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Citations de Michel Houellebecq (3694)


Les choses organiques qui hantent cet affreux cloaque ne sauraient, même en se torturant l’imagination, être qualifiées d’humaines. C’étaient de monstrueuses et nébuleuses esquisses du pithécanthrope et de l’amibe, vaguement modelées dans quelque limon puant et visqueux résultant de la corruption de la terre, rampant et suintant dans et sur les rues crasseuses, entrant et sortant des fenêtres et des portes d’une façon qui ne faisait penser à rien d’autre qu’à des vers envahissants, ou à des choses peu agréables issues des profondeurs de la mer. Ces choses – ou la substance dégénérée en fermentation gélatineuse dont elles étaient composées – avaient l’air de suinter, de s’infiltrer et de couler à travers les crevasses béantes de ces horribles maisons, et j’ai pensé à un alignement de cuves cyclopéennes et malsaines, pleines à déborder d’ignominies gangrenées, sur le point de se déverser pour inonder le monde entier dans un cataclysme lépreux de pourriture à demi liquide.

De ce cauchemar d’infection malsaine, je n’ai pu emporter le souvenir d’aucun visage vivant. Le grotesque individuel se perdait dans cette dévastation collective ; ce qui ne laissait sur la rétine que les larges et fantomatiques linéaments de l’âme morbide de la désintégration et de la décadence... un masque jaune ricanant avec des ichors acides, collants, suintant des yeux, des oreilles, du nez, de la bouche, sortant en tous ces points avec un bouillonnement anormal de monstrueux et incroyables ulcères...
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Et c’est à New York que ses opinions racistes se transformeront en une authentique névrose raciale. Étant pauvre, il devra vivre dans les mêmes quartiers que ces immigrants « obscènes, repoussants et cauchemardesques ». Il les côtoiera dans la rue, il les côtoiera dans les jardins publics. Il sera bousculé dans le métro par des « mulâtres graisseux et ricanants », par des « nègres hideux semblables à des chimpanzés gigantesques ». Il les retrouvera encore dans les files d’attente pour chercher un emploi, et constatera avec horreur que son maintien aristocratique et son éducation raffinée, teintée d’un conservatisme équilibré », ne lui apportent aucun avantage. De telles valeurs n’ont pas cours dans Babylone ; c’est le règne de la ruse et de la force brutale, des « juifs à face de rat » et des « métis monstrueux qui sautillent et se dandinent absurdement ».
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New York l'aura définitivement marqué. Sa haine contre l’« hybridité puante et amorphe » de cette Babylone moderne, contre le « colosse étranger, bâtard et contrefait, qui baragouine et hurle vulgairement, dépourvu de rêves, entre ses limites » ne cessera, au cours de l’année 1925, de s’exaspérer jusqu’au délire. On peut même dire que l’une des figures fondamentales de son œuvre – l’idée d’une cité titanesque et grandiose, dans les fondement de laquelle grouillent de répugnantes créatures de cauchemar – provient directement de son expérience de New York.
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Il était en effet dans une sale situation, convint Jed. Mais ne pouvait-il pas, au moins, être aidé par téléphone ? "Time difference..." dit tristement le Japonais. Peut-être, vers une heure du matin, réussirait-il à joindre quelqu'un au Japon, à l'ouverture des bureaux ; mais jusque-là il était seul et il n'avait même pas de chaînes câblées japonaises dans sa chambre. Il considéra un instant son couteau à viande, comme s'il envisageait d'improviser un seppuku, puis se décida à entamer son entrecôte.
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Jed trébucha dans une poussette, se rattrapa de justesse au portique de détection d'objets métalliques, se recula pour reprendre sa place dans la file. Il n'y avait à part lui que des familles, chacune de deux ou trois enfants. Devant lui, un blondinet d'environ quatre ans geignait, réclamant on ne savait trop quoi, puis d'un seul coup il se jeta à terre en hurlant, tremblant de rage ; sa mère échangea un regard épuisé avec son mari, qui tenta de relever la vicieuse petite charogne.
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Curieusement, Marylin s'était plutôt arrangée en vieillissant. Elle avait un peu maigri, s'était fait couper les cheveux très court - avec des cheveux ternes et plats comme le siens c'était la seule chose à faire, dit-elle, elle avait fini par se résoudre à suivre les conseils des magazines féminins -, elle était vêtue d'un pantalon et d'un blouson de cuir très ajustés, l'un dans l'autre elle avait un look fausse lesbienne intello qui pouvait éventuellement séduire des garçons d'un tempérament plutôt passif. Elle ressemblait en réalité un peu à Christine Angot - en plus sympathique tout de même.
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Avant Duchamp, l'artiste avait pour but ultime de proposer une vision du monde à la fois personnelle et exacte, c'est-à-dire émouvante ; c'était déjà une ambition énorme. Depuis Duchamp, l'artiste ne se contente plus de proposer une vision du monde, il cherche à créer son propre monde ; il est très exactement le rival de Dieu. (p.157-158)
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Il commanda un coleslaw allégé et un poulet Korma, s'installa à l'une des tables, accompagnant son repas de petites gorgées de whisky tout en étudiant le plan des vols au départ de l'aéroport de Shannon. Aucune capitale d'Europe occidentale n'était desservie, à l'exception de Paris et de Londres, respectivement par Air France et British Airways. Il n'y avait par contre pas moins de six lignes à destination de l'Espagne et des Canaries : Alicante, Gérone, Fuerteventura, Malaga, Reus et Ténériffe. Tous ces vols étaient assurés par Ryanair. La compagnie low cost desservait également six destinations en Pologne : Cracovie, Gdansk, Katowice, Lodz, Varsovie et Wroclaw. La veille au dîner, Houellebecq lui avait dit qu'il y avait énormément d'immigrants polonais en Irlande, c'était un pays qu'ils choisissaient de préférence à tout autre, sans doute à cause de sa réputation du reste bien usurpée de sanctuaire du catholicisme. Ainsi, le libéralisme redessinait la géographie du monde en fonction des attentes de la clientèle, que celle-ci se déplace pour se livrer au tourisme ou pour gagner sa vie. A la surface plane, isométrique de la carte du monde se substituait une topographie anormale où Shannon était plus proche de Katowice que de Bruxelles, de Fuerteventura que de Madrid. Pour la France, les deux aéroports retenus par Ryanair étaient Beauvais et Carcassonne. S'agissait-il de deux destinations particulièrement touristiques ? Ou devenaient-elles touristiques du simple fait que Ryanair les avait choisies ?
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"Dieu existe, j'ai marché dedans."
anonyme. (p.116)
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...et ce fut sans doute la canicule de l'été 2003, particulièrement meurtrière en France, qui devait provoquer la première prise de conscience du phénomène. […] "Des scènes indignes d'un pays moderne", écrivait le journaliste sans se rendre compte qu'elles étaient la preuve, justement, que seul un pays authentiquement moderne était capable de traiter les vieillards comme de purs déchets, et qu'un tel mépris des ancêtres aurait été inconcevable en Afrique, ou dans un pays d'Asie traditionnel. (p.92)
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"Puisque nous sommes des hommes, il convient, non de rire des malheurs de l'humanité, mais de les déplorer."
Démocrite d'Abdère. (p.58)
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Lorsque la sexualité disparaît, c’est le corps de l’autre qui apparaît, dans sa présence vaguement hostile ; ce sont les bruits, les mouvements, les odeurs ; et la présence même de ce corps qu’on ne peut plus toucher, ni sanctifier par le contact, devient peu à peu une gêne ; tout cela, malheureusement, est connu. La disparition de la tendresse suit toujours de près celle de l’érotisme. Il n'y a pas de relation épurée, d'union supérieure des âmes, ni quoi que ce soit qui puisse y ressembler, ou même l'évoquer sur un mode allusif. Quand l'amour physique disparaît, tout disparaît ; un agacement morne, sans profondeur, vient remplir la succession des jours. Et, sur l'amour physique, je ne me faisais guère d'illusions. Jeunesse, beauté, force : les critères de l'amour physique sont exactement les mêmes que ceux du nazisme. En résumé, j'étais dans un beau merdier. (p.74)
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Si l'homme rit, s'il est le seul, parmi le règne animal, à exhiber cette atroce déformation faciale, c'est également qu'il est le seul, dépassant l'égoïsme de la nature animale, à avoir atteint le stade infernal et suprême de la cruauté. (p. 61)
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Quant aux droits de l'homme, bien évidemment, je n'en avais rien à foutre ; c'est à peine si je parvenais à m'intéresser aux droits de ma queue. (p. 24)
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Elle, comme si de rien n'était, avec cet égoïsme sénile, devenu inconscient, des vieillards, revenait en trottinant vers sa table. (p. 20)
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Jed avait envisagé à plusieurs reprises de se lancer dans le portrait de l'un de ces hommes qui, chastes et dévoués, de moins en moins nombreux, sillonnaient les métropoles pour y apporter le réconfort de leur foi. Mais il avait échoué, il n'avait même pas réussi à appréhender le sujet. Héritiers d'une tradition spirituelle millénaire que plus personne ne comprenait vraiment, autrefois placés au premier rang de la société, les prêtres étaient aujourd'hui réduits, à l'issue d'études effroyablement longues et difficiles qui impliquaient la maîtrise du latin, du droit canon, de la théologie rationnelle et d'autres matières presque incompréhensibles, à subsister dans des conditions matérielles misérables, ils prenaient le métro au milieu des autres hommes, allant d'un groupe de partage de l'Evangile à un atelier d'alphabétisation, disant la messe chaque matin pour une assistance clairsemée et vieillissante, toute joie sensuelle leur était interdite, et jusqu'aux plaisirs élémentaires de la vie de famille, obligés cependant par leur fonction de manifester jour après jour un optimisme indéfectible. Presque tous les tableaux de Jed Martin devaient noter les historiens d'art, représentent des hommes ou des femmes exerçant leur profession dans un esprit de bonne volonté, mais ce qui s'y exprimait était une bonne volonté raisonnable, où la soumission aux impératifs professionnels vous garantissait en retour, dans des proportions variables, un mélange de satisfactions financières et de gratifications d'amour-propre. Humbles et désargentés, méprisés de tous, soumis à tous les tracas de la vie urbaine sans avoir accès à aucun de ses plaisirs, les jeunes prêtres urbains constituaient, pour qui ne partageait pas leur croyance, un sujet déroutant et inaccessible.
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Lorsque la sexualité disparaît, c’est le corps de l’autre qui apparaît, dans sa présence vaguement hostile ; ce sont les bruits, les mouvements, les odeurs ; et la présence même de ce corps qu’on ne peut plus toucher, ni sanctifier par le contact, devient peu à peu une gêne ; tout cela, malheureusement, est connu. La disparition de la tendresse suit toujours de près celle de l’érotisme.
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Je ne souhaite pas vous tenir en dehors de ce livre ; vous êtes, vivants ou morts, des lecteurs.
Cela se fait en dehors de moi ; et je souhaite que cela se fasse - ainsi, dans le silence.
Contrairement à l'idée requise, la parole n'est pas créatrice d'un monde ;
l'homme parle comme le chien aboie pour exprimer sa colère , ou sa crainte.

Le plaisir est silencieux, tout comme l'est l'état de bonheur. (p. 15)
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Les femmes donnent une impression d'éternité, avec leur chatte branchée sur les mystères - comme s'il s'agissait d'un tunnel ouvert sur l'essence du monde, alors qu'il ne s'agit que d'un trou à nains tombé en désuétude. Si elles peuvent donner cette impression , tant mieux pour elles ; ma parole est compatissante. (p. 12)
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Le bienfait de la compagnie d'un chien tient à ce qu'il est possible de le rendre heureux ; il demande des choses si simples, son ego est si limité. Il est possible qu'à une époque antérieure les femmes se soient trouvées dans une situation comparable - proche de celle de l'animal domestique. (p. 11)
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