AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Michel Le Bris (112)


La littérature avait dévoré ma vie, l’avait occupée tout entière, mais me l’avait donnée, aussi, agrandie, révélée à elle-même. Création de revues, de journaux, de collections chez de multiples éditeurs, du festival Étonnants Voyageurs, écriture de mes propres livres, tout avait été aimanté par l’idée de la littérature que je portais et de ce qu’elle engageait d’une vision de l’être humain – une idée défendue avec d’autant plus de force que j’avais le sentiment qu’elle était plus vaste que moi, qu’elle m’avait fait, et m’obligeait.
Commenter  J’apprécie          50
- Vous n'êtes pas là, pour ça : vendre des livres ?
- Oui, d'accord, mais enfin...Pas tout d'un coup, comme ça...Qu'est-ce qui va me rester ?
En fait, il détestait vendre. Sa passion à lui était de traquer les livres rares et de les acheter- une passion qu'il ne parvenait à assouvir qu'en vendant une part, mais une part seulement, de son butin, et ça lui était chaque fois un déchirement. (p. 113)
Commenter  J’apprécie          50
L'eau clapotait doucement entre les herbes, la terre, écrasée de chaleur tout le jour, exhalait mille parfums capiteux, poivrés, piquants, d'invisibles oiseaux glissaient au-dessus d'elle, que révélait soudain un froissement d'ailes, peut-être de chauve-souris, de brusques galops, au loin, agitaient la savane, derrière le camp des grognements s'approchaient, de gnous irascibles et furtifs affairés à brouter, mêlés aux bubales renifleurs, toute une vie s'éveillait, les herbes frémissaient, les buissons s'agitaient, sur l'autre rive des rires éclataient par à-coups, plaintifs et coléreux, de hyènes criant famine, auxquels répondaient dans la plaine des aboiements brefs, aigus, que Blayney lui avait dit non de chiens mais de zèbres, puis un rugissement balayait l'étendue -Sa majesté le lion s'approchait pour la chasse. Là, tout autour d'elle, un monde s'éveillait, qu'elle ne connaissait pas, d'effroi et de fureur, de mort donnée et reçue, des crocs broyaient les vertèbres, déchiraient les entrailles, dévoraient leurs proies vivantes encore, des feulements disaient les étreintes sauvages, et il y avait de la joie, pourtant, dans ce tourbillon d'épouvante, l'ivresse de sentir son sang battre plus fort dans ses veines, de galoper sans frein dans l'espace grand ouvert. Un monde auquel l'homme blanc était devenu étranger, dont elle essayait, et c'était d'évidence la seule raison de ce voyage, de retrouver en elle la mémoire enfouie. Comment pouvait-elle, seule au coeur de ce maelstrom où vie et mort s'échangeaient violemment, se sentir à ce point apaisée? Tous ces bruits, ce vacarme sauvage, se détachaient sur un fond de silence, qu'elle percevait par tous ses sens, profond et grave, comme un souffle immense qui était celui du monde même. Martin près d'elle bougea, lui prit la main : lui non plus ne dormait pas. Ils étaient seuls, tous deux, dans la nuit africaine.
Commenter  J’apprécie          50
Une très vieille légende prétend que lorsque les Gaëls envahirent l'Irlande, le peuple féérique des Tuatha de Danaan déplaça simplement son royaume : du visible, il glissa dans l'invisible. Voilà bien des semaines que je repense à cette légende, tandis que j'essaie de comprendre ce qui me ramène à ce coin de rivage, de ressaisir un peu de l'esprit, de l'âme de cette baie, de ce qui pour moi, en fait vraiment un lieu. Car c'est ce royaume qui revient sous ma plume, quoi que je fasse, c'est cet ailleurs qu'à chaque fois je découvre ou pressens, disant ce qui m'attache à cet ici, à croire décidément qu'un ici n'est un lieu que s'il est une porte ...
" Du vent ", diront les esprits forts qui, comme chacun sait, ne manquent pas. Du vent, oui, précisément.
(...)
Du vent. Autant dire rien : invisible, il n'a ni forme, ni dimension, ni odeur, ni goût qui puissent lui être attribués en propre. (...) Et pourtant, sans lui, il n'y aurait sur terre aucune vie, l'humidité stagnerait sur les océans, les terres vers les Tropiques seraient des déserts de feu, et partout ailleurs gèleraient, il n'y aurait pas d'érosion, et donc pas de terre, pas de culture. S'interromprait-il qu'il n'y aurait pas de pollinisation, les arbres puis la terre deviendraient stériles : il est la vie, la semence, la force à l'oeuvre de la création (...).
Presque rien, et pourtant essentiel (...) Spiritus en latin désignait la respiration des dieux, liant dans un même mot le souffle de l'esprit et celui des vents ; ruah en hébreu comme ruh en arabe confondent en un même mot le vent et l'esprit ; le grec pneuma, le latin animus, expriment tout à la fois le souffle de l'air et la chair de l'âme. Et vents peuvent être dits nos musiques, nos paroles, les histoires colportées de village en village qui tissaient notre mémoire et notre imaginaire ...
Un lieu, en somme, ne serait que du vent. Autrement dit une âme ...
Commenter  J’apprécie          40
Dommage que Michel le Bris n'est plus. Je l'aurais repris sur Conrad : franchement associer son nom à celui de Stevenson en bannière des Etonnants voyageurs bien fripée depuis son départ, soumise aux vents mauvais ..
La littérature a bon dos. Et puis ce ronron abject de séparer la vie de l'oeuvre..

Il est possible que Conrad ait enchanté Michel le Bris quand il avait dix ans. J'aurais aimé trouver dans son billet sur Conrad non pas que ce souvenir soyeux de jeune adoslescent qui voyait les images plus que les textes, mais les premiers pas en Bretagne de ce joyeux gros con avec sa vue basse -qui ne trouvait pas chaussure à son pied en Angleterre- sur ce que les bretons lui ont inspiré à Lannion ou l'île Grande. N'y voir que des Idiots qui torchent du cidre, maltraitant les femmes, procréant des débiles, ou n'y voir que les belles joues des bretonnes encostumées sur la place du marché un jour de beau temps qui devait lui monter à la tête, on est là dans les fumistes pensées de Victor Hugo à propos des bretons ou chez les dégénérés de Bormann. Partir en mer avec des gens de cet acabit, c'est la mutinerie à bord à coup sûr. Il me semble que Sarkozy n'en était pas loin à Brest ..
Commenter  J’apprécie          42
ça prend quel goût la vie, tout d'un coup, quand se pose sans cesse sur vous un regard dégoûté ; qu'on ne peut plus pisser où on veut, ni roter, ni péter, ni se curer les dents avec son Opinel, ni se couper le lard sur le pouce, ni prendre son "café trempé".
Bref, quand pour chaque attitude, chaque parole, votre femme, votre fils ou votre fille vous considèrent ouvertement comme un plouc ?

(café trempé : vous remplissez un bol (mais un vrai, pas un dé à coudre comme aujourd'hui) de carrés de pain, vous couvrez de sucre, vous arrosez de café noir et vous mangez à la cuillère. Un bon litre de café-chicorée par -dessus pour rincer, un coup de calvados fabrication maison pour fouetter les sangs, et la journée s'annonce sous les meilleurs auspices).
Commenter  J’apprécie          40
(...) Et puis j'écrivais à la main, j'avais besoin de la main, de la disposition des mots, des paragraphes sur une feuille blanche pour éprouver le rythme des phrases, la place des silences, le grain de la voix qui passe dans la page, main et voix liées. (p. 10)
Commenter  J’apprécie          40
Avril était une ivresse d’odeurs fraîches au pli secret des chemins creux
Commenter  J’apprécie          40
Pourquoi, dans le fond, partons-nous ? Pour voir ce que nous ne savons plus regarder. Pour une fraîcheur nouvelle, et triompher, ne serait-ce qu'une minute, une seconde, de l'ordinaire des jours, de l'usure des choses, du poids des habitudes, de tout ce qui, jour après jour, efface le monde autour de nous, nous rend indifférents.
Commenter  J’apprécie          40
- Ouais, de l'univers entier. Et chaque millimètre de peau, chaque gramme de muscle, chaque nerf, vous les voyez en mouvement, et c'est le mouvement exact, il n'y en a pas d'autre possible, et en cet instant-là vous ne faites plus qu'un avec le lion, vous ne faites plus qu'un avec le monde, oui, le monde, exactement. Ah ! Si seulement j'avais les mots ! Mais vous verrez, Finch Hatton, lui, il les a. Vous le rencontrerez à Nairobi, forcément. Et là vous comprendrez. Parce qu'un lion chassé à pied, il vous charge à partir de trente mètres. Trente mètres ! Ca vous laisse deux secondes pour tirer. Trois, au maximum, s'il est un peu mollasson. Deux secondes, ma petite dame, pour savoir ce que c'est, la... oui, la beauté du monde.

Osa secouait la tête. Non, la beauté, c'était la vie, au contraire. Et, nom d'une pipe, qu'il cesse de prendre ces airs supérieurs, la mort, elle l'avait frôlé chez les Big Nambas cannibales, et ça n'avait rien d'exaltant !
Commenter  J’apprécie          40
Soyons clairs : l'émergence d'une littérature-monde en langue française consciemment affirmée, ouverte sur le monde, transnationale, signe l'acte de décès de la francophonie. Personne ne parle ni n'écrit le francophone. La francophonie est de la poussière d'étoile morte. Comment le monde pourrait-il se sentir concerné par la langue d'un pays virtuel ? Or c'est le monde qui s'est invité aux banquets des prix d'automne. A quoi nous comprenons que les temps sont prêts pour cette révolution. (p.116)
Commenter  J’apprécie          30
Si votre Paris est un paradis que venez vous donc chercher, dans notre pouilleuse Bretagne, que vous n'avez pas ?
Commenter  J’apprécie          30
- Hugo aura toujours pensé "contre", éternel rebelle au mode tel qu'il va - mais désigne en l'homme ce qui le fait plus grand que lui, cette part mystérieuse qui ne peut se réduire au "consommer" ou au "produire" mais que réveille ou éveille le poème : " Voilà le bien-être matériel universel créé, un progrès magnifique. Est-ce tout ? [...] bien boire, bien manger, bien dormir c'est beaucoup, certes ; mais si c'est tout, ce n'est rien." Certes, chaque personne humaine est pour une part déterminée, soumise à de multiples contraintes qui l'enserrent, la ligotent, auxquelles, croyant qu'il n'est pas d'autre voie, elle peut accepter de se réduire, mais elle s'enferme alors dans la solitude, l'égoïsme, le cynisme, reste "individu".
Commenter  J’apprécie          30
J'ai eu pendant des années, le bonheur de travailler avec Jean-Pierre Sicre quand il pilotait les éditions Phébus et j'en garde le souvenir très fort d'une vraie connivence littéraire. mais conjuguer exigence littéraire et santé financière n'étant jamais simple, Jean-pierre se battait comme un beau diable pour maintenir la barque à flot, aussi n'était-il pas rare, en sus des livres dont nous avions convenu, que je reçoive un coup de fil pressant : la réunion des représentants approchait à grande vitesse, il lui fallait d'urgence un livre supplémentaire. Ou deux. Et je me plongeais dans mon océan de papier pour en exhumer quelques pépites, en espérant qu'une au moins serait disponible, épuisée chez son précédent éditeur. Je protestais pour la forme, il aurait pu me prévenir un peu plus tôt (...)
Le plus frappant, pour moi, est que toutes ces trouvailles venaient de mes livres en désordre, non ceux bien rangés. (p. 152)
Commenter  J’apprécie          30
La manière la plus simple de balayer d'un coup tous les clichés sur le romantisme est encore de le regarder, dans son expression la plus dépouillée : de regarder vraiment le célèbre tableau de Caspar David Friedrich - Le moine au bord de la mer- " Mais il n'y a rien à voir !" s'étonnaient les premiers visiteurs, en son atelier. Rien qu'une minuscule silhouette, campée sur des dunes rases, face à une mer immobile, comme figée dans une attente écrasante, sous un ciel immense. Rien, sinon un face-à-face avec l'infini, sans le moindre recul, ou effet de perspective, et nous sommes ce moine, du coup, et cette immensité (p. 204)
Commenter  J’apprécie          30
Si nous pouvons tirer une leçon de l'histoire, c'est bien celle-là : que l'intelligence du monde, le souci de la dire, d'en restituer les langages neufs, viennent le plus souvent des marges. (p. 215)
Commenter  J’apprécie          30
Je ne trancherai pas la question du hasard et de la nécessité, mais il est des rencontres apparemment fortuites dont vous vous dites après coup qu'il fallait qu'elles aient lieu, puisqu'elles changèrent le cours de votre vie, que tout, dans votre parcours, les appelait en creux. Et dans celles-là, il y eut des livres, bien sûr, beaucoup de livres, des écrivains, des maîtres trop rapidement évoqués dans ces pages, et aussi des libraires, beaucoup de libraires qui furent mes passeurs. (p. 128)
Commenter  J’apprécie          30
Les librairies ne sont pas des distributeurs automatiques. Les sites de vente en ligne sont là pour ça, avec un catalogue infiniment plus vaste que celui de la plus vaste librairie et dès lors à quoi bon ? Mais vivantes, elles sont irremplaçables, parce qu'à chaque fois singulières, pour un peu dirais-je fragments d'une autobiographie. Dernière chacune d'elles est la passion d'une ou de plusieurs personnes, façonnant leur espace au gré de leurs lectures. Et c'est un pur bonheur pour l'acheteur poussant la porte que d'y découvrir un ordre particulier, l'expression d'une sensibilité, et une conversation peut s'engager , pas simplement de conseils mais d'échanges. (p. 117)
Commenter  J’apprécie          30
Les Allemands, aux termes de l’armistice, renonçaient aux territoires qu’ils occupaient depuis plus d’un siècle et retiraient progressivement leurs troupes, remplacées non sans heurt par des troupes polonaises. Mais les Russes, ne s’estimant pas tenus par le pacte, faisaient mouvement, eux aussi, de plus en plus nettement, à mesure qu’ils en finissaient avec leur guerre civile.
Commenter  J’apprécie          30
Pourquoi, un jour, prend-on le large? (...) On part, un jour, parce que l'on veut croire qu'un regard peut triompher des bornes de la pensée. Ou parce qu'un goéland, là-bas, aura crié trop fort. Ou bien, tout simplement, parce qu'on s'ennuie.
Commenter  J’apprécie          31



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Michel Le Bris (572)Voir plus

Quiz Voir plus

Quand les aliments portent des noms insolites ou pas...

Les cheveux d'ange se mangent-ils ?

Oui
Non

10 questions
157 lecteurs ont répondu
Thèmes : nourriture , fruits et légumes , fromages , manger , bizarreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}