Citations de Morgan Sportès (124)
La police craignait qu'en payant une part, ne serait-ce que minime, de la rançon, elle dévaluerait l'otage et augmenterait le risque qu'on le supprime comme témoin gênant susceptible d'identifier ses ravisseurs. Ainsi prêtait-elle à ceux-ci une rationalité : -économique du moins. Mais si le ravisseur n'était qu'un fou dont toute résistance rencontrée accroît la rage ?
Rien demeure de ce jeune homme souriant […] C’est le visage d’un adulte. Mais pas de n’importe quel adulte : d’un être qui, en quelques jours, a pu faire le tour de ce que d’autres mettent une vie à cerner : l’horreur humaine. Les ans ne l’ont pas marqué, mais la bassesse d’autrui. Il a passé trois semaines à l’école du mal.
"On pourrait imaginer une culture où les discours circuleraient et seraient reçus sans que la fonction auteur apparaisse jamais. Tous les discours se dérouleraient dans l'anonymat...."
Michel Foucault, Qu'est-ce qu'un auteur ? Bulletin de la société philosophique, janvier/mars 1969
Hattab aurait alors, selon Sarraud, passé sa main devant la bouche de la victime pour vérifier si elle respirait encore (...). "C'est le geste du médecin pour voir s'il y a de la vie, s'exclamera maître Szpiner, partie civile. Avec vous, c'est pour voir si vous l'avez ôtée."
Tout le monde d'ailleurs, dans cet étrange univers en trompe l'œil, passe pour autre qu'il n'est. Il s'agit d'avoir une "image en béton", l'image c'est une valeur d'échange avec laquelle on donne "le change", une fausse monnaie. On vit à crédit, on anticipe sur le statut social qu'on envisage très bientôt d'atteindre (...)
En langue française, ils étaient analphabètes (…) il en était de même en arabe classique...Mais quelle est leur langue alors ? Ont-ils une langue ? (…) Était-ce l’algérien vernaculaire ? Pouvait-on n’avoir pas de langue ?
Dans ce monde terraqué, je me couchais heureux.
Le langage criait grâce face à la profusion des choses.
Il vit chez son père – la plupart du temps absent, vu son activité de plombier – et ne travaille pas. Paul Lecoq, qui ignore encore cette conversion, note, sans y réfléchir d'abord, les premiers signes du « mal » qui vient de frapper son fils, signes - toujours les mêmes – qui passent le plus souvent inaperçus, au départ, aux yeux des familles dont le rejeton a été semblablement « contaminé » : Kevin ne fume plus (« Bon point »). Il repousse le verre de vin que lui offre son père (« Passons, j'veux bien »). Dédaigne le saucisson et le jambon, lui qui en était si friand (« Ça c'est plutôt bizarre »). Là où ça ne va plus, c'est quand, un beau soir qu'il dîne à la maison, en face de son fils, Paul Lecoq voit celui-ci saisir ses aliments avec les doigts (ceux de la main droite uniquement), le riz, les pâtes, même la salade... (« Faut pas pousser. C'est dégueulasse ! »). devant l'étonnement de son daron, le fiston s'explique :
- Du temps du Prophète, y avait pas de fourchette !
Car, pour ainsi dire, avec un orgueil illimité, c'était le monde entier, oui, avec ses mers et ses continents, l'océan Atlantique, le Pacifique, la Méditerranée et la mer Rouge, l'Arabie Saoudite, le Pacifique, le Koweit, la Chine, les plaines d'Ukraine, la Volga, le Brahmapoutre, l'Ouzbékistan, les Abruzzes, l'Azerbaïdjan, la Cordillère des Andes, Paris, New York, Addis-Abeba, la France, l'Espagne, Andorre (l'Europe entière !) et le Siam bien sûr ! qu'il eût voulu faire tourner autour de sa verge brandie dans le cosmos, comme une mappe-monde autour de son axe d'acier, car c'était ça l'amour pour lui, au Yack, cet impérialiste et illimité besoin de soumettre l'Univers sous sa rondouillette petite bedaine, comme un Tartare, un Hun, sous le ventre sauvage et suant de sa fougueuse monture, car c'était un tyran Yack, un sanguinaire tyran, un Genghis Khan déployant aux quatre points cardinaux les ailes gigantesques de ses farouches armées.
Ot était réginalement contente de moi. Le triomphant et magistral sourire qui illumina son visage le prouvait assez. Penchant sa tête de côté, comme pour mieux me regarder, à la façon d'un pigeon ou d'un perroquet, elle m'offrait de loin, ainsi qu'une friandise, la fascinante sucrerie de ses lèvres fraîches et épaisses si souvent et si longtemps soustraites à mes désirs (alors qu'elle les vendait au premier venu) et dont je sentais bien que, ce soir, j'avais (oui!) mérité à ses yeux de les croquer. Il est inutile ici, au risque de tomber dans les poncifs des détails scabreux propres à la littérature pornographique, de dresser un rapport précis de ce qui advint.
La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement, et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense.
Elle ne reconnaît que ce qu’elle est obligée de reconnaître. Elle a sa part de butin à égalité. Comme les truands, elle n’avoue que quand on lui met les preuves sous le nez. Hattab ose dire à la police : “Je ne comprends pas pourquoi vous m’arrêtez, j’attends de vous des éclaircissements”, alors qu’il a encore la montre de T. au poignet ! La violence policière ça existe : mais, dans votre cas, on avait toutes les preuves. Les pressions physiques étaient inutiles.
" Que penser d’une jeune fille qui va chez T., qui mange avec lui, qui le regarde dans les yeux, alors qu’elle sait que dans quelques minutes il va mourir ? dira le président, longtemps après le procès. En commettant le second crime, ils se sont coupés de tout système de défense salvateur. Ils n’auraient tué qu’une personne, c’était plaidable… "
Au demeurant il faut prendre les « expertises » psychiatriques avec précaution. Faites souvent de façon très rapide, dans une cellule déguisée en cabinet médical, elles n’ont de scientifique que le vocabulaire. Lors d’un débat télévisé qui eut lieu après le procès, le docteur Michel Landry déclarera: « L’objectivité n’existe pas en psychiatrie. Les experts prononcent un jugement déguisé en diagnostic. »
Les enfants ne réalisent pas la gravité des douleurs qu’ils infligent par incapacité de se mettre à la place d’autrui… »
" Le fait de participer à une agression lui donnait l’impression de jouer un rôle important, l’aspect imaginaire l’emportant sur l’aspect réel… "
C’était un homme sans préjugés. Il s’habillait n’importe comment, d’un jean, d’un blouson de fourrure artificielle. Un soir, il m’a emmenée prendre le thé chez des amis à lui, des Algériens, des gens très simples. Il était tout à fait à l’aise au milieu d’eux.
Valérie, en quelque sorte, c’est l’éclaireur de la bande. Elle se met à l’affût. Mais ses « proies », ça n’est pas dans une gibecière qu’elle les met. C’est dans son joli petit carnet d’adresses.
« Valérie était fascinée par sa nouvelle existence de jeune femme libre et indépendante vivant dans un milieu agité et brillant, dira le psychiatre aux assises. Elle a été victime de ses fantasmes. Complimentée et courtisée, elle a été prise au jeu de son pouvoir tout neuf. Il lui semblait être l’héroïne alors qu’elle n’était que l’appât… »
Au début elle me charmait. Elle avait un si joli visage. Elle est venue pendant un mois et demi, régulièrement, dîner au Jardin. Elle me téléphonait souvent : pour que j’aille faire des courses avec elle. J’avais des prix dans les boutiques. Elle en profitait. À la fin, je me suis dit : c’est pas possible, elle me prend pour son micheton ! Elle était terriblement possessive. Jalouse !