Citations de Marie Desplechin (438)
Les années passent vite. Et plus on vieillit, plus il devient difficile de rattraper le temps qu'on a perdu.
Les adultes ne font aucun effort pour apporter de vraies réponses aux vraies questions des enfants. Ils préfèrent les questions qui ne méritent pas de réponses, et les réponses qui n'ont pas besoin de questions.
Certaines pratiques demandent des outils spécialisés mais dans mon cas, je n'ai pas besoin de matériel. Je dois absolument obtenir une bonne qualité de concentration, ce qui ne va pas de soi quand on est enfermé dans trois mètres carré, entre un stock de papier hygiénique et une collection de vieux magazines d'information municipale.
J'étais au spectacle. Paris me fait l'effet d'un grand héritage à cause de tous ces gens différents qui s'y pressent et fabriquent de l'agitation et du vacarme. Le monde me fait venir des désirs nouveaux qui me chargent le sang d'impatience. Ce n'est pas que je n'aime pas Bobigny mais on y manque d'amusements. Les champs y sont plats, les usines tristes, les habitants rares et les enfants morveux. Et on n'y voit jamais de belles toilettes. C'est le travail qui nous gouverne, ou la guigne pour ceux qui n'arrivent pas à travailler. Si je n'avais pas Bernadette et le canal pour me distraire, je deviendrais certainement folle et l'on me trouverait à l'hôpital chez les aliénés.
Après les nouvelles catastrophiques du jour, désastres économiques, militaires et écologiques, un type enthousiaste présentait le gagnant du concours des Villages fleuris. C'était comme le dessert après les épinards, une consolation sucrée.
Je me dis que l'amour, c'est comme la mort. Tout le monde y passe, mais ça ne rend pas les choses plus faciles. Quand on meurt, on est le premier homme à mourir. Quand on aime, on est le premier homme à aimer. Comme le dit Rosaimée, l'expérience des autres, ça n'aide pas beaucoup.
Le souvenir de ma nuit d'enfer s'estompe dans le rouge de sa robe.
Soyons clair, le dimanche après-midi est toujours un désastre. Un moment vide. Une plaine ennui. Il ne sert qu'à redouter le lundi matin.
C'est idiot, mais c'est le printemps et je suis heureux. Triste, mais heureux.
Je suis un garçon qui se laisse volontiers emporter par le regret et la mélancolie.
Juste une petite envie de mourir, coincée là, entre le nerf optique et le cortex.
Me faudrait-il laisser ma jeunesse me filer sous le nez et vieillir sans avoir jamais aimé ?
Une amie ne vous laisse jamais complètement seule. Son absence, c'est la présence de son souvenir.
La méchanceté n'est rien d'autre que du temps perdu.
Elle aurait pu faire l'effort de m'appeler Violette. Mais non, il a fallu qu'elle choisisse Verte. Quelquefois j'ai envie de l'attaquer en justice. Mais quelquefois je l'aime et j'ai envie de lui offrir des vacances de rêve à Honolulu. Rien n'est plus fatigant qu'une mère. Etant entendu que je ne sais pas ce que c'est qu'un père.
- [...] Tu as remarqué qu'une chanson bricolée avec les vieux sentiments d'une seule personne fabrique de nouveaux sentiments pour d'autres personnes ? Tu as remarqué qu'une bonne chanson garantit le passé, le présent et le futur à la fois ?
C'est peut-être une idée politique de ne pas s'abandonner les uns les autres.
La feuille de laitue a atterri en plein sur ma figure. C'était tellement violent que je suis sortie de la cuisine. Bien obligée. On ne sait jamais comment les choses vont dégénérer. Ça commence par une feuille de laitue et ça se termine par des tirs de roquette.
Je suis faite d'adoration, qui est une matière dont sont faits vos petits-enfants, mais pas vos enfants, non, pas vos enfants.
Elle avait la même coupe de cheveux que la mienne. Exactement la même. Muette, je l'ai détaillée de la tête aux pieds. Ce c'est qu'alors que je mesuré ce qui était en train de se passer. Aliénor portait des bottes de caoutchouc vert, comme les miennes. Un pull trop large quui lui tombait aux genoux, comme le mien. Elle a passé la main dans le fin fouillis de ses cheveux d'un air dégagé. Exactement comme je le faisais moi-même depuis toujours, à peu près deux cent cinquante fois par jour. De sa propre volonté, Aliénor était en train de se transformer en Anne et je ne pouvais rien y faire.