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Critiques de Monica Sabolo (682)
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La Vie clandestine

°°° Rentrée littéraire 2022 # 18 °°°



Dans un prologue très drôle empli d’autodérision, Monica Sabolo raconte comment elle a commandé une buse empaillée à queue tordue sur Ebay avant d’écouter un épisode d’Affaires sensibles à la recherche d’un sujet pour un prochain roman qu’elle voulait le plus éloigné d’elle, juste un fait divers, « quelque chose de facile et d’efficace » et qui se vendrait bien. Ce sera l’assassinat du P-DG de Renault, Georges Besse en 1986 par l’organisation terroriste d’ultra-gauche Action directe.



Monica Sabolo se lance dans une enquête très fouillée absolument passionnante à suivre sur les deux femmes du commando, condamnées en 1987 à la réclusion criminelle à perpétuité, Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron. Même si elle dresse un tableau complet de l’histoire d’Action directe qui a revendiqué plus de 80 attentats et assassinats en France de 1979 à 1987, ce qui intéresse l’autrice, c’est la personnalité de ces jeunes femmes aux allures anodines de gamines qui ont tué sans flancher au nom d’une idéologie. J’ai particulièrement apprécié que l’autrice n’invente rien ni ne cherche à romancer ni à proposer une analyse historico-politique, seulement guidée par une compréhension intuitive de l’intime et de l’humain.



Et puis le récit qu’elle voulait écrire fait une grosse sortie de route et se transforme en une double enquête, celle sur les membres d’Action directe et celle sur ses origines. Le passé remonte à la surface « à la façon d’un cadavre gonflé d’eau ». Pendant une bonne moitié du livre, on ne comprend pas vraiment pourquoi elle veut à tout prix tisser des liens entre la vie clandestine choisie par les membres d’Action directe et sa vie clandestine à elle, à qui on a caché l’identité de son géniteur, elle qui a été abusée par son père officiel. Mais elle reste sur cette déstabilisante ligne, les enquêtes gigognes continuent à s’entremêler.



Dans le dernier tiers, il y a quelque chose qui se passe lorsque Monica Sabolo rencontre longuement les survivants d’Action directe. Hellyette Besse, amie de Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron, qui tient la librairie anarchiste parisienne Le Jargon libre, puis Claude Halfen, membre d’un commando, et surtout Nathalie Ménigon, libérée en 2008. La démarche de l’autrice s’éclaire enfin.



En fait, La Vie clandestine est un récit sur la mémoire. Monica Sabolo ne se cache plus derrière une atmosphère onirique et éthérée comme dans ses précédents romans. Ici, tout est clair, explicite, sans fard. Et c’est très touchant de lire avec quelle délicatesse et sincérité elle se livre pour évoquer le mécanique de dissociation qui s’est mis à l’oeuvre en elle pour surmonter l’inceste, tout comme il s’est mis à l’oeuvre auprès des ex-membres d’Action directe qui continuent à vivre en ayant tué. Comme son père, ils ne regrettent rien.



Dans cette quête intime, Monica Sabolo se laisse porter par les voix de ceux qu’elle rencontre pour s’échapper loin de la violence et toucher à la possibilité de pardonner. Je referme ce livre totalement convaincue alors que j’ai passé au moins la moitié de ma lecture dans le brouillard.



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La Vie clandestine

De la mémoire collective à la mémoire intime, du traumatisme collectif au trauma intime.

Le point de départ de ce touchant et troublant roman est le désir de Monica Sabolo d’écrire sur un fait divers, une histoire qui serait « éloignée d’elle ». Après avoir écouté un épisode « d’affaires sensibles » sur France Inter elle comprend qu’elle tient son sujet et commence à enquêter sur le groupe terroriste d’extrême gauche Action directe qui a sévi en France à partir de 1979, dans la fièvre contestataire des années de plomb, jusqu’à l’assassinat du PDG George Besse en 1986. Au fil de l’enquête elle trouve pourtant une résonance avec son histoire personnelle : « Je ne savais pas encore que les années Action directe étaient faites de ce qui me constitue : le secret, le silence et l’écho de la violence ».



Deux voies vont progressivement s’ouvrir à elle : celle du récit sur AD et un autre plus intime, une enquête sur ses origines. En plus de se documenter sur le groupuscule et d’interroger certains de ses membres, en parallèle elle observe fiévreusement les photos familiales et déterre des souvenirs ensevelis. Aspirée dans une matrice qui la ramène vers le passé, elle va exorciser un mal lié à son énigmatique père Yves S. Elle étudie communément les photos des membres d’AD surtout celles de Nathalie Menigon et Joëlle Aubron en s’interrogeant sur les raisons qui ont poussé ces deux femmes dans la spirale terroriste au point d’en devenir sanguinaires.



Peu à peu la vitre embuée qui la sépare d’elles devient plus nette alors qu’inversement la limite entre le bien et le mal se trouble. La trajectoire de l’écrivaine, bien que différente, se superpose à celle des protagonistes et dans un jeu de miroirs déroutant leurs émotions se reflètent.



L’auteure nous touche de par ses doutes, sa sensibilité, ses maladresses, les questions existentielles qu’elle soulève, la résurrection de sa mémoire enfouie. On assiste à la genèse du roman et comment petite et grande Histoire finissent par se confondre avec comme liants le silence, la transgression, la vie clandestine.



« Serait-il possible que l’Histoire ne parle en vérité que de nous-mêmes ? ».

Monica Sabolo y répond avec grâce.
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Summer

Je critique assez la littérature française en pestant contre le fait qu’elle a rarement la puissance évocatrice et le lyrisme de son homologue anglo saxonne, que je ne peux que m’emballer lorsque certains romanciers ou romancières marchent sur les traces des plus grands écrivains nord-américains.



Ainsi dans "Summer", son troisième roman à ce jour et le premier que je lis d’elle, Monica Sabolo, couronné du prix de flore en 2013 avec son premier roman «Tout cela n'a rien à voir avec moi », nous livre un roman formidable peuplé de fantômes et de mystère, qui m’a énormément fait penser à l’univers d’une Laura ­Kasischke et notamment d’un de ses romans les plus marquants un oiseau blanc dans le blizzard, que Greg Araki a récemment adapté au cinéma.



Une jeune fille de 19 ans disparait un jour lors d’un pique-nique au bord du lac Léman laissant dans une grande détresse ses parents et surtout son jeune frère Benjamin, le narrateur du livre qui ne se remettra jamais vraiment de cette disparition, et qui va tenter d’en résoudre les mystères 25 ans après.



Comme Laura ­Kasischke , Sabolo prend le pretexte d'une disparition d'un membre d'une famille en apparence ordinaires, pour mettre en mots la montée en puissance de l’étrange et d'une tension d'abord imperceptible puis insubmersible, avant un dénouement qui nous donnera quelques clés d’un secret qui conservera quelques mystères, sans doute laissé dans les limbes du Lac Léman.



Un Lac Léman particulièrement important tant il sert de toile de fond à une intrigue aussi onirique que métaphysique.



Hanté par ses rêves, et presque englouti par l’ambiance de ce lac aux eaux saumâtres aussi insondable que scintillant Benjamin est perçu comme une sorte de fantôme à peine plus présent que sa sœur disparue, un être rongé par les névroses et les secrets familiaux.



Monica Sabolo nous plonge dans les arcanes psychologiques particulièrement brumeux d’un homme à la recherche d’un passé qui pourrait enfin le faire renaitre à la vie, et si le dénouement ne révèlera pas de twists renversants comme dans un page turner américain ,cette quête intime est particulièrement bouleversante, magnifiée par la plume poétique et envoutante de Monica Sabolo..



Assurément un très grand roman de cette rentrée !!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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La Vie clandestine

Alors qu’avec l’intention d’y consacrer un roman, elle enquête sur l’histoire du groupe terroriste d’extrême gauche Action Directe, l’auteur est bientôt prise, au dépourvu, d’un immense trouble. Plus elle avance dans ses recherches, plus sa propre histoire resurgit, marquée par un traumatisme d’enfance et trouée par les secrets d’une famille au double fond clandestin.





C’est d’abord son enquête, plus complexe que prévu, qui la déstabilise, au fur et à mesure qu’elle « s’infiltre » au plus près des membres d’Action Directe, et qu’incapable de comprendre comment des gens apparemment normaux - en particulier les deux jeunes filles qu’étaient Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron lorsqu’elles ont abattu Georges Besse - ont pu tuer de sang-froid, elle finit pourtant par en dresser des portraits humains, éclairés par les idéaux qui les ont menés au choix des armes et de la violence meurtrière. « Je n'arrive pas à me faire d'opinion ni sur les êtres, ni sur leurs actes. » « Je ne sais toujours pas qui ils sont, tous, mais je dois faire face à une idée troublante : entre eux et moi, un lien se tisse. Ils ne me sont pas aussi étrangers que je le voudrais. » « M’apparaît désormais cette dangereuse éventualité : celle de les comprendre, ou même, à certains égards, de leur ressembler. »





Car, pis encore pour l’auteur, cette violence assumée, sans remords ni regrets, la ramène inexorablement aux décombres de son propre vécu, enfouis sous les couches sédimentées du silence familial. Comme les terroristes d’Action Directe lui paraissent errer « dans les souterrains du monde », elle-même vient « d’un lieu de ténèbres », clandestinement tapi sous les apparences les plus banales. Clandestine, sa naissance à Milan dans les années soixante, d’un homme marié qui abandonne sa mère. Clandestine, son adoption à ses trois ans par le mari de sa mère, Yves S., un spécialiste de l’art précolombien aux activités elles aussi entachées de mystère, qu’on lui fera prendre pour son père jusqu’à ce qu’elle soit presque trentenaire. Clandestine enfin, cette chose innommable entre elle et cet homme qui se met bientôt à abuser d’elle.





Alors, pendant qu’elle s’interroge à double titre sur le crime et le passage à l’acte, sur la culpabilité et le pardon – Yves S. ne lui a-t-il pas asséné bien des années plus tard, quand enfin elle avait osé lui parler, que « ce genre de choses [l’inceste] arrivait tout le temps, dans les familles », que « c’est très courant » –, les deux strates de son récit, enquête documentaire et introspection personnelle, finissent par se fondre en un seul cheminement, à la recherche d’une réponse autant individuelle qu’universelle à ces questions : comment en sommes-nous arrivés là ? Que faire pour ne pas nous laisser dévorer par notre part de nuit ?





Confondant de sincérité autant que de finesse de réflexion et de somptuosité d’écriture, ce livre vous happe pour ne plus vous lâcher que suspendu entre émotion et admiration. Un ouvrage de grande facture, assurément. Coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Summer

Lors de sa sortie , j'ai pris le temps de palper , sentir , toucher , feuilleter les premières pages de ce livre précédé d'une réputation plutôt flatteuse de la part des critiques . Finalement , j'ai reporté sa lecture , ma PAL , comme les vôtres , j'en suis certain, étant déjà bien garnie.

Mais , "Au revoir, ce n'est pas toujours Adieu " et une nouvelle rencontre a eu lieu entre nous , le jour de sa sortie "en poche". Cette fois , pas d'excuse , nos destins se croisent , pour le meilleur et.....pour le pire.

Le meilleur , c'est , à mon sens la maîtrise de l'écriture par l'auteure. C'est fluide , bien maîtrisé , efficace . Le meilleur , c'est aussi la description de cette famille aisée et surtout sa relation interne ou avec les autres , cette vie hypocrite exclusivement menée par le silence ou les non -dits dans l'entre -soi , cette vie hypocrite ostentasoirement menée par la vanité , par le paraître ,par une image de soi lisse et flatteuse envers " les amis ". La fragilité de ces "mamours" de façade cédera bien vite face aux événements , du reste. Amitié et intérêt ne font pas toujours bon ménage.....

Le moins bon, c'est sans doute ce personnage de Benjamin qui n'est jamais parvenu à me toucher , à m'émouvoir , un personnage assez fade , subissant les événements , spectateur de sa vie , jamais acteur , tout au moins à mon humble avis .

Et puis il y a ce lac Leman dont je ne sais plus aujourd'hui si j'ai encore envie de le voir tant il semble attirer tous les désespoirs du monde , tout sombre et rempli de pièges insondables....Que d'eau , que d'eau....

Et surtout , je crois , la lenteur , la lenteur jusqu'à l'ennui , l'envie de fermer le livre avant la fin , l'envie de "passer à autre chose ".

Et pourtant , un "je ne sais quoi " , une sorte de petite voix me disait de ne pas abandonner , de respecter le travail de l'auteure , un peu ennuyeux , peut-être, parfois , mais loin d'être totalement inintéressant.

Mon opinion est donc assez mitigée mais , "non , rien de rien ,non , je ne regrette rien." J'ai bien fait de m'accrocher , la seconde partie de ce roman m'ayant davantage plu.

La lecture des critiques , très différentes les unes des autres ,m'a beaucoup intéressé. Il n'est rien de pire que l'uniformité et là , vraiment , les avis sont très disparates . Tant mieux.
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La Vie clandestine

Une autrice en mal d'inspiration cherche désespérément le sujet de son prochain livre. Elle s'appelle Monica Sabolo et nous partage dans un long prologue son désarroi.



Tout est bon à saisir au passage dans cette recherche d'inspiration : l'achat d'une buse naturalisée, un appartement dévasté par les eaux, l'évocation d'un pigeon voyageur, comme tout ceci est beau déjà à la manière d'un continent englouti où il faut revenir à la surface.



Tout est bon à saisir, le sujet d'une famille par exemple... Lorsqu'on est en mal d'inspiration, quoi de mieux que d'aller convoquer la plus belle scène de tragédie qui soit au monde : j'ai nommé la famille ! Parfois cela peut donner aussi dans le tragi-comique. Chez Monica Sabolo, la famille ressemble à quelque chose qui tient de la vie clandestine, comme elle, comme sa mère, comme son père biologique et comme celui qui la reconnaîtra... Un lieu de ténèbres, un monde creusé de galeries, hanté par les secrets qui suintent sur les parois... C'est le monde d'où surgit Monica Sabolo et dans lequel elle nous invite à entrer.



Mais cela ne suffit pas pour en écrire un livre. À la faveur d'une émission de radio écoutée sur France Inter, - Affaires sensibles et l'indicible phrasé mélodramatique de Fabrice Drouelle, elle va avoir comme une révélation... L'Assassinat de Georges Besse en 1986 par Action Directe, un groupe révolutionnaire d'extrême gauche. Elle tient son sujet, elle peut avancer à présent, peut-être pas encore dans la lumière qu'il faut apprendre, réapprendre à apprivoiser, elle a encore quelques comptes à régler avec son passé, le passé familial.



« le livre que j'écris est une arme de destruction massive ».



Après, ce sera peut-être une autre histoire...



Le livre, - roman, enquête, autobiographie ? un peu tout cela sans doute, dans lequel nous entraîne avec fulgurance Monica Sabolo, est une plongée dans le récit d'un groupe terroriste des années 80.



Le 17 novembre 1986, le groupe abat froidement Georges Besse, P-DG de Renault, patron qu'on dit juste et respecté, père de famille, époux comblé. Ce n'est pas leur premier assassinat...



Ils sont jeunes et vont devenir les ennemis publics n°1, ce seront alors à cette époque parmi les personnes les plus recherchées par toutes les polices de France.



De cette période violente, sanglante et tragique dont je me souviens bien car j'avais vingt-quatre ans, Monica Sabolo va en faire une oeuvre romanesque, éblouissante, majestueuse.



Oui, je me rappelle leurs quatre visages qu'on voyait affichés un peu partout, à l'entrée des bureaux de poste, des mairies, de tous les lieux publics et même des grandes surfaces : Joëlle Aubron, Nathalie Ménigon, Jean-Marc Rouillan et Georges Cipriani. Impossible d'oublier ces noms.



La vie clandestine peut commencer, la sienne, celle des siens, celle des autres, celle de ces quatre fugitifs à la belle idéologie de justice et de fraternité au départ, qui vont devenir des assassins.



On ne sait pas où commence, où finit l'imaginaire de Monica Sabolo ? Quelle est la part de vérité dans tout cela ? Et la vérité des uns est-elle la vérité des autres ?



Elle est alors aspirée vers cette histoire et nous y entraîne comme dans une spirale vertigineuse et sidérante.



« le réel s'adresse-t-il toujours à une part secrète, inconnue de nous, qui nous mène exactement là où elle désire ? Serait-il possible que L Histoire ne parle en vérité que de nous-mêmes ? »



Je me souviens de cette époque où j'avais dix-huit ans. J'ai voté pour la première fois de ma vie en 1981, l'année du changement. On évoquait déjà les combats d'Action Directe. Je cherchais à me construire une opinion politique. Je n'ai jamais aimé la violence. Mais vouloir changer le monde, combattre les injustices sociales, chercher à prendre comme modèle quelqu'un comme Ghandi plutôt que Che Guevara, je trouvais que cela avait plus de sens, - l'a toujours, même si à l'époque les affiches du Che punaisées dans des chambres d'ados étaient davantage monnaie courante...

Le dessein d'Action Directe était aussi de vouloir changer le monde. Il pouvait être séduisant, épris de justice sociale, de solidarité, de fraternité... Mais voilà ! Ils ont choisi un itinéraire de violence et de sang que j'ai toujours désapprouvé. Monica Sabolo aussi, mais elle veut comprendre, aller plus loin.



« Cette histoire est bien trop complexe, je n'arrive à me faire d'opinion ni sur les êtres ni sur leurs actes. »



Très vite, on comprend l'objet de la trame narrative : osciller entre ces deux histoires, y dresser des passerelles, peut-être aussi des souterrains, c'est plus pratique pour opérer en clandestinité, Monica Sabolo contourne les pièges de l'exercice avec brio, ne pas rendre ces personnages plus sympathiques qu'ils ne le sont, pas moins non plus, ne pas en faire des figures romantiques. En faire des êtres humains, ce qu'ils sont, les restituer ainsi, puisqu'ils ont assumés leur peine...



« Ces personnages insaisissables, avec la douleur qui est la leur et celle qu'ils ont infligée. »



En faire des êtres solidaires, c'est clair, on ne pourra jamais leur reprocher cela durant leur procès. Ils feront la démonstration d'une loyauté sans faille entre eux, un papier à cigarette n'aurait pas pu passer entre eux... Jamais on ne saura par exemple qui a tué Georges Besse...



« Il y a là toute la superbe de l'honneur et de la fraternité, quelque chose d'insensé et de crépusculaire aussi, l'adieu à un monde auquel on a renoncé. »



Et comment ne pas se laisser au passage surprendre par quelques personnages étonnants comme cette octogénaire, libraire libertaire, sorte de Ma Dalton façon Mesnilmontant... Ce qui donne envie de la rencontrer, c'est sa manière claire et sans ambiguïté de s'être inscrite en faux contre la violence sanguinaire d'Action Directe, tout en sillonnant inlassablement la France en train durant plus de 20 ans pour rendre visite à ses membres au parloir des prisons...



Monica Sabolo veut savoir comment on vit avec cela, pendant et après...



Elle enquête alors à sa manière...



« La clandestinité n'est pas aussi romantique qu'on pourrait le croire : on imagine une vie trépidante, loin de la cité et des institutions, un lieu sauvage que l'on habiterait tel un bois, comme le font les amants, les druides et les poètes. En réalité, ce n'est pas l'expérience de la liberté mais celle de l'entrave. »



Monica Sabolo dévoile la vie clandestine de ces quatre jeunes gens. Elle creuse, elle creuse sous terre comme une fourmi frénétique, elle creuse des galeries vers son histoire familiale...



Dans une écriture en cavale, quasiment lyrique, éblouie de la lumière des mots, Monica Sabolo convoque les ténèbres pour nous entraîner dans les méandres d'une forme de désarroi profond, évoque dans ce chemin le poisseux, l'indicible et surtout peut-être l'inavouable...



Entre eux et elle, un lien se tisse ; la mémoire du passé surgit, dans son corps aussi.



C'est magnifique.



« Je cours après une histoire engloutie à la suite d'un tremblement de terre ou d'un raz-de-marée. »



La prose de Monica Sabolo est percutante, lumineuse, s'enroule comme des lianes et nous enroule avec elle aussi. J'ai adoré cette écriture qui m'a envoûté. C'est une écriture belle et cruelle, qui nous invite à fouiller dans nos vies familiales...



Ici l'intérêt du texte n'est pas à proprement dit cette enquête tirée d'une chronique judiciaire, - bien qu'elle tente d'effleurer l'insondable de ces âmes en cavale, non c'est bien un autre récit qui tient lieu de paysage, le désordre d'un coeur, celui de l'autrice où viennent se mêler des pas égarés dans l'entrelacement de deux histoires.



La mémoire est une porte secrète et fragile qui s'ouvre sur d'autres portes ténébreuses et violentes. C'est depuis cette rive d'où elle écrit cette histoire que Monica Sabolo nous tend la main.



« Nous nous débattons, tous autant que nous sommes. Nous cherchons un sens aux choses que nous avons faites , et à celles que l'on nous a faites, nous sommes entortillés dans le passé comme dans un drap mouillé. Les visages s'effacent, mais le chagrin demeure. Il irradie, il voyage, d'une génération à l'autre, d'un coeur à l'autre. L'histoire s'insinue en nous, elle se recompose, se déplace et se transforme, renvoyant des ondes et une énergie nouvelles, sans même que nous sachions à quoi elles font écho.

Je sais désormais que le temps ne passe pas. »



Je remercie Babelio et les éditions Gallimard pour cette belle et surprenante découverte en avant-première de la rentrée littéraire, dans le cadre d'une Masse Critique privilégiée.

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Éden

Eden, un titre qui m'a interpellée, une fois la dernière page lue.

Pas vraiment un paradis terrestre que le cadre du dernier roman de Monica Sabolo : un territoire du bout du monde, qui sans être clairement identifié, est l'un de ceux arrachés aux Amérindiens pour être livrés aux exploitations forestières qui saccagent tout sur leur passage : non seulement les forêts ancestrales mais aussi les us et coutumes des populations autochtones. L'intrigue d'ailleurs se noue autour d'un deuxième aspect fortement lié au premier : celui des violences de toutes natures faites aux femmes autochtones dans ce genre d'endroit. Et même si l'intrigue se noue autour d'une jeune blanche, Lucy, découverte nue et violée dans une forêt avoisinante, le récit d'une de ses copines, Nita, nous entraîne sur une tout autre piste...

De même que le choix du genre dominant dans lequel va s'inscrire cette

histoire : ce n'est ni un roman policier ni même un thriller psychologique.

Ce n'est sans doute pas pour rien que Monica Sabolo a choisi cet univers amérindien si loin de ses racines. Et ce qui affleurait dans Summer, le goût de l'ésotérisme, de l'occultisme resurgit plus fortement dans Eden. Comment ne pas voir dans les quatre endroits les plus présents dans le roman des lieux symboliques. La forêt proche de la réserve est un lieu inquiétant et maléfique ; le lac est à la fois un lieu de purification et de pratiques initiatiques et le bar du coin, le Hollywood est à plus d'un égard le lieu de la damnation. Comment ne pas voir non plus dans les serveuses du bar des Erinyes à la vengeance implacable !

Mais la cohabitation entre ces deux univers si loin l'un de l'autre n'est pas évidente. Et le passage entre une réalité ancrée dans l'histoire de populations autochtones spoliées de leurs droits et une autre relevant d'un monde magique où règne des forces obscures et souveraines n'est pas toujours suffisamment fluide, du moins à mes yeux. Bien sûr, il y a basculement, notamment lorsque l'intrigue va se nouer autour de la relation entre Nita la narratrice et les quatre serveuses du Hollywood. Mais c'est un peu tardif et j'aurais aimé entrer plus tôt dans une sorte de conte cruel et fantastique.

C'est sans doute ce qui explique le caractère inégal de l'écriture. De superbes passages, notamment une scène initiatique au bord du lac et un holocauste final, à la fois beau et terrifiant, en côtoient d'autres dont le caractère plat ou peu grandiloquent m'a déçue. Mais j'ai aussi retrouvé comme dans Summer cette belle capacité à faire se côtoyer sans heurt le poisseux et le merveilleux, le sublime et le pitoyable. Même plaisir avec une très belle évocation de l'adolescence avec son monde clanique, sa grande vulnérabilité face à l'image de soi, aux traumatismes, au sexe à la fois objet de désir et de peur.

Pour clore ce billet, je suis tentée de dire que Monica Sabolo est en quête d'un univers romanesque encore un peu mouvant mais qui se précise de mieux en mieux...

Je remercie les éditions Gallimard et Babelio pour le cadeau de ce livre dans une opération Mass critique.

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La Vie clandestine

J'avais découvert Monica Sabolo avec son livre "Summer" il y a quelques années mais je ne m'attendais pas à la découvrir sous un angle totalement différent ici, beaucoup plus complexe mais tellement vraie. Lorsque j'ai reçu la proposition de babelio pour s'inscrire pou une Masse critique privilégiée, je n'ai pas hésité longtemps mais il était bien spécifié qu'il y avait un embargo pour ce livre et qu'aucune critique ne devait être publiée avant le 15 août. C'est bon, nous sommes le 16, contrat respecté ! J'ai fait traîné ma lecture pour cette raison il est vrai mais également car, avec cette lecture, qui d'après ce que j'ai vaguement constaté, en a enthousiasmé plus d'un (je n'ai pas encore eu le temps de lire les autres critiques mais je ne manquerai pas de le faire mais seulement après avoir publié la mienne) mais j'avoue que j'ai parfois été un peu perdue dans les faits politiques qui sont retranscrits ici (et le fait que je venais à peine de naître au moment des faits n'excuse pas cette ignorance).

Tout d'abord, avant de rentrer plus dans les détails, je remercie chaleureusement babelio ainsi que les éditions Gallimard pour l'envi de cet ouvrage et le fait de m'avoir incité à sortir un peu de mon ignorance.



Monica est en quête d'un sujet pour son nouveau livre et, en panne d'inspiration, elle décide de s'attaquer à un sujet qu'elle croit bien connaître : à savoir un parallèle entre sa famille et les actions du parti d’extrême-gauche Action directe qui a beaucoup fait parler de lui dans le années '80.

Plus que tout, elle va s'intéresser au cas de deux femmes exactement, à savoir Joëlle Aubron et Nathalie Ménignon. Deux femmes que tout oppose et qui pourtant n'ont jamais été aussi proches dans leurs idées et les idéaux qu'elle défendent à tout prix. Luttes armées, violence envers les forces de l'ordre mais aussi contre les représentants d'un esprit capitaliste, braquages de banque et j'en passe, c'est tout cela qui est décrit en filigrane ici. Certes, ces deux femmes n'agissent pas seules mais sont un parfait exemple du fait que dans cette organisation (terroriste ?), les femmes elles aussi sont en première ligne. Monica Sablo les compare quelquefois à sa mère qui a disparu de leurs vies, de la sienne et de celle de don frère, du jour au lendemain, sans laisser d'explication, et qui a trop souvent fermé les yeux, sur les actions qu'Yves S. son père sur le papier certes puisqu'il l'a officiellement reconnue à l'âge de 3 ans (vous aurez donc bien compris que ce dernier n'était pas son père biologique mais au fond, cela a t-il réellement de l'importance ?) , avait sur elle, petite fille encore, lorsqu'il venait dans sa chambre d'enfant, tous les matins, soit disant pour admirer les poissons qui nageaient tranquillement dans l'aquarium qu'elle possédait alors.



Monica Sabolo est ici étrangement attirée, aimantée par les actions d'Action directe mais qui est-elle pour juger. Elle est obsédée par la vie de taularde, délinquante et tueuse de Nathalie Ménignon mais au moment où elle s'apprête enfin à faire sa connaissance, toutes ses ambitions disparaissent et elle perd tous ses moyens, car, malgré tout ce qu'elle a pu lire sur cette dernière, un détail d'importance était omis : Nathalie était avant tout un être humain avec ses forces certes, ses convictions plus qu'engagées mais aussi ses faiblesses !



Un ouvrage poignant, même si, comme j'ai pu le constater, j'ai beaucoup de lacunes sur le sujet que je compte bien combler petit à petit ou vie personnelle et politique se confondent et s'entremêlent. Un ouvrage extrêmement bien écrit et que je ne peux que vous recommander !
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La Vie clandestine

Monica Sabolo est en manque d'inspiration et ne trouve pas de sujet pour son prochain livre. Elle tombe sur un reportage lié au groupe terroriste 'Action directe' , groupe qui a écumé les banques , plastiqué les ministères et aléatoirement tué quelques fonctionnaires ou chef d'entreprise.

Bingo , elle tient son thème.Et mieux que ça , elle va s'offrir une thérapie.



Bon , n'y a t il que moi pour trouver le parallèle entre cette bande de terroristes , idéalistes certes, mais terroristes quand même et la vie personnelle de l'auteure tiré par les cheveux ?

Le cheminement personnel de l'auteure, sa reconstruction sur les lambeaux de sa famille , très bien.

La plongée dans l'univers d'Action directe, pourquoi pas . Mais le lien entre les deux , ces deux vies clandestines m'a paru grossier.

Je ne parle même pas de l'empathie, voire du respect, éprouvée par l'auteure pour les membres d'action directe, présentés , certes plus de 30 ans après les faits et quelques années sous les barreaux, sous des traits plus que sympathiques. Des gens avec qui on rêve de partager un verre et d'écouter leurs histoires et leur vision de la justice. Les familles des morts aiment ça.

Au delà de ça , on est dans la vraie littérature française , bien écrite mais qui fatigue les lecteurs au petit niveau littéraire comme moi. ça se regarde le nombril, ça se torture . Et on n'avance pas .Ou très peu.

Pas grave , j'aurai au moins appris des choses sur Action directe, notamment que ses membres sont devenus des êtres recommandables , je suis content que l'auteure aille mieux.. Comme quoi, il y a un peu de positif dans ce livre.
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Summer

Comment vit- on avec les fantômes ?

Quand ont-ils commencé à me mentir ?

M'ont- ils un jour dit la vérité une seule fois ?

On ne sait pas pourquoi les gens agissent comme ils agissent ?

Vingt - cinq ans aprés la disparition de sa soeur lors d'un pique - nique au bord du lac Léman, un homme , Benjamin, (13 ans à l'époque), est constamment hanté, habité , submergé par les images qui tournent , de Summer, , cette jeune fille, une belle beauté blonde aux longues jambes et aux cheveux de soie..

Ce jour là, elle s'évapora....Noyée? Enlevée? Enfouie?

Dans les eaux, dans les arbres, ailleurs ?

Personne ne le sait ...

L'auteur met en scène avec une efficacité remarquable, prenante, les cauchemars aqueux , les rêves intenses , le tissu de la mémoire de Benjamin et ses visions imprégnées de parfum et de peau phosphorescente , d'odeurs , de vent , d'effroi , saturées surtout de références aquatiques : entité gazeuse, froufroutement soyeux, mêlés au parfum de l'eau huileuse et fétide du lac, ,clapotis d'une vague et bouches grimaçantes des poissons noirs....

Il y a entre les souvenirs de Benjamin, lors de son enquête devenu un adulte obsessionnel, morbide et le réel qui se dessine, des anfractuosités si vastes que sa vie semble s' y engouffrer.

L'auteur use d'images magnétiques, poétiques et sensuelles pour illustrer délicatement les fragilités , les emballements et les ambiguïtés de l'adolescence ...

Mais surtout, et c'est le plus important , elle décrit puissamment, implacablement , avec justesse, d'une façon bouleversante les symptômes béants d'une famille refermée sur ses secrets, le silence et les apparences, la dissimulation , la non- communication .....

Une espèce de psyché familiale dérangée complètement , détruite par ses mensonges !

Une oeuvre magnétique entre thriller et récit poétique , pétrie d' images et de symboles qui tiennent le lecteur en haleine jusqu'à la fin . Lu d'une traite ou presque , ma critique est un peu longue , pas facile de décrire la multiplicité des sentiments qui nous habitent et nous imprègnent , au coeur de ce récit !
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Éden

Comme dans un conte de fées, inquiétante et pleine de secrets, la forêt, “immense bouche plus sombre que le nuit”, sert d’arrière-plan scénique au dernier roman de Monica Sabolo, "Eden". C’est un lieu de mystère et de fantasmes où s’affairent, à l’abri des regards, les esprits et les forces occultes, c’est l’espace des terreurs enfantines comme des paradis perdus et le théâtre, par excellence, de l’initiation, des métamorphoses et des disparitions mystérieuses. Et c’est là qu’est un jour retrouvée la jeune Lucy, nue, agressée, violée et totalement traumatisée.



Dans ce coin perdu et jamais nommé de l’Amérique profonde où coexistent difficilement la communauté blanche et - parquée dans une réserve - celle des Amérindiens spoliés de leur mémoire, de leurs traditions et de leurs terres, va alors s’exercer une vengeance collective implacable, primitive et démente.



Avec ce dernier roman qui multiplie les thèmes et joue avec les symboles, Monica Sabolo nous parle de l’adolescence (avec ses rites, ses clans, son besoin d’appartenance, ses émotions ambiguës et son exaltation potentiellement suicidaire), du monde et de la spiritualité des “nativ people”, de la déforestation éhontée, de la sexualité masculine dominatrice, violente et débridée, et de la possible révolte des femmes. Ce sont des sujets dans l’air du temps et souvent repris, actuellement, par la littérature.



Mais le manque de subtilité avec laquelle ils sont ici traités, l’inconsistance des personnages à la psychologie à peine esquissée et l’outrance de cette histoire qui traîne en longueur, où tout, à mes yeux, sonne faux et à laquelle je n’ai pas réussi à croire m’ont rendu cette lecture, de plus en plus agacée au fil des pages, profondément ennuyeuse et lassante. De Monica Sabolo, j’avais lu et apprécié “Summer”. Avec "Eden", le rendez-vous est, pour moi, totalement manqué.



[Challenge Multi-Défis 2020]

[Challenge Plumes féminines 2020]

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La Vie clandestine

Cette vie clandestine évoquée dans le titre de ce roman récit, c’est à la fois celle des activistes d’Action directe et celle de l’autrice qui revient sur les secrets enfouis de sa famille.

« Je ne savais pas encore que les années Action directe étaient faites de ce qui me constitue : le secret, le silence et l’écho de la violence. »

C’est en cherchant le sujet de son prochain roman que Monica Sabolo s’intéresse aux meurtres et aux actions violentes perpétrées par Action directe, organisation terroriste d’extrême gauche très active dans les années 1980. Ce qui l’attire et la fascine plus précisément, ce sont les personnalités de deux jeunes femmes coupables de l’assassinat du grand patron de Renault, Georges Besse, devant son domicile parisien en novembre 1986. Que sait-on vraiment de Nathalie Ménigon et de Joëlle Aubron, la première d’origine modeste et la seconde issue d’une famille bourgeoise de Neuilly-sur-Seine ?

C’est un véritable travail journalistique que va entreprendre Monica Sabolo afin de retracer le parcours de ces jeunes femmes avec leurs idéaux qui les mènent à la violence et la clandestinité. Elle sera amenée à rencontrer d’anciens militants de l’organisation terroriste et à partager avec eux des moments d’échanges et de convivialité. Après leurs années de lutte et de clandestinité, ont-ils fini par trouver l’apaisement ?

Dans le même temps, elle fouille sa mémoire, retrace son enfance entourée du mensonge et du silence des adultes. Elle avait 15 ans lorsqu’elle découvre que son père, Yves S, n’est pas son père biologique. Elle tente de reconstituer le puzzle de la vie de sa famille à travers souvenirs et photos et se pose d’innombrables questions. Quelle était la relation entre ses parents ? Quel était vraiment le métier de Yves S, souvent absent ? Et comment évoquer l’inceste alors qu’elle n’était qu’une gamine ? Elle pense aussi à sa mère, son frère, comment vont-ils réagir à ses révélations ?

« Je redoute la blessure que leur causera ce livre. ! je suis une profanatrice. Une fois encore, je mène une double vie. »



Monica Sabolo mêle habilement l’histoire documentée des terroristes d’Action directe et celle, plus intime, de son enfance et sa jeunesse dans une famille bâillonnée par le secret et les non-dits. On assiste, médusés, impressionnés, au processus de construction d’un roman à la fois enquête journalistique et quête personnelle sur son vécu familial. C’est un vrai travail d’équilibriste, qui fait alterner les deux récits sans jamais nous perdre et tout en racontant avec beaucoup de questionnements et de sensibilité les secrets qui entourent son enfance.

Ce livre à l’écriture sensible, juste, est aussi une sorte de résurgence, de mise en lumière de ce passé qui est « un lieu de ténèbres » Et Monica Sabolo peut enfin écrire : « J’en ai fini avec le caché, et avec le silence. …je ne veux plus être coupable, ni avoir honte. »

Un récit qui nous touche et nous impressionne. Du grand art.





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Summer

Si vous lisez Summer de Monica Sabolo ne vous trompez pas de pacte de lecture. Il y a une disparition, celle de Summer, héroïne éponyme, mais le récit dont elle est l'objet ne relève ni des codes du polar ni même de ceux du thriller psychologique.

J'ai vu dans ce roman essentiellement l'histoire d'une névrose familiale très subtilement analysée par Benjamin, le narrateur et frère de Summer. Ce dernier, au gré de flash-back fluides, alternant séances chez le docteur Traub, psychologue de son état et retours dans le passé, va nous emmener vers les eaux troubles du Lac Léman et celle non moins troubles de la psyché humaine.

Ce qui m'a beaucoup plu dans le récit que nous livre Benjamin c'est effectivement la subtilité et la densité avec laquelle il évoque le caractère incertain, trouble, mouvant de la réalité.

Qu'est-ce qui se cache derrière le fragile glacis du vernis social dans lequel se complaît sa famille ? Les parents : un couple glamour, envié et courtisé par tout le gotha genevois ? Pas tant que ça, loin s'en faut... Summer, une belle adolescent vivant dans un milieu privilégié ? Pas si simple non plus, si l'on en juge par l'évocation de ses conduites à risques... Seul Benjamin échappe à ce cortège de faux-semblants mais ce n'est pas mieux ! Il attend avec une grande anxiété que la "bulle" éclate et comme il s'est toujours considéré comme le vilain petit canard de la famille, la disparition de Summer va l'entraîner vers une vertigineuse fuite en avant : fuite de son corps, fuite dans les psychotropes et les substances hallucinogènes, dédoublement de la personnalité. L'important est de se couper de ses émotions pour ne pas souffrir. Plongée dans des rêves aquatiques terrifiants dont il va chercher vainement la clé en consultant différents psys. D'ailleurs tout au long du roman il semble poursuivi par la porosité qui existe entre l'état de veille et de rêve bien autant que par les questionnements qui concernent son entourage.

Il va trouver un certain nombre de réponses à ses troubles identitaires ainsi qu'à ceux qui traversent sa famille, dans une dernière partie du roman que je trouve nettement moins réussie que le reste. Non parce que la résolution de l'intrigue est somme toute assez prévisible mais surtout parce que l'analyse du comportement des personnages devient moins subtile, moins achevée, notamment au niveau des confrontations dialoguées qu'il va avoir avec son père et sa mère. C'est dommage !

J'ajouterais cependant que la qualité de l'écriture est indéniable. L'humour et le sens de l'auto-dérision dont fait souvent preuve l'auteure laisse aussi la place à de beaux ralentis très cinématographiques qui restituent parfaitement les moments magiques ou les crises aiguës vécues par les personnages.
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Éden

Lucy est une adolescente qui vient de s'installer avec son père dans une réserve indienne. La petite ville est encerclée par une nature sauvage et des forêts luxuriantes. Un jour elle disparait. On la retrouve quelques temps plus tard, nue, allongée en position foetale, violée. Elle est en état de sidération. Elle n'est pas la seule victime car il y a déjà eu d'autres disparitions et on a aussi retrouvés des hommes sauvagement attaqués et blessés par des créatures aux griffes acérées et aux crocs aiguisés, dont l'apparence ne les relie à aucune espèce existante.

Monica Sabolo arrive à installer une véritable ambiance angoissante tout le long de son histoire, mêlant violence sous-jacente et mystère. Elle oppose une nature antédiluvienne à l'invasion humaine, destructrice avec ses oléoducs, son pétrole bitumeux et son exploitation forestière industrielle. Son roman a des accents de manifeste écologique, où l'humanité n'a forcément pas le meilleur rôle.

Mais l'histoire s'empêtre rapidement dans des descriptions un peu longues qui ralentissent l'action. La tension narrative est faible. On alterne parfois entre ennui et interrogation. L'auteure a tendance à perdre son lecteur dans des discours décrivant trop abondamment l'état intermédiaire entre l'innocence de petites filles et celui de femmes confrontées à la dureté d'un monde machiste, un monde primitif transpirant abondamment l'hormone mâle.

L'écriture travaillée de l'auteure sauve son roman de l'échouage, mais les thèmes du féminisme et de l'écologie, largement débattus dans l'actualité du monde décadent dans lequel nous vivons, n'amènent pas toujours de l'eau au moulin de cette histoire qui est avant tout une histoire de fait divers, et certainement pas comme certains ont cru le comprendre un roman fantastique.

Cette histoire manque de ressort pour que la tension de l'intrigue atteigne un paroxysme et colle notre attention aux pages. Par contre, elle est un hymne à la beauté et à la grandeur de la nature devant laquelle nous devrions tous nous incliner et la respecter, et un hymne à toutes les femmes pour lesquelles nous en devrions autant si nous nous respections un tant soit peu.

Editions Gallimard, 275 pages.

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A nous la Terre !

Belle initiative que ce petit recueil Folio de neuf nouvelles célébrant mère nature et dont les bénéfices seront reversés à WWF, le Fond Mondial pour la nature dont le sigle est un mignon panda. Cette organisation non gouvernementale se consacre à la protection de l'environnement et au développement durable. Alors, croisons les doigts pour que ce recueil parte comme des petits pains afin que les bénéfices servent à protéger les mignons pandas et les autres animaux avant qu’ils ne disparaissent de nos paysages.

Neufs plumes pour neuf histoires, toutes différentes mais célébrant à leur manière la nature. Catherine Cusset parle d’une plage bretonne où l’on se baigne nu tandis que Monica Sabolo plonge en mer Méditerranée. Luc Lang nous entraine vers les sommets pyrénéens jusqu’à la brèche de Rolland quand Jean-Christophe Rufin parcourt les glaciers agonisants du Mont-Blanc. Ron Rash, auteur américain bien connu pour ses thrillers sur fond de nature, a choisi de nous faire partager le destin singulier de Horace Kephart, écrivain et amoureux de vie sauvage dans les Great Smoky Mountains de Caroline du nord qu’il défendra toute sa vie.

La nouvelle que j’ai le plus aimée ? « Le sansonnet » de Carole Martinez, sorte de conte cruel et hymne à la liberté et la nature.

Lisez ces nouvelles, laissez-vous entrainer dans cette nature si belle hélas trop malmenée.

Petit plus : le papier de cet ouvrage provient de forêts gérées durablement.



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Éden

Et si je vous parlais d'Éden, dernier roman de Monica Sabolo ?

Nous sommes ici dans un endroit reculé du monde. On pourrait penser à l'Amérique profonde, une terre ancienne, celle des Amérindiens, ceux qui furent traqués, exterminés, ceux qui ont survécus, cohabitent avec les lois des autres, parfois avec leurs propres lois aussi, celles d'une réserve qu'on devine se situer dans une contrée nord-américaine.

Nous sommes à la lisière de la forêt, une forêt menacée de destruction, nous sommes à la lisière des vies, comme l'adolescence est à la lisière du monde adulte.

Dans ce roman envoûtant, sombre et mystérieux où il est justement question d'adolescence, j'ai adoré l'idée d'un monde invisible, souterrain. Nous sommes à la lisière d'un autre monde, presque fantastique.

Il y a le personnage de Nita, autochtone, la narratrice. Il y a le personnage énigmatique de Lucy, elle est blanche, venue de la ville. Elles ont quinze ans. Peu à peu entrent en scène d'autres personnages autochtones, des garçons, des filles du même âge, qui se fréquentent au lycée, la violence est à fleur de peau. Excessive et maladroite.

C'est peut-être simplement la douloureuse expérience de l'adolescence dans un lieu où se concentrent des forces telluriques qui semblent leur échapper.

Pour Nita, la forêt est ce monde hérité de ses ancêtres que les hommes de la société d'exploitation forestière aujourd'hui abîment et dévastent. Le bruit des tronçonneuses se rapproche inexorablement.

Un jour, Lucy disparaît, puis réapparaît quelques temps plus tard dans des circonstances mystérieuses...

On pourrait presque sentir le cœur de la forêt battre entre les pages. Un cœur qui souffre sous la voûte des feuillages. J'adore venir marcher en forêt, capter des sensations qui m'aident souvent à me ressourcer, trouver d'autres respirations. La forêt est pour moi comme un refuge, un endroit secret où l'on peut dissimuler ses rêves, apaiser une âme, reprendre pied dans une vie parfois trop bruyante... Mais la forêt que nous propose Monica Sabolo est oppressante, à la limite de l'asphyxie. C'est un monde beau, sauvage, vénéneux, capable d'accueillir des rites initiatiques d'un autre âge...

J'ai été peu séduit par l'intrigue qui sous-tend le récit. Au premier abord, tout semble en effet tendu comme la flèche d'un arc qui file vers sa destinée fatale. Et l'on sent tout cela venir avec évidence. Mais ce n'est pas la force de ce roman.

De même, certaines cérémonies cathartiques, ressemblant à des sortes de bacchanales, m'ont laissé une impression de déjà vu, m'évoquant parfois l'atmosphère d'un livre comme le Maître des illusions...

En revanche, je me suis laissé emporter par l'incandescence des mots et l'ambiance onirique, sulfureuse, fascinante, proche du vertige, que ces mots suscitent.

Parfois, au détour d'une phrase, je sentais le sol de la forêt se dérober sous mes doigts, s'ouvrir alors sur un enchevêtrement de racines emmêlées sans fin.

Je fermais les yeux. L'odeur enivrante des cèdres et des pins venait alors jusqu'à moi, parmi les stridulations des insectes et l'immensité du ciel nocturne. C'était comme un instant en apesanteur. Je retrouvais alors mes pas et mes errances si essentielles dans la forêt...

Et puis brusquement, une longue plainte remontait du tréfonds de la terre. Sans doute la plainte d'une forêt mutilée et qui a mal. Sans doute aussi la plainte d'une voix humaine... Alors je reprenais le court du récit.

Et puis surtout, il faut regarder ce livre comme une allégorie, une invitation à porter un regard sans concession sur la domination masculine.

Monica Sabolo le fait de manière onirique, à travers ce récit gothique qui s'apparente à certains moment à un conte, un conte des temps modernes.

La forêt devient alors un personnage à part entière du roman. Elle incarne une nature à la fois puissante et fragile qui fait corps avec les personnages féminins du récit, dans un harmonie proche de la fusion.

Certains personnages comme celui de Kishi sont très attachants, magnifiquement dépeints dans des blessures presque désespérées, mais qui ne renoncent jamais à leurs colères.

Parfois les personnages du roman sont comme reliés les uns aux autres par des fils invisibles.

Parfois d'autres personnages qu'eux, plus sombres et fragiles, se glissent à l'intérieur de leurs peaux.

J'ai trouvé originale cette manière de l'auteure d'explorer les douloureuses métamorphoses de l'adolescence, de dénoncer la domination masculine, de le déployer dans une fable écologique, sensuelle et violente, proche du fantastique.

Il y a des promenades en forêt qui ne sont pas toujours de tout repos...
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La Vie clandestine

«  Chacun est victime et coupable » .

« Le bien et le mal se dévorent l'un l'autre . le jour fait pâlir la nuit, puis la nuit avale le jour » .

«  La recherche de la véracité était une manière petite - bourgeoise d'envisager la vie tandis que celle de la vérité sous entendait l'acceptation du mystère , d'un sens qui se dérobe » .

La véracité était une mule , besogneuse et bornée et la vérité un cheval majestueux, mais indomptable » …



Quelques citations extraites de ce récit construit à partir des souvenirs de l'auteure , qui se dit «  Un témoin défectueux qui chemine pour éclairer sa propre histoire » ..



En fait , une fresque majestueuse, grandeur nature d'une époque , du réel où abondent à travers cette belle oeuvre de littérature ,questions existentielles posées à l'infini qui oscillent entre récit , enquête et autobiographie .



L'auteure revient sur la naissance d'Action Directe jusqu'à. son anéantissement , la fièvre contestataire des années 70,: brigades rouges, assassinats, époque sanglante ,conduite révolutionnaire violente, sombre processus funeste, infinité de nuances et les ramifications de ces mouvements révolutionnaires et ce qui la constitue , elle : le Secret , le SILENCE et L''ECHO de la violence …



Elle recherche ses origines , mène une enquête avec les moyens du bord , les chapitres du livre alternent entre les activités des membres d'Action Directe , ce groupe terroriste d'extrême gauche et le retour sur sa propre vie , elle revisite avec sensibilité , intelligence , pertinence , grâce , profondeur , humilité , son enfance bourgeoise et son parcours , à l'ombre d'un père aux activités occultes , disparu sans un mot d'explication ….



Au moment où surgit l'organisation d'Action Directe , à la fin des années 70, un monde s'effondre , un autre naît .

À l'espoir engendré , exalté qu'a suscité Mai 68, succède une rage froide , tout est fragile, instable , brutal .

Quelque chose se défait et se résigne.

.

Action Directe apparaît : «  Personne ne parle d'amour dans la lutte révolutionnaire ,pourtant il croît , comme une fleur discrète entre les pavés » Nathalie Menigon

issue d'un milieu populaire——ayant vécu dans un quartier où se côtoyaient deux mondes , celui de la bourgeoisie traditionnelle et celui des foyers populaires qui ne partent jamais en vacances ——-a découvert la violence des inégalités sociales et Jean - Marc Rouillan seront inséparables dans les actions , les cavales , les braquages , les planques . Ils se marieront en prison en 1999.



Joëlle Aubron Jeune fille de bonne famille ,bourgeoise, catholique , dans son château familial se mariera aussi avec Régis -Schleicher, autre membre du groupe , en prison également .

Le 17 novembre 1986, le soir , Aubron et Menigon assassinent

le patron de la régie Renault Georges Besse,, père de cinq enfants , en bas de chez lui , elle l'atteignent de trois balles , une à la tête une à la poitrine , l'autre à l'épaule .



Elles s'enfuient à pied en direction du Boulevard Raspail.

Ce groupe avait déjà assassiné près de deux ans auparavant , le Général Audran.

On tue , on meurt , des êtres humains disparaissent au profit d'un symbole , d'une idée plus importante que la vie .



Aucune émotion ne transparaît chez ces individus .

Ils traversent les jours sans mémoire ni conscience .



Mais que se passe t- il dans la tête de celle où celui qui décharge trois balles ?

Comment vit- on avec cela ? .

Et les attentats se succèdent : bombes posées ,attaques au bazooka, bureau d'un ministre criblé de balles .

Pourquoi font- ils ce qu'ils font? .

En janvier 1989 les membres d'Action Directe refusèrent de répondre à la moindre question , ne donnèrent aucune explication lors du procès , ils furent condamnés à perpétuité



Nathalie Menigon vivrait quelque part aujourd'hui dans le Sud - Ouest …..

Qu'est ce qui est le plus moral ,créer une banque ou l'attaquer ?

Se demande Bertolt-Brecht.

Tout au long de cet ouvrage l'auteure tentera de percer la complexité d'êtres tels que ces membres d'AD , ayant commis l'irréparable ….

En même temps que son propre passé ? .



Que sait - on vraiment des individus porches de nous et que nous croyons connaître ?

Revisiter les traces d'un passé disparu ?

Que sont les figures du dissocié qui reconnaît tous les délits qui lui sont imputés et le repenti , qui en échange d'informations voit sa peine réduite ou effacée ? .

En fait , l'auteure happée par cette époque se demande si le réel qu'elle reproduit avec plus ou moins de fragilité , de parcellaire révèle une part secrète d'elle même , inconnue d'elle qui l'a mené , exactement là où elle le désirait , au fond?

En vérité , cette'idéologie , de crime et de spectaculaire ne parlerait en vérité que d'elle? .

Qu'est ce qu'elle cherchait vraiment ? .

Une thérapie ? .

«  Toute mémoire est une eau trouble » : fantasme , légende ,, retour sur soi….



Double fond dans une valise…



Autant de questions insondables , de réflexions aux marges du monde , de face à face avec le passé , de questions sans réponses à propos de la violence et de la possibilité du pardon…



Très beau livre dense , complexe , difficile à critiquer à propos d'une époque reconstituée avec soin malgré les brisures et les fêlures du temps ….

Grand récit pétri d'émotions , de mystères à propos d'une époque presque oubliée ……

Acceptation du mystère , de quelque chose de plus grand que soi .

Travail de mémoire et de clandestinité; blessures béantes et temps suspendu, aux marges du monde, dédale de chemins , volonté d’en découdre , doutes, vides et impasses, chocs , douleurs …..

«  Nous étions différents jours, et différentes nuits » .Nathalie Menigon .

"Mais pourquoi allez-vous toujours vers les plus dangereux ?.



Je remercie chaleureusement l'équipe de Babelio pour l'envoi de ce livre .





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Summer

Si je devais m'identifier à l'un des personnages de ce roman, je crois que ce serait celui de Benjamin. J'aime que l'on me dise la vérité mais pas de façon trop cru ni trop abrupte et lorsque celle-ci m'apparaît sous les yeux, je ne vais pas forcément l'accepter tout de suite, n'aimant pas que les êtres pu les choses que j'aime soient salis ou changent avec le temps. Si tout pouvait rester comme dans mes souvenirs, figé et beau, cela, tout comme le personnage de Benjamin, me conviendrait à merveille. Je crois que notre souci majeur à tous les deux est le manque de confiance en nous, face à l'autre, toujours meilleur (ici c'est le personnage de Summer) et c'est ce qui fait que nous vivons toujours dans le passé.



Pour Benjamin, notre narrateur, la vie s'est arrêtée il y a vingt-quatre ans de cela, le jour où sa soeur Summer, de cinq ans son aînée, a disparu. Ce drame s'est déroulé après un pique-nique près du lac Léman auquel Benjamin assistait avec sa soeur et ses copines - sa sublime soeur de dix-neuf ans, admirée et enviée de tous alors que lui a l'impression de n'être qu'un minuscule décor dans le paysage auquel on ne prêterait à peine attention. Tout au long de son existence, et même auprès de ses parents, Benjamin s'est toujours vu comme "le frère de Summer" et non pas comme une entité à part entière. du moins, c'est ce qu'il a toujours cru tout au long de sa vie, qu'il faisait en quelque sorte tâche à côté de cette dernière, et ce, même après sa disparition. Dans la famille, c'est devenu un sujet tabou, quelque chose qu'il ne faut plus jamais aborder et pourtant, vingt-quatre ans après, Benjamin a besoin de réponses. Que lui est-il arrivé ? A-t-elle été assassinée, enlevée, s'est-elle noyée ou la réponse serait-elle si évidente que personne ne le lui aurait jamais rien dit tout simplement parce qu'il n'a jamais posé de questions plus tôt ?



Un drame familial assez bien construit avec une écriture agréable malgré la tragédie qui se joue en arrière plan et l'ambiance pesante qui règne tout au long du roman. Cependant, j'avoue avoir été on ne peut plus surprise par ce dénouement on ne peut plus inattendu mais je ne vous en dirais pas plus afin de vous laisser découvrir cet ouvrage par vous-mêmes ! Là où je me réconcilie avec la littérature française contemporaine ! A découvrir !
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La Vie clandestine

J’ai bien aimé ce livre. Je l’annonce d’entrée, car je vais émettre quelques réserves qui pourraient faire croire le contraire. D’abord, je n’éprouve aucune curiosité pour les secrets malsains, pour les histoires sordides que des victimes dissimulent, puis qu’elles révèlent un jour à demi-mot, sans vraiment le dire, tout en le disant. Ensuite, je considère que les malheurs personnels des gens qui me sont inconnus ne me regardent pas, dès lors que je ne puis pas faire grand-chose pour eux. En tant que lecteur, j’ai donc un a priori de méfiance à l’égard des romans qui traitent des souffrances intimes des écrivains ou qui leur servent à régler des comptes avec des proches.



Pourquoi alors avoir choisi de lire le dernier roman de Monica Sabolo, me direz-vous ? En feuilletant rapidement les sujets abordés par les ouvrages sélectionnés pour le Goncourt, j’avais cru comprendre que La vie clandestine révélait des actes criminels du père de l’auteure, liées à ceux du groupe Action directe et leur apportant un éclairage nouveau. Ça m’intéressait… Certes, le prologue du livre évoquait quelques problèmes existentiels, mais quand je suis engagé dans une lecture, je ne construis pas mon avis dès ses premières pages. J’ai donc mis du temps à me rendre compte de mon contresens.



Action directe ! Comment des idéalistes aspirant à œuvrer au bonheur de l’humanité ont-ils été amenés à basculer dans la clandestinité, à devenir des hors-la-loi, des assassins ? Après avoir purgé leur longue condamnation, comment ont-ils assumé leur statut d’anciens terroristes ? Se sont-ils sentis coupables d’avoir tué des êtres humains ou regrettent-ils juste d’avoir tout raté dans leur vie ?



Au fil de ma lecture de La vie clandestine, je comprends que les forfaits commis par l’homme dénommé Yves S. n’ont rien à voir avec le terrorisme. Ça me contrarie un peu, mais je suis captivé par les deux enquêtes parallèles que l’auteure me fait suivre, d’un côté sur les traces des membres d’Action directe, de l’autre sur sa propre naissance, sur son enfance et son adolescence.



Quels sont les ponts entre les deux histoires ?



Le secret est le propre de la vie clandestine ; celui que cultivent les membres d’AD pour se rendre invisibles ; celui dans lequel l’auteure baigne depuis l’enfance ; celui des activités illicites d’Yves S., des turpitudes cachées qui conduisent l’homme qu’elle appelle son père à disparaître et à ne réapparaître que pour mourir ; des conséquences qui l’amènent, elle, à occulter une part d’elle-même.



Plus grave est l’indicible, l’impardonnable, l’indélébile. Pour y survivre, coupables et victimes se rejoignent, parce qu’inconsciemment, ils doivent chacun fabriquer des souvenirs falsifiés acceptables, respirables. Une part du passé disparaît de la surface de leur mémoire, s’enfouissant dans une sorte de clandestinité mentale.



On a tous sa part d’ombre, on a tous fait du tort à autrui, on s’est tous un jour comporté d’une façon dont on n’est pas fier. Mais il y a une gradation dans le mal que l’on peut commettre. Le meurtre, l’inceste sont des actes dont les coupables ne peuvent pas s’exonérer. Il est insupportable d’entendre d’anciens terroristes dire trente ans plus tard quelque chose du genre « c’était l’époque qui voulait cela », ou un père ayant violé sa fille prétendre : « c’est courant dans les familles ».



Les victimes ont besoin de tourner la page pour survivre. Je comprends donc la réaction de la narratrice devant la tombe de son père. Elle prononce en silence ces mots : « Je te pardonne, et je ne te pardonne pas ». Elle est victime. En revanche, je n’aime pas l’empathie, qu’en tant qu’enquêtrice, elle éprouve pour les anciens d’AD, au point de préférer les qualifier de « combattants révolutionnaires » plutôt que de terroristes ou d’assassins.



Mais l’écriture de Monica Sabolo est très belle, lyrique, envoûtante. Ses métaphores sont magnifiques. Elle se laisse parfois aller à l’autocompassion — c’est agaçant ! — mais on est agréablement emporté par la narration attachante et mélodieuse de ce livre, qui n’est pas vraiment un roman.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Summer

Je n'ai pas accroché avec cette histoire de jeune fille aux cheveux blonds "lumière" qui disparaît, à l'aube de ses 19 ans, en courant "au milieu des herbes plus grandes qu'elle" au bord du lac Léman. Peut-être n'était-ce pas le bon moment pour supporter un début de roman aussi ampoulé et mièvre...



Abandonné en septembre 2017.
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