Voici un livre tout à fait stimulant parlant du plaisir. Ce qui m'a donné envie de lire ce livre c'est le constat d'une époque ou l'on est sans cesse jugé. Peut-on encore prendre du plaisir en mangeant de la viande ? En prenant sa voiture ? En fumant ?
Le titre du livre ne laisse pas de doute, l'auteur s'interroge pour savoir s'il y a encore de la place pour le plaisir à gauche. Comme si la droite s'était approprié cette notion sous une forme d'hédonisme et de droit à jouir des biens matériels.
Pour répondre à cette question l'auteur remonte le temps : les événements de la Commune de Paris, les grèves de 1936 et mai 1968 sont souvent cités. J'ai beaucoup aimé le concept de « luxe communal » qui avait pour but de « transformer le travail en jeu ». Ce concept de « luxe communal » a été introduit par Eugène Pottier, l'auteur du Manifeste de la Fédération des artistes. Plutôt que d'associer au travail une valeur de rendement, les artisans, élevé au niveau d'artiste, doivent créer de beaux objets. Les communards sont aussi à l'origine des écoles publiques. Autre période, Simone Weil lors des grèves de 1936 note que sur les lieux de travail en grève on danse et on fait la fête. le mouvement des gilets jaunes et l'occupation festive des ronds points sont remarqués. L'urbanisme aliénant, simple lieu de passage, devient un lieu de joie lorsqu'il est occupé comme une agora. Michaël Foessel fait souvent ce constat : nous n'avons pas qu'un seul corps. L'un peut danser, faire la fête, l'autre travailler.
L'auteur cite également de nombreux auteurs parlant du plaisir et son préalable, le désir. Deleuze et Foucault sont par exemple cités car ils n'ont pas la même conception du plaisir. Deleuze a une vision radical du plaisir pour lui c'est comme une mort, quelque chose de consommé. Pour Foucault au contraire le désir c'est l'imaginaire alors que le plaisir c'est ce qui est immanent, ce qui est réalisé. On retrouve également cité Jean-Jacques Rousseau et quelques philosophes grecs pour donner un aperçu de cette notion de plaisir à travers les époques.
Face à l’absurde du monde, ses lois, ces statues de « grands hommes » qu’on construit puis qu’on déboulonne, l’auteur propose d’en rire pour les dépasser. Pour appuyer son propos il cite l’analyse hégélienne du rire, mais aussi la tragédie et les comédies antiques. Un rire cathartique qui procure de la joie.
Enfin tout au long de l'ouvrage des films et leurs réalisateurs sont cités pour appuyer tel ou tel propos. Ainsi on trouve par exemples des films de Claude Sautet et Michel Audiard. le plaisir et le regard du spectateur ne sont pas les mêmes à travers les époques.
Les différents supports, à force d'exemples marquent le lecteur et on comprend mieux ou Michaël Foessel veut en venir. Il fustige les collapsologues et les « puristes » de l'ascétisme. Même végan on ne peut pas se prétendre « meilleur » que quelqu'un qui mange de temps en temps de la viande.
En épilogue, l'auteur propose des plaisirs partagés, mais aussi la notion de démesure du plaisir. Politiquement la gauche ne peut pas se positionner sur la honte, sur le fait de culpabiliser. Selon l'auteur, en démocratie faire voter des lois liberticides est dangereux et difficile. Les mesures autoritaires, d'état d'urgence (confinements, covid) sont tout aussi problématique. Il vaut mieux que ce soit nos gestes, nos paroles qui soient porteuses de bifurcation, de changements, d'une autre réalité possible. Il faut miser sur les émotions qui rendent les consciences heureuses. (p228). En politique, les seules expériences prometteuses sont celles d'où la terreur et la honte sont absentes.
L'idée de l'auteur c'est de créer du plaisir, de se faire plaisir, pour ensuite que ce plaisir devienne quelque chose de désirable, un désir. C'est le plaisir qui doit susciter le désir et pas l'inverse. Par nos actions, créons un monde désirable.
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