Citations de Mathieu Lindon (219)
Au lieu de faire de l'inaccessible abstinence l'unique prévention valable du sida, le Vatican ferait mieux de promouvoir l'héroïnomanie qui rend cette abstinence accessible.
A sa façon, lui aussi m'a donné la vie.
"Je vais mourir" : c'est la phrase la plus banale du monde, celle que n'importe qui est en situation de prononcer à n'importe quel moment, et elle revêt immanquablement un caractère dramatique. Son imprécision temporelle sous-entend mystérieusement une immédiateté fatale.
La dernière phrase de la lettre posthume de mon père est : "J'espère seulement que j'aurai le sentiment, le moment venu, de ne t'avoir causé aucun tort grave, ce qui me donnera le droit de te demander, en t'embrassant, de m'oublier"
"Il y a longtemps que tu m'aimes, jamais tu ne m'oublieras" : il suffit d'inverser la phrase pour mieux saisir son potentiel agressif. J'ai oublié mille moments avec lui mais il y en a mille autres dont je me souviens, et lui, évidemment que jamais je ne l'oublierai, lui qui m'a même appris la mort, le deuil irrémédiable, qui me l'a enseigné sans le vouloir. Je ne vais pas lui être aussi reconnaissant de ça quand même. Il m'apprenait la vie, rien ne pressait pour la mort.
Je sais que je suis encore jeune mais j'ai la nostalgie de la jeunesse. Je la vois comme une chance, une occasion unique. Je ne dois pas me rater.
Le snobisme familial ne passait ni par l’aristocratie ni par l’argent : c’était un élitisme culturel qu’on se créait soi-même.
(…) selon un processus courant, si l’erreur est bien là, ce n’est pas sur celui qui l’a commise mais sur celui au profit de qui elle l’a été que retombe la faute.
Juste après sa mort, ma mère me dit: "Il s'est beaucoup battu dans sa vie", et je lui réponds :"Et il a beaucoup gagné ".S'il aimait se battre, c'est gagner qu'il préférait.
Les livres me protègent. Je peux toujours m'y recroqueviller, bien à l'abri, comme s'ils instauraient un autre univers, entièrement coupé du monde réel. J'ai le sentiment paradoxal que rien ne m'y atteint alors qu'ils me bouleversent d'un façon maladive, victime d'une sensibilité excessive à l'écriture, tels ces êtres contraints de se laisser pousser les ongles pour ne pas, par distraction, toucher je ne sais quoi du doigt alors que leurs doigts sont trop fragiles pour supporter le moindre contact. Je devrais de même lire avec les ongles mais je suis trop heureux d'être sans cesse ébranlé.
Les livres me protègent. Je peux toujours m’y recroqueviller bien à l’abri, comme s’ils instauraient un autre univers, entièrement coupé du monde réel.
L’odeur nauséabonde, on comprend ce qu’elle est, mais en quoi consiste le conte de fées, quelle merveille est à prévoir ? Que faire d’elle, même avec des pouvoirs magiques, qui la rendent si attrayante ? On peut tâcher de la scinder, comme un fleuve s’écoulerait par ses affluents, à l’inverse du processus habituel, la fatiguer pour qu’elle perde son caractère d’odeur et donc que la nausée n’y soit plus attachée mais c’est toujours la même rengaine, s’il ne s’agit plus d’une odeur nauséabonde on sort des données de l’hypothèse, si dès le départ il s’agit d’une rose, pas besoin de fées ni de conte, encore que les roses pourries dégagent à la longue des parfums bien différents de ceux qu’on célèbre dans mille poèmes quand elles sont pleines de vie et d’épines.
Et même sexuellement, je ne me souviens pas du premier matin où je me suis réveillé inondé, du premier fantasme que j'ai solitairement mené à son terme de main de maître ou d'esclave. Je ne me rappelle que ce que tout le monde se rappelle, la première fois qu'il y avait quelqu'un pour constater mon plaisir, et mon orgueil et mon soulagement d'alors. Mais je ne me souviens pas de la première fois où j'ai vu quelqu'un nu, même pas de la première fois où ça m'a fait de l'effet. Je ne me souviens pas de ce qui m'a plu, dans le sexe, au tout début. Je ne me souviens pas si ça m'a inquiété, aussi, si je craignais d'enfiler un mauvais coton.
Pour Perrin et Lusiau, la famille est une addiction obligée dont se débarrasser est une autre addiction. Ils sont en permanence dans la seringue du cyclone. La brutalité des méthodes habituelles de sevrage n'a pas de mise ici. Ce sont des miraculés, ceux qui parviennent à se défaire de leur famille par la seule force de l'indifférence, juste, pour reprendre les critères parentaux à l'encontre de toute drogue, parce qu'ils peuvent très bien s'en passer, qu'ils n'ont pas besoin d'elle pour être heureux, que ça ne leur plaît pas de se détruire. Comment devenir clean avec sa famille? Quelle est la proportion de lien raisonnable au-delà de laquelle c'est la catastrophe?
Un homme tremble au bas de l'immeuble. Le froid, la peur, Parkinson? Faut-il appeler les services sociaux, la police, les urgences? L'alcool, ça n'a vraiment pas l'air. La faim? Faut-il lui offrir un sandwich? Y' a-t-il quelque chose à faire ou rien, comme d'habitude?
Un homme tremble. S'il mendiait, on lui donnerait de l'argent ; s'il pleurait, on le consolerait. Mais l'homme tremble d'angoisse et d'honnêteté, ce serait mentir que se porter à son secours.
On ne fait pas de révolution sans casser des œufs et tant pis pour les enfants choyés, tant pis pour les salariés soumis et obéissants. Quand vient la révolution, il faut être révolutionnaire, sinon tout est foutu.
De même qu'il se garde une petite ligne pour bien passer sa deuxième nuit de manque et se ragaillardir, il pourrait s'autoriser une éventuelle prise à Noël ou au 1er janvier, pour son anniversaire, afin que la rupture ne soit pas trop brutale, comme un des deux amants qui rompent est toujours partant pour un dernier coït.
J'aurais aimé porter ma peur à bout de bras pour mieux la maintenir à distance mais elle me constituait, m'absorbait. Qui ne s'y était jamais brûlé ?Elle était là, perpétuellement en éveil, déchainée au moindre mouvement.
J'ai lu trop de livres durant mon adolescence infernale, j'ai vu trop de film et écouté trop de chansons pour ne pas voir mon idée de l'amour.