« Petite sale », c'est un titre, c'est ensuite une quatrième de couverture, mais c'est surtout une intrigue époustouflante à l'ambiance délétère.Le voyage ne sera pas une sinécure, bien au contraire, mais il sera à la hauteur d'une atmosphère glauque et poisseuse.« Petite sale », c'est un environnement, des mots qui s'imbriquent pour nous embarquer pendant une dizaine de jours, dans un petit village français à l'aune de mai 68, mais où le temps semble s'être figé dans la féodalité qui n'a plus court. Un village figé dans le temps, enlisé dans sa turpitude à l'image de cette neige, cette froidure hivernale qui glace même les plus chaleureux. La neige glaciale comme l'accueil des villageois empêtrés dans le silence, conscients d'une normalité tronquée, mais dont ils sont consentants, par peur de se voir exclus, renvoyés de leur travail, voir pire. Tout le monde nage dans un brouillard chargé de secrets, de regrets. C'est tout le poids des non-dits et de l'absence de communication profondément enracinés dans cette terre.La servitude est toujours d'actualité et malgré la fatigue des corps, la révolte sourde, les langues restent muettes comme ligotées par les liens sacrés du servage. Ces liens invisibles entre les vassaux et le seigneur sont tenaces en cette année 69, même au sein de la famille.Au-delà de ces liens figés, ahurissants, ce monde rural vient se télescoper avec les années 70 et les évolutions que nous percevons. C'est une intrigue entre deux mondes, un roman rural bien noir comme je les aime et où l'odeur de la terre, se retrouve dans les bars enfumés, les blousons noirs et le « ptit » ballon de rouge.Le temps s'étire sur une dizaine de jours, au fil de l'enquête sur l'enlèvement de la petite fille du seigneur local, et des révélations. Les langues se délient peu à peu, et le final nous plonge dans une réflexion dénouant tous les fils de l'intrigue.Sans violence, sans cris, sans un mot plus que haut, Louise Mey tisse une intrigue magistralement construite. Avec en toile de fond, la dénonciation du patriarcat, elle fait le parallèle avec la société en pleine mutation et la place de la femme figée dans le temps.Tout évolue, à un rythme effréné, pourtant, la place de la femme, le regard que les hommes posent sur elle ne change pas. C'est aussi un parallèle très intéressant avec notre société actuelle en pleine mutation, où la femme doit encore se battre pour ses droits, dans certains pays, mais aussi pour la reconnaissance de ses capacités au même titre que les hommes, dans notre pays.Chaque mot, chaque phrase, chaque arc narratif trouve son écho dans un personnage, dans une temporalité.Cerise sur le gâteau, l'enquête policière et les policiers à l'ancienne avec ce duo entre Maigret et commissaire Moulin. Entre la fin d'un temps et la naissance d'un nouveau. Encore une fois, on retrouve cette double temporalité entre les personnages. Deux flics parisiens : Gabriel, sous les ordres de son supérieur Dassieux, vont déterrer les secrets et enfin découvrir qui est à l'origine de cet enlèvement, le tout avec patience, sans artifice et avec grandeur d'âme. On voit nettement la différence de caractère entre les deux, l'un calme, analyse et prend le temps de poser les choses, l'autre, jeune, fougueux et au tempérament colérique. Les deux s'opposent mais se complètent, l'un laisse la place à la relève, au renouveau, au changement… C'est toute l'histoire de ce livre…Louise Mey reconstitue un microcosme mondial au sein de ce village en pleine déroute, qui va venir se fracasser conte le mur de la modernité, du changement et de l'évolution des moeurs, où même la météo devient un personnage à part entière aussi glaçant que ces hommes et ces femmes.
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