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Critiques de Marcel Moreau (17)
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Corpus Scripti

Ce livre est un direct au foie, un uppercut à l'estomac. Sorti des tripes de Marcel Moreau, mort le 4 avril 2020 à Bobigny, né le 16 avril 1933 à Boussu en plein Borinage. Edité en 2002, une oeuvre de la maturité donc. Une rareté à couper le souffle. L'intelligence du corps au-dessus de l'esprit. La création par exploration des émotions profondes, la compréhension du monde au creux des instincts enfouis surpassant toute rationalité, KO debout je suis. Obligé d'interrompre entre les rounds, trop virevoltant, trop dense. Les notes d'un Flamenco coulent dans son sang, et ce sang de notes vient pulser ses mots.





Je ne lis pas tant que beaucoup ici : jamais rencontré cela, seul Jack Boland dans Crève la fin, mais lui en début d'un chemin le menant possiblement à la maîtrise offerte ici, à condition de ne pas se gâcher dans la notoriété comme son personnage principal, peintre génial et torturé. Voir ma chronique de l'époque (*). Le combat des ans, loin des stroboscopes médiatiques chez Marcel Moreau, amène Corpus scripti à la plénitude d'une sagesse enfouie dans la chaire. Pour la lectrice, le lecteur : "C'est un climat pour se capturer soudain, puis se relâcher, dans la joie, peut-être, de s'être respirés et goûtés pour longtemps, au lieu de s'être dévoré tout de suite. Un climat pour être deux à se comprendre par intuition, et se connaître par respiration." p.170





Une écriture prend corps ou un corps écrit à approcher la folie, pour mieux remonter du plus profond de la nature humaine, de notre "condition". Fildefériste en lui-même, au-dessus de sa faille, Marcel Moreau, au bout de ses instincts, zèbre ce texte de fulgurantes vérités macérées dans ses entrailles. Corps vivant, Verbe incarné. C'est là, que jeune j'ai renoncé, je partais droit vers l'asile. J'avais utilisé, en mars 2015, funambule pour Boris (tout en souplesse et légèreté de la jeunesse) dans ma toute première chronique babéliote sur le Chardonneret de Donna Tartt (**), l'une des plus abouties, écrite à la main avec ratures, élagages, et corrections ; déjà tout de moi y était. Celle-ci coule au jet rompant digues et contraintes, charriant viscères bouillonnants au creux d'un torrent glacé. Je maintiens fildefériste et son côté acéré pour Marcel Moreau.





Que ce dit est vrai ! Combien éloigné des jérémiades, des gesticulations et des auto-flagellations sous couvert de rationalisations débiles de ce siècle qui se perd, englué dans la peur, confondant vivre et ne pas mourir ! Ainsi je lis. "Lire pour se connaître, certes. Mais lire de telle sorte que la connaissance ainsi obtenue soit une émotion - une sensation, ou tout en finesse, tout en ébranlement -, comme seule peut en produire la présence d'un corps verbal à l'intérieur d'un corps physique, ne serait-ce pas là d'un grand progrès à la fois pour la qualité de la lecture et celle de la connaissance ?" p.93





L'écriture de Marcel Moreau danse et chante ici un Flamenco de feu.

"Tandis qu'au premier rang

De belles señoritas belles de sonorités

Dissimulent leur ivresse sous des grâces parfaites

D'entre le feu gitan et l'âme des arabesques

Et c'est ainsi que nous qui demain plus rien ne serons

Devant le Minotaure

Sommes soudain si lourds

Du secret des passions qui ne sont éternelles

Que parce qu'elles ont mortelles" p.211







"Lisez beaucoup, intensément, allez jusqu'au coeur de la puissance du langage, et pas à sa périphérie futile. Allez les chercher, les mots, là où vous risquez d'en être dévorés, ou terrassés, ébranlés à jamais." p.156

"Ici frissonne plus que jamais le mot "fruition" (XVe-XVIe s. Action de jouir, jouissance)." p.205



Corpus scripti : une brûlure au fer rouge.





(*) https://www.babelio.com/livres/Boland-Creve-la-fin/1184340/critiques/2143556

(**) https://www.babelio.com/livres/Tartt-Le-Chardonneret/537600/critiques/754914
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Amours à en mourir

Je reste assez désappointé après cette lecture. En fait je ne sais pas trop à quoi je m'attendais. L'édition à la façon ancienne avec les pages non découpées m'avaient attiré. le livre-objet. Pas sûr d'avoir vraiment tout compris. Avec une emphase très poétique et un lexique très recherché, l'auteur nous fait part de son idée de l'amour, qu'il associe au divin. L'extase amoureuse se compare à l'extase devant Dieu. Personnellement j'aime bien cette idée, de rencontrer Dieu en faisant l'amour. Je vais demander à ma femme ce qu'elle en pense. « La Folfemme  est folie d'Écriture. D'un sang à l'autre, je vais, je viens, par pulsions empourprées. Tout fait spasmes en ma soûle religion. Tout fait désir de se perdre en la divinité. le verbe phallique se sait vulvaire. » En fait nous avons la trinité de la « Folfemme », de Dieu et de l'Écriture. On y revient à chaque page. « Ce n'était qu'un corps, dans l'attente du plaisir. Ce n'était qu'une page, dans l'attente d'un viol. Un jour je fus ces deux pénétrations ». « La Folfemme est l'écriture de ce qui s'allume en moi. Mon écriture est du même sang que celui qui fait d'une femme une folle ». Voilà l'explication de la « Folfemme ». Il faut savoir se laisser bercer par ce lyrisme, par celle écriture folle, par l'extase de l'écrivain. Sur 74 pages, l'auteur nous invite à partager ce texte complètement halluciné. Lire certains passages à différents moments, des instants où l'on veut se perdre dans cette trinité qui nous élève le corps et l'esprit. Mais je crois que c'est avant tout l'éloge de la Femme qui permet à l'homme de trouver l'extase, de trouver Dieu. Enfin, je ne sais pas trop. C'est un point de vue.

En résumé, à réserver aux fous et folles de poésie, de divin et d'amour.

Un brin déjanté quand même.
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La Violencelliste : Suivi de DONC !

J'ai lu ce livre à sa sortie (il y a donc 5 ans), je l'avais emprunté à la bibliothèque. Je n'aurais plus su dire de quoi il était question. Néanmoins, il m'était resté une citation en tête : "Les preuves d'amour, c'est agréable, c'est mieux que les témoignages de désaffection. Mais à quinze ans, on n'est jamais sûr que cela soit suffisant pour atténuer l'impression que l'on est bien seul avec cette part d'étrangeté convulsive qui vous dévore de l'intérieur et sur laquelle il s'avère si difficile, sinon impossible, de mettre un nom."



Je suis retombée dessus chez un bouquiniste et je l'ai donc acheté en me disant que ce serait bien de le relire. Ce n'était pas mal du tout même si j'avais (à nouveau) l'impression de lire un livre que je n'avais jamais lu.



Pourquoi violencelliste? Existe-t-il un rapport avec un(e) violoncelliste? Ce qui est certain c'est que c'est associé avec la violence (de l'écriture). Cela ne m'avait pas plus interpellée que cela à l'époque (quand je n'avais pas encore débuté mes cours de violoncelle).



Il faut lire et écouter...



"(...) les sons qu'il émet (le violoncelle) me semblent coïncider avec ceux que produit dans les téfonds du corps de mon écriture en mouvement (...)"



"Ce son-là, je crois bien, c'est aussi celui de mes voix intérieures désespérant de restituer à l'oral une parcelle de ce que j'en entends d'inouï, à l'écrit."



Je suis contente de l'avoir relu.
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Quintes



" Quintes , lui , est né de ma naissance à l'écriture , laquelle elle même a un ventre dont l'utérus serait la langue " nous dit l'auteur dans la préface du livre ...... ça donne un peu le ton !

Quintes se sent désarmé dans un monde dépourvu d'humanité . Il déplore se sentir comme domestiqué socialement , mais incapable d'y changer quoi que ce soit . l'inutilité de sa révolte le déprime , le mènerait presque au suicide . Livre à lire par petits morceaux pour reprendre souffle . Ce n'est pas vraiment d'un intellectualisme indigeste , néanmoins ce n'est pas d'un abord facile : entrer dans l'univers de pensée de Moreau , parce qu'univers inhabituel donne fréquemment l'envie de s'en évader . expérience de lecture parfois déstabilisante mais qui nous plonge dans une réalité que d'ordinaire on préfère ne pas côtoyer .
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La Violencelliste : Suivi de DONC !

tonnant de constater qu'il est si fastidieux de dénicher un des livres de cet homme-édifice de la littérature, quand on sait qu'il a écrit une soixantaine d'ouvrages, vacillant entre essais sur le mot, autobiographie sauvage, philosophie de l'instinct et odes à la femme. D'ailleurs, il le dit lui-même, son écriture est trop intemporelle, dense et complexe pour survivre à la fausse modernité qui fait de l'écriture une chose désuète, qui n'a pas nécessairement besoin d'être excellente pour être vendue ni apprécie. Même si elle est loin d'être classique, il serait mal aisé de le placer à côté des best-sellers d'aujourd'hui.



Son écriture, sa Violencelliste, est dirigée par un Rythme violent, viscéral, charnel, un cheval fou qui s'emmêle les pattes dans des désirs trop puissants. Son combat, c'est de sauver les mots d'une mort imminente, de leur restituer leur sens exact, de redonner à la définition une vie. Chacune de ces notes qu'il pose sur le papier est minutieusement choisie, tournée, il les aime comme un parent passionné, un amant fou. Il aime le verbe comme il aime une femme. Il arrive à rendre érotique et orgasmique la littérature comme peu savent le faire. Sa vie est définie comme un brouillon de livre qu'il ne pourrait écrire sans entrailles, sans revenir dans le ventre de la mère, de la femme, sans l'écrire avec elles, avec leurs corps plein de formes. Et cette vie commence aussi par son enfance, pleine de tourments littéraires et sensuels, dont la pire injustice a sans doute été de naître dans un endroit qu'il définit comme un "pur vide culturel".



La Violencelliste n'est pas à la portée de tous, il faut être très sensible à la beauté de la littérature, il faut s'intéresser au style, à la danse du mot, et ne pas avoir peur de se perdre dans une phrase qui n'en finit pas d'être enragée dans la cadence, alors même que le livre fait preuve d'une tranquillité que seuls les écrivains accomplis savent faire transparaître. L'avertissement est clair, sur le petit bandeau qui orne le livre : "Lettre à un jeune corps n'aimant pas lire et en grand danger de mort dans l'âme".



A tous ceux qui aimeraient se lancer dans l'écriture, je ne pourrais que trop conseiller de se plonger dans celle de Marcel Moreau, afin de s'enrichir et de se dépasser toujours plus pour atteindre le paroxysme du sens et de la tournure, du style, de l'acharnement.
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Julie ou la dissolution

Il souffle en effet un vent de révolte dans Julie ou la dissolution de Marcel Moreau. Initialement publié en 1971, ce texte contient la même envie de bousculer les conventions que celle qui a animé les événements de mai 68.



Julie Malchair est engagée comme dactylo pour une revue scientifique. Très rapidement, il semble évident qu'elle n'est pas pas à sa place au sein de l'équipe de rédaction ; peu encline à travailler, elle enchaîne les erreurs sans s'en formaliser. Hasch, séduit par la beauté hypnotique de la jeune femme, place pourtant beaucoup d'espoir en elle, convaincu que sa simple présence pourra bouleverser son quotidien et celui de ses collègues.



"J'ai découvert une Julie différente, plus insouciante, distraite, embellie encore par je ne sais quel surcroît d'incapacité professionnelle. Ce matin-là, elle m'a à peine accordé un regard. Arrivée naturellement en retard, elle s'est assise sur une armoire. Ses jambes, animées d'un mouvement pendulaire, frappaient la porte métallique. Justement, elle a demandé l'heure. Quelqu'un lui a répondu et comme si elle n'avait attendu que cette précision pour agir, elle s'est laissé glisser de tout son long sur la table. Sa tête est tombée sous celle de Mille, qui a sursauté. Raulier, qui était plongé dans un article sur l'acide, a bondi. Il avait devant lui le milieu de Julie, c'est-à-dire tout le mystère ventral et sexuel."



En lisant Julie ou la dissolution, je n'ai pu m'empêcher de penser au film Teorema de Pasolini. Le personnage de Julie est en effet, dans sa dynamique avec ce qui l'entoure, assez proche de celui du Visiteur.Sortie d'on ne sait où, elle est empreinte d'un caractère mystique indéniable qui va profondément transformer chacune des personnes qu'elle rencontre. A priori peu adaptée au milieu dans lequel elle débarque, Julie va peu à peu imposer, sans en avoir l'air et sans doute sans jamais en avoir totalement conscience, l'idée que ce n'est peut-être pas elle l'anomalie, mais le sérieux liberticide du monde du travail. Julie incarne un désir de liberté, une fougueuse envie de se sortir d'un mode de vie aliénant. Dans une langue joyeuse, le roman de Marcel Moreau questionne, ou devrais-je sans doute dire conteste, la société en faisant se confronter la rigueur scientifique du magazine et la séduisante et sulfureuse créativité de Julie.



Chez Marcel Moreau, ce désir de liberté inconditionnelle passe aussi par le travail d'écriture. Marcel Moreau écrit d'une manière qui ne semble appartenir qu'à lui, donnant aux mots un pouvoir ludique particulièrement réjouissant à lire. Il sait également y insuffler de la sensualité, mais qu'importe l'effet recherché, les mots de Marcel Moreau s'imbriquent pour donner naissance à des images étonnantes.



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À dos de Dieu

Dense délire de détritus, de déjection, de destruction, À dos de Dieu amalgame le lyrisme le plus cru à l'ordure la plus belle. Chant irrécupérable de révolte, émeute rythmique et libertaire où pulsions et passions se pénètrent dans une vision monstrueuse comme orientée par la musique des mots. Langue limite que celle de Marcel Moreau, il vivesectionne son langage, le tord et le réinvente tel une menace, une aventure, une prophétie.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Julie ou la dissolution

Ce livre-là, c'est comme un Traité sur Comment savoir Vivre. A l'instar d'Alexandre Jardin (même si comparer ces deux-là est un peu tiré par les cheveux et que je me ferai taper sur les doigts), Marcel Moreau propose une façon d'exister qui est plus que de la survie en monde hostile.



Le tout est bien évidemment chargé d'une tension et d'une énergie sexuelle hors de contrôle, complètement étouffante - comme la chaleur qui règne - et irrémédiable. Comme un orgasme permanent, dans l'attente d'un deuxième, puis d'un troisième, qui occulterait tout autre besoin vital. De quoi ridiculiser bon nombres de livres se voulant érotiques.



Et puis la mort, aussi, toujours présente, sale, nauséeuse, à laquelle on aimerait vomir à la gueule, ou bien que l'on aimerait secouer, piétiner, cajoler. La mort que l'on oublie au profit du reste, celle que l'on attend, celle que l'on regrette, celle qui reste tatouée sur la peau.



Si le livre n'est peut-être pas à prendre au pied de la lettre, il est important tout de même d'être heureux, libéré, de s'adonner à ses envies pour ne pas être entouré de frustration. Et qu'est-ce que le plaisir de taper un texte scientifique à la machine plutôt que le plaisir d'inventer des hybrides sexués, baveux, terribles, et d'en recouvrir les murs de son bureau ? L'orgie de fin fait tourner la tête comme un manège enchanté duquel on ne peut plus descendre, et sur lequel on peut voir arriver la fin, la dissolution, parce que rien ne peut être construit sur le chaos autre qu'un édifice apocalyptique. Marcel est comme toujours jouissif, le seul capable de vous apprendre ce qu'est la Fruition.



(voir la critique intégrale sur le blog)
Lien : http://lecombatoculaire.blog..
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Une philosophie à coups de rein: De la danse ..

Quelle écriture ! Vertigineux. Flamboyant. La prose de Marcel Moreau est d’une densité exceptionnelle , d’une telle force, d’une telle sauvagerie qu’avec lui ses livres sont vivants, sonores, tactiles. Ce qu’on retient tout d’abord de lui c’est le style. Voici un ouvrage qui arrive à ne tenir que là-dessus. C’est un possédé de la langue française, des mots ; d’ailleurs le sous-titre, lui, rend mieux compte de la force, de la vitalité qu’il donne aux mots : la danse des mots comme l’élan vital à sa source.







Véritable libertaire, il garde l’énergie de l’homme libre qui secoue tout les chaînes du faux-semblant. Comme Nietzche, un auteur qu’il, affectionne il ne dénonce pas seulement les fausses valeurs ni ne se laisse piéger par la bonne conscience. A ce sujet il a écrit de remarquables pages sur ceux qui postulent que la violence n’a que des causes strictement sociales : misère, chômage , discrimination.

Je m’insurge contre un tel discours, qui revient à dire : le germe de la délinquance est dans la pauvreté, mais que la pauvreté se rassure, nous sommes là , nous les spécialistes du malheur des hommes, pour témoigner que quoi qu’elle fasse elle ne pouvait faire autrement. « Tu es pauvre, ou enfant de pauvre, dons nécessairement ce que tu fais est irréprochable. »Pour ma part, je crois que c’est une insulte à la pauvreté de penser que chaque fois qu’il y a délinquance, cette délinquance ne s’explique que par elle. (...) Le postulat selon lequel la délinquance est un pur produit de l’injustice sociale n’est qu’un maillon dans la chaîne postulative des discours de mort. Sur la drogue : Lorsqu’un problème crucial de notre temps, comme la drogue, est traité par ceux que j’appelle les penseurs dévitalisants, on ne doit pas s’attendre à ce que ces penseurs corsent leur discours apparemment humaniste et compassionnel d’une exhortation à la révolte.



C’est sans doute l’un des plus grands écrivains de langue française mais je le considère aussi comme l’un des plus grands penseurs de notre époque et pourtant les médias ne s’intéressent guère à lui malgré ses 53 livres.



Mes livres sont trop profonds, ce qui les justifie de n’être pas rentables. Ils sont trop conscients du caractère liberticide de toute espèce de laxisme, serait-ce un « humanisme », pour se changer en part de marché. Il développe une pensée libre et s’élève contre la pensée molle, la pensée aseptisée, la pensée quadrillée et les liberticides de tous bords.

Il évoque toutes ces fascinations poisseuses : anti-américanisme, idéologies totalitaires, terrorismes, etc. Hélas nous ne sommes pas encore délivrés de la pesanteur des doctrines, des slogans, des bourrages de crâne qui caractérisent les abominations du XX°siècle.



Dans ce livre il parle beaucoup de lui, de la littérature ou plutôt des mots, du langage, de la puissance du langage, de l’écriture, de son métier de correcteur qu’il a exercé pendant quatre décennies, de l’amour, de la vie, de sa vie c’est pourquoi je pense que ce livre est le plus « vrai » des livres que j’écrivis jusqu’ici . Inféodé à rien, ni à personne, ni à aucun camp politique même s’ il est toujours de mode de se proclamer plus « progressiste » que son voisin, cela fait bien dans le paysage médiatique , la liberté de son esprit lui permet de reconnaître le bien, le vrai là où ils se trouvent et non là où l’on voudrait qu’ils soient forcément.

Il est à remarquer combien chaque fois qu’un homme fait parler de lui, soit par le tapage auquel se prête sa médiatisation, il se trouve quelque obsédés du contrôle d’identité pour s’enquérir de la couleur de son vote.



Pour lui la meilleure façon de faire de la politique, c’est de pratiquer une politique de l’être.



Ce livre est un grand livre, un des plus puissants que j’ai lu ces dernières années et que je ne peux que vous recommander. J’ai eu la chance de faire ce type de rencontre que j’appelle si souvent et si peu souvent répond.
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À dos de Dieu

Un long poème, comme une longue complainte, une révolte. En fond, mais loin derrière dans le tableau (quoique), la France de mai 68. Et tout devant, l’Ordure, qui prend diverses formes. Qui d’ailleurs ne prend pas racine en Hexagone mais en Suisse, avec les éboueurs. Beffroi, la pourriture incarnée, mi-homme mi-déchet. Beffroi : « la BÊte semant l’efFROI », anti-héros qui remue les tripes. Son monde s’entoure de déjections, de sperme, d’urine, de vomissures, de violence, d’odeurs nauséabondes, de situations répugnantes. Il y entraîne Laure, mais aussi MOREAU, oui oui, l’auteur, acteur de son propre livre, simple spectateur serait-on tentés d’écrire. MOREAU, écrivain imbibé, suintant, s’immisce visiblement contre son gré, devient témoin des atrocités, élément au cœur de l’obscénité faite de bacchanales, d’orgies pisseuses, poisseuses, du foutre qui gicle sur les corps, les murs, le sang. SADE au pays de l’abjection incarnée, des miasmes, des odeurs fétides, de la pourriture, du rebut. MOREAU ne contrôle plus Beffroi, c’est Beffroi qui dicte à la plume de MOREAU.



MOREAU revendique son attirance vers CIORAN. Ce poème halluciné en prose sonne comme un chant désabusé dans un pur nihilisme définitif. Violence de l’écriture, dure, rythme rapide, haché, nerveux, sonore, sentant le pet et le purin. Certains passages semblent tenir du cadavre exquis, même si dans ce récit aucun cadavre n’est vraiment exquis.



Liberté absolue du style : phrases très longues, néologismes en pagaille, des points en fins de phrases mais pas de majuscules ensuite, comme si le texte était un tout, une matière soudé, indivisible, un excrément compact. Nous avons le sentiment de nous noyer dans un immense chaudron bouillonnant aux larges bords, sans espoir de s’extirper. Fange épaisse rappelant des sables mouvants. L’auteur est à bout de nerfs, de souffle, de sudation, de vin. Il termine l’épreuve en lambeaux : « Sur son banc, l’auteur a le regard fixe. Il cuve après la noire ivresse. Il est bien seul avec les derniers échos du long cri qu’il vient de pousser. Avec ses plaies, ses misères, ses brûlures. Il ne crée rien qui ne laisse de traces. Jamais il n’en est quitte à bon compte. Derrière les actes individuels les plus fous de l’histoire individuelle ou collective, il sait qu’il y a toujours un vocable, une combinaison verbale, une rumeur. C’est vers ce feu central qu’il se dirige, obstinément, maniaquement, passionnément ». On croit voir ensuite le stylo tomber de ses mains, rouler dans le caniveau, rejoignant les détritus tandis que MOREAU entame une longue gueule de bois.



En préambule MOREAU prévient, froidement, à propos des conditions d’écriture de ce poème : « J’étais sûrement sous l’effet d’un breuvage méchant, un mélange de transe bachique et de verbale beuverie, tout cela destiné à s’achever en craquement de nerfs ou pénurie de respiration. Il y a une noirceur de sons qui interdit au bonheur musical de surgir, d’éclairer le texte ». En toute fin d’ouvrage il récidive, mais comme pour nous remercier d’avoir terminé sa prose : « Cela ne servirait à rien d’interroger l’auteur, hagard sur le banc. D’essayer de savoir ce qu’il a voulu dire. Il est déjà ailleurs, dans l’irremplaçable esclavage d’un autre livre ». Car MOREAU a écrit. Abondamment. Il a passé sa vie, faite de hauts et de bas, à écrire. Plus de 50 livres publiés depuis son premier en 1962 alors qu’il avait 29 ans. « À dos de DIEU » fut tout d’abord publié en 1980 après de nombreux refus et des réécritures. Aujourd’hui sort une réédition pour inaugurer une toute nouvelle collection de chez Quidam Éditeur, Les Indociles.

https://deslivresrances.blogspot.fr/


Lien : https://deslivresrances.blog..
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À dos de Dieu

La course folle du nommé Beffroi dans la fange de nos failles, pour en exhumer une lumière paradoxale.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/10/30/note-de-lecture-a-dos-de-dieu-marcel-moreau/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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À dos de Dieu

Marcel Moreau commence par parler d'ordure, du traitement de l'ordure, selon les pays, la culture, les moyens, le niveau de développement industriel/économique, et ce que ça dit, ce que ça reflète de l'humanité. Lui-même, jetant un oeil autour de lui, voyant sa propre ordure s'amonceler, peut-être pour finir par l'engloutir tout à fait, tel Beffroi, personnage fictif venu à lui alors même qu'il se trouvait à vomir dans une décharge. Le ton est donné. Il sera question de ce qu'il y a de plus ordurier.



Il y a aussi un contexte particulier, puisqu'on se retrouve propulsé.e en mai 1968, à Paris, entre les éboueurs et les étudiants, tentant de s'accorder contre les "fliques", en une entité unie et solidaire : le peuple en devenir et le personnel indispensable contre ceux qui sont clairement décrits comme presque l'armée nazie. Et pourtant, tous ridiculisés ici. La ville entière, ridiculisée. Dans sa platitude, son acceptation de l'inacceptable, son manque de fougue même dans ce qui est pourtant une des manifestations les plus remémorées, dans son ordure, ordure, ordure, dans ses costumes bien proprets qui cachent des pratiques contestables et détestables, dans sa culture du chiffre et du fichage, dans les ordures contre les ordures. Et tout le monde en prend pour son grade, Moreau lui-même en tant que personnage et auteur.



J'ai trouvé comme une ressemblance, d'abord légère, avec Les machines infernales du docteur Hoffman de Angela Carter, plus prononcée avec William S. Burroughs (Le festin nu, La cité écarlate) : quelque chose de franchement dérangeant, obscène même, furieusement organique, cauchemardesque, dégoulinant de partout de cette ORDURE dont Moreau tire la première partie de son livre, l'ordure des tréfonds de l'(in)humanité, viscérale, tripale, sexuelle, anale, le tout en un rythme qui défait les règles de l'écriture, un rythme endiablé. Parce que si Beffroi se trouve à dos de Dieu, vraiment à dos, alors c'est qu'il est forcément son contraire, son opposé, le diable lui-même, prenant possession de l'humain pour tout détruire. Beffroi comme un personnage archétypal, une entité démoniaque, qui fait perdre toute raison. Beffroi comme une mauvaise beuverie, quelque chose qui a mal tourné, comme une gueule de bois volcanique, comme un parasite qui dévore de l'intérieur, une hallucination destructrice.



Adieu subtilité, DONC, du langage et de la philosophie, adieu belles tournures de phrases, bonjour violence gratuite et démesure. Bonjour chaos. Sensibilité s'abstenir. Dans La Violencelliste, il était déjà question de rythme, de quelque chose de viscéral et de charnel, mais ô combien incomparable avec ce livre sans retenue ni limite. Welcome to the Dark Side of Moreau. Je ne le cache pas, parfois c'était beaucoup trop pour moi - c'était le but, je pense. Aller trop loin, aller là où ça n'est pas acceptable, plonger tout entier dans l'ordure et l'impensable. Ne se contenter ni du peu ni du pas assez, dénoncer l'ordure par encore plus d'ordure. L'écriture impeccable et travaillée de Moreau devient ici locomotive incontrôlable, délaissant petit à petit structure, règles, attention millimétrée aux mots, ici déconstruits et reconstruits pour mieux leur donner direction et sens : tout droit, plus loin. De quoi faire cracher les psychanalystes. Bref, comme dirait José Maria dans le film Le jour de la bête, c'est... PUISSANT.



Si vous n'avez encore jamais lu aucun livre de Marcel Moreau, je ne vous conseille pas de commencer par celui-ci, peut-être trop radical et un peu en marge du reste, bien que les thématiques soient souvent les mêmes, en filigrane. Néanmoins, si la violence, pure, gratuite, poussée à l'extrême, ne vous dérange pas, il y a ici quelque chose de magistral dans le traitement, une maîtrise et un rythme, même dans la cacophonie la plus totale. Et c'est ce sens du rythme, de la prose et même finalement de la poésie, de l'invention de mot, c'est cette INDOCILITÉ grandiose qui vient inaugurer la nouvelle collection si bien nommée « Les Indociles » des éditions Quidam, que je remercie encore une fois. Et si vous voulez une mise en bouche, avant de n'en plus avoir, je vous conseille de commencer, pourquoi pas, par Chaos de Matthieu Brosseau.
Lien : https://lecombatoculaire.blo..
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Corpus Scripti

Découverte de cet étonnant auteur Belge. A lire.
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La Violencelliste : Suivi de DONC !

Pour ce possédé du verbe qui revient ici sur son histoire d'écrivain, une page est une "peau", celle d'un tambour sur lequel on frappe pour changer ses blessures en "guérilla".
Lien : http://www.lemonde.fr/livres..
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À dos de Dieu

J'ai tenté de passer outre l'affront de la couverture saumon, le façonnage indélicat et fauché, la postface désastreuse à la seule gloire de celui qui l'écrit, pour trouver un peu du paroxysme chanté jadis par un grand maître du trou sale et des percussions mentales. Rien n'y a fait. Je n'ai pas réussi à suivre correctement Beffroi dans ses ordures du style. Quelque chose était cassé entre lui et moi. Comme une profonde déception de le voir jeté, si peu aimé finalement, en pâture aux faux rebelles parisiens.
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À dos de Dieu

Une langue habitée qui se déploie à travers ces pages tout aussi inclassables et déconcertantes que leur protagoniste, Beffroi, personnage extrême.
Lien : https://proprosemagazine.wor..
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À dos de Dieu

Prônant le pillage et l’orgie, Beffroi n’est pas sans rappeler le Jérôme éponyme du roman de Jean-Pierre Martinet (Le Sagittaire, 1978, réédité chez Finitude). Comme ce dernier, Beffroi fait de l’errance une noire odyssée et de ses pensées la matière même de l’outrage.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Quand les aliments portent des noms insolites ou pas...

Les cheveux d'ange se mangent-ils ?

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Thèmes : nourriture , fruits et légumes , fromages , manger , bizarreCréer un quiz sur cet auteur

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