Flammagories : Hommage à Nicholas Lens de
Nathalie Dau
Jan n'avait jamais montré le moindre sentiment. Pourquoi l'aurait-il fait ce jour-là ? Pourquoi aurait-il versé une larme devant le cercueil ? Il a préféré laisser couler un filet de sang.
Dès notre premier rendez-vous, j'avais été frappé par ce manque exquis d'émotions, cette froideur qui semblait le consumer et qui le rendait irrésistible, comme un athlète olympique, perpétuellement concentré, inaltérable. Quand j'étais lascivement étendu sur le lit, il regardait le plafond d'un air grave.
« Est-ce que tu m'aimes ?
— Ne dis pas de conneries, l'amour est un masque.
— Alors d'où viennent tes caresses, Jan ? Tu ne vois que ma chair ? Quand elle se flétrira, tu te trouveras un autre type ?
— Je suis avec toi parce que tu as la flamme. Et rien ne te la fera perdre. »
La flamme, l'amour, question de vocabulaire.
L'important, pour moi, c'était de vivre avec lui, de vieillir avec lui.
Il ne montrait de l'inquiétude que quand il était question de son frère, Maël. Un conflit glacé les liait, une obscure histoire de succession. Il n'aimait pas en parler, mais j'avais fini par comprendre qu'il hériterait de tout parce qu'il était l'aîné, et rien pour le petit frère, rien pour la sœur. Le sujet le tracassait d'autant plus qu'il n'avait pas choisi de naître en premier.
Puis un jour, son père est mort.
J'ai insisté pour l'accompagner aux funérailles, pour le soutenir durant cette épreuve. Il aurait préféré ne pas revoir Maël, ne pas subir le corps de son père étendu dans le cercueil ouvert, la famille défilant pour le consacrer, puis l'héritage sans partage, l'enfant gâté devant son frère et sa sœur lésés. Jan ne voulait pas que je l'accompagne, bien sûr, il riait quand je lui parlais de nos vies liées par l'ardeur de l'amour. Il prétendait que sa famille n'aimait pas les étrangers. Il affirmait que personne ne pouvait désirer assister à des funérailles, qu’il fallait posséder une nature cruelle pour souhaiter regarder son compagnon souffrir.
Chacun de ses mots me convainquait d'avantage. Je suis venu.
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