Citations de Mechtild Borrmann (130)
Sacha posa le papier. Il était plus de 3 heures du matin. Ce violon est la clé de tout, pensa-t-il avant de sombrer dans un profond sommeil.
- Ce doit être un malentendu, parvint-il à articuler d'une voix rauque.
Thérèse cherchait à se remémorer le ciel de ce jour d'été. Avait-il vraiment été aussi infini qu'elle se l'imaginait à présent ? Assez vaste pour abriter la confiance naïve de six jeunes gens ? Quelques semaines plus tard, elle le savait avec certitude, ce ciel avait été tout autre. Quand elle s'était rendue à la gare, tôt le matin, pour faire ses adieux à Jacob et à Léonard, alors que le mot "guerre" s'élevait de toutes les tables et se mettait en marche, le ciel était bas et évoquait l'intérieur d'une coquille d'huître : un peu de vieux rose et de violet transparaissait encore sous les nuages couleur argent et gris acier.
Quand on est jeune, on ne soupçonne pas que l’amour reste même quand l’autre est parti. Telle une douleur fantôme. Et cette douleur devient elle aussi pareille à un anneau. Elle n’a pas de fin.
D’abord, elle refusa de les voir et ferma les yeux pour tenter de leur échapper. Mais sous ses paupières, les souvenirs continuaient de se bousculer dans le désordre, incontrôlables. Un élancement, fin comme de la soie mais terriblement tranchant, lui traversa le corps. Elle savait ce que cela signifiait. Le cœur battant, elle avait déjà ressenti une douleur identique après son entretien téléphonique avec Hanna. Le temps qui l’avait oubliée la rattrapait brutalement et l’étouffait d’anciennes images. Sur les eaux tranquilles de la mer, la lumière orange d’un porte-conteneurs se déplaçait lentement, signe que le temps ne s’était pas arrêté. Ce calme. Cette indifférence.
Ils jetèrent des pelletées de terre sur les cadavres, et, à chaque nouvelle pelletée, c’était sa vision de l’homme qu’il enterrait. Quelque chose de nouveau, de monstrueux et de terrifiant prenait sa place. Ce quelque chose était en train de changer irrémédiablement sa représentation de lui-même, sa foi dans la civilisation et dans la dignité humaine.
L'espoir est la seconde âme des malheureux.
Johann Wolfgang von GOETHE
Les voilà qui reviennent. Les palpitations. Le sol qui se dérobe sous ses pieds. Le molosse gris de l’angoisse. (Anna)
Leur couple n’avait pas résisté à l’impossibilité d’avoir un enfant. Quand ils avaient acquis la douloureuse certitude qu’ils ne pourraient pas en avoir, chacun s’étaient réfugié dans le travail, et leur vie commune s’étaient réduite à une cohabitation. Elle s’était consacrée corps et âme à ses petits élèves, tandis que Thomas faisait une brillante carrière d’associé dans un cabinet d’avocat. (Anna et Thomas)
Anna lisait sur le plateau comme dans un livre. Le couteau qui avait dérapé, des mûres écrasées, les auréoles de vin rouge quand sa mère, ivre, se resservait d’une main malhabile, les taches causées par des casseroles brûlantes posées sans précaution et les cicatrices noirâtres des cigarettes oubliées. C’était à cette table qu’elle avait appris les règles maternelles. « On n’a rien sans rien. » « Economise sur la durée, tu feras face en cas de besoin. » « La vie n’est pas une partie de plaisir. »
La pièce du bas avait été transformée en une sorte de poste de garde.
Quand on est jeune, on ne soupçonne pas que l’amour reste même quand l’autre est parti. Telle une douleur fantôme. Et cette douleur devient elle aussi pareille à un anneau. Elle n’a pas de fin
Les premières années seraient rudes, mais après ... cet après, nous ne l'avons jamais inscrit dans un délai concret, nous ne lui avons jamais fixé de date, d'année. L'espoir ne se laisse pas réduire à une date. Il a toujours une longueur d'avance.
Et quand Robert lui avait demandé s'il était mort paisiblement, elle avait répondu : "Très occupé, jusqu'à la fin."
Il ferma les yeux pour puiser au fond de lui des sons et des accords, comme autrefois à la Loubianka. Seul le silence lui répondit.
Il n’était plus musicien.
[...] Droujba. Tu comprends ?
- L'amitié ?
- Oui l'amitié. L'amitié, c'est important.
Ce qui me fait le plus souffrir, c’est que ces moments passés dans l’intimité de son bureau, quand il me parlait de sa famille, de sa désertion et de ses années d’incarcération, comptent parmi les plus beaux souvenirs de mon enfance.
Le printemps leur avait offert le plus beau des cadeaux : l’obscurité ne les entourait plus. Le parfum du sureau, doux et capiteux à la fois, et surtout les couleurs de la nature, leur redonnaient confiance.
Je peux vous garantir une chose : ce que vous obtiendrez, c’est des talons usés, si vous continuez à courir comme ça.
Tu ne porteras pas de faux témoignages contre ton prochain. Tu ne tueras pas. Écrasé par le poids de ces commandements, le mot « vérité » s’atrophiait dans sa tête, s’amenuisait en tremblant pour finir par disparaître complètement.