AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Mazarine Pingeot (322)


Je n'ai pas la manie des archives, des preuves écrites de mon existence ou de celle des autres. Les mots manuscrits passent, ceux qui sont imprimés restent. Il y a la vie et la littérature. Je ne jette jamais rien mais j'égare. Il n'y a que les amants pour conserver leurs lettres, comme une preuve à charge, un souvenir de ce qui peut disparaître, un barrage contre la précarité du sentiment, une lutte sans espoir contre le temps. Mon amour pour mon père ne peut disparaître. Notre lien n'a pas besoin de preuve ni de témoins. Je n'ai pas besoin de posséder des petits riens, et en même temps ils me manquent. Mais où les conserver, qu'en faire, quand les lire sinon au hasard d'un rangement ? Ma mère est conservateur de musée, elle sait mieux s'y prendre, et même avec passion.
Commenter  J’apprécie          50
Pourquoi ne m’en as-tu pas fait part, de tes souffrances et de tes doutes, crois-tu que je n’aurais pas pu les recevoir ? Non, à moi on ne dit rien, on ordonne. Le dialogue m’aurait été un service que je ne méritais sans doute pas.
Commenter  J’apprécie          50
Nous sommes en juillet, je ne sais plus quel jour.
Il m'en reste quatre pour faire nos adieux.
J'ai perdu mon enfant.
Tu n'es pas mort, tu vis encore à l'interieur de mon ventre dont il faudra t'expulser.
Le temps de te dire au revoir.
Commenter  J’apprécie          50
Ce roman (L'Idiot) a bouleversé mon existence en posant ce filtre insidieux qui empêche de revoir le monde comme on l'a quitté, ce qui est l'apanage de tous les livres dont la découverte s'apparente à une révélation. (...)Dostoïevski m'a fait accéder le premier à ce sentiment du sublime qui égratigne l'aspiration vers une humanité sereine et raie l'espoir d'un beau sans mélange, d'une paix sans atrocité, d'une humanité sans malédiction. (p.42-43)
Commenter  J’apprécie          51
A trop vouloir aller vite, j'ai oublié de vivre.
Commenter  J’apprécie          50
Je retardais le moment de tout raconter à Rémi. Ça se bousculait dans ma tête et je devais y mettre de l’ordre : s’il y avait une enquête, c’est qu’il y avait crime, d’une manière ou d’une autre, et regarder des femmes nues se faire masser à leur insu relevait visiblement de cette catégorie dont je m’apercevais qu’elle était large.
Mes séances de massage allaient-elles être rendues publiques ? Et sous quelle forme ? Ce que j’avais voulu garder hors de vue allait-il être exposé aux yeux de tous et me donner un nouveau statut ? Je ne savais pas encore lequel – celui de victime peut-être, il avait employé le mot. Toutefois, à part y voir un terme technique, je ne comprenais pas bien à quoi il pouvait correspondre – je n’éprouvais rien de tel, pas encore peut-être, me disais-je, il faudrait du temps pour assimiler les informations, m’avait prévenue le policier, la « sidération » bloquait toute émotion. J’avais enregistré ces explications au cas où j’en aurais eu besoin. Mais je ne me sentais nullement sidérée. Interloquée, oui, peut-être, car il s’agissait d’un sacré événement dans ma vie, un événement dont j’ignorais encore la nature, qui allait sans aucun doute déplacer un certain nombre de choses. Et cette irruption de l’imprévu me plaisait. Quelque chose se jouait autour du salon de massage depuis le début, je l’avais senti, deviné, j’avais un lien anormalement fort à ce lieu. Certes, il ne m’était pas agréable de m’être fait blouser. Mais cet instant de trouble que j’avais éprouvé assise à côté du policier, épaule contre épaule, à regarder ensemble mon corps de dos, mes fesses et mes bras abandonnés continuait de m’habiter et de me mettre dans un état second.
Bien sûr, si je regardais les choses objectivement, c’était une catastrophe : j’aurais l’obligation de passer du temps au commissariat, lieu sordide dont le carrelage était du plus mauvais goût.
Je devrais raconter ma vie, expliquer mes séances, mes relations avec les masseuses et avec Michel, le gérant, mettre des mots sur des impressions, rendre compte de mon Désir, le donner en pâture à une justice aveugle, répondre de moi. Je me voyais devant un tribunal à tenter de justifier la raison de mes rendez-vous réguliers dans ce lieu interlope et chercher le mot juste pour qu’il ne puisse pas être remis en cause, et le juge, insatisfait de mes réponses, se demandant comment une petite institutrice pouvait se payer le luxe d’un massage par semaine, certes pas dans un palace cinq étoiles, mais tout de même, et pourquoi ce besoin de plaisir, n’étais-je pas satisfaite dans ma vie ? Quel égoïsme pervers me poussait à faire une chose pareille, qui plus est en secret ? Tout le monde assisterait à la séance d’humiliation, je perdrais mes amis, mon compagnon, seul mon chat me tiendrait compagnie.
À l’idée que Rémi apprenne tout ça, j’en avais des frissons. Est-ce que la rumeur irait jusqu’à l’école ? Est-ce que les parents d’élèves réclameraient mon renvoi pour avoir vu mes fesses huilées dans une vidéo virale sur Internet – fuites dont le policier me jurerait qu’il n’y était pour rien ? p. 74-76
Commenter  J’apprécie          40
Est-ce qu'on peut porter plante pour réparer une injustice qu'on ne ressent pas ? Est-ce qu'on a le droit de ne pas ressentir une injustice dont tout le monde s'accorde à dire que c'est une injustice ? Dont on ne voit pas en quoi elle constitue une injustice ?
Commenter  J’apprécie          40
Ici [en prison] je me réveille et rien, pas un enfant pour m’appeler, pas un homme qui a faim, pas une table à débarrasser, pas un article à terminer, pas de baignoire où faire mousser le bain, pas de brosses à dents à laver, à ranger, dans le gobelet bleu, pas de pyjama à plier, pas de lessive à faire, je me sens inutile sans mes gestes, je ne suis rien, sans mes enfants, je ne suis rien.
Commenter  J’apprécie          40
Le matin ne ressemble pas au matin, mais à la nuit en plus clair.
Commenter  J’apprécie          40
Heureuse de voir le train s'éloigner de Paris et d'apercevoir les premiers carrés de verdure, heureuse d'être seule, enfin, avec ce sentiment de liberté qui accompagne la solitude quand elle n'est pas douloureuse. Je me demande un instant pourquoi je ne crée pas plus souvent les conditions de cette solitude, elle m'est tellement plus bénéfique que le couple.
Commenter  J’apprécie          40
Ici ou là, les femmes commencèrent à révéler les agressions dont elles avaient été les victimes. C'était au début un bruissement, amplifié par la toile, puis devenu un raz de marée.
Commenter  J’apprécie          40
Lundi matin, je m'habille et me rends au lycee, assommée de tristesse. A mi chemin je quitte le souvenir pour rentrer dans l'action. Tel un grand sportif pour affronter l'épreuve. Le malaise de mes jeunes années, la difficulte de me lier sans me trahir.
Commenter  J’apprécie          40
Une nuit a passé et je suis une autre. Une autre que celle-de-la-veille victorieuse, c'est-à-dire que je suis redevenue l'ancienne, celle qui hésite devant sa tenue, qui regarde sa montre pour faire avancer le temps comme si l'observation du cadran avait un quelconque pouvoir d'accélération (en l'occurrence cela a plutôt un pouvoir inverse), celle qui se sent incapable de travailler car autre chose travaille son esprit, celle qui trouve que sa coupe fraîche après une bonne nuit de sommeil ressemble à un saint-honoré, et qui n'arrive pas à y remettre de l'ordre, parce que le pli de la mèche de dessus que l'oreiller a modelé sept heures durant est indestructible, comme sculpté dans la pierre, celle qui se gratte la tête parce que le brushing pulvérisant d'un coiffeur à bout de patience est pour le pou ce que le spa jet d'eau chaude, enrobage de boue et massage aux pierres chaudes est pour la femme de quarante ans célibataire et work addict, celle qui trouve soudain ses trente pages écrites en une soirée nulles, vaines, voire honteuses, celle qui se dégoûte d'avoir accepté si promptement un déjeuner avec son nouvel éditeur qu'elle a la faiblesse de trouver attirant, celle qui se regarde dans la glace et a envie de pleurer, celle qui reçoit un SMS de son ex-mari lui demandant si elle peut récupérer ses enfants en début d'après-midi car il doit passer un scanner. (p. 179/180)
Commenter  J’apprécie          40
Celles que je portais il y a dix ans déjà, et puis c'est revenu à la mode, mais est-ce que tu te soucies des modes, est-ce que tu te soucies de la manière dont je m'habille, est-ce que tu regardes jamais mes orteils nus ? Tu te tenais à mes côtés et je les observais.
Commenter  J’apprécie          40
Après tout il n'est jamais trop tard pour commencer son adolescence.
Commenter  J’apprécie          40
Eprouver c'est exister un peu.
Commenter  J’apprécie          40
En moi il vivra toujours, pour vous il ne vivra jamais, et c'est mon privilège, mon unique privilège, que vous ne m'enlèverez pas.
Commenter  J’apprécie          40
Mon âme – et j’ai conscience que ce mot est excessif s’agissant de ce qui m’a régi depuis que je suis en âge de penser et d’agir – a grandi sous diverses influences, la plupart du temps celle de mon imaginaire, rempli de desseins chaotiques, d’images piochées dans de mauvais romans policiers que je lisais à la pelle dans le grenier de la maison. Je n’avais pas d’amis dans cette province pourrie où les sangs ne se mêlent pas, et j’ai fini par préférer l’enfermement que les rares ouvertures qu’on a pu me proposer. J’avais pris peur de moi-même et protégeais jalousement mes monologues et mes jeux au goût de supplice. Je n’aurais laissé personne entrer dans mon intimité que je savais déjà dangereuse.
Commenter  J’apprécie          40
Il y a d'autres choses dans la vie que la reproduction, l'enfance, l'éducation et la profession ; il y a d'autres choses que le couple, les amis, les futurs dessinés par des courbes et des sorcières qui lisent dans le marc de café. Il y a également soi-même.
Commenter  J’apprécie          30
Même dans une tour d'argent on peut avoir peur, la prison ne protège pas des angoisses. Si j'ai des gardes du corps, c'est bien que ma vie est en danger. Si le monde est si loin, c'est qu'il veut ma mort. Et puis, ma solitude est terrifiante.
Commenter  J’apprécie          30



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Mazarine Pingeot (1415)Voir plus

Quiz Voir plus

Mazarine Pingeot

Sa discrète mère, conservateur de musée, a travaillé longtemps dans un musée qui fête ses vingt-cinq ans :

Le Musée Grévin
Le musée d'Orsay
La Pinacothèque de Paris

10 questions
39 lecteurs ont répondu
Thème : Mazarine PingeotCréer un quiz sur cet auteur

{* *}