Michel Tremblay

Je suis hôtesse et actrice. C’est épuisant, c’est vrai, mais lorsque j’ai l’impression d’avoir tout ce beau monde sous contrôle, que les rires fusent, que les critiques se font rares, qu’on s’amuse beaucoup en attendant de passer aux choses sérieuses, ça peut s’avérer assez réjouissant, en tout cas très gratifiant pour moi.

Ce sont donc des hommes sans talent particulier, sans expérience des maisons closes ni du show business, mais à qui on demande de se comporter en professionnelles tout en essayant, en plus, de faire croire qu’ils peuvent chanter ou danser! Faut le faire! Ils triment comme des forcenés et méritent, à mon avis, beaucoup plus que l’argent qu’ils font.

Si on ne connaît pas ses atouts cachés et l’envers de son décor, on est en droit de se demander pourquoi on a payé si cher pour un show aussi pourri.

C’est quand même curieux, ces gens qui commencent par quêter votre sympathie pour ensuite vous grimper dans le visage si vous la leur accordez.

Mais elles avaient été élevées par des mères issues d'une société renfermée sur elle-même depuis trop longtemps, des femmes qui se méfiaient de tout ce qui était différent de ce qu'elles connaissaient - surtout les étrangers - et qui éduquaient leurs enfants dans les principes stricts d'une religion étouffante qui abusait du mot charité sans en avoir la moindre notion.

Noyer sa peine, Maria. Ça s'appelle noyer sa peine. La boisson, c'est un lac qui n'a pas de fond, pis qui pardonne pas. Mais qui soulage.

C'est une chanson qui fleure bon le foin frais coupé, la soupe aux légumes et le café qui percole. C'est une chanson qui a aussi une odeur de nostalgie, les souvenirs imprécis qu'on arrive pas à retrouver, un manque inexprimable là, dans la région du coeur, une privation cuisante qu'on soupçonne d'être définitive et qui vous rend inconsolable. Avant, elle était privée de sa mère; maintenant...

Une mentalité bornée et bête, encouragée par ce prêtre quelque peu despote mais au demeurant sincère, a fini par en faire un endroit invivable sous ses faux airs de campagne bien peignée et de village pittoresque. Même en sachant qu'ils seront conspués par la majorité des habitants de Maria, ceux qui ont le courage de la quitter ont conscience qu'ils ont fait le bon choix et ne reviennent jamais.

Pourquoi Saint-Exupéry avait-il le droit de contourner les règles si strictes de la langue française et pas moi? J'avais envie, moi aussi, de tout revirer à l'envers, de brasser la cage, de trouver une façon qui deviendrait la mienne de détourner tout en les utilisant les lois qu'on m'inculquait depuis dix ans! Et dont je respectais l'utilité sans toutefois avoir envie de les appliquer à la lettre dans un incessant ronron de phrases bien faites mais plates comme un dimanche après-midi pluvieux!

« : […] Ça vous intéresse d'apprendre qu'un homme a tué ses cinq enfants et qu'il s'est pendu après? Ça vous intéresse de savoir qu'il va pleuvoir demain? / Z ne répond pas. / X : Alors pourquoi ne vous en écrivez-vous pas un journal? Vous pourriez y décrire tous les drames que vous voulez. Vous pourriez vous inventer les plus belles petites tragédies… Et chaque matin vous y trouveriez des nouvelles à votre goût! »

Marcel leva des yeux interrogateurs sur son cousin : «C'est quoi, ça?» «C'est quoi, quoi?» «C'que tu viens de dire, là?» «Une sangsue?» Philippe lança à sa cousine un regard suppliant mais Thérèse haussa les épaules. «Tu poses trop de questions, Marcel, on va finir par croire que t'es-t'un ignorant!»

" Tu t'en vas dans l'Est ? "
- Oui, oui... "
L'autobus arrivait... J'avais de la difficulté à parler tellement j'étais essoufflé. Lui continuait à sourire
"C'est quequ'chose, monter la côte Sherbrooke avec toute c'te glace-là, hein ?
- Ah ! oui... (Continue, continue... parle ! Une niaiserie, n'importe quoi, mais parle !) C'est quequ'chose... "
(C'est tout ? T'as rien trouvé de mieux que de répéter ce qu'y venait de dire ? T'es pas juste niaiseux, t'es t'épais rare !)

- Allez, va donc t'acheter tes chinois!

Quand est-ce qu'on sait qu'un tableau est fini, papa? Quand est-ce qu'on se dit qu'un coup de pinceau de plus ce serait trop, que ça gâcherait tout, que celui qu'on vient de donner était le dernier...En fait, on le sait pas. On le sait pas quand on donne le dernier coup de pinceau. On le sent. Le bras s'arrête, on recule, on regarde tout ça. Et on se dit que c'est fini. Qu'on a fini sans le savoir.

Cette noirceur pesante de la tragédie ouvrière élevée à la hauteur des grandes tragédies européennes par l'immense talent de Gabrielle Roy, tout ça, le malheur d'un côté, le talent pour le raconter de l'autre, me remuait jusqu'au fond de l'âme, et je passai une partie de la nuit à pleurer. Sur le sort de la famille Lacasse, bien sûr. Mais, pour la première fois de ma vie, sur notre sort collectif de petit peuple perdu d'avance, abandonné, oublié dans l'indifférence générale, noyé dans la Grande Histoire des autres et dont on ne se rappelait que lorsqu'on avait besoin de chair à canon.

Si je mange vraiment trop , ma grand-mère dit à ma mère: "Rhéauna, les vaches sont dans le blé d'Inde! " et mon assiette disparaît comme par enchantement , même si je fais une crise.

- Michel! Chus ta mère! J'ai le droit de faire c'que je veux dans ma maison! Si je veux téléphoner chez Soucisse quand j't'envoye chercher du lait pis au presbytère quand tu vas te confesser, j'vas le faire! Ca a-tu du bon sens, y va me faire la morale, à c't'heure! Trouves-en, des mères, mon p'tit gars, qui cherchent le numéro de téléphone de la bibliothèque municipale parce qu'a ' sont inquiètes de leur enfant qui est en train de traverser la moitié de l'île de Montréal à pied pour la première fois! Arais-tu aimé mieux que je m'occupe pas de toi pis que j'te laisse partir comme si ça me faisait rien de pus jamais te revoir?

Ma grand-mère s'installa dans sa chaise berçante devant la radio, mais elle n'alluma pas l'appareil. Elle posa ses mains à plat sur ses genoux. J'aimais regarder ses belles mains aux veines saillantes, usées par des décennies de lavages à l'eau froide et de travaux trop rudes. Mon père disait qu'il fallait laisser sa mère tranquille quand elle lisait, que c'était la grande récompense de sa vie, qu'elle avait mérité une vieillesse paisible.

- Vous êtes pas comme mon fils vous! Vous avez les oreilles comme des cornets de gramophone!

"Un homme gros c'est ridicule ; une grosse femme c'est ragoûtant."
Les dits de Victoire