parmi les lauréats du concours ImaJ'nère 2014, Bruno Baudart nous entraîne pour sa part dans le Berlin-Est de la fin des années 1940. Une ville profondément marquée par la Deuxième Guerre mondiale et dont les habitants ploient encore sous le joug d'une surveillance de tous les instants menée par la Stasi : en 1949 aussi bien qu'en 1943, on craint les délateurs. Et c'est justement pour se venger de l'un d'eux, responsable de l'arrestation et de la mort de sa compagne des années auparavant que le narrateur se décide à passer à l'acte. Un récit très touchant baignant dans une ambiance mélancolique qui ne laisse pas indifférente et parsemé de quelques références à des auteurs majeurs tels que Remarque et son « À l'ouest rien de nouveau » ou encore à Nietzsche.



Patrice Verry nous raconte, quant à lui, une fable impériale et festive. « L’empereur, le préfet et l’ingénieur » présente l’histoire de Joseph de Beaucrest, proche de Napoléon III, du préfet Haussmann et de l’ingénieur Bönickhausen. Offerte au lecteur de manière légèrement déchronologique, cette avancée en sous-main et en trois temps va très vite au point de reposer sur plusieurs sous-entendus laissant au lecteur le soin d’imaginer jusqu’où peuvent remonter les méandres de cette histoire. L’intérêt est d’ici d’approfondir ce qui constitue un des fondements de la « fierté nationale française » (fierté à tel point que plusieurs nouvelles de l’anthologie y font également référence) ; difficile d’en dire davantage sans tout dévoiler de cette nouvelle relativement brève, mais très dynamique.



Avec « La machine à explorer Baker Street », Brice Tarvel et Robert Darvel nous narrent une aventure de l'un des héros mis en scène par les fascicules Carnoplaste : Harry Dickson. Une sorte de Sherlock Holmes américain résidant au 92b ou 221b Baker Street (le mystère plane toujours...) et épaulé par le jeune Tom Wills et l'imposante Mrs Crown. C'est donc sur une touche d'humour que l'on referme cette anthologie, Brice Tarvel et Robert Darvel se mettant eux-mêmes en scène dans des situations rocambolesques impliquant notamment la présence d'un taxidermiste spécialiste en mécanique quantique ainsi que l'utilisation d'un canapé « enjambeur d'espace et de temps ». Une histoire bon enfant qui permet de refermer l'ouvrage sur une note positive.





Rétro-fictions est donc une anthologie très diverse, très distrayante, qui nous fait particulièrement voyager dans le temps et dans l’espace et mêle de façon plutôt joyeuse des auteurs reconnus et quelques semi-professionnels.



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Stoner Road

"Stoner road" c'est un peu Orphée et Eurydice à la sauce desert rock. Orphée prend ici les traits de Josh, un fan de rock stoner et adepte de la défonce, qui va courir les generator parties pour retrouver Ofelia, son Eurydice disparue lors d'un de ces concerts clandestins. Pour sauver l'élue de son cœur, il devra affronter un terrible démon qui prend possession des âmes grâce à la musique et à des champignons hallucinogènes.



Les sources d'inspiration du roman de Julien Heylbroeck sont essentiellement cinématographiques. L'influence principale est à chercher du côté d'"Une nuit en enfer". D'ailleurs, l'auteur n'aurait-il pas eu l'idée du groupe de démons en voyant Tito et Tarentula jouer les guest-stars (rôle court mais très iconique) dans le film de Robert Rodriguez ?



Cette influence cinématographique n'est pas la seule dont se nourrit "stoner road". Le récit lorgne également du côté du buddy movie avec son duo improbable contraint de coopérer.

Cet aspect du récit n'est pas vraiment réussi. Pour ça, il aurait fallu un vrai talent de dialoguiste qui aurait donné lieu à de jouissives joutes verbales. Or, les dialogues manquent de mordant. Il aurait également fallu de bons personnages. Et c'est clairement le point faible de "stoner road". Les personnages manquent d'épaisseur et sont très linéaires. Ils ne connaissent pas d'évolution notable au cours du récit. Ils ne sont pas charismatiques, on ne ressent aucune empathie envers eux.



Malgré cette faiblesse, on prend tout de même un certain plaisir à suivre cette histoire. Notamment grâce à un concept de base séduisant, même s'il est sous-exploité (j'aurais aimé être plongée d'avantage dans ce monde des generator parties), et également grâce à quelques vraies trouvailles. Le fait de faire du démon le dieu des champignons hallucinogènes qui chasse les fêtards et les retient prisonniers de leur bad trip est une bonne idée qui offre de jolis passages oniriques.



L'écriture est très basique et sans véritable personnalité. J'attendais un style en adéquation avec le sujet, une écriture avec une musicalité hypnotique, lancinante, oppressante, comme le genre musical dont il est question.



Le lecteur qui connaît un peu le stoner s'amusera à trouver les références musicales dont le récit est truffé (par exemple les personnages qui portent des noms de grandes figures du desert rock). Les autres auront là l'occasion de découvrir ce genre très riche à travers la playlist proposée par l'auteur.



En bref, un road trip divertissant et facile à lire mais très anecdotique qui sera vite oublié.



Challenge Musique 2

Challenge Variété 15 (catégorie " un livre qui se déroule dans un autre pays")
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Lazaret 44

Karkasstad est une cité construite au coeur d’un Architheuthis, une gigantesque créature de l’espace tombée sur une planète du système solaire Blemmydès. La putréfaction de cet être céleste a formé un lac noir et a vicié l’écosystème ambiant.

Au coeur de cet immense charnier, des ouvriers creusent à longueur de journée, au profit de compagnies commerciales avides d’en exploiter les richesses en minerais, au milieu de la puanteur et des miasmes, leur maigre salaire ne leur permettant de vivre que dans des habitations insalubres et de manger rarement à leur faim.

Beaucoup d’entre eux finissent malades ou déments, ravagés par le Sanglot, une épidémie qui déforme et ronge les corps, excluant socialement les infectés. Les personnes atteintes, appelées les Boursoufflés, ont peu de chance d’échapper à la mort, d’autant plus que les contaminés sont traqués par la milice, abattus sans sommation ou transférés dans le centre de détention Lazaret 44.



Le récit ne fait pas dans la délicatesse.

L’auteur décrit de façon très gore le milieu ambiant. On évolue dans la crasse et la puanteur, sur des textures spongieuses. Bref, on vit dans les entrailles d’un cadavre et l’auteur ne cesse de nous le rappeler avec force détails.

Un côté horrifique également avec la description des effets du Sanglot sur les infectés. L’esthétique humaine n’est pas prête et nous non plus par moment. Hauts-le-coeur assurés.

L’ambiance est glauque, oppressante et nauséabonde.



L’écriture est exigeante, c’est un roman qui dépeint tout un monde sous forme de roman choral avec le point de vue de six personnages différents.

L’auteur décrit un univers futuriste avec des éléments empruntés à Lovecraft pour l’immense créature-cité en forme de poulpe et à Emile Zola, pour le côté lutte sociale. L’auteur rend d’ailleurs hommage à ces deux auteurs, ainsi qu’à China Miéville, en annexes.

Le côté lovecraftien est accentué avec l’une des religions qui fait référence à un dieu seiche.

Le récit mélange des technologies avancées (vaisseaux-spatiaux, planètes exotiques) avec un langage comprenant de nombreuses références au Moyen-Age. Ainsi, les médecins portent un masque semblable à celui qu’utilisaient leurs lointains prédécesseurs, sur Terre, lors des épidémies de peste et la narration prend parfois de vieilles tournures grammaticales. Cela donne un côté intéressant au texte.

Dans cet univers, les Baronnies ou maisons nobles et les guildes règnent sur la planète et des systèmes entiers de l’univers.

J’ai trouvé les personnages plutôt attachants. Nous suivons six protagonistes dont les points de vue vont se croiser au fil du récit.



A l’échelle de Karkasstad, les Entrailleurs (classe ouvrière) sont exploités par leurs patrons et tentent de s’organiser en syndicat et de monter des grèves. Les mouvements de grèves sont rapidement arrêtés dans la violence. Wydooghe, une ouvrière raconte les tentatives précédentes, les accidents et les mutilations subies par les Entrailleurs. Ces passages m’ont rappelé Germinal dont le titre est cité par ailleurs.

Knaadier est un mire (médecin). Son habit ressemble à celui des soigneurs de la peste au Moyen-Age, avec un masque allongé en bec. Le masque est high-tech mais la référence est là. Il débarque sur Karkasstad, officiellement pour travailler sur les effets du Sanglot, mais est officieusement en relation avec la Dioscoride, l’une des guildes dirigeantes dans l’univers connu.

En parallèle nous suivons Buterdroghe depuis son vaisseau en orbite dans l’espace. Haut-gradé de la guilde de Dioscoride, elle recueille les informations fournies par le mire Knaadier.

Pruystinnck est un échevin (politique local), contaminé par le Sanglot dont il cherche à dissimuler les effets. Il tient le rôle du politique avenant qui cherche à aider les classes populaires.

Ohtonqui, au contraire, est le gouverneur de la cité et tente par tous les moyens de s’approprier un pouvoir totalitaire sur la cité. Pour parvenir à ses fins, il justifie les violences commises par la milice sur les ouvriers en cherchant à les rendre coupables de terrorisme visant à détruire l’ordre et la hiérarchie. Il est le personnage type du dictateur en puissance et son procédé d’accession aux plein-pouvoirs est bien mis en évidence par l’auteur.

Cocatrix est un jeune homme contaminé par le Sanglot. Il réussit à s’échapper de la cité et se réfugie dans un lieu secret où se sont exilées les personnes contaminées. Loin de voir la maladie comme une fatalité, ils en ont fait une religion.



L’auteur livre un récit surprenant, dans lequel l’univers high-tech côtoie les croyances les plus farfelues. Si l’univers est souvent glauque de par les descriptions du lieu et des conditions de vie, les personnages donnent un certain éclat à l’ensemble.

Un roman déconcertant et très intéressant.
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Dimension Trash

De ce recueil de vingt histoires sanglantes, je n'ai, pour l'instant, lu que la préface plein d'enthousiasme de David Didelot qui brosse un tableau rapide de la défunte collection "gore" de Fleuve Noir et présente, en dehors de l'ancienne génération d'auteurs, la nouvelle, qui a décidé de marcher sur leurs traces déjà très trash.



Et (!) j'ai lu une nouvelle... pour laquelle j'espère capter votre attention.

Il s'agit de "Tranche d'une nuit", récit d'une jeune auteure à qui j'avais promis un "retour" après lecture de son texte.

... Ç'a été une claque !



Quand je lis un livre ou une histoire dans un but précis, j'essaie de lire lentement et avec concentration, mais dès le 2e paragraphe, mes intentions étaient oubliées, tant j'ai été happée par l'histoire noire et réaliste mettant en scène une jeune femme qui a atterri sur les trottoirs strasbourgeois et qui tombe dans un piège...



Alors oui, comme le veut le genre trash, c'est violent et saigneux... Or, l'auteure a très bien su canaliser la narration des faits et évite le "trop-plein". Elle joue finement avec notre crainte pour la prostituée et nous amène à un épilogue amèrement crédible.



Si j'ai délibérément omis de mentionner le nom de l'auteure, c'est parce que je vous invite à lire la critique presque complète d'Amaranth ! La mienne ne fait que compléter la sienne...
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Stoner Road

Quand il rejoint l’écurie ActuSF avec Stoner Road, Julien Heylbroeck est déjà l’auteur de plusieurs nouvelles et fascicules dans des thématiques aussi variées que l’aventure spatiale russe à partir des années 1930, le monde du catch mexicain et le gore trasheux à l’ancienne. Avec Stoner Road, il ajoute à ces passions le rock sous acide en plein désert !



Stoner Road est une odyssée. Tel Ulysse cherchant son Ithaque, Josh Gallows, alias Doc Défonce, est en quête de sa petite amie avec laquelle il s’est encore disputé. Préparez-vous à le suivre dans cette recherche à travers des lieux et des actions franchement « en marge ». De bars louches en salles de concert cradingues, en passant par un asile psychiatrique perdu au fin fon de nulle part, Josh et les acolytes qu’il peut rencontrer au hasard de son aventure ne rôdent pas dans des endroits très bien famés. Mais vu que sa copine semble avoir disparue contre son gré, c’est qu’il va falloir aller creuser la fange pour la retrouver.

C’est une lecture qui se lit à fond la caisse, une lecture très positive, mais notamment positive aux amphétamines et aux acides, car on côtoie constamment les démons de la drogue et les affres des « bad trips » : ce n’est pas pour faire un côté trash, cela justifie aussi l’apparition du fantastique dans ce récit. L’aventure se révèle alors rythmée et enlevée ; l’auteur réussit à surprendre, non seulement par quelques moments d’épouvante, au départ passagers, mais ensuite avec un humour caustique en décalage avec les horreurs rencontrées au fur et à mesure de notre route.

Julien Heylbroeck teinte son « road movie » de bariolés trash en toute fin de parcours quand il s’agit de plonger dans des rêves très orientés vers le « fantastique d’horreur », divinités des abysses et morts-vivants en appétit à l’appui. En effet, il convoque un semblant de mythologie mexicaine entre démiurge tout-puissant et populasse de possédés qui se sont laissés prendre à ses pièges. Cette montée en puissance est soulignée par la bande son proposée directement par l’auteur qui semble avoir fait du stoner rock un fil rouge.



Stoner Road est une réussite et tout à fait dans la veine éditoriale d’ActuSF : enlevé, un peu fou-fou et volontairement sur les marges des littératures de l’imaginaire. C’est plaisant !



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Le Dernier Vodianoi

Ilya Krasnov est un liquidateur, comprenez exterminateur, au sein de la police secrète Komspetssov. A la différence du NKVD, chargé de traquer les traîtres au jeune régime soviétique, la Komspetssov traque les créatures de l’imaginaire : vampires, croquemitaine, sorcière, ondine… Et oui, le camarade Staline a jugé que celles-ci constituaient un frein au socialisme. A moins qu’il ne lorgne sur les pouvoirs mystérieux de ces êtres surnaturelles … ?

C’est donc armé de son fusil Tesla, que le jeune communiste recherche la dernière cité mythique, Bouïane. Soviétique fanatique, le camarade Krasnov verra ses convictions ébranlées par une terrible révélation.

Ah l’Urban fantasy (soupir)… Pour ma part, j’apprécie toujours ce décalage crée par les auteurs entre modernité et créatures surnaturelles, surtout quand c’est bien fait, et Julien Heylbroek a réussi en peu de pages à créer un univers extraordinaire.

Pensez :  Tesla, Raspoutine, Staline et le Moscou des années 1930 ! Autant d’ingrédients constituant la recette d’un récit intelligent, plein d'action, et à l’intrigue parfaitement maîtrisée.

Une excellente manière de commencer l’année.
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El Hijo del Hierofante, tome 2 : La vengean..





Eusébio est un jeune mexicain qui a le catch dans le sang, puisqu'il est le fils du luchador "El Hierofante" et a repris le flambeau pour devenir a son tour une légende dans les rings... mais aussi dans les rues puisqu'il s'est lancé dans une croisade pour combattre les cartels... et toute autre menace, y compris surnaturelle, à l'encontre de la population de Mexico. Cette dernière n'hésitant pas a faire appel a lui comme à un super-héros défenseur des opprimés.



Sur fond de folklore mexicain et dans la pure tradition pulp, ce récit nous propose une aventure pleine d'action et de violence, mêlant polar et fantastique. le Mexique y sera mis à l'honneur (et à l'horreur) puisque la lumière de projecteurs des rings de lucha libre côtoie la noirceur du monde des narcotrafiquants ! Des chapitres courts et rythmés, des personnages stéréotypés charismatiques, de nombreuses références à la pop culture… voici les ingrédients d'un bon divertissement qui se dévore d'une traite.





Mais cette suite m'a un peu moins emballée que la première histoire. La thématique centrale est pourtant vraiment intéressante puisqu'il met en scène une sororité de tueuses abattant impitoyablement les pourritures s'en prenant aux femmes (proxénètes, sadiques et autres mafieux). Elles finiront par se retrouver sur la route de notre justicier luchador qui lui aussi n'hésite pas a user de moyens ''definitifs'' pour débarrasser le Mexique de ceux qui gangrènent le pays. L'ambiance est toujours génial, il y a du suspense, de l'action, un peu d'humour et beaucoup de violence.

Mais c'est sur l'aspect fantastique que j'ai eu plus de mal car il m'a paru bancal. Notre héros est sensé être un devenu un véritable chasseur de monstres (lors de l'ellipse entre les deux histoires) et pourtant il n'en a pas vraiment les capacités... le courage ne fait pas tout. Cela m'a perturbé car j'ai fini par avoir du mal a comprendre où l'auteur voulait nous mener. Il n'a pas l'air d'avoir vraiment réussi a choisir le bon équilibre entre l'univers réaliste (très réussi) et le côté fantastique lié à la mythologie aztèque.



Conclusion... Le livre se lit avec plaisir mais n'est pas sans défaut et comporte notamment quelques incohérences. Mais c'est un très bon divertissement et j'ai tout de même envie de voir comment se termine les aventures du luchador dans le tome 3.
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El Hijo del Hierofante

Quand Tarantino rencontre Rey Mysterio



Le livre propose deux histoires courtes (environ 200 pages chacune). Voici la critique de la première : "Cartel de Sang"



Eusébio est un jeune mexicain qui a le catch dans le sang, puisqu'il est le fils du luchador "El Hierofante" et compte bien reprendre le flambeau en portant le masque de son défunt père. Les entraînements sont durs mais commencent à porter leurs fruits puisque "El Hijo del Hierofante" se voit proposer de nouvelles opportunités pour combattre avec les plus grands… mais sa vie sera bouleversée lorsqu'il décide d'intervenir en voyant un enfant être enlevé par les membres d'un cartel local !



Sur fond de folklore mexicain et dans la pure tradition pulp, ce récit nous propose une aventure pleine d'action et de violence, mêlant polar et fantastique. le Mexique y sera mis à l'honneur (et à l'horreur) puisque la lumière de projecteurs des rings de lucha libre côtoie la noirceur du monde des narcotrafiquants ! Des chapitres courts et rythmés, des personnages stéréotypés charismatiques, de nombreuses références à la pop culture… voici les ingrédients d'un bon divertissement qui se dévore d'une traite.



Un livre qui m'a donné envie de me replonger dans les films de Robert Rodriguez et les combats de la Lucha Underground.







MAJ après s lecture de la seconde histoire ''La vengeance des Santa muertes''



Cette suite m'a un peu moins emballée. La thématique centrale est pourtant vraiment intéressante puisqu'il met en scène une sororité de tueuses abattant impitoyablement les pourritures s'en prenant aux femmes (proxénètes, sadiques et autres mafieux). Elles vont se retrouver sur la route de notre justicier luchador qui lui aussi n'hésite pas a user de moyens ''definitifs'' pour débarrasser le Mexique de ceux qui gangrènent le pays. L'ambiance est toujours génial, il y a du suspense, de l'action, un peu d'humour et beaucoup de violence.

Mais c'est sur l'aspect fantastique que j'ai eu plus de mal car il m'a paru bancal. Notre héros est sensé être un devenu un véritable chasseur de monstre (lors de l'ellipse entre les deux histoires) et pourtant il n'en a pas vraiment les capacités... le courage ne fait pas tout. Cela m'a perturbé car j'ai fini par avoir du mal a comprendre où l'auteur voulait nous mener. Il n'a pas l'air d'avoir vraiment réussi a choisir entre l'univers réaliste (très réussi) et le côté fantastique lié au folklore mexicain...



Conclusion... Le livre se dévore avec plaisir mais n'est pas sans défaut et comporte notamment quelques incohérences. Mais c'est un très bon divertissement et j'ai tout de même envie de voir comment se termine les aventures du luchador dans le tome 3.
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Lazaret 44

Vous aimez Germinal ? Vous allez aimer Lazaret 44. Vous n'aimez pas Germinal ? Vous allez aimer Lazaret 44.

Ce roman est une revisite post apo à tonalité weird du roman de Zola. D'ailleurs, il se place sous son patronage, et celui de China Mieville; on sent cette double inspiration dans le roman jonché de clins d'œil et de références aux romans des deux écrivains.



Personnellement, j'ai adoré Germinal, et j'ai adoré également la transposition qui en est faite ici dans cet univers post apo. Verrot ou charbon, même combat : nous voici ici sur le carreau de la mine, et tout dans le roman fait penser au texte de Zola. D'abord, sa reconstitution transposée d'un carreau de mine est remarquable; ensuite, l'auteur va jusqu'à réutiliser la métaphore du monstre présente chez Zola, pour là aussi la transposer et la filer dans tout son texte. Un gros travail sur la langue a été fait, rendant le tout très riche, détaillé, sensoriel.

On retrouve également la thématique des luttes sociales, au cœur du roman. Malgré tout, l'auteur ici prend de la hauteur, intégrant une alternance de focus personnages pour apporter à la situation économique et sociale plusieurs points de vue. C'est très intelligent.



Je disais que ce roman était une revisite weird : en effet, on retrouve également tous les ingrédients de ce genre. Poétique de l'horreur poussée à l'extrême, allant jusqu'au grotesque, thématiques de la contamination et de la maladie transformant les êtres en monstres difformes, avalanche d'hyperboles et de superlatifs... C'est gluant, ça pue, c'est moche, et plus on s'enfonce, plus on y va gaiment.



Toutefois, Lazaret 44 parvient à s'extirper de cette forte intertextualité pour offrir quelque chose d'original. D'abord par le biais de ces différents focus personnages alternés; outre la dynamique que cela offre, ça donne une ampleur au roman qui ne tourne pas seulement autour d'une intrigue mais de plusieurs. Evidemment, tout est lié, et c'est assez intéressant d'avancer pour voir comment tout ça s'imbrique, et comment tout cela va éclater.

Personnellement, c'est là que j'ai été le moins convaincue, tant j'appréciais la construction de cette révolte gonflante; j'attendais de voir comment cette bulle allait éclater. Or, le roman prend dans son dernier cinquième une direction pas vraiment inattendue mais différente de ce que j'espérais, pour partir sur quelque chose de plus métaphysique. Un aspect du roman auquel j'ai moins adhéré d'ailleurs - mais c'est très personnel.



Je regrette enfin pour ma part d'avoir lu la version offerte aux jurés du PLIB. Si évidemment je me réjouis d'avoir eu accès à un ebook offert - et j'en remercie la maison au passage -, je trouve dommage que cette version n'ait pas été corrigée. Car le texte n'était vraiment pas agréable à lire. J'ai un peu de mal à comprendre l'intérêt de fournir à des jurés d'un prix littéraire des épreuves non corrigées, mais peut-être quelque chose m'échappe t-il.



Dans tous les cas, c'était une lecture surprenante, que je ne regrette absolument pas tant j'ai passé un moment incroyable - la fille du Nord que je suis a eu plusieurs fois la gorge serrée, ayant eu l'impression de se retrouver à Anzin, tant le parallèle était vraisemblable... Un roman qui vaut largement le détour, pour son originalité, sa densité et son travail de reconstitution/transposition assez bluffant.
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Stoner Road

"Il fallait bien que ça arrive, que la fusion nucléaire rock/ fiction soit tentée et c’est le petit alien, français en plus, “Stoner Road” de Julien Heylbroeck qui s’y colle. Malin et jeux de rôliste averti, l’auteur a choisi de camper son intrigue d’aventures initiatico-fantasy dans le désert, le desert rock étant, inutile de vous le rappeler, l’autre nom du stoner rock, le stoner rock étant lui, faut suivre, le fil rouge de cette machinerie, on est bien au cœur d’un dispositif construit autour du rock et en l'occurrence, rythmé par des chapitres aux titres empruntés au stoner rock et sonorisé par une BO détaillée. Orphée moderne et défoncé, le héros y cherche bien sûr son Eurydice, son Ofelia et court pour la retrouver dans les “generators parties”, ces fêtes ante-Coachella dans le désert californien où jouaient à l’œil dans les années 90 des groupes indie locaux comme Kyuss grâce à des générateurs, des bières et pas mal de drogues. Mêlant allègrement références mythologiques et péripéties gore, la culture stoner rock et la culture stoned tout court, saupoudré donc d’une bonne dose d’hallucinogènes, de champignons, d'ecstasy, le tout dans un décor cent pour cent américain parfaitement planté quoique peuplé de monstres dionysiaques, “Stoner Road” est le livre rock le plus dépaysant et original de la saison." Rock & Folk d'août 2014
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Dimension Trash

Je ne peux certifier être purement objective, mais malgré ma participation à ce recueil (ce qui est loin d'être un calvaire, au contraire), je peux donner mon avis sur les textes de mes petits et grands camarades. Et je peux assurer que ceux-ci sont très bons et très différents les uns des autres : la recette idéale pour un recueil de qualité. L'éclectisme a toujours été une grande force de TRASH, et on la retrouve dans ce présent recueil. Certaines nouvelles sont de vrais petits bijoux, comme Kotok et Junkfood Rampage, que j'ai adorés ; d'autres m'ont moins emballée. Mais il y en a pour tous les goûts, et ceux qui aiment la littérature rouge trouveront forcément des encas propres à émoustiller leurs papilles dans ce joyeux mélange.





Christian Vilà : Splash !

Les histoires d'extraterrestres, ce n'est pas trop ma tasse de thé. Mais ici, ce n'est pas un problème, puisque la nouvelle ne s'arrête pas à ce postulat de base ! Descriptions crues, une bonne dose d'hémoglobine, de l'humour noir et une histoire plus complexe qu'il n'y paraît, forment une partie des ingrédients de cette nouvelle.



Adolf Marx : Épilogue du " Vivre ensemble "

J'ai enchaîné la lecture de cette nouvelle après celle de Lumpen, épilogue percutant de ce roman éprouvant. Même s'il est possible de saisir la violence, le cynisme du texte, je pense qu'avoir lu le livre de Janus auparavant est peut-être plus pertinent.



Francois Darnaudet : Femmes, plantes et autres machines cruelles

Condensé de textes courts, à tendance pornographique, qui m'ont surprise. Il y a une créativité dans ces textes, un vrai pouvoir imaginatif, auquel je ne me serais pas attendue. le monde créé, étrange, un peu absurde, a quelque chose de très visuel, et transportant.



Brice Tarvel : Kotok

Ma nouvelle préférée dans ce recueil. C'est drôle, sordide, fort, et porté par un style irréprochable. J'ai passé un excellent moment. Voilà qui m'a donnée envie de découvrir Charogne Tango !



Cancereugène : Descente d'organes

Un récit un peu étrange, un peu hermétique, mais stylistiquement intéressant.



Julian C. Hellbroke : Junkfood rampage

Un récit post-apocalyptique savoureux. Rythme, ambiance, personnages déglingués… qu'est-ce qu'il manque ? Ah oui, des rats ! Beaucoup de rats ! Une nouvelle que j'ai adorée.



Romain D'Huissier : La veuve écarlate

Une ambiance soignée, sur fond oriental : dépaysant et agréable à lire.



Zaroff : Zomb's short

Des textes courts et percutants, comme sait bien les faire Zaroff. Variations intéressantes sur le thème du zombie, chaque nouvelle apporte un nouveau éclairage et on ne s'ennuie pas !



Sarah Buschmann : Tranche de nuit

Je ne vais pas m'appesantir sur cette nouvelle, étant l'auteure, mais plutôt faire un bref résumé : Alex, prostituée toxicomane, tombe sur un client malveillant. Elle va tout faire pour tenter de s'en sortir.



Gilles Bergal : Nouvelle vie

Une autre histoire sur les zombies, mais avec une nouvelle perspective. C'est une nouvelle agréable.



Robert Darvel : Killing Joe D'Amato

Fan fiction autour de 50 nuances de Grey, l'intrigue tourne autour du snuff, dans une ambiance relativement porno.



Patrice Lamare : Allegro ma non troppo

Représentation sanglante, devant une foule de monstres, où la violence devient chef d'oeuvre. L'ambiance est là mais il m'a manqué une intrigue.



Artikel Unbekannt vs Schweinhund : White trash

Huit textes courts qui permettent une immersion dans l'univers particulier de cet auteur. L'ambiance y est soignée, la prose est réfléchie, élaborée, et chaque texte est un morceau de quelque chose de singulier, de différent. Je n'ai pas tout saisi, mais j'ai été transportée. Même si mon affection revient toujours à l'excellent « Profondo Nero ».



Catherine Robert : Je suis méchante

Une nouvelle dérangeante, mais qui sait choper le lecteur (aux tripes sûrement, autre part peut-être aussi) pour ne plus le lâcher. J'ai vraiment beaucoup aimé. Même après… quasiment trois mois (j'ai vraiment tardé à écrire cette chronique), j'ai encore tout à fait l'image de cette petite fille, à la fois glaçante et touchante. J'ai certainement ressenti une certaine exultation devant ses forfaits, terribles mais pas injustifiés.



Guy Kermen : Gloriole au glory hole

Une nouvelle efficace et assez dérangeante, qui met indubitablement mal à l'aise.



Corvis : Une heure à tuer

Histoire classique mais efficace. Très vite, la compassion pour les horreurs que subit le personnage s'efface, pour laisser place à une certaine jubilation. J'ai bien aimé le déroulement, certes prévisible, mais implacable. Et j'ai toujours apprécié les vengeances sanglantes.



Kriss Vilà : Éventration d'une grenouille

Un autre récit assez fort, qui joue sur le plan social. C'est cynique et c'est noir. Ca fait mal, et c'est ça qui est bien.



Charles Nécrorian : Les immortels

Dans l'univers de la science-fiction, le récit de ce grand nom du gore se démarque quelque peu des autres textes, ce qui renforce la diversité de ce recueil.



Nelly Chadour : Sacré gril

Un récit extrêmement efficace et dépaysant. Très visuel, il nous fait voyager dans l'Antiquité, pour y suivre des personnages dégénérés. La chute est excellente, et conclut superbement un récit du même acabit.



Christophe Siébert : La vieille

Description froide et crue de la lente décomposition d'un corps, rappelant notre condition mortelle, et animale. C'est un peu effrayant. Et déprimant aussi.



Postface de Sandy Foulon

Condensé de chroniques intéressantes des douze premiers TRASH.



Je n'ai pas lu beaucoup de recueils de nouvelles pour l'instant. Néanmoins, de ma courte expérience, je peux dire que celui-ci est particulièrement bien équilibré, proposant un ensemble de nouvelles diversifiées et de qualité. Je suis vraiment fière d'en faire partie, plus encore maintenant que j'ai pu découvrir le niveau des textes qui le composent. Pour ceux qui suivent TRASH, pour ceux qui apprécient la littérature sanglante ou ceux qui veulent la découvrir, ce recueil en présente un échantillon, écoeurant parfois, affreux souvent, mais aussi tout à fait savoureux.
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Le cartel de sang

Quand Tarantino rencontre Rey Mysterio



Eusébio est un jeune mexicain qui a le catch dans le sang, puisqu'il est le fils du luchador "El Hierofante" et compte bien reprendre le flambeau en portant le masque de son défunt père. Les entraînements sont durs mais commencent à porter leurs fruits puisque "El Hijo del Hierofante" se voit proposer de nouvelles opportunités pour combattre avec les plus grands… mais sa vie sera bouleversée lorsqu'il décide d'intervenir en voyant un enfant être enlevé par les membres d'un cartel local !



Sur fond de folklore mexicain et dans la pure tradition pulp, ce récit nous propose une aventure pleine d'action et de violence, mêlant polar et fantastique. le Mexique y sera mis à l'honneur (et à l'horreur) puisque la lumière de projecteurs des rings de lucha libre côtoie la noirceur du monde des narcotrafiquants ! Des chapitres courts et rythmés, des personnages stéréotypés charismatiques, de nombreuses références à la pop culture… voici les ingrédients d'un bon divertissement qui se dévore d'une traite.



Un livre qui m'a donné envie de me replonger dans les films de Robert Rodriguez et les combats de la Lucha Underground
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Lazaret 44

En préambule : je ne connais pas l'auteur, c'est le premier livre que je lis de lui, je l'ai acheté totalement par hasard en me fiant au 4ème de couverture. C'est donc l'avis d'un lecteur aléatoire — qui n'a peut-être pas toutes les clés en main — que je livre ici. J'espère que vous me pardonnerez mes maladresses.



Résumé : Une épidémie ravage la cité de Karkasstad. Knaagdier, médecin — ou plutôt mire, puisque le récit brasse les genres sans vergogne et mêle une médecine moyenâgeuse quelque peu fantoche à du planet-opera — est dépêché sur la ville carcasse pour enquêter sur ce mystérieux Sanglot (pas vraiment, en fait, je raccourcis…). Mais Karkasstad est en proie aux troubles, sur le point de basculer, entre les dérives autoritaires d'un gouverneur assoiffé de pouvoir et la gronde des ouvriers opprimés.



L'atout de ce roman est sans conteste son univers d'une richesse faramineuse. D'emblée, j'ai été fasciné par la malsanité presque mystique de cette ville creusée dans la chair d'une gigantesque créature divine. Les descriptions fleuves et la précision du vocabulaire sont un régal quand il s'agit de dépeindre un tableau clinique de la puanteur régnante et des conditions extrêmes de vie des pauvres hères qui s'acharnent à dépiauter la chair du monstre. La métaphore des vers grouillant sur un cadavre — quoiqu'attendue — fonctionne à merveille, elle va de pair avec l'organisation organique de la ville et son découpage des classes sociales en fonction de la géographie du squelette. Une idée brillante !



L'écriture est immersive, l'auteur ne perd jamais une occasion de ponctuer la narration d'anecdotes sur le lore, à tel point que les effluves moribonds et la chaleur étouffante de Karkasstad finit par nous prendre, nous aussi, à la gorge. Une lecture idéale en période de canicule. Karkasstad, c'est la misère, on y vit, mais on y meurt surtout, que ce soit des impitoyables conditions de travail dans les usines ou des maladies. le Sanglot revêt dans cette histoire une dimension spirituelle. En ce sens, le choix d'une médecine à rebours des technologies modernes semble parfaitement adéquat (en plus d'occasionner quelques fous rires au lecteur qui ne manquera pas de s'étonner des propriétés désinfectantes des fientes d'homme roux).



Lazaret 44 est une fresque. Une fresque grandiose et à la hauteur de ses ambitions quand on voit à quel point chaque pan de l'univers a été pensé. Elle tient solidement sur ses fondations grâce aux myriades de riches idées, de la religion aux technologies alchimiques, en passant par une organisation sociétale qui ne manque pas de clins d'oeil à la nôtre. C'est aussi ça, l'ambition de ce roman, la critique acerbe d'une société capitaliste, qu'il s'agisse des dérives autoritaires ou du soulèvement ouvrier qui réchaufferait le coeur de ce bon vieux Marx. On y parle de violences policières, de 49.3, de politiques corrompus, de racisme, d'exclusion sociale, de maltraitance animale avec ce passage glaçant dans l'usine de cuviandes qui n'a rien à envier aux BD de Mathieu Bablet. La flamme de gauchiste woke en moi se réjouit du parti pris.



Évidemment, on se doute bien que faire tenir une telle densité en moins de 500 pages est un challenge. Il aura fallu sacrifier d'autres aspects du récit. À mon sens, les victimes furent les personnages et l'intrigue.



Les personnages ne sont pas mauvais ! Pas du tout. J'ai apprécié leur diversité, leur backstory et leur vision propre de la cité. Par contre, je n'ai pas réussi à m'attacher à eux. Pour la simple et bonne raison qu'ils étaient là pour incarner une faction et un concept : le médecin étranger et enquêteur ; le politique affaibli, mais investi ; la directrice impitoyable ; l'ouvrière révoltée ; le malade fugitif et le gouverneur autoritaire et ambitieux. Ces protagonistes étant des archétypes (pas forcément clichés, mais quand même), tout ce qui relevait des émotions passait rapidement à la trappe. Heureusement que Knaagdier nous dit qu'il est là pour retrouver la femme qu'il aime, parce que j'ai eu du mal à le ressentir ! Mais peut-on reprocher à un médecin de privilégier l'analytique au sentimentalisme ?



J'ai aussi eu un problème avec les méchants. Au début, j'étais pourtant enthousiaste : « chic ! le point de vue des vilains ! Avec un peu de chance, le récit ne tombera pas dans le manichéisme… » Spoiler :







Je vais même aller plus loin : j'ai trouvé Buterdroghe dispensable. En fait, le récit aurait, pour moi, été encore meilleur si l'on était resté sur un huis clos étouffant au sein de Karkasstad. Après tout, on le dit au début : on sait quand on arrive sur Karkasstad, mais on ne sait pas si on en repart. du coup, les balades aux confins du cosmos de la directrice et les digressions sur les alchimistes cénobites m'ont un peu sorti de mon immersion.

Donc oui, j'adore les méchants, mais les voir aussi peu nuancés et avoir pris le parti trop évident des gentils m'a presque fait regretter l'accès à leur point de vue.

Peut-être que le souci résidait aussi dans le fait d'avoir trop voulu équilibrer les alternances de focalisation ?



Si le récit choral est une super idée pour présenter les différents aspects de la cité et instiller du suspens à chaque rupture, cela engendrait des longueurs forcées quand il ne se passait pas grand-chose du côté d'un personnage et, a contrario, des rushs et des ellipses vénères quand il se passait trop de choses.





Je ne doute pas que les amateurs d'action nerveuse ont su apprécier ce final intense, très cinématographique par certains aspects. En dépit de mon pinaillage, la montée en puissance du chaos dans la ville fonctionne bien et le dénouement répond à la majeure partie des questions en suspens ; donc mes attentes sont plutôt satisfaites.



En conclusion, je voulais de la SF horrifique et j'ai eu de la SF horrifique, avec quelques bonus pour la fable sociale. le mélange des genres a bien pris et, malgré quelques déceptions sur le déséquilibre entre longueurs et passages trop rapides, l'alternance des points de vue est construite avec habilité.



Remarque subsidiaire : Par contre, mon édition est truffée de coquilles. Rien de grave, l'erreur est humaine, ça ne m'a pas empêché de lire. Mais ça pique un peu quand même.

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Pestilence

Le Moyen Âge est une époque qui se prête extrêmement bien aux excès les plus purulents et atrocités les plus extrêmes, Pestilence le confirme.



Quand je pense à cette époque, j’imagine des rues sales, nauséabondes, où les déjections sont jetées par les fenêtres, où la maladie se répand dans un air épais, putride, où les chicots sont noirs, quand ils sont présents. Un Moyen Âge peu représenté dans la littérature, et qui exhale toute sa puanteur méphitique dans ce roman. Pestilence a été comparé à plusieurs reprises à du Brussolo, et c’est vrai qu’il m’a un peu rappelé « Le château des poisons », pour cette ambiance en huit-clos, même si Degüellus va plus loin dans l’horreur.



Le début est vraiment excellent, avec l’arrivée dans ce village perdu au milieu des marécages, atteint par la peste, qui combat la maladie par des extrémités liées aux peurs et croyances de l’époque. Les descriptions de la maladie sont très efficaces, et j’ai particulièrement apprécié le vocabulaire utilisé, qui permet une bonne immersion dans l’histoire.

L’intrigue tient en haleine jusqu’au bout, et le personnage de Tancrède est intéressant, obnubilé par sa quête morbide, humain dans tous les sens du terme. Moderne dans sa façon de penser, il est exclu par ses collègues pour cette raison. Il étudie la maladie, aide les malades sans que cela ne soit réellement son but premier, mais fait tout de même preuve d’humanité, et affronte l’église pour cela. Les autres personnages présentent un peu moins de nuances. J’aurais aimé voir l’inquisiteur un peu plus longtemps.



Certains passages sont presque cartoonesques, dans un excès qui en devient quasi amusant. J’ai une préférence pour l’approche plus « réaliste », noire de TRASH. Une approche plus premier degré, qui ne permet aucun recul, aucune distance. Là, l’aspect un peu burlesque rend l’horreur plus supportable. L’avantage est de pouvoir se concentrer plus facilement sur l’intrigue, sans se laisser submerger par les atrocités, et de pouvoir dévorer le livre sans interruption.



Donc un bon bouquin, à ne pas manquer pour les aficionados du gore.
Lien : http://amaranth-chroniques.b..
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Malheur aux gagnants

Un polar qui brasse les différents genres du roman populaire, les détectives amateurs, la SF, l'espionnage... Avec un improbable trio de gueules cassées pour mener la danse, dans une société des années 1930 qui se dirige inexorablement vers une nouvelle catastrophe. C'est enlevé, plein d'humour et de clins d'oeil, plein d'idées originales et amusantes, dont celle qui est au centre de l'intrigue.
Lien : http://appuyezsurlatouchelec..
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Pestilence

J'ai vraiment été passionné par l'histoire de ce polar moyenâgeux, un petit gout du " Nom de la rose" ....Un médecin enquête sur une épidémie de peste survenue dans un petit bourg...Une enquête bien mené et un final bien glauque...Bien sûr quelques bons passages bien " Trash" comme le veut cette collection , mais sans abus.....et un personnage principal attachant , qui j'espère reviendra peut être dans d'autres romans .
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