Citations de Matthieu Mégevand (88)
J’ai donc pris le chemin de mon corps, et j’ai réappris à vivre au milieu des autres et du monde. Encore un peu plus cabossé. Mais avec tellement d’êtres chers : ma femme, mes parents, mes cinq frères et sœurs ; mes amis proches, la famille. Ensemble, nous avons reconstruit. C’est ce que nous savons faire de mieux. C’est ce qu’il y a de plus difficile.
Mais, alors, qu’on imagine la perte d’un être cher comme uniquement remplie de souffrance et d’aigreur, il s’avère que l’accompagnement d’une amie intime jusqu’à sa fin prochaine comporte – et cela aussi, je refuse de le dissimuler – une part de force affective et émotive inouïe que rien ne surpasse.
La souffrance est sans motif, seule l’espérance possède un fondement. Je le répète pour bien m’en imprégner : la souffrance est sans cause, il n’y a que dans l’espérance que l’on peut puiser.
L’homme est comme un chien attaché à une charrette ; libre à lui de la suivre dignement, ou de se laisser traîner !
Pour Sénèque, les douleurs, la souffrance ne sont pas des afflictions, mais bien des obstacles qui forgent, endurcissent et nourrissent l’homme qui aspire à la sagesse, et qui sont autant de présents faits par la divinité pour éprouver – et ainsi rendre meilleurs – les hommes qu’elle aime.
Comme une porte, un passage. « La musique commence là où la parole est impuissante à exprimer ; la musique est écrite pour l’inexprimable » disait Debussy qui savait de quoi il parlait.
Elle est fière de me surprendre et d’opposer ce miroir à mes questionnements.
C’est ce que j’aime et ce que j’attends de sa part, un décalage, une inventivité renouvelée qui nous transporte ailleurs.
Il prend pour exemple celui qui restera son seul maître pendant toute sa vie : Edgar Degas. " Lui, ses danseuses, il est allé les chercher sur le vif ! Il a pas travesti une petite en Terpsichore ! " ( page 42 )
C’est un dimanche pluvieux et Roger, affublé de son titre de coqueluche du lycée, est invité à une journée dansante chez une camarade de classe, Geneviève, sans doute éprise du jeune homme aux allures de chat errant. Il est seul mais il a décidé d’y aller en simpliste, en phrère.
En vérité je ne me réjouis que d'une chose, guérir pour retrouver l'anonymat, disparaître dans la masse commune des bien portants - qu'on ait le droit de me détester ou qu'on m'aime enfin pour ce que je suis et non pour ce qui m'atteint.
Dans le vrai monde les gens ne changent pas, ou si peu.
Détruire le souvenir, priver ma mémoire de la lente et patiente construction qu'elle a, au fil du temps, imposée. Pourquoi au juste? Pour donner les faits, rien que les faits? Approcher la vérité telle qu'elle fut, et non pas telle que je m'en souviens? Ça n'a pas de sens. Je m'en moque, des faits.
(...) revenir sur ce passé qui n'est même pas si lointain, qui est un passé d'adulte, mais que dix années ont suffi à élaguer, à tordre, à réduire en minuscules lueurs qui miroitent dans les ténèbres de l'oubli.
Ici comme ailleurs l'envie me prend d'abandonner le souvenir, de recourir à la fiction, à l'imaginaire. L'on n'y verrait que du feu, d'ailleurs. Un peu d'enluminures, de tragique aussi. Cela ferait sans doute du bien au texte, une bouffée d'air, de romanesque. Mais ce qui s'est passé, ce qui à un moment a eu lieu mérite que je le raconte tel qu'il m'est resté. Et non pas comme je voudrais qu'il soit, ou comme je souhaiterais le faire apparaître. Les mots ne font que trahir. Ils mentent, ils déforment. Ils ne savent pas dire.
Tu y penses et tu te dis que le monde n'a ni queue ni tête, que les choses adviennent sans que l'on sache pourquoi et qu'il suffit d'un rien pour que tout bascule.
Et les mots qui peinent à suivre. Les mots qui, dès que l’on a besoin d’eux, semblent s’enfuir ; véritables poules mouillées des situations à risques, des moments majeurs, les mots. Tant pis. Nous faisons sans eux, ou plutôt avec eux, et par-dessus eux.
Nous ne disons rien d’exceptionnel. C’est au-delà des mots. Nous sommes ensemble. C’est tout. Et cette fois, j’en suis sûr : ce qui compte le plus, ce qui doit être absolument dit, est inexprimable. Mais se transmet. Parvient à passer. Par un courant sans parole. Par un fil invisible. Il est presque palpable. L’amour que l’on se porte.
(…) et puis le cardinal arrive. Il tient son déambulateur d’une main ferme, la tête toujours penchée sur la gauche. Habillé en soutane noire, avec le col romain, il porte aux pieds des baskets Nike à scratch dernier modèle. Si l’on ajoute la grosse croix d’argent qu’il porte au cou, et l’anneau d’or sur son doigt, les similitudes avec un rappeur de la côte ouest des Etats-Unis ne manquent pas. Penser à apporter la prochaine fois un CD de Tupac.
Elle change souvent de ville, souvent de métier, souvent de compagnon, et fuit les amarres comme ses parents avant elle.
Il m’a fait forte impression. Je pense que seuls les Parisiens, et plus particulièrement les hommes d’un certain âge, possèdent cette prestance, cette aura naturelle qui les rend à la fois si distingués et en même temps si graves ; on a l’impression de se retrouver face à des comédiens de prestige, des acteurs dramatiques qui déclament leur texte et jouent leur rôle à la perfection. Sauf qu’il ne s’agit pas de fiction ni de théâtre, mais bien d’un sens inné de l’aisance, de la belle phrase et du bon goût.