Citations de Karine Reysset (135)
Je veux continuer ce qu'on a commencé la dernière fois, j'ai murmuré en retirant ma robe.
J'avais prévu mon coup, il n'y avait rien en dessous. La suite, je ne veux pas la raconter, c'est trop intime, trop cru aussi. Ce que je peux dire, c'est que je n'ai jamais bu mon café et qu'il y avait aussi beaucoup de tendresse et de respect, comme si j'étais quelque chose de très précieux, de très fragile, qu'on peut casser.
comment aurais-tu pu le deviner papa ? tu te souciais de mes études, de mon sport, de mes petites amies,mais tu ne voulais pas entendre parler de maman, de ma vie avec elle...Et j'ai épousé une femme qui lui ressemblait, une femme autoritaire sous ses airs angéliques.
Ils n’ont rien fait pour moi, à part me donner une vie de misère, un vide de merde…
J’ai longtemps fait de mon mieux pour que tout ça tienne. Pour que ça ressemble à quelque chose, notre famille. J’ai fini par jeter l’éponge, cela ne servirait à rien.
Un silence qui ne heurte pas ma peine, une sorte de douceur ambiante.
J’ai l’impression que je vais tomber à chaque instant, et je suis la première à m’étonner d’être encore debout
J’ai souvent pensé qu’on avait du se tromper à ma naissance, m’échanger. J’estimais que je valais mieux que cette famille là.
Sa vie était faite de morceaux qui ne se joignaient pas, comme dans ce film de Truffaut que Léna lui avait prêté lorsqu'elle était étudiante.
Un crabe pinça le coeur de Scarlett
Mickael Jackson venait de mourir et ça ne lui faisait rien.
Je vivais par procuration depuis si longtemps, que ce soit dans les œuvres d'art ou dans la vie de gens que j'observais. Je n'avais pas vraiment soif de connaissances, mais voulais comprendre comment les gens vivaient, quel était le mode d'emploi, la marche à suivre, comment on se débrouillait avec ses angoisses, ses a priori, tout ce qui nous entravait, nous engluait.
À celui qui sort sous les Myosotis
La clé c'est que j'avais 18 ans et qu'on n'est pas sérieux à cet âge-là. J'avais trop souffert de la solitude et de mes pudeurs, je voulais me déverrouiller. Cet été-là, près de la rivière, tous mes loquets sautèrent un à un.
j'avais toujours été celle dont on ne remarquait pas l'absence.
Ma venue fut décidée à la dernière minute. La séparation de mes parents m'avait ébranlée. J'avais l'impression que le nouvel équilibre familial, fragile et précaire, reposait en grande partie sur mes épaules – ce qui me paraît rétrospectivement exagéré –, et l'invitation de Soline était tombée à pic. J'y voyais une échappatoire. Sa possibilité au moins.
Il est paradoxal de se souvenir de soi comme d’une autre, étrangère à soi-même le temps d’une parenthèse. Je ne me reconnais guère dans ce portrait d’une jeune-fille en feu, ou plutôt de jeune femme. J’avais traversé le fleuve, j’étais passée de l’autre côté, nul retour en arrière possible. J’avais vécu ce rite de passage à l’âge adulte comme une succession d’épreuves initiatiques. J’en ressortis grandie dans tous les sens du terme. Aguerrie. Comme si je m’étais livrée à un corps à corps, un combat contre moi-même sans merci que j’avais gagné haut la main.
J'ai fini par ne plus me rendre chez mon père. C'était trop compliqué de trouver des dates qui lui convenaient. Il s'est progressivement détaché de moi. J'ai compris que je ne pouvais plus compter sur lui. Il nous a effacées de sa vie, à son tour il nous a abandonnées. Une nouvelle fois, je me suis sentie éjectée. Mauvaise fille.
Une fois n'est pas coutume, ma cellule est inondée de lumière, un soleil d'hiver. Dans le jardin, les fleurs attendent en silence, tapies sous la terre. Mon Nino, je prends ton dessin entre mes doigts. Il est très réussi, avec ces superhéros que tu as inventés, dotés de "fils adhésifs" et de "rails de crème fondue". Ta sœur m'a tout expliqué. Elle m'a dit que tu l'avais fait spécialement pour moi. Je le punaise sur le tableau d'affichage. A tout moment je pourrai l'admirer. Mon cœur bat fort, tu sais. J'essaie de décrypter, y cherche un message caché.
Stella sentit la boule d'angoisse grossir dans sa poitrine. Elle avait du mal à respirer. Si elle prenait plaisir à nager dans la mer, à marcher sur les sentiers côtiers, à courir sur le sable, c'était auprès de ses parents qu'elle se rechargeait de son stress. Quoi qu'elle en dise, leur avis comptait beaucoup. Elle se mordilla les ongles, son vernis violet n'avait pas très bon goût. Elle était arrivée confiante, mais en franchissant le seuil de la villa, toute sa nouvelle assurance avait volé en éclats, ses peurs était revenues au galop. Ce questionnement incessant qui la taraudait depuis des semaines et qu'elle avait réussi à faire taire bourdonnait à nouveau à ses oreilles, tel un acouphène.
Et là je le regarde. Il est de ces hommes qui taisent l’essentiel. J’ai envie de crier : « Alors, pourquoi tu ne me l’as jamais dit ? » Envie aussi de lui demander, même si cela me paraît stérile, voire dangereux : « M’aimes-tu encore un peu ? » Il me suffirait de pas grand-chose pour revenir au bercail, juste qu’il l’exige d’une certaine douce façon. Reprendre ma place, comme un enfant revient après une fugue. Des phrases idiotes et définitives se bousculent dans ma tête.