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Citations de Marcel Proust (3614)


Le chagrin finit par tuer. A chaque nouvelle trop forte nous sentons une veine de plus qui saillit, développe sa sinuosité mortelle au long de notre tempe, sous nos yeux. Et c'est ainsi que peu à peu se font ces terribles figures ravagées du vieux Rembrandt, du vieux Beethoven.

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Les créatures qui ont joué un grand rôle dans notre vie, il est rare qu'elles en sortent tout d'un coup d'une façon définitive. Elles reviennent s'y poser par moments (au point que certains croient à un recommencement d'amour) avant de la quitter à jamais. (p55)
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On dit, et c’est ce qui explique l’affaiblissement progressif de certaines affections nerveuses, que notre système nerveux vieillit. Cela n’est pas vrai seulement pour notre moi permanent, qui se prolonge pendant toute la durée de notre vie, mais pour tous nos moi successifs qui, en somme, le composent en partie.
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Une personne n'est pas, comme j'avais cru, claire et immobile devant nous avec ses qualités, ses défauts, ses projets, ses intentions à notre égard (comme un jardin qu'on regarde, avec toutes ses plates-bandes, à travers une grille), mais est une ombre où nous ne pouvons jamais pénétrer, pour laquelle il n'existe pas de connaissance directe, au sujet de quoi nous nous faisons des croyances nombreuses à l'aide de paroles et même d'actions, lesquelles les unes et les autres ne nous donnent que des renseignements insuffisants et d'ailleurs contradictoires, une ombre où nous pouvons tour à tour imaginer, avec autant de vraisemblance, que brillent la haine et l'amour. (p80)
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Malgré les particularités individuelles, il y avait encore à cette époque, entre tout homme gommeux et riche de cette partie de l'aristocratie et tout homme gommeux et riche du monde de la finance ou de la haute industrie, une différence très marquée. Là où l'un de ces derniers eût cru affirmer son chic par un ton tranchant, hautain, à l'égard d'un inférieur, le grand seigneur, doux, souriant, avait l'air de considérer, d'exercer l'affectation de l'humilité et de la patience, la feinte d'être l'un quelconque des spectateurs, comme un privilège de sa bonne éducation. (p43)
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Marcel Proust
J'ai bcp aimé la vie, j'ai beaucoup aimé les arts.
Maintenant, tous ces anciens me semblent très précieux
Je m'ouvre, à moi-même comme une espèce de vitrine et, je regarde un à un tout. ces amours que les autres n'ont pas eu, et je me dis que ce sera bien embêtant de quitter tout cela.
Du côté de Chez Swann, Marcel Proust

Il dit bien juste embêtant !!!
Même aux derniers de ses jours, il est modéré!
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Il est vrai que Swann n'était guère plus avancé quand il avait certains renseignements. Savoir ne permet pas toujours d'empêcher, mais du moins les choses que nous savons, nous les tenons, sinon entre nos mains, du moins dans notre pensée où nous les disposons à notre gré, ce qui nous donne l'illusion d'une sorte de pouvoir sur elles. (p 373)
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Pour elle, la distinction était quelque chose d'absolument indépendant du rang social. (p 29)
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Il y avait bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse: ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle? Que signifiait-elle? Où l’appréhender? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi. Il l’y a éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéter indéfiniment, avec de moins en moins de force, ce même témoignage que je ne sais pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver intact, à ma disposition, tout à l’heure, pour un éclaircissement décisif. Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité; Mais comment? Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher? pas seulement: créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière.
Et je recommence à me demander quel pouvait être cet état inconnu, qui n’apportait aucune preuve logique, mais l’évidence, de sa félicité, de sa réalité devant laquelle les autres s’évanouissaient. Je veux essayer de le faire réapparaître. Je rétrograde par la pensée au moment où je pris la première cuillerée de thé. Je retrouve le même état, sans une clarté nouvelle. Je demande à mon esprit un effort de plus, de ramener encore une fois la sensation qui s’enfuit. Et pour que rien ne brise l’élan dont il va tâcher de la resssaisir, j’écarte tout obstacle, toute idée étrangère, j’abrite mes oreilles et mon attention contre les bruits de la chambre voisine. Mais sentant mon esprit qui se fatigue sans réussir, je le force au contraire à prendre cette distraction que je lui refusais, à penser à autre chose, à se refaire, avant une tentative suprême. Puis une deuxième fois, je fais le vide devant lui, je remets en face de lui la saveur encore récente de cette première gorgée et je sens tressaillir en moi quelque chose qui se déplace, voudrait s’élever, quelque chose qu’on aurait désancré, à une grande profondeur ; je ne sais ce que c’est, mais cela monte lentement; j’éprouve la résistance et j’entends la rumeur des distances traversées.
Certes, ce qui palpite ainsi au fond de moi, ce doit être l'image, le souvenir visuel, qui, lié à cette saveur, tente de la suivre jusqu'à moi. Mais il se débat trop loin, trop confusément; à peine si je perçois le reflet neutre où se confond l'insaisissable tourbillon des couleurs remuées ; mais je ne peux distinguer la forme, lui demander, comme au seul interprète possible, de me traduire le témoignage de sa contemporaine, de son inséparable compagne, la saveur, lui demander de m'apprendre de quelle circonstance particulière, de quelle époque du passé il s'agit.
Arrivera-t-il jusqu'à la surface de ma claire conscience, ce souvenir, l'instant ancien que l'attraction d'un instant identique est venue de si loin solliciter, émouvoir, soulever tout au fond de moi? Je ne sais. Maintenant je ne sens plus rien, il est arrêté, redescendu peut-être; qui sait s'il remontera jamais de sa nuit? Dix fois il me faut recommencer, me pencher vers lui. Et chaque fois la lâcheté qui nous détourne de toute tâche difficile, de toute œuvre importante, m'a conseillé de laisser cela, de boire mon thé en pensant simplement à mes ennuis d'aujourd'hui, à mes désirs de demain qui se laissent remâcher sans peine.
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés depuis si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des autres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.
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Je veux bien qu'on lui donne du bonheur, je veux bien qu'on lui donne de l'amour, mais je ne veux pas qu'on lui donne du plaisir. Je suis jaloux du plaisir de l'autre, de son plaisir à elle.
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Le temps qui d'habitude n'est pas visible, pour le devenir cherche des corps.
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La frivolité d'une époque, quand dix siècles ont passé sur elle, est matière de la plus grave érudition.
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De même si un « fidèle » avait un ami, ou une « habituée » un flirt qui serait capable de le faire «lâcher» quelquefois, les Verdurin, qui ne s’effrayaient pas qu’une femme eût un amant pourvu qu’elle l’eût chez eux, l’aimât en eux, et ne le leur préférât pas, disaient: «Eh bien! amenez-le votre ami. » Et on l’engageait à l’essai, pour voir s’il était capable de ne pas avoir de secrets pour Mme Verdurin, s’il était susceptible d’être agrégé au « petit clan ». S’il ne l’était pas, on prenait à part le fidèle qui l’avait présenté et on lui rendait le service de le brouiller avec son ami ou avec sa maîtresse. Dans le cas contraire, le «nouveau» devenait à son tour un fidèle. Aussi quand cette année-là, la demi-mondaine raconta à M. Verdurin qu’elle avait fait la connaissance d’un homme charmant, M. Swann, et insinua qu’il serait très heureux d’être reçu chez eux, M. Verdurin transmit-il séance tenante la requête à sa femme. (Il n’avait jamais d’avis qu’après sa femme, dont son rôle particulier était de mettre à exécution les désirs, ainsi que les désirs des fidèles, avec de grandes ressources d’ingéniosité.)

– Voici Mme de Crécy qui a quelque chose à te demander. Elle désirerait te présenter un de ses amis, M. Swann. Qu’en dis-tu ?

–Mais voyons, est-ce qu’on peut refuser quelque chose à une petite perfection comme ça. Taisez-vous, on ne vous demande pas votre avis, je vous dis que vous êtes une perfection.

– Puisque vous le voulez, répondit Odette sur un ton de marivaudage, et elle ajouta : vous savez que je ne suis pas « fishing for compliments ».

– Eh bien ! amenez-le votre ami, s’il est agréable.
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L'année d'Augustin Thierry : allusion à un de ces moments d'exaltation dont le rappel et l'interprétation constitueront la matière de son œuvre future. Rappelons que la ferveur de Marcel Proust pour Augustin Thierry s'était exprimée dans l'Album d'Antoinette Faure, où il avait inscrit deux fois son nom, qu'il mettait à côté de celui de George Sand pour désigner ses « prosateurs favoris », et encore, avec Socrate, Périclès, Mahomet, Musset et Pline le Jeune, les « héros de la vie réelle que vous préférez ». Selon Robert Proust, cité par André Berge (Cahier du Mois, 1er décembre 1924, p. 9) « Notre grand-mère... était toute férue d'Augustin Thierry et nous en parlait sans cesse; elle avait communiqué ce culte à Marcel Proust. » (...) Le souvenir en question (l'année d'Augustin Thierry) remonte à l'automne de 1886, où Marcel vint à Illiers avec ses parents pour régler la succession de sa tante Amiot. Il lisait la Conquête de l'Angleterre par les Normands d'Augustin Thierry. Après des heures de lecture, Marcel sortait se promener « du côté de Méséglise ». Le désir d'exprimer les émotions de ses promenades lui donnera l'ambition de devenir un grand écrivain. De là l'importance, dès cette époque-là, de "l'année d'Augustin Thierry".

804 - [p. 112]
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Marcel Proust
Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux.
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"Mon petit coquillage, mon petit arbre", et il ne put s'empêcher de rire en prononçant ces mots qu'ils s'étaient si vite faits à leur usage, ces petits mots qui peuvent sembler vide et qu'ils emplissaient d'un sens infini.
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Comment toute cette eau fraîche de souvenirs a-t-elle pu jaillir encore une fois et couler dans mon âme impure d'aujourd'hui sans s'y souiller ?
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Swann retrouva rapidement le sentiment de la laideur masculine, quand, au-delà de la tenture de la tapisserie, au spectacle des domestiques succéda celui des invités. Mais cette laideur même des visages qu'il connaissait pourtant si bien, lui semblait neuve depuis que leurs traits - au lieu d'être pour lui des signes pratiquement utilisables à l'identification de telle personne qui lui avait présenté jusque-là un faisceau de plaisirs à poursuivre, d'ennuis à éviter, ou de politesse à rendre - reposaient, coordonnés seulement par des rapports esthétiques, dans l'autonomie de leurs lignes. Et en ces hommes, au milieu desquels Swann se trouva enserré, il n'était pas jusqu'aux monocles que beacoup portaient (et qui, autrefois, auraient tout au plus permis à Swann de dire qu'ils portaient un monocle), qui, déliés maintenant de signifier une habitude, la même pour tous, ne lui apparussent chacun avec une sorte d'individualité. Peut-être parce qu'il ne regarda le général de Froberville et le Marquis de Béauté qui causaient dans l'entrée que comme deux personnages dans un tableau, alors qu'ils avaient été londtemps pour lui les amis utiles qui l'avaient présenté au Jockey et assisté dans des duels, le monocle du général, resté entre ses paupières comme un éclat d'obus dans sa figure vulgaire, balafrée et triomphale, au milieu du front qu'il éborgnait comme l'oeil unique du cyclope, apparut à Swann comme une blessure monstrueuse qu'il pouvait être glorieux d'avoir reçue, mais qu'il était indécent d'exhiber ; tandis que celui que M. de Bréauté ajoutait, en signe de festivité, aux gants gris perle, au "gibus", à la cravate blanche et substituait au binocle familier (comme faisait Swann lui-même) pour aller dans le monde, portait collé à son revers, comme une préparation d'histoire naturelle sous un microscope, un regard infinitésimal et grouillant d'amabilité, qui ne cessait de sourire à la hauteur des plafonds, à la beauté des fêtes, à l'intérêt des programmes et à la qualité des rafraîchissements(...)
Le monocle du Marquis de Forestelle était minuscule, n'avait aucune bordure et obligeant à une crispation incessante et douloureuse l'oeil où il s'incrustait comme un cartilage superflu dont la présence est inexplicable et la matière recherchée, il donnait au visage du Marquis une délicatesse mélancolique, et le faisait juger par les femmes comme capable de grands chagrins d'amour. Mais celui de M. de Saint-Candé, entouré d'un gigantesque anneau, comme Saturne, était le centre de gravité d'une figure qui s'ordonnait à tout moment par rapport à lui, dont le nez frémissant et rouge et la bouche lippue et sarcastique tâchaient par leurs grimaces d'être à la hauteur des feux roulants d'esprit dont étincelait le disque de verre, et se voyait préférer aux plus beaux regards du monde par des jeunes femmes snobs et dépravées qu'il faisait rêver de charmes artificiels et d'un raffinement de volupté ; et cependant, derrière le sien, M. de Palancy qui, avec sa grosse tête de carpe aux yeux ronds, se déplaçait lentement au milieu des fêtes, en desserrant d'instant en instant ses mandibules comme pour chercher son orientation, avait l'air de transporter seulement avec lui un fragment accidentel, et peut-être purement symbolique, du vitrage de son aquarium, partie destinée à figurer le tout, qui rappela à Swann, grand admirateur des Vices et des Vertus de Giotto à Padoue cet Injuste à côté duquel un rameau feuillu évoque les forêts où se cache son repaire.
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Ce n’est pas que l’éducation des enfants, c’est celle des poètes qui se fait à coups de gifles.
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La pensée et la vie nous sont comme administrées par Dieu comme antidotes l'une de l'autre. Les plaisirs de la pensée nous adoucissent les chagrins de la vie, et les plaisirs de la vie corrigent ce qu'il y a de trop rude dans les chagrins de la pensée.

PENSEES DE JEUNESSE
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