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Critiques de Leo Perutz (192)
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La nuit sous le pont de pierre

Le dernier roman publié du vivant de l’auteur, il a connu une longue gestation. Commencé en 1924 en Autriche, il n’a été terminé qu’en 1951, et publié en 1953. Il faut noter qu’après son départ de l’Autriche pour la Palestine en 1928, après l’Anschluss, Perutz a arrêté l’écriture, et il est revenu à son métier d’origine, celui d’actuaire. Après la fin de la seconde guerre, il partageait son temps entre le proche Orient et Vienne, où il n’était plus toutefois qu’un écrivain bien oublié.



La nuit sous un pont de pierre se déroule à Prague, la ville où est né Perutz, ville qui faisait encore partie de l’empire austro-hongrois qui vivait ses dernières heures. C’est un livre à la structure savamment élaborée : quatorze récits, suivis d’un épilogue, récits qui se répondent, dans lesquels nous retrouvons des personnages qui reviennent ; si certains paraissent pouvoir se suffire à eux-mêmes, il y a néanmoins, à chaque fois, au moins des éléments, des indices, indispensables au lecteur pour saisir la trame principale. Les deux figures essentielles sont l’empereur Rodolphe II et Mordechai Meisl, un riche juif. Les deux lieux centraux du récit sont le château où demeure l’empereur et le ghetto juif où vit Meisl. Le roman se déroule sur cinquante ans entre 1571 et 1621, et l’épilogue vers 1900. Les récits ne suivent pas un ordre chronologique, il y a des retours en arrière, des sauts importants dans le futur. Et certains récits ne peuvent pas être datés avec précision. C’est donc une sorte de puzzle que le lecteur doit reconstituer, en essayant de trouver à chaque fois les éléments signifiants, essentiels. En dehors d’un aspect évident de roman historique ( l’effondrement du royaume de Bohême), le livre présente aussi des éléments fantastiques, surnaturels, en particulier par l’entremise du grand rabbin Loew.



Il y a bien sûr le charme de Prague, une Prague en partie disparue, mais il ne faut pas penser que Leo Perutz dans ce livre à la forme atypique, qu’il a mis si longtemps à écrire, et qui est le dernier paru de son vivant, s’abandonne aux douceurs de la nostalgie et du souvenir. Ses thématiques et sa vision du monde n’ont pas changées. Les personnages sont aliénés par le passé dont ils n’arrivent pas à se libérer, ce qui bloque leur présent : Jakob Meisl, le dernier descendant de la famille de Mordechai n’a pas fait le deuil de la fortune disparue de son lointain parent : il collecte les souvenirs de cette époque en espérant rentrer en possession de l’or envolé plutôt que de vivre sa vie. Les personnages historiques, tels qu’ils nous apparaissent, sont impuissants et ne peuvent influer sur le cours de l’histoire. Même l’empereur. Le désastre final, le déclenchement de la guerre de Trente Ans ne signe pas l’échec d’un grand dessein, mais est le résultat d’une vacuité politique, d’une désertion du pouvoir lié à la poursuites d’intérêts individuels, de chaque protagoniste, chacun à son niveau. Chacun y participe à sa manière, sans le vouloir réellement, par aveuglement et par un soucis de son intérêt individuel, à très court terme. L’histoire ne progresse pas, elle piétine, tourne en rond, au gré de petits appétits médiocres des hommes. Les mêmes malheurs sont donc toujours à redouter de nouveau. Une fatalité est inscrite dans la nature humaine, et provoque un tragique dans des existences sans grandeur.



Cela semble bien sombre, et c’est pourtant un livre magnifique, touchant dans ses personnages, troublant dans ce qu’il raconte, qui ne manque pas d’humour et de second degré, merveilleusement écrit et construit. Mais d’une redoutable lucidité, sans les douces consolations fallacieuses d’une rédemption, et surtout d’une possibilités pour les hommes d’arriver à maîtriser leur destin.
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La neige de saint Pierre

Publié en 1933 et aussitôt interdit pas les nazis, c’est l’avant dernier roman de Leo Perutz, auteur autrichien d’origine juive, publié de son vivant. Un jeune médecin, Georg Friedrich Amberg, se réveille mal en point dans un hôpital. Les souvenirs qu’il a des cinq dernières semaines écoulées, ainsi que de ses raisons de se retrouver en mauvais état et alité, différent sensiblement du discours qu’on lui tient à l’hôpital : renversé par une voiture, il aurait passé ce temps dans son lit, plus ou moins comateux.



Or Amberg a des souvenirs très précis des événements qui se seraient déroulés dans le village de Morwede, dans lequel il a pris ses fonctions de médecin. Le village est régi par le baron von Malchin, un ami du défunt père d’Amberg. Le baron a d’étranges lubies et projets : il rêve de restaurer le Saint Empire Germanique, et pour ce faire imagine de se servir de la science, et utiliser une étrange substance, qui pourrait agir sur l’esprit des hommes, et lui permettre de les manipuler. Il est aidé dans ses recherches par une jeune femme, qui a déjà croisé la route d’Amberg et dont il est amoureux. Le jeune médecin assiste en tant que spectateur aux menées du baron et de sa collaboratrice, qui n’ont pas forcément les mêmes objectifs. Sceptique et refusant de s’engager, il sera toutefois aux premières loges pour suivre les faits jusqu’aux événements graves et tragiques, dont il sera finalement une des victimes. Mais c’est un tout autre discours qu’il entend à l’hôpital : tous ces événements ne seraient-ils que le résultat d’un délire ? ou certains ont-ils intérêt à cacher ce qui s’est passé à Morwede ?



Nous ne pourrons répondre avec certitude à cette dernière question, chaque lecteur est libre de choisir l’option qui lui convient le mieux, ou de se dire que l’incertitude est inévitable. L’essentiel est dans le tableau halluciné et hallucinant d’une communauté vivant d’une manière rétrograde, dans laquelle un appétit de puissance et de manipulation voit le jour, et rend toutes les atrocités possibles. Le village a des allures de cauchemar, à la limite du fantastique et de l’horreur, le roman joue aussi avec des techniques de romans policiers, sans oublier la science-fiction. Mais tout cela est utilisé en permanence par Perutz avec une sorte de distanciation, de second degré. Toutes les pistes sont incertaines et ne mènent à aucune solution solide. L’étrange labyrinthe de l’esprit humain ne semble pas avoir de sortie.



L’auteur crée un univers fantasmagorique, avec ironie et maestria, mais qui en même temps pose des questions qui n’ont rien d’irréel, la manipulation des masses, la façon dont le fanatisme peut se traduire en fonction de la société dans laquelle il émerge, par exemple, sont d’une brûlante actualité, et non seulement à l’époque où le livre a été écrit.



Brillant, dérangeant, frustrant, mais aussi très jouissif et posant plein de piste de réflexion, c’est encore une grande réussite dans l’oeuvre de Leo Perutz.
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Le Cavalier suédois

Un conte bien mené, teinté de fantastique distillé deci-delà, parfois nié, parfois assumé, au service d'une histoire où un homme brave le Destin pour mieux se sentir vivre. Faut-il le regretter ? Vaut-il mieux suivre un chemin tout tracé ou prendre systématiquement le chemin de traverse ?

Par certain côté, ce petit roman présente un aspect philosophique sans que cela ne soit trop appuyé, une sorte de morale déguisée, comme seuls les contes d'antan savaient le faire. Et d'ailleurs, l'atmosphère de cette histoire est empreinte d'une certaine nostalgie somme toute agréable.



À lire, car on en ressort le sourire aux lèvres, satisfaits d'avoir lu une histoire bien menée, avec une bonne fin, et, plus que cela, une écriture quelque peu surannée mais indiscutablement délicieuse.

Leo Perutz est un auteur à découvrir !
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Le Judas de Léonard

Léonard de Vinci tarde à peindre sa fameuse Cène au monastère de Notre-Dame des Grâces. Il peint ses personnages d'après nature : son Christ, ses apôtres, ne sont pas que de simples apparences en deux dimensions sur un mur, ce sont des êtres humains dont le corps et le visage portent les marques de l'histoire personnelle et de l'intériorité. Il lui manque un Judas : non seulement un modèle qui ait l'air de Judas, mais un homme qui, dans ses actes et dans sa vie, incarne Judas. Il sera bien temps ensuite de le croquer et de le peindre sur le mur de la Cène. La route route du peintre finit donc par croiser celle du négociant bohémien Joachim Behaim, homme juste et droit, exact à payer et à se faire payer, dont l'histoire à Milan (peu intéressante à vrai dire) occupe la plus grande partie de ce roman. Judas, c'est lui, son visage, sa prestance, ses moeurs et opinions, bref tout dans sa personne est Judas, l'homme juste et le traître à l'amour. C'est sa vie, non sa figure seulement, qui fait de lui le parfait modèle du personnage.



Ce court roman est une réflexion intéressante sur la peinture et sur la personne de l'apôtre qui trahit le Christ. Judas est un personnage délicat à manier : on a vite fait de tomber dans l'antisémitisme, et il faut de l'habileté à l'auteur pour éviter ce piège. Mais faire de Leo Perutz un "Kafka picaresque" est certainement très exagéré. La lecture de l'ouvrage est agréable, grâce à un certain humour qui désennuie.
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Où roules-tu, petite pomme ?

Avant qu’un de mes amis me conseille chaleureusement de lire du Léo Perutz, je me dois d’avouer que je n’avais jamais, absolument jamais entendu parler de cet auteur. Connaissant la qualité des conseils plus qu'avisés de mon cher R , je me suis empressée à l’époque d’acquérir quelques livres de cet auteur.

Bon, il a fallu que s’écoule plus d’une année entre le conseil et la lecture de ce premier livre, je dois le reconnaitre .

Et quelle belle découverte ! J’ai tout de suite été séduite par le style de l’auteur, très fluide et imagé. J’ai vraiment adoré suivre les pérégrinations de Vittorin, ancien officier de l’armée autrichienne à la fin de la première guerre mondiale. Lui et quatre autres officiers ont été prisonniers de guerre en Russie. Les cinq prisonniers se sont juré de revenir en Russie une fois le conflit terminé pour se venger de leur gardien.

Finalement, au bout d’un moment, seul Vittorin est encore animé par ce besoin de vengeance, ses quatre amis ayant plutôt tendance à vouloir aller de l’avant et vivre leur vie.

C’est donc le périple de Vittorin que j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt pendant cette lecture. Il va partir dans une Russie exsangue par les batailles menées par les bolcheviques contre les « blancs » (l’armée impériale). Mais comment retrouver un officier dans un pays aussi vaste et qui subit plein de mutations ?

Fanatique, (car quel autre mot employer ?), Vittorin ira jusqu’au bout de la mission qu’il s’est fixée. Il n’aura de cesse de retrouver Selioukov, même s’il doit le suivre jusqu’au bout du monde ou presque…

Un auteur qui mériterait d’être plus connu, car il a assurément beaucoup de talent .

Je conclurai avec ces mots : merci cher R., comme d ‘habitude, tes conseils sont à la hauteur de ton talent de poète : brillants !!



Challenge ABC 2017/2018

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La troisième balle

C’est le premier roman publié par Leo Perutz en 1915, pendant la première guerre mondiale. Le livre rencontre un grand succès qui permet à son auteur de se consacrer à l’écriture.



Nous sommes en 1547, la bataille de Mühlberg a vu la victoire de Charles Quint sur les protestants. Un cavalier allemand, appelé Prunelle-de-verre combat dans l’armée impériale. Il semble avoir perdu ses souvenirs. Un Espagnol va lui conter son histoire, qui s’est déroulée dans le Nouveau Monde, pendant la conquête du Mexique par Cortez. Une histoire de bruit et de fureur, lorsqu’il a tenté par tous les moyens de s’opposer à l’armée espagnole, avec une poignée d’Allemands fuyant l’Europe en guerre, et s’opposant à l’Empereur et à l’Église catholique. Et également à son ennemi personnel, le duc de Mendoza, cruel et dépravé. Grumbach, le rhingrave rebelle, est prêt à tout pour faire échec à l’Armada espagnole, y compris à faire alliance avec le diable. Mais ce dernier a plus d’un tour dans son sac, et les trois balles que Grumbach obtient, pourraient se retourner contre lui plutôt que de lui permettre de vaincre ses ennemis…



C’est le premier roman de Perutz et il ferra sans doute mieux par la suite, il y a encore des éléments un peu confus dans celui-ci, le scénario n’est pas aussi brillamment tenu que dans ses meilleures réussites. Mais les thématiques, les obsessions sont déjà là, bien présentes, sans oublier l’art du conteur, ainsi qu’une manière magistrale de s’approprier les codes de la littérature de genre, ici le roman historique et fantastique, pour les subvertir, faire un pas de côté, et produire un texte tout à fait original.



Grumbach, comme tous les sujets perutziens, est un sujet inaccessible à lui-même, au point que c’est un autre qui lui raconte sa propre histoire, qu’il a oubliée, qu’il a voulue oublier sans doute. Une histoire tragique dans le sens où elle est annoncée d’avance, et inévitable, malgré les nobles aspirations du personnage. Mais il se trompe sur lui-même, sur sa capacité à dominer les événements, à les maîtriser et à se maîtriser lui-même. C’est son obstination à vouloir sauver le monde qui participe à sa destruction, et provoque le chaos. Son échec est programmé, la prédestination fatale est en quelque sorte incluse en lui-même, et non pas dans une divinité extérieure et maléfique. C’est d’une certaine manière la malédiction originelle de la nature humaine. Vouloir jouer le Créateur et faire plier le réel ne peut que mener à l’échec, le réel s’accomplit malgré le héros, qui n’est pas en mesure de s’opposer à l’Histoire, au destin.



C’est très sombre, la violence et les destructions de la guerre sont terribles, le désenchantement devant la folie des hommes s’exprime très fortement, l’ambiance du récit est oppressante. C’est déjà une très grande réussite, même si l’auteur va encore perfectionner son art dans ses romans suivants.
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La nuit sous le pont de pierre

Qu'y a-t-il de commun entre Rodolphe II, Empereur germanique, qui entretint à Prague une cour brillante intellectuellement, et Mordechai Meisl, au départ jeune chiffonnier pauvre du quartier juif? Si vous vous laissez tenter par le dernier livre de Leo Perutz publié de son vivant (1953), vous le découvrirez pas à pas. Au début, vous aurez l'impression d'un simple recueil de nouvelles. Puis les récits commenceront à tisser des liens entre eux et vous entrerez dans les secrets de la cour de Prague et de la communauté juive de la ville. Nous sommes à la fin du 16e et au début du 17e siècle. Nous sommes plongés dans les traditions juives, empreintes de merveilleux, et dans l'ésotérisme dont l'empereur Rodolphe était friand. Et d'un récit à l'autre, nous avons hâte de rester immergés dans ces ambiances, où les apparences sont généralement trompeuses. La période est troublée, les affrontements religieux et dynastiques font rage. Les ambitions s'aiguisent, ou s'effondrent, ou s'apaisent.

Une forme plutôt originale pour une belle expérience de lecture. Mais surtout, ne commencez pas par lire la 4e de couverture, cela pourrait vous gâcher le plaisir.
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Le Cavalier suédois

Un très bon récit, j'ai beaucoup apprécié, je suis étonné que l'auteur, l'histoire, ne soit pas plus connu que cela, j'ai déniché ce chef-d'oeuvre dans un Emmaüs, pourquoi n'ai-je pas connu avant ?

Je ne me suis pas lassé durant ma lecture, j'ai été porté tout du long.

J'espère découvrir d'auteurs ayant ce même talent et qui mérite d'être connus. le style me fait penser à de la littérature du XIXe siècle, un siècle que j'apprécie par son foisonnement littéraire, avec entre autres : Maturin, Shelley, Goethe ( moitié des deux siècles), Dickens, Hugo, etc. Je suis encore débutant pour cette découverte de ce siècle ainsi que la moitié du XXe, mais depuis je ne me lasse pas. Les deux siècles sont riches d'originalité...

Leo Perutz un auteur a retenir...
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Le tour du cadran

" Oui, ces menottes, je les garderais toute ma vie."



Demba, libre dans sa tête... Oui une idée de chanson me trotte dans les méninges après cette lecture. Une pensée pour les migrants, les mains libres et pourtant si prisonniers des "flots". Comment ne pas faire des liens avec tout ce qu'on lit, voit, sent, comprend du monde qui nous entoure après cette lecture. Un roman sur la liberté qui se déroule à une époque révolue mais que j'ai trouvé intemporel pour la problématique soulevée et pour autant qui m'a aussi intéressé pour la description de la société du 19ème siècle qu'il en donne.

Cet auteur embarque le lecteur de pirouettes en pirouettes, on y croit, on y croit, Demba... court, saute, vole mon petit Stanislas Demba. Tu te bats bien mais.. ironie du sort, les jeux sont faits.

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La nuit sous le pont de pierre

A la fin du XVIe siècle, la peste frappe durement le ghetto de Prague, fauchant sans distinction hommes, femmes et enfants. Calfeutré dans son petit cabinet aux murs couverts de livres savants et de parchemins kabbalistiques, le grand rabbin s’interroge : qu’a donc fait la communauté juive pour mériter un si terrible châtiment ? Une sarabande de petits fantômes lui apporte une réponse : quelque part dans la tortueuse ville de Prague, un péché mortel a été commis, attirant le malheur et la souffrance sur la cité toute entière. A charge au grand rabbin de trouver et de confondre le coupable. Mais où espérer le trouver… Dans la riche demeure de Mordechaï Mesl, le plus puissant commerçant juif du ghetto ? Dans l’atelier de Johannes Kepler, grand astrologue impérial et brillant mathématicien ? Dans la chambre à coucher de Rodolphe II, l’empereur excentrique et passionné d’œuvres d’art de Prague ? Ou dans les rues même de la ville, ces rues d’or et de poussière où se côtoient la plus extrême misère et les plus grandes merveilles du siècle, où dansent les jeunes nobles, cabriolent les bouffons, psalmodient les spectres et parlent les chiens errants ?



Mystère, poésie et humour noir, voici les trois promesses que tient le charmant recueil de nouvelles « La nuit sous le pont de pierre » de Leo Perutz. Il ne s’agit d’ailleurs d’un recueil qu’en apparence, puisque les quatorze historiettes qui constituent cet ouvrage sont toutes liées les unes aux autres, laissant entrapercevoir par le biais de leurs intrigues et de leurs personnages entrelacés la trame d’un seul et grand mystère : celui du petit pont de pierre sous lequel se nouent et se dénouent les amours clandestins les plus étranges. D’une plume légère, pleine de finesse, d’ironie et de mélancolie, Perutz fait revivre pour nous la Prague chatoyante et secrète des dernières années de la Renaissance, nous invitant à parcourir ses rues en compagnies de ses commerçants, mendiants, courtisans, voleurs et amuseurs publics. Le voyage est enchanteur, l’errance délicieuse mais bien trop courte, et on referme cet admirable petit livre en regrettant déjà de l’avoir fini et avec l’ardent désir de replonger aussi vite que possible dans l’univers merveilleux du sieur Perutz. Décidemment un auteur épatant !
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Le tour du cadran

Le tour du cadran, ce sont vingt quatre heures de la vie d'un fugitif, à Vienne, ce fugitif c'est Stanislas Demba, jeune étudiant que nous suivons dans sa course poursuite. Il semble aux abois et cherche par tous les moyens à trouver de l'argent pour renouer avec son ex-petite-amie Stéphanie et la convaincre de partir avec lui plutôt qu'avec George son rival. En vue de réaliser son projet, on le suit dans ses rencontres, inopinées ou organisées, auprès d'amis étudiants, de son colocataire, dans un club de jeu, auprès d'un recéleur et ce qui est particulièrement intrigant c'est cette malchance qui l'empêche toujours d'obtenir cet argent, il trébuche, il se fait détrousser, il perd son argent...



Leo Perutz parvient avec beaucoup de talent à nous embarquer dans cette course effrénée du jeune Stanie, qui semble toujours empêché et entravé dans son projet...C'est également l'occasion de faire connaissance avec des personnages hauts en couleurs dans cette Mitteleuropa, celle du petit peuple, celle de l'empire Austro-hongrois qui amorce sa décadence, celle des petits fonctionnaires, des pensions de famille...

Leo Perutz distille avec brio un suspens qui va crescendo, un suspens qui avait séduit Murnau, chef de file de l'expressionisme allemand et Hitchcock, qui, tous deux, voulaient l'adapter en film....

Le tour du cadran est un roman intéressant qui ménage tout son suspens et où Leo Perutz parvient à maintenir la tension dramatique jusqu'à la fin.
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Le Cavalier suédois

Remarquable. Ce roman est un véritable enchantement. Empreint de mystère, avec une touche de fantastique, il débute pendant la guerre opposant les troupes russes aux troupes suédoises durant la Grande Guerre du Nord au début du 18è siècle et s'achève à la bataille de Poltava, par la défaite de Charles XII de Suède, et la mort du Cavalier Suédois, mort dont nous apprenons la nouvelle dès le début de l'ouvrage.

Mais qui est donc ce Cavalier Suédois ?

"C'est l'histoire de deux hommes, lesquels se rencontrèrent dans une grange, un jour de l'hiver 1701 où il gelait à pierre fendre. Ils y scellèrent un pacte d'amitié. Après quoi, tous deux cheminèrent de compagnie, sur la route qui va d' Oppeln jusqu'à la frontière de Pologne, à travers la campagne enneigée de Silésie ..."



Je ne vous en dirai pas davantage et vous laisserai la surprise de découvrir avec jubilation les péripéties offertes par ce conte magistral, remarquablement écrit dans un style flamboyant, qui vous entraîne tambour battant dans les méandres d'une intrigue passionnante, et nous fait toucher du doigt l'injustice sociale, l'implacabilité de la destinée et la profonde absurdité de l'existence.



Vous y jonglerez avec traîtrise et fidélité, amour et vengeance, violence et douceur, courage et lâcheté, aventures picaresques et félicité conjugale, religion et superstition, pour finir le parcours, épuisé, dans les forges infernales du prince-évêque, le tout baignant dans une atmosphère onirique.



Enfin, après avoir perçu le souffle du diable, vous effleurerez le doigt de l'ange ...

A lire, évidemment, et puis relire, bien entendu !

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Le Maître du Jugement dernier

C’est le cinquième roman de Perutz, publié en 1923. Je préfère prévenir les éventuels lecteurs de cette note de lecture : il est impossible de présenter le livre sans dévoiler le contenu de ce qui peut s’apparenter à un roman policier. Cela pourrait gâcher quelque peu le plaisir d’une lecture ultérieure, même si à mon sens la richesse d’interprétations que permet ce roman (comme d’autres livres de l’auteur) fait que l’exposé que je vais faire de ce que je pense avoir compris, n’a rien de définitif, et peu être discuté.



Un narrateur, le baron von Yosch nous livre le récit d’événements tragiques, dont il a été témoin et acteur, en 1909 à Vienne. Il prétend faire toute la lumière sur ce qui s’est passé. Le baron se rend chez des amis pour faire de la musique, et plus précisément jouer le trio n°1 de Brahms. Il a été l’amant de la maîtresse de maison, Dina, mais cette dernière l’a quitté et a fini par épouser Eugen Bischoff, un célèbre comédien. Ce dernier est dans une mauvaise passe : sa banque vient de faire faillite, et le directeur de théâtre pense à le remplacer. Ses proches lui dissimulent au maximum la situation. Pendant que l’acteur est censé répéter une nouvelle pièce, des coups de feu éclatent, et le maître de maison est retrouvé avec le revolver en main. Tout semble indiquer un suicide, et tout accuse von Yosch de l’avoir provoqué par des révélations mal venues. Malgré la parole d’honneur qu’il donne, von Yosch semble dans une mauvaise posture. Mais l’ingénieur Solgrub, un ami de la maison, est persuadé qu’il ne s’agit pas d’un suicide mais d’un meurtre et que par conséquent von Yosch est innocent. Il va se lancer dans une enquête échevelée pour le démontrer, von Yosch se met aussi sur la piste de l’assassin. L’enquête va révéler des faits troublants et étranges.



Il semble que nous soyons dans un grand classique du roman policier : un homme accusé à tort, mais grâce à un détective plus clairvoyant que la moyenne des mortels, l’écheveau compliqué d’un meurtre est démêlé. Sauf que le détective n’est guère brillant, ses conclusions pas forcément convaincantes, les indices arrivent par hasard, et ne mènent pas très loin, et tout est de moins en moins convaincant.



J’ai eu la sensation d’avoir très vite trouvé la solution : l’analyse que fait von Yosch du scherzo du trio de Brahms est tellement délirante et éloignée de que l’on entend, qu’elle ne peut être faite que par quelqu’un dont le rapport à la réalité est plus que perturbé. Par ailleurs dans cette analyse, le baron évoque le sort d’une âme pécheresse, entraînée par Satan en enfer. Difficile de ne pas y voir l’expression d’une culpabilité dévorante. Rendu fou par son pêché, le coupable est condamné. Et le passage suggère aussi le péché : Brahms a vécu une sorte de trio amoureux avec le couple Schumann. L’histoire a en quelque sorte pris fin avec la tentative de suicide de Schumann, qui basculait dans la folie. Le baron projette donc sur le trio son crime et sa culpabilité et sombre dans le délire. L’enquête censée prouver son innocence est l’ouvrage d’un fou, et toutes les incohérences et faiblesses du récit démontrent la perturbation de l’esprit de von Yosch. Le récit devient une sorte de parodie de roman policer, fort drôle d’ailleurs, démontant les procédés et codes de ce genre de littérature, et comme le livre flirte avec le fantastique et le roman historique, il parodie aussi ces genres, dont Perutz est familier.



Mais Perutz est un maître dans la manipulation de son lecteur, et cette lecture ne peut épuiser le sens du livre. La descriptions délirante du scherzo de Brahms livrée à la page 20 est certainement là pour en partie égarer le lecteur. Car dans les années vingt du siècle dernier, les références à la musique et la vie de Brahms étaient très lisibles pour les lecteurs de Perutz. Ce qui condamne von Yosch n’est pas tant avoir poussé Bischoff au suicide, ce qui est à la fois impossible à prouver et pas réellement condamnable par la loi, mais de s’être parjuré, d’avoir nié l’évidence : d’être allé voir Bischoff juste avant son suicide. Félix, le frère de Dina qui est parvenu devant témoin à extorquer le serment du baron peut le menacer d’envoyer son rapport au tribunal d’honneur du régiment de von Yosch. Ce dernier n’a plus le choix qu’entre le suicide, et la honte d’une démission obligée, une mise au ban, pour avoir perdu l’honneur. Il choisit de s’enfoncer dans la folie, dans laquelle il passe son temps à réécrire l’histoire délirante dont nous lisons la dernière versions, qui est censée l’absoudre.



C’est le déni, le refus de l’aveu, de la confession que le condamne. En plus d’une mort sociale, il ne peut obtenir de rémission de son péché, de pardon, car la reconnaissance de la faute est le premier pas sur le chemin de l’expiation et d’absolution. Une âme pécheresse est emmenée en enfer, car elle refuse de se dire coupable. Dans un geste d’orgueil blasphématoire, von Yosch s’essaie dans son écrit à une (ré)création du monde. Et il chute irrémédiablement, car il n’est pas en mesure de tenir la place du démiurge.



Dans l’histoire aberrante censée le disculper, c’est au final un livre qui est le meurtrier. Comme dans la vraie vie, c’est le livre écrit par von Yosch et que nous lisons, qui le détruit, le mène à sa perte définitive.



Brillantissime et fascinant.
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La nuit sous le pont de pierre

Les nouvelles ne sont pas mon genre littéraire préféré car elles me laissent souvent un goût de trop peu, mais je ne pourrai pas me plaindre de cette frustration dans ce roman.



Un début, une fin, du développement et pas cette sensation de vide lorsqu’on arrive à la dernière ligne de l’histoire.



Non seulement l’auteur a réussi ce tour de force, mais en plus, toutes les histoires s’entremêlent…



Donc, au fil des pages, on retrouve certains des personnages, avec toujours, au centre de tout, le banquier usurier Mordechai Meisl et l’empereur Rodolphe II, roi de Bohème, souverain du Saint-Empire romain germanique.



Rodolphe… L’empereur fantasque qui ne paie pas ses dettes et qui dépense sans compter pour acquérir des tableaux. Bref, le genre de souverain qu’on n’a pas envie d’avoir. Dépensier, mais aussi colérique et qui n’assume pas sa tâche. Encore un qui est payé à ne rien foutre.



Dans les rues de Prague, on entre souvent dans le quartier Juif, de nuit comme de jour et s’il n’est pas question d’argent, d’or ou de cuivre, il est question de magie, de fantastique, de kabbale, de rites secrets et de mysticisme.



Les nouvelles s’enchaînent et hormis quelques-unes, sur la fin, que j’ai moins aimé, tout le reste est passé comme une lettre à la poste, un jour où elle bosse, la Poste, bien entendu.



Si la lecture de la première nouvelle laisse le lecteur un peu perdu, ne comprenant pas tout, la lecture des suivantes lui apportera les éclairages nécessaires, mais toujours avec des touches de fantastiques.



Une lecture dont je n’attendais rien, mais qui m’a donné plus que prévu. Une atmosphère délicieusement gothique, fantastique, et une visite de la Prague du XVIe siècle, nous faisant arpenter le quartier Juif, qui fut détruit pour cause d’insalubrité.


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Le Cavalier suédois

Début du 18ème siècle, dans l’Europe orientale du nord les contrées regorgent de bandits, la famine est un fléau et la guerre jamais très éloignée. Dans ce contexte troublé le puissant roi Charles XII de Suède mène une guerre de conquête toujours plus à l’Est contre les Slaves et les Turcs.

A l’arrière, 2 personnages en rupture de ban : un valet de ferme et un jeune gentilhomme suédois font chemin ensemble vivant d’expédients au jour le jour. Le valet de ferme est aussi surnommé le Voleur. Roué il est l’opposé du freluquet, ignorant de la vie qui ne rêve que d’intégrer la prestigieuse armée suédoise. Opportuniste le Voleur souhaite se débarrasser de son encombrant compagnon tout en tirant parti de la confiance et des confidences du jeune Tornefeld.

Le roman comporte quatre parties correspondant aux différentes étapes du parcours du Voleur pour parvenir à ses fins. Il passe de brigand de grand chemin, à hobereau avisé bien marié. Mais « Bien mal acquis ne profite jamais ». Son passé le rattrapera.

On retrouve la veine du roman picaresque. Toutefois ici pas de roman fleuve. Les choses peuvent aller très vite. Le surnaturel ou le fantastique font irruption à chaque moment crucial : un meunier fantôme, un ange à l’épée, un puissant arcane, des rites mystérieux… On oscille entre l’extrême savoir et rigueur du hobereau faisant fructifier son bien, la félicité de sa vie familiale - qui donne lieu à un délicieux dialogue avec la petite fille et ses interrogations sur la guerre - et l’irrationnel de l’époque où le danger est toujours en embuscade. «Toute joie est vanité » et la Fortune est proche de la chute.

Un texte au style impeccable, même en traduction, un vocabulaire riche, un rendu des Temps modernes superbe, une aventure peu ordinaire qui ne se laisse pas deviner. Voilà ce qui m’a retenu dans ce roman. Même si je suppose que les amateurs doivent adorer, j’ai moins été sensible à l’aspect fantastique sur le destin et ses interventions. Question de sensibilité personnelle.

Pour conclure ces quelques mots, il n’est pas superflu préciser que le roman a été publié en 1936 par un Autrichien né à Prague et qu’il y aurait une critique de l’époque de la publication à mener. Un texte à plusieurs dimensions.

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Le miracle du manguier

« le miracle du manguier » est un roman bien singulier, un peu inclassable, qui mêle énigmes et rebondissements, personnages insolites et événements étranges s'il en est ! On pourrait dire qu'il s'agit d'un récit d'aventures qui s'apparente à un conte, avec du fantastique, de l'intrigue policière, de l'exotisme et de l'humour, et qui a une puissance d'évocation cinématographique mâtinée d'un art du suspense que le grand Hitchcock lui-même n'aurait certainement pas renié !



L'auteur, Leo Perutz, publie ce roman en 1916. Dans la génération des écrivains de la Mitteleuropa, qui compte notamment Franz Kafka, Stefan Zweig et Arthur Schnitzler, il occupe sans doute une place à part. Et ayant lu ce livre, je trouve que c'est un auteur qui gagne à être lu et relu à l'envi.



Au début de ce livre, un médecin a décidé de partir en voyage. Il s'apprête à sortir de son appartement, quand un jeune homme sonne à sa porte et lui demande de se rendre très vite chez un baron qui a besoin de ses soins urgents… Or, quand le docteur arrive au domicile en question, c'est le baron qui le reçoit, et il n'est pas malade ! Il a fait appeler le docteur en urgence pour son jardinier, un Indien de Ceylan, qui est à son service. Celui-ci est gravement malade et c'est alors que le baron va expliquer au médecin que sa propre vie dépend de la guérison de son jardinier !

Le jardinier aurait été empoisonné par la morsure d'un dangereux serpent très venimeux qu'il aurait ramené d'Inde… le médecin ayant vu l'état du patient, annonce au baron que son jardinier va probablement mourir dans un temps très proche. Avec cette annonce alarmante, le baron est alors dans tous ses états et dit au docteur que son jardinier est absolument irremplaçable et qu'il ne doit pas mourir. le médecin remet donc son voyage à plus tard et va, tant que faire se peut, soigner le malade agonisant.



On est vite confronté à beaucoup d'étrangetés dans ce récit romanesque !

Le baron apparaît au médecin tel un vieil original, un vieillard décrépi. Mais ne serait-ce qu'une apparence ? Celui-ci a une jolie fille de seulement vingt-quatre ans, à laquelle il interdit de se regarder dans un miroir, à tel point qu'il brise tous les miroirs qui se trouvent à sa portée !

Et notre docteur lui-même manquera bien de perdre sa raison en tombant amoureux de cette fille du baron, qui est une femme-enfant…

Depuis qu'il est arrivé dans cette maison, le médecin observe bon nombre de détails curieux, et le trouble est dans son esprit. Il va agir tel un détective, en essayant de trouver des solutions à toutes sortes d'énigmes… Les réflexions que se fait à lui-même le médecin à chaque étape de son enquête, apparaissent entre guillemets, et c'est comme si ses réflexions s'exprimaient dans les phylactères d'une bande dessinée.



Bientôt, le vieux baron apprend au médecin qu'il est fiancé à une jeune et jolie actrice d'à peine deux ans de plus que sa propre fille ! Une telle ravissante et jeune actrice ne peut manifestement pas être tombée amoureuse d'un tel homme « cacochyme » se dit le docteur ! La suite va démontrer combien ses doutes étaient fondés… Sous son apparence,

le « baron fou » n'est pas si vieux que cela… le docteur, qui est un médecin rationaliste mais bien naïf, est furieux contre lui-même de ne pas s'être aperçu plus tôt du tissu de mensonges dans lequel il est tombé. Mais les pistes se brouillent… ce qui apparaît un temps invraisemblable, ne l'est plus le temps suivant… on suit les raisonnements du docteur et on se questionne avec lui.

Effectivement, la mission de notre médecin va bien plus loin que celle de simplement soigner ! le baron ne se sent pas en forme pour accueillir sa fiancée et se sert du docteur comme d'un intermédiaire pour trouver une excuse…

Tout cela fait penser à des scènes de pièces de théâtre de vaudeville. A la lecture, on imagine bien les attitudes, les façons de se mouvoir des personnages, et c'est comique !



Mais revenons-en au jardinier du baron… le baron explique que cet Indien est venu de Ceylan, qu'il avait été exclu de sa caste à la suite d'un très grave sacrilège qui avait été commis dans un temple où il avait été autrefois serviteur. Ses jours étaient en danger et c'est la raison pour laquelle le baron l'avait emmené avec lui en Europe.

Et le docteur, qui est féru de botanique, va bientôt découvrir dans le parc de la maison du baron, qu'une serre grandiose a été construite, qui abrite un véritable échantillon de la forêt vierge de Ceylan, où trône un énorme manguier.

A coup sûr, l'auteur de cette miniature jungle tropicale ne pouvait être que le jardinier indien !



Le médecin va de surprise en surprise… Et nous lecteurs, on est désarçonnés, et on finit par s'habituer très vite à l'inconcevable, à l'inexplicable !

Il s'avère que ce jardinier est plus qu'un simple jardinier. C'est un sadhu, un mage hindou. Il peut, grâce à certaines forces supérieures, assurer son emprise sur des organismes étrangers par de mystérieuses pratiques…

Et c'est notamment l'occasion de se rappeler des pratiques du Yogi Harida, qui a réellement existé.

Ce jardinier au service du baron est-il un véritable fakir, un charlatan ? Il semble qu'il possède vraiment une faculté mystérieuse et qu'il en garde jalousement le secret…



« le miracle du manguier » est publié en 1916 par Leo Perutz (1882-1957), un écrivain Juif de langue allemande, originaire de Prague, qui a vécu et travaillé essentiellement à Vienne. Mais l'Anschluss et l'interdiction de ses ouvrages vont décider de son destin, et en 1938 il s'exilera en Palestine. L'après-guerre sera pour lui synonyme d'oubli et de désintérêt. C'est grâce à Jorge Luis Borges, qui était un de ses admirateurs, que ses livres seront tirés des oubliettes !



« le miracle du manguier » est « Une histoire invraisemblable », comme le dit le sous-titre du livre.

Leo Perutz manie l'illusion et il conduit ses personnages aux limites du réel palpable.

Ce livre est distrayant. le récit et l'intrigue singuliers ne reculent pas devant les concessions de la mode du temps avec son exotisme et son goût pour le surnaturel et la magie.

Un roman plein d'entrain, plaisant à lire, à l'intrigue bien ficelée, ce qui me fait penser que Leo Perutz est un auteur injustement oublié !

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Le Cavalier suédois

Dans la campagne suédoise, deux compagnons d'infortune s'entraident pour survivre : un petit voleur à la tire, et un jeune noble qui a déserté son armée. Ce dernier demande à son nouvel ami d'aller trouver de sa part son parrain, et également le père de sa promise, qui ne manquera pas de les remettre à flot. Mais au domaine, le voleur trouve le domaine au bord de la ruine, apprend la mort du parrain, et tombe à son tour amoureux de la jeune fille. L'amour est plus fort que l'amitié : le jeune noble se verra expédier vers un travail d'esclave, tandis que son ex-compagnon exploitera ses souvenirs pour se faire passer pour lui. Quelques années de pillage et des souvenirs flous lui permettront d'épouser son aimée. Mais un bonheur bâti sur le mensonge est toujours fragile...



Ce roman de Perutz est assez proche du conte, et beaucoup d'éléments s'approchent d'ailleurs du fantastique, tout en laissant toujours une porte ouverte pour une explication rationnelle. L'histoire est en cela parfaitement exécutée : on est immergé immédiatement dans l'histoire (alors que la Suède à la Renaissance, ce n'est pas vraiment en terrain connu pour moi), les personnages sont attachants, et les questions morales accompagnent le lecteur tout au long du récit.



Et pourtant, malgré toutes ces qualités « techniques », la corde qui aurait dû vibrer au fond de moi est restée obstinément muette. Le roman est bien construit, mais n'a pas réussi à me transmettre une réelle émotion.
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La neige de saint Pierre

Rêve ou réalité ? Cette question a failli rester sans réponse, pourtant, quelques indices me donnent à penser que c’était la réalité…



Imaginez que vous vous réveillez sur un lit d’hôpital, vos derniers souvenirs sont qu’une personne vous a assommé avec un fléau…



Le médecin vous signifie qu’on n’utilise plus de fléau pour battre le blé, nous sommes en 1932 tout même et qu’en plus, vous avez été renversé par une voiture.



Youyou, il y a quelqu’un là-dedans, McFly ?



Le doute s’installe. Avez-vous rêvé votre histoire ou vous ment-on ?



Puisque le doute l’habite, le jeune docteur Georg Friedrich Amberg va donc faire appel à ses souvenirs pour nous expliquer son histoire et nous donner la vérité, qui est ailleurs, comme toujours.



L’auteur, au moyen des souvenirs de son personnage principal, va nous entraîner dans un petit village, perdu au fond du trou du cul de la Westphalie, où règne le baron von Malchin et où tout est encore à l’ère manuelle, comme dans des temps reculés.



Si les expériences de petit chimiste de Gaston Lagaffe étaient réputées pour être dangereuses pour tout l’immeuble des éditions Dupuis, ainsi que pour celui de leurs voisins, Ducran et Lapoigne, les expériences chimiques du baron et de son associée, la belle Kallisto Tsanaris (Bibiche pour les intimes) ne le sont pas moins.



Croyez-moi, l’univers de ce roman est spécial, tournant parfois au huis-clos puisque nous sommes dans un petit village et que le baron voudrait, au travers de son fils adoptif, Frederico, ultime descendant de l’empereur Frédéric II (qu’il dit), rétablir la dynastie des Hohenstaufen du Saint Empire Romain Germanique (Ier Reich). Rien de moins…



Bizarre cette idée de vouloir rétablir un grand Empire… C’est moi ou ça pue l’idée du grand Reich de l’autre moustachu de sinistre mémoire ?



Vu que son roman a été interdit dès 1933 par les nazis, ces petits êtres sadiques, je pense qu’en effet ces tristes sires y ont vu, eux aussi, une allégorie des idées de grand empire prônée par leur grand guignol fanatique aux idées détestables et assassines.



Mince alors, ils avaient donc un cerveau ? Ou alors, délation, quand tu nous tiens.



Anybref, voilà une lecture que je n’aurais jamais faite dans ma copinaute Rachel et sans l’erreur qui fut sienne d’acheter ce roman en lieu et place de "La nuit sous le pont de pierre" du même auteur et que j’avais coché pour mon Mois du Polar (PTDR).



Une erreur qui a bien fait les choses car elle m’a permise de lire ce roman étrange, qui se lit facilement et qui parle des rêves un peu fous d’un baron, peut-être pas si frappadingue que ça, et qui va tenter, grâce à une substance chimique, de manipuler les foules pour leur rendre… Je ne vous dis rien de plus.



C’est un roman qui explore à la frontière entre la réalité et le fantasmagorique, qui se promène aux frontières du réel, faisant hésiter le lecteur et le personnage sur les faits qui se sont produits et dont il a été le témoin direct.



Malgré le fait que tout le monde lui dit le contraire, notre docteur se raccroche à ses souvenirs et se demande pourquoi on tente de le manipuler. La réalité serait-elle une illusion ? Ou le rêve est-il vraiment la réalité et on veut l’empêcher d’en parler ?



Un roman qui met en avant, avec moquerie, le Premier Reich, touchant par là-même le Troisième qui se voulait aussi grand, qui parle de la foi comme de l’opium du peuple (mais d’une autre manière que je ne divulgâcherai pas), qui parle de la manipulation des masses par quelques personnes, le tout sur un ton assez badin, amusant, mêlant habillement le roman d’investigation à celui d’anticipation.



On comprend l’interdiction de l’époque ! Mais maintenant, on peur le lire sans peur et sans reproches.



Une LC avec Rachel qui, malgré les cafouillages du départ, aura été une belle découverte. Elle, comme moi, a apprécié sa lecture. D’ailleurs, elle vous le confirmera dans sa chronique.


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Le miracle du manguier

Le DR Kircheisen, médecin toxicologue viennois, se prépare à partir en vacances, quand il est appelé d'urgence chez le baron Vogh.



Ce n'est pas pour le baron, célèbre alpiniste, ni pour sa fille, que le docteur est venu, mais pour Ulam Singh le jardinier hindou du noble.



Le domestique a été mordu par un serpent originaire de Ceylan, qui ne devrait pas vivre en Autriche.

Ce n'est que le premier mystère qui se présente au médecin qui suspecte d'abord, une sombre affaire d'usurpation d'identité...



"Le miracle du manguier", parut en 1916, alors que Perutz était sur le frond Est, est selon les dires de l'auteur de "Le cavalier suédois", un livre de "littérature de distraction".



Mélange de genres, mystère, plus que policier, puisque ni crime, ni véritable enquête, romance, ha ! cet amour du médecin pour la jeune baronne, quelques éléments "fantastiques", et une touche d'ironie ...





Perutz régale le lecteur, avec ce court roman, à l'intrigue, il est vrai assez légère (j'avais pour ma part vite compris que quoi il retournait ) peut-être secondaire dans son oeuvre, mais très distrayant.

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Turlupin

Ce roman a été publié en 1924 en Autriche, plusieurs éditions en ont été données en France. Le roman se déroule en 1642 à Paris. Richelieu est plus que jamais décidé à briser la noblesse, et compte se servir du peuple pour le faire, anticipant en quelque sorte la Révolution. Un homme va se retrouver sans le vouloir au coeur des événements, Tancrède Turlupin. Enfant trouvé, il exerce le métier de barbier, coiffeur, perruquier. Il travaille chez une veuve, qui n’aurait rien contre l’idée d’en faire son second mari. Mais notre commis a l’imagination vive, et pense avoir été reconnu par une noble dame, la duchesse de Lavan, comme son fils. Il va s’ingénier à la rencontrer, et plonger ainsi dans un complot des nobles, auquel le cardinal pense opposer la violence populaire.



J’ai été quelque peu déçue de cette lecture. Nous sommes toujours dans l’univers de Leo Perutz, avec ses thématiques habituelles. Il questionne toujours la notion de destin : Turlupin s’imagine un destin, celui de (re)devenir un riche fils d’une noble famille, ce qui est totalement délirant, mais au final il va jouer le rôle de retarder l’avènement de la Révolution. C’est un bouffon, comme l’appelle Perutz, qui retarde la marche de l’histoire. Ce qui démontre d’une certaine manière que le destin ne préside pas au devenir historique. Il n’y a pas d’évolution inéluctable, de nécessité ; l’Histoire peut être lue comme une farce qui n’obéit à aucune finalité, fruit du hasard, des circonstances. Les personnages agissent pour des motifs personnels et insignifiants, ne comprenant pas les implications que leurs actes vont avoir. Il n’ y a donc pas de causalité à rechercher, l’Histoire avance en aveugle, et les choses peuvent se répéter.



Le livre est un très démonstratif, et pas forcément convaincant. La possibilité d’une Révolution dans la première moitié du XVIIe siècle, orchestrée par le cardinal de Richelieu est quand même des plus invraisemblable. Il y a aussi l’aspect burlesque, bien plus développé que dans les autres livres de Perutz que j’ai lus, au détriment d’une action serrée, d’une belle mécanique narrative, comme dans certains autres de ses romans. Turlupin se raconte en permanence des histoires, il est en décalage permanent avec son environnement, dit et fait des énormités. Cela ne permet pas tellement d’adhérer au récit, de le prendre au sérieux. Perutz nous annonce d’emblée ce qui va se passer, le résultat final, il n’y a donc même plus de véritable suspens. Il n’y a même pas de retournement final, comme dans la majorité des livres de l’auteur, qui amènerait une surprise et ferrait reconsidérer les choses au lecteur.



Ce n’est pas totalement sans intérêt, le début du livre est plutôt réussi, et le tout se suit jusqu’au dénouement avec un certain plaisir. Mais encore une fois c’est trop prévisible, trop linéaire pour laisser une forte impression et poser des questionnements. C’est pour l’instant le livre de l’auteur qui m’a le moins convaincue.
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