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Citations de Morgan Sportès (124)


Elie, sur les portraits mortuaires qu'a pris de lui l'identité judiciaire, semble avoir trente ans de plus. Rien n'y demeure de ce jeune homme souriant, naïf, bronzé, en tee-shirt et bermuda de vacances, figurant sur les photos publiées dans les médias du monde entier après son assassinat. C'est le visage d'un adulte. Mais pas de n'importe quel adulte : d'un être qui, en quelques jours, a pu faire le tour de ce que d'autres mettent une vie à cerner : l'horreur humaine. Les ans ne l'ont pas marqué, mais la bassesse d'autrui. Il a passé trois semaines à l'école du mal. Ses yeux clos nous regardent. Ils nous voient sans doute mieux que grands ouverts. Ils nous radiographient. Ces ultimes photos d'Elie ont été montrées aux membres de ce qu'on a appelé, sensationnellement, le "gang des barbares" lors de leur arrestation. Peut-être eût-il fallu les afficher dans la presse, afin que, de son regard mort fixé sur nous, il nous apprît à nous regarder nous-même.
A part Yacef, leur chef, aucun des autres ne revendique ce meurtre ni les tortures qui l'ont précédé: "On a agi pour l'argent, affirment-ils, il n'était pas question de tuer".
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De quoi veut-elle se venger ? Des hommes en général, mais en particulier de ceux qui l'ont violée quand elle avait 13 ans, et plus encore, peut-être, des policiers français qui, l'accusant d'être une provocatrice, avaient dissuadé sa mère de porter plainte.
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A nous aussi, il nous reprochait de sortir de façon trop découverte, poursuit la mère, Renée. Il se souciait de ce que "les gens" pourraient dire. Moi, je lui rétorquais vertement que je l'acceptais comme il était et qu'il devait m'accepter comme je suis ! Point barre ! "Est-ce que tu veux que ta mère porte la burqa, non ?"
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"Sans père, disent de lui les psychiatres, son surmoi s'est mal mis en place." L'ensemble des membres de la bande paraît avoir quelque dysfonctionnement du côté du surmoi en effet...
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« Mon mari, poursuivra Mme Sportisch, est resté à la porte du magasin avec les deux cabas posés par terre. Je suis entrée seule dans l’établissement. À l’intérieur, il y avait trois ou quatre personnes, pas plus. En rayon, j’ai déniché un sachet de cuisses de poulets surgelées. Une chance. C’était le dernier. Alors je suis allée à la caisse où se trouvait la gérante, Mme Hazan, que je connais bien. J’ai fait la queue. Il y avait devant moi une autre cliente. Soudain, j’ai entendu un drôle de bruit, comme un fracas métallique. J’ai cru que quelque chose tombait du plafond. Une petite manivelle pas plus longue que cinq à huit centimètres avait roulé en effet à mes pieds en rebondissant. On aurait dit aussi une attache de ski métallique… J’ai signalé la chose à Mme Hazan. Sortant de derrière sa caisse, elle est venue voir. Comme elle s’est baissée pour ramasser l’objet, il y a eu une explosion. Très forte. Mme Hazan est tombée dans mes bras. »
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Toutdebout «était un « antisémite raisonnable ».
Aussi détestait-il les « excès » des Céline et autres « aboyeurs » !
Les Juifs, songeait-il, tant qu'on les excluait de l'administration, de l'armée, de l'enseignement, du commerce, de la banque, de la médecine, de la pharmacie, de la magistrature, du barreau, de l'industrie, de l'édition, du journalisme, du cinéma, de la radio, on pouvait les tolérer partout ailleurs, pourvu qu'ils se montrassent discrets et pointassent une fois pas semaine à la police.
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Yacef se lance alors dans un grand numéro. C'est Al Pacino dans Scarface. Il se cogne et recogne la tête contre un mur, rageusement, une fois, deux fois, dix fois. L'appartement résonne de ces coups : sourds.- Qu'est-ce que je... je... je vais faire ? hurle-t-il, se remettant à bégayer. Qu'est-ce que je... je... je vais leur raconter, à ces... ces types (il étouffe un sanglot). Faut que je les paie, sinon ils vont me ni... niquer. Vont me flinguer.
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Il vit entre haine de soi et narcissisme. Il veut dominer les autres, les manipuler : régner. Il n'a pas le sens des limites : "Mieux vaut mourir comme un lion que de vivre comme un chien."
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Les spécialistes estiment d'ores et déjà que dans un futur proche 20% des gens seront employés tandis que 80% seront sans activité. On prévoit de maintenir ces inactifs à un niveau de subsistance suffisant en leur procurant un divertissement abêtissant..."

Jacek Kuron, ex-dissident polonais, oct.2002, cité dans la nouvelle alternative, N° 57, août 2005
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Monsieur de la Loubière , qui avait débarqué de l'Oiseau depuis une semaine à peine, en avait déjà « par dessus sa perruque » de Siam et des Siamois. D'ailleurs, cette nuit-là (le 27 octobre que Dieu fit), sa perruque, il l'avait ôtée. Il suait, il crevait de chaud, mais il était secoué aussi de frissons de fièvre. Assis sur le bord de son lit, il tendait sa botte droite à Joyeux qui se tenait à genoux devant lui, sur le parquet. Joyeux arracha la botte.
- Et d'une ! dit la Loubière. J'ai les pieds qui enflent, avec cette chaleur. Ces maudites bottes ne sont pas faites pour ces climats.
- Monsieur devrait archer pieds nus, comme les Indiens, glissa Joyeux amusé.
- Pieds nus, et torse nu ! Je crois même qu'après quelques mois dans ce diable de pays, n'importe quel homme de qualité en perdrait la tête, et finirait par se balader... cul nu !... Tellement on se sent devenir sauvage ici !
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J'ai regardé le carré de ciel découpé par la fenêtre.Avec la fin du jour,il est passé du bleu-rose,mêlé de mauve,au bleu foncé,jusqu'au bleu noir de la nuit.
-C'est plus fort qu'un monochrome de Klein.
Et nous nous sommes aimés au pied de ce cadre repeint de nuit,ce grand carré noir,aveugle,où le monde s'était abstrait.
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Nous "m'apparaissions" à la façon de personnages médiévaux,ripaillant dans une auberge.Cuisiniers breugheliens à la face bouffie,empourprée par le feu des fours.Et j'imaginais l'histoire d'un couple s'enfermant dans un château,au bord de la mer("un château dont il faut plutôt mourir que d'en rendre les clefs")passant ses journées à cuisiner,manger,boire,faire l'amour,cuisiner,boire,faire l'amour,jusqu'à en devenir obèse,jusqu'à en crever...
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"A partir d'un certain tour de poitrine les hommes perdent leur bon sens" me confiera plus tard madame Corine X juge d'instruction.
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C'est à 10h 23 très exactement que le corbillard est sorti de la morgue de l'Institut Montsouris. L'atteste la photo (horodatée) que j'ai prise alors que je me trouvais dans le véhicule. On y voit, à travers le pare-brise, la grille ouverte avec accroché dessus le panneau « Livraisons » et, plus loin, les tourelles Art nouveau surplombant le Grand Réservoir de la Ville de Paris. Dans le rétroviseur, plus patibulaire que jamais, avec sa coupe de cheveux en brosse et ses lunettes noires, le chauffeur/croque-mort asiatique est au volant. Nous transportons donc le butin d'un braquage : Aude. Sa dépouille mortelle du moins (« Je ne verrai plus ton visage, ma cocotte, mais je te sens encore, là, à mes côtés, présente, dans le coffre de cette voiture »). Demain on la brûlerait au Père-Lachaise.
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L'idée m'est venue (mais je ne puis dès l'abord trop m'étendre sur les soubassements secrets de cette idée) que le père jésuite Christovao Ferreira, qui est le personnage central de ce "roman" n'aurait pas renié sa foi, le dixième jour de la neuvième lune de la dixième année de l'ère Kanei à l'heure du singe (soit le dix-huit octobre mille six cent trente-trois entre quinze et dix-sept heures, anno domini) s'il avait su qu'on allait seulement le crucifier.
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La croix japonaise, par tant d'aspects, est combien préférable à la croix romaine, combien plus soucieuse du comfort du crucifié, ou, pour employer un terme technique, combien plus ergonomique ! Plus humaine, pour tout dire.
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« Valérie Subra est née le 8 avril 1966. Sept jours avant sa naissance, le 1er avril, La Religieuse de Jacques Rivette, tirée du roman de Diderot, était interdite sur pressions de l'Église. Mai 68 était tout proche : le visage de la France et de ses mœurs allait être changé. Dès 1967, selon l'enquête de personnalité, la mère de Valérie, née Isabelle V., divorce de son mari. Elle va vivre avec sa fille dans l'Essonne chez les grands-parents maternels, qui s'occuperont du bébé. La mère trouvera du travail dans un préventorium de la région. En 1969, elle se remarie. Mais, en 1970, les époux se séparent : « Valérie aimait bien son beau-père, dit Isabelle V, mais elle n'a pas été trop affectée par cette séparation, car de caractère déjà très indépendant. » Commencent les seventies. Ça n'est pas seulement la crise du pétrole mais celle des valeurs, comme on disait alors. Le monde de Papa se casse la gueule, le Paris de Zola s'écroule sous les pelleteuses : les Halles sont rasées, les quais de la Seine sont transmués en « voie sur berge ». C'est la montée aussi du terrorisme. En 1972, Andréas Baader, de la Fraction armée rouge, est arrêté.
En 1974, Isabelle V. se remarie avec un journaliste, Pierre S., son troisième époux donc. Elle a de lui un nouvel enfant. En 1975 : chute de Saigon. Écroulement des idéologies : Marx, Mao n'ont plus la cote. Cette année-là, le couple et les deux filles s'installent à Paris. Valérie doit quitter ses grands-parents auxquels elle est très attachée. Ceux-ci d'ailleurs, qui prennent leur retraite, vont vivre sur la Côte d'Azur. Valérie fréquente plusieurs écoles religieuses. La directrice du collège privé Sainte-Ursule, Louise de Brétigny, dira d'elle alors qu'elle est une bonne élève, instable, très gâtée par sa grand-mère qui l'a élevée. Nouveaux déménagements, nouvelles écoles pour Valérie. La mère s'installe à Chantilly.
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Que devient Elie dans cette affaire ? Une chose. Un objet de négoce. Entre l'Etat et un petit voyou. Une sorte de fétiche aussi, sur lequel Yacef, pour passer sa rage, frappe et s'acharne. Une poupée de magie noire qu'on crible d'épingles. Un trésor encore, enterré au fond d'une cave. Un capital dont le récent "propriétaire" enrage de ne pouvoir tirer profit. Cette "marchandise", en effet, ne trouve pas à se "vendre". Sa cote baisse donc. Mais, avec cette cote, c'est la cote même de Yacef qui s'écroule : à ses yeux à lui, comme à ceux des types de sa bande. Lui, le caïd, ne serait-il qu'un charlot ? Ceux de Bobigny, déjà, le laissent choir. (...) Yacef est un général sans armée, ou presque. Il avait suscité toutes sortes de rêves. Ces rêves s'écroulent, comme ceux de la Perrette du pot au lait : le pot au lait en l'occurrence est un jeune homme de 23 ans, crevant de froid, pieds et poings liés, nu, au fond d'une cave obscure.
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Élie, sur les portraits mortuaires qu'a pris de lui l'identité judiciaire, semble avoir trente ans de plus. Rien n'y demeure de ce jeune homme souriant, naïf, bronzé, en tee-shirt et bermuda de vacances, figurant sur les photos publiées dans mes médias du monde entier après son assassinat. C'est le visage d'un adulte. Mais pas de n'importe quel adulte : d'un être qui, en quelques jours, a pu faire le tour de ce que d'autres mettent une vie à cerner : l'horreur humaine. Les ans ne l'ont pas marqué, mais la bassesse d'autrui. Il a passé trois semaines à l'école du mal. Ses yeux clos nous regardent. Ils nous voient sans doute mieux que grands ouverts. Ils nous radiographient
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Morgan Sportès
La littérature est une maladie. Ou peut-être un remède à une maladie.
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