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Citations de Marina Yaguello (68)


En français du Sénégal, on relève par exemple: "gaucher" pour "tourner à gauche", "linger" pour "faire la lessive", "indexer" pour "critiquer", "cadoter" pour "faire cadeau".
Il faut se féliciter et non s'affliger de ce phénomène qui est une preuve de dynamisme de toute langue, bien préférable au paresseux emprunt; et qui donne, en plus, des motifs de rire ou de se réjouir!
p.68
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Il est essentiel, pour aborder une langue étrangère, de se dégager des catégories et de la structure de la langue maternelle. On n'a pas toujours su le faire. Pendant longtemps en Europe et singulièrement en France, on a chercher à calquer les grammaires sur celle du latin. De la même façon, les premières descriptions de langues « exotiques », faites souvent par des missionnaires, reflètent la structure des langues de leurs auteurs (par exemple, la description du wolof par l'abbé Boilat au dix-neuvième siècle fait appel aux catégories du français, pourtant inapplicables à cette langue).
Page 73
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De même, dans les romans de science-fiction, la langue des méchants, lorsque l'auteur se donne la peine de nous en donner un échantillon, est délibérément rendue imprononçable et désagréable. Voici comment s'expriment, par exemple, les habitants de la planète Nazar : « Spik antik flok skak mak tab (1)».
(1) L. de Holberg, Nils Klim dans les planètes souterraines, Paris, 1741.
(Page 140)
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Si on vous présente deux mots inconnus: "mil" et "mal", et qu'on vous dit que l'un veut dire "grande table" et l'autre "petite table", il y a tout à parier que vous associerez "mal" à l'idée de grandeur et "mil" à l'idée de petitesse (expérience de Sapir). Ceci étant lié, bien sûr, au degré d'ouverture des voyelles ("i" est fermé, "a" est ouvert).
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Le duel verbal, cet affrontement rituel en paroles, tel qu'il se pratique, par exemple, chez les jeunes Turcs pré-adolescents, exige de ceux-ci une virtuosité dans l'art d'enchaîner et de faire rimer les reparties et les insultes. Il s'agit d'un rite de passage, d'une initiation qui ouvre l'accès au monde des hommes. Chez les jeunes Noirs des ghettos américains, la pratique de l'insulte rituelle, qui accompagne la traversée de l'adolescence, a une fonction de défoulement. Elle est un substitut à l'agressivité et exige également un maniement virtuose de la langue: rimes, calembours, doubles sens, figures de style s'enchaînent à une cadence rapide.
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Chacun aimant par-dessus tout parler de soi, "je", souvent dédoublé en "moi je", est le thème par excellence, y compris, paradoxalement, lorsque le sujet de l'énoncé n'est pas l'énonciateur :
"Moi, mon frère, il a un vélo neuf"
"Moi, ma fille, elle est première de sa classe"
Ce qui montre le caractère égo-centré des interactions verbales.
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Et, comme si l'histoire des langues artificielles devait mimer en tout l'histoire des langues naturelles, on voit apparaître un type de langue nouveau: l'idiom neutral, qui fait la synthèse d'un certain nombre de langues artificielles antérieures et rivales, un geste vers l'apaisement en somme.
Quant à la variation interne, les langues artificielles n'en sont pas non plus dépourvues et plusieurs interlinguistes admettent des variantes savantes, populaires et poétiques.
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Parce que la langue est le bien commun de tous, chacun de nous, sujet parlants, se fait une certaine idée de la langue, idée qui se traduit pas des jugements de valeur que le linguiste professionnel habité par le souci de l'objectivité scientifique, est amené à taxer d'idées reçues et de préjugés.
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L'insécurité linguistique est le fait, pour un locuteur, d'avoir intériorisé son exclusion du bien-parler. [...] Ce qui provoque ce phénomène très bien attesté de l'"hypercorrection", qu'on peut décrire comme "une visée qui dépasse son but". Comme chacun le sait : le mieux est l'ennemi du bien. [...] Si l'insécurité linguistique touche surtout les locuteurs peu instruits cherchant à "bien parler", l'hypercorrection atteint de fait toutes les classes sociales, même les personnes les mieux éduquées. Elle se manifeste à tous les niveaux de la langue. En voici quelques exemples :

* Au niveau phonétique :
- l'abondance des liaisons optionnelles. La production de liaisons optionnelles est une caractéristique du registre dit "surveillé". On l'observe fréquemment dans le discours préparé et donc chez les hommes et femmes politiques, les professeurs, les journalistes, ... ce qui fait croire que plus on fait de liaison, mieux on parle D'où la multiplication des fausses liaisons. Entendues récemment à la radio :
Malgré-t-eux et entre-z-Européens
Souhaitez-vous aller -r- effectivement jusqu'au bout

- le prononciation des consonnes étymologiques dans des mots tels que scul(p)teur, dom(p)ter, da(m)ner ...

* Au niveau lexical :
Le remplacement du verbe "faire" par "effectuer", "réaliser"
Ainsi, dans le message de la SCNF : « Nous espérons que vous avez effectué un bon voyage. »
Le remplacement du verbe "avoir" par "posséder" : « les Bleus possèdent 4 points d'avance » ; du verbe "pouvoir" par "être en capacité de" : « Pourra-t-il être en capacité de vous aider ? »

* Au niveau syntaxique
- La redondance du possessif :
"J'en connais son prix"
"C'est de ça dont il faut parler aujourd'hui"
- l'emploi de "ce sont" au lieu de "c'est" dans les clivées :
"Ce sont vous qui être concernés"
"Ce sont aux directeurs d'établissements de prendre leurs resposabilités"
- l'emploi de "cela" au lieu de "ça" :
« Un homme, cela s'empêche » dit un journaliste de radio citant Camus, qui pourtant a écrit « un homme, ça s'empêche »

* Au niveau morphologique :
Certains locuteurs utilisent la forme "Vous contredites" au lieu de "vous contredisez" sur le modèle de "vous dites"...

* Au niveau morphosyntaxique :
"Je me suis permise de ..."
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Marina Yaguello
Queneau, Vian, Perec, Mallarmé, Paulhan, Jarry, Breton, Apollinaire, Lewis Carroll et bien d'autres peuvent être considérés, à des degrés divers, comme des théoriciens du langage.
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La création linguistique fait sans cesse usage de processus analogiques, d'où les néologismes auxquels les puristes font la chasse ou encore les créations spontanées des enfants et de la langue populaire, qui souvent d'ailleurs ne respectent pas l'étymologie savante (voir l'américain 'peacenik', militant pour la paix, sur 'beatnik', lui-même formé sur 'spoutnik'). Rien ne s'oppose à la création d'un mot nouveau, qu'il soit d'étymologie savante ou populaire, lorsqu'il y a un besoin à combler. Simplement, en France, il faut la bénédiction de l'Académie et du Haut-Comité de la langue française.
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Mais la principale dissymétrie provient, bien entendu, de la valeur générique du mot homme. On peut s’interroger à ce propos sur l’évolution dans les langues romanes du latin homo qui désignait l’espèce humaine et non le mâle (qui se disait vir). L’homme a détourné à son profit le mot qui désignait l’espèce. On peut considérer que cette identification, qui existe dans de nombreuses langues (exceptions : russe muscina, « mâle », celov’ek; « être humain »; allemand Mann et Mensch, entre autres), entre le mâle et l’espèce, est à la fois le résultat d’une mentalité sexiste et le moyen par lequel elle survit. De même que l’accusé est coupable jusqu’à preuve du contraire, l’être humain est un homme jusqu’à preuve qu’il est une femme.
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On attribue à un pharaon de l'ancienne Egypte, ainsi qu'au roi Frédéric II de Prusse, une expérience aberrante consistant à isoler un enfant nouveau-né de tout "bain linguistique" afin de découvrir quelle serait la langue parlée spontanément par un individu élevé à l'état naturel, langue qui aurait été alors celle du premier homme. On imagine leur déception.
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Nombre d'aptitudes innées, donc naturelles chez l'homme, ne se développent que dans un environnement culturel. La marche bipède et la communication verbale, c'est-à-dire le langage, en sont deux exemples. Les enfants sauvages, élevés par des animaux, marchent à quatre pattes et ne parlent pas. Ils possèdent l'aptitude au langage mais ils ne la projettent pas dans une langue. Et il ne saurait en être autrement.
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La lutte pour l’égalité, pour la liberté, pour l’identité culturelle, implique, pour les femmes comme pour tous les groupes opprimés, minoritaires, marginaux, déviants, la lutte pour le droit à l’expression, à la parole, pour le droit de se définir, de se nommer, au lieu d’être nommé, donc une lutte contre la langue du mépris.
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Le rapport de l'individu à la langue passe par son rapport à la société. (...) Ce livre constitue donc une approche sociolinguistique de la condition féminine. (...) Quelle image de la femme nous renvoie la langue? Dans quelle mesure reflète-t-elle le statut de la femme dans la société?
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Le langage humain, lui, n'est jamais complètement neutre. Quoi qu'on dise, on en dit toujours plus que ce qu'on voulait dire.
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Déjà, en 1867, Stuart Mill, ardent défenseur des droits des femmes, préconisait l’emploi de person à la place de man dans tous les textes officiels (Groult, 1977, p. 96). Le problème se pose avec la même acuité dans toutes les langues qui ne font pas la distinction homo/vir. L’emploi d’un même mot pour désigner à la fois l’espèce humaine et le mâle de l’espèce a quelque chose de paradoxal. Comment un mot peut-il à la fois inclure et exclure le sexe féminin? On dira bien sûr que l’emploi du masculin générique n’est qu’une convention grammaticale, mais ça n’est pas aussi évident que ça en a l’air. Cet emploi contient une ambiguïté latente car on a toute latitude pour interpréter homme comme incluant ou excluant les femmes selon les préférences de l’énonciateur et de l’auditeur.
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« Les limites de ma langue sont les limites de mon monde. »
Ludwig Wittgenstein
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Emmerdeuse - Selon Paul Valéry (repris par Georges Brassens), "les femmes se divisent en trois catégories : les emmerdeuses, les emmerdantes et les emmerderesses".
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