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Critiques de Olga Tokarczuk (576)
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Sur les ossements des morts

Merci pour cette belle lecture c'est simple je l'ai commencé hier à 18h et terminé à 6h30



Lecture surprenante:

Janina Doucheyko, ingénieure à la retraite, vivant esseulée dans un hameau au fin fond de la Pologne, à la frontière tchèque complètement toquée d'astrologie, obsédée par l'idée que le thème astrologique d'une personne pourrait révéler la date de la mort.



une lecture offrant d'étranges crimes amplifiée par des descriptions poétiques d'une nature rude avec l'apparition de fantômes une ambiance très singulière qui pousse à la réflexion....



Une vraie découverte intelligente et déroulante comme je les aime!
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Maison de jour, maison de nuit

Étrangeté fragmentaire que ce roman, dont le seul véritable lien est finalement, sa narratrice, et dont on ne sait, finalement aussi, que peu de choses. C’est une femme qui vient passer une partie de l’année dans une maison de la campagne polonaise, à proximité de la frontière tchèque, alors que le communisme s’est effondré il y a peu. Elle est accompagnée de R., dont on ne saura que bien peu de choses également, est elle-même une écrivaine trouvant l’inspiration en cette campagne qu’elle brosse, ses habitants, son histoire, ses évènements religieux…, tout en s’inspirant de ses propres rêves, pensées, réflexions, face à ce qu’elle voit, mais aussi face à ce qu’elle ressent, et plus encore face à ce qu’elle écrit, ou tente d’écrire.



Les fragments qui content cette Pologne, et à travers elle sa narratrice, oscillant entre onirisme poétique, merveilleux et légendes slaves, et réalisme prosaïque, banal, parfois cruel, fragments disparates et perturbants de prime abord, forment au fil des pages une toile remarquablement bien tissée, qui prend de plus en plus sens, qui entraînent le lecteur dans un tout enchanté et enchanteur.



Une découverte réussie d’Olga Tokarczuk, qui me donne envie d’en découvrir davantage très rapidement.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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Sur les ossements des morts

Olga Tokarczuk envoie son personnage Janina Doucheyko, une vieille femme solitaire, astrologue et fantasque, mener une enquête policière dans un petit hameau proche de la frontière tchèque. Une enquête qu'Agatha Christie aurait pu apprécier (voir le dénouement).

Sauf que leurs univers sont très différents, même si Janina a quelques points communs avec Miss Marple.



En dehors de ce clin d'œil, il s'agit bien davantage de créer une atmosphère, celle d'une Pologne post-communisme qui rêve de passer la frontière vers une Tchéquie plus accueillante, plus humaine, plus proche de la nature. Et c'est d'ailleurs l'une des distractions de Janina qui s'amuse de ces escapades.

Dans son hameau isolé, elle nous raconte une année, au fil des saisons, cette année d'étranges meurtres, y mêlant ses réflexions sur " l'ordre du monde " qu'elle ne comprend pas, qu'elle refuse de comprendre. Janina Doucheyko est une femme en colère, en colère contre la violence des hommes, contre les hommes qui tuent par plaisir, contre ces chasseurs qui détruisent la relation avec les animaux.

Parce que ce qui habite cette femme, outre sa passion pour l'astrologie et les traductions à de William Blake, c'est le rapport de l'homme à la nature, aux saisons, à tous les animaux (même les insectes auront leur heure de gloire en la personne de Botos, son amant entomologiste).

Enfin, et ce n'est pas la moindre des qualités, ce roman est truffé d'humour, de cet humour noir qui nous fait esquisser un sourire et éprouver pour celle qui l'exerce à son encontre et envers les habitants de son village, une énorme empathie.

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Dieu, le temps, les hommes et les anges

Avec ce roman, j’ai découvert une auteure et un monde étrange. Je me suis plongée avec délice dans ce roman onirique à mi-chemin entre le conte et le récit historique



Dans le village d’Antan – village fictif- l’auteur donne vie à de nombreux personnages. Nous sommes à la veille de la seconde guerre mondiale et les destins, le quotidien du village, vont être bouleversés. Après l’occupation allemande, il faudra subir celle des russes. Le destin, qui n’en fait qu’à sa tête, s’amuse à contrarier les désirs. Dieu se mêle à tout cela et l’histoire des huit mondes qu’il a créés s’intercale dans celle des personnages

Au gré de très courts chapitres, on navigue entre récit et conte ou fable. L’histoire s’étale sur plusieurs générations et, après avoir vu naître Misai, Ruth et Isidore, nous suivrons leur destin, ponctué de drames, de bonheurs, de naissances et de morts. Car le temps, omniprésent, règne sur ce monde, ainsi que Dieu, parfois présent, ou bien distrait ou occupé ailleurs.

Les personnages, nombreux, forment comme un puzzle qui raconte le village. J’ai été touchée par la force des personnages féminins, comme Geneviève, Misia, La Glaneuse, Ruth ou Florentine, leur destin parfois tragique avec la violence des hommes. Les esprits des morts, et les anges ne sont jamais très loin du monde des hommes et la frontière est poreuse entre la réalité bien ancrée dans la terre et la magie, le fantastique.



Ce roman est découpé en une multitude de courts chapitres, tous intitulés « Le temps de… » et qui relatent chacun un fragment de l’histoire d’un personnage

L’écriture, fluide, subtile d’Olga Tokarczuk, est un ravissement.

J’ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman.

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Le Banquet des Empouses

C'est un livre fabuleux que je viens de fermer ! Il y a plusieurs jours que je suis entrée dans un monde très étrange guidée par des Empouses, un univers sombre et humide dans les montagnes de Basse Silésie où est niché le sanatorium de Göbersdorf.

Les Empouses sont des démons femelles qui séduisent les hommes pour mieux les détruire. Elles chuchotent, elles observent le jeune Wojnicz venu soigner sa tuberculose. Élevé à la dure par son père, il n'a connu la tendresse que dans les bras de la cuisinière. Il a été trimballé de médecin en médecin afin de mettre un nom sur sa maladie...

N'ayant que de modestes moyens il loge dans une pension pour hommes et non dans une luxueuse villa pour curistes. La seule femme de la maison est Mme Opitz, l'épouse du patron. Wojnicz a à peine le temps de l'apercevoir puisqu'elle se suicide le lendemain de son arrivée.

Six hommes logent dans la pension et, à l'exception du jeune et frêle Thilo, tous expriment à haute voix des propos excessivement misogynes. Leurs débats les animent surtout après les repas où leur est servi le fameux digestif du coin fait à base de champignons hallucinogènes. Ces messieurs philosophent beaucoup citant Platon, Aristote, Aristophane...et les femmes reviennent toujours au cœur des échanges... humiliées, rabaissées.

Ici on soigne à la dure, bains froids, longues promenades. Lors de ces randonnées les curistes rencontrent des charbonniers aux

mines inquiétantes ainsi que desTuntschi, sortes de poupées végétales, allongées, sur lesquelles se vautrent les hommes en manque de femmes. Tout un programme...

Dans ce village il y a des morts naturelles, et d'autres bien mystérieuses...et des rumeurs de sorcellerie circulent.

Le texte est dense, je l'ai lu lentement comme si cet univers me retenait.

La lecture est exigeante, passionnante, envoûtante.

La fin est étonnante, magnifique !

De la même auteure j'avais lu "Sur les ossements des morts" J'avais adoré, je ne tarderai pas à lire d'autres livres d'Olga Tokarczuk.



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Sur les ossements des morts

Il y a des fois de très belle surprise avec des récits dont on a entendu parlé et pour lesquels nous n'avons du coup pas de grandes attentes en particulier.



Ce livre pour moi en fait partie, je ne suis pas certaine d'avoir précédemment lu de littérature polonaise à tort peut-être mais je suis de nature curieuse et voyant ce livre passé sur certaines chaines ou blog livresque j'ai décidé de le chercher en bibliothèque.



Encore une fois je ne prenais pas de trop grand risque vu le faible nombre page de ce récit moins de 300 pages et de suite j'ai été happé par cette histoire avec son fond mystique, astrologique etc....



Tout commence lorsque Janina Doucheyko qui vit seul au milieu de la campagne profonde polonaise découvre son voisin Grand Pied mort, elle demande de l'aide à un autre de ces voisins également à ce sujet.



Les lignes téléphoniques passant difficilement il est même très difficile de contacter la police à ce sujet et Janina va plus moins décider d'enquêter seul sur ce meurtre.



Il y a également une grand part concernant les animaux dans ce récit, entre la mésaventure de la chienne de Granpied et puis ces cerfs qui rôdent, de même que ces animaux passant à côté d'autres agonisant.



Une grande réflexion et part du récit est consacré également aux animaux, au point même que Janina va se demander si ce n'est pas la vengeance de ceux-ci qui s’exprime concernant notamment le meurtre de GrandPied qui était braconnier.



Une de mes meilleures lecture du début de cette année.





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Sur les ossements des morts

Nous sommes le 9 janvier 2023.

Le dimanche sans chasse, quelle idée courageuse !!! Et bien, oust, aujourd'hui, dégagée la belle idée !!!

Alors à tous les déçus je propose la lecture de " Sur les ossements des morts".

Janina vit seule dans un petit hameau niché dans les Carpates. Dans une autre vie elle était ingénieur des travaux publics et construisait des ponts. Maintenant elle dispense quelques cours d'anglais à l'école du village, mais surtout elle étudie toute l' influence que l'astrologie a sur les hommes et les évènements de la vie.

Un matin, son voisin est retrouvé mort, étouffé par un os de biche. Des morts suspectes vont s'enchaîner. Les victimes sont toutes des chasseurs. Des chasseurs qui aiment tuer et boire. Mais qui peut être le coupable? La police enquête et Janina a une idée : les biches ne sont jamais loin des scènes de crimes....

C'est une merveilleuse histoire avec des personnages lumineux ou répugnants et une nature rude mais aussi éblouissante.

C'est très bien écrit, le vocabulaire est riche, poétique et souvent drôle.

J'ai vécu un formidable moment de lecture.
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Récits ultimes

Olga la douce exploratrice des abymes de l'âme s'en vient ici nous en dépeindre trois: celle d'Ida la mère, qui à la faveur d'un petit accident sur la route de sa vie contemple sa décrépitude à venir dans l'oeil d'animaux malades; celle de Parka la mère, étendue comme une ancre sur sa couche aux côtés de son mari décédé, qui rembobine le film de sa vie; Maya la petite-fille, suspendue sous le soleil mordant de Malaisie entre deux escales de sa vie sans ancrage.



De ces trois récits, très voire trop indépendants es uns des autres, c'est de loin celui relatif à Parka qui m'a embarquée et dans lequel j'ai retrouvé ce ton et cet univers si particulier de cet auteur que j'adore : cette femme tirant sa force de sa vieillesse et dessinant dans la neige un "Petro est mort!" à destination des imbéciles du village d'en bas, outre qu'elle rappelle le personnage puissant de Sur les ossements des morts, contient tout le charme un peu magique de l'auteur et parle de la femme dans ce qu'elle a de plus authentique.



Pas mon préféré d'Olga Tokarczuk, mais l'occasion tout de même de belles plongées dans l'intimité profonde de trois femmes.
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Dieu, le temps, les hommes et les anges

Un livre plein de charme et de poésie qui se lit comme un conte sur l'universalité des vies humaines, avec leurs tragédies, leurs joies et le temps, maître des destinées de chacun dans la totalité du vivant.

Surprenant par la manière de narrer à l'aide du fil chronologique les histoires de trois générations en superposant la complexité des manières d'être ensemble des humains, objets, animaux, végétaux brassés dans la grande roue de tous les temps, ce récit pose un regard contemplatif sur nous et nos questionnements.

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Dieu, le temps, les hommes et les anges

Le petit village d’Antan est un village polonais comme les autres, jusqu’à ce qu’on observe de plus près ses habitants, le Mauvais Bougre, la Glaneuse, le châtelain, la femme du meunier, le Noyeur… Le temps qui rythme la vie du village ressemble au nôtre, les jours, les saisons, les naissances et les décès, les événement du XXe siècle y passent comme partout ailleurs. Les guerres en particulier. Mais la sensation du temps y est aussi fort différente d’un personnage à l’autre, d’une vie qui se termine avant d’avoir été vécue à une autre qui n’en finit pas. Tous les chapitres évoquent le temps, par leur titre, et par leur point de vue sur l’histoire du village. Ceux qui m’ont le plus parlé au début du roman, et m’ont immergée complètement dans la lecture du texte, sont « Le temps des enfants » qui montre comment une sorte de vision du monde vient progressivement aux enfants, et « Le temps du moulin à café » qui s’intéresse au temps des objets, pas aussi opposé qu’on l’imagine au temps des êtres vivants.

Ces chroniques villageoises peuvent sembler décousues et un peu déroutantes au début, mais deviennent de plus en plus captivantes au fur et à mesure des chapitres.



Dans un chapitre du roman, le châtelain Popielski se pose des questions qui, d’une manière générale sont celles posées par le temps qui défile dans les pages du roman : « D’où venons-nous ? », puis « Peut-on tout savoir ? », « Comment vivre ? », et « Où allons-nous ? » questions par lesquelles le châtelain s’approprie les origines de la philosophie et de la religion.

Grâce à une belle traduction, de celles où on sent les phrases couler, les paragraphes se saisissent de leur rythme propre, et s’enchaînent parfaitement. On ressent la tendresse de l’auteure, mêlée d’une certaine dose de malice, pour ses personnages, mais aussi envers les animaux, les plantes, la nature. Quant à la force des personnages féminins, elle participe à la fascination exercée par le texte. Je pense en particulier à Misia et Ruth.

Olga Tokarczuk a réussi à trouver une très belle alliance entre le décor et la galerie de personnages, l’arrière-plan historique, les éléments du conte, les réflexions philosophiques, sans oublier le découpage original qui aide appréhender l’histoire d’Antan dans sa continuité. J’ai préféré déguster ce roman à petites doses que le dévorer, j’ai eu l’impression que cela lui convenait mieux, et je serais curieuse de savoir si c’est le cas pour d’autres lecteurs aussi.
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Sur les ossements des morts

Attention, coup de coeur! J'ai souri, ri, tourné les pages à toute allure avec passion, et dévoré enfin ce récit qui semble loufoque au premier abord, puis peu à peu vous prend aux tripes.

Posons le sujet: un plateau isolé, un village qui l'est tout au autant, et notre narratrice, un âge certain, des opinions bien tranchées, et le prénom de Janina , qui ne lui plaît pas...et aussi un amour de l'astrologie, des animaux, et une manie bien ancrée d'exprimer son opinion, que ça plaise ou pas aux gens.

Et c'est dans ce cadre qu'un de ses voisins est retrouvé mort, étouffé par une esquille d'os...puis les cadavres s'enchaînent.

J'ai beaucoup aimé le style de cet auteur, mais aussi l'histoire, les choix de personnages, l'ambiance et la profonde humanité de Janina et de ses amis, ce refus de laisser le monde moderne, où ils sont peu adaptés, les piétiner.

A découvrir de toute urgence!
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Dieu, le temps, les hommes et les anges

Partant en voyage, j'ai abandonné en cours de lecture Les Pérégrins (trop lourd) mais je l'ai remplacé par Dieu, le temps, les hommes et les anges (moins de pages).

Et encore une fois, Olga Tokarczuk m'a envoûtée.

Le village d'Antan (imaginaire, est-il besoin de le préciser) va voir se dérouler toute l'Histoire de la Pologne au 20ème siècle, deux guerres mondiales, le régime communiste, incarnés dans le destin de plusieurs familles, et notamment des femmes.

Mais ce roman contient tellement plus ! de l'écriture magique, des contes, de la mythologie et des dialogues familiers avec Dieu, et beaucoup d'érudition ; et des légendes, et des recettes de cuisine.

Et beaucoup, beaucoup de bonheur de lecture.

Traduction de Christophe Glogowski.

Challenge Nobel

LC thématique de janvier 2023 : "Entre 200 et 500 pages"
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Jeu sur tambours et tambourins

Pour Olga Tokarczuk, les hommes sont comme des tambours. Ils ont un vide à l'intérieur. Mais c'est un vide qui permet de faire résonner une musique. Il autorise à créer, à danser, à s'élancer, à devenir n'importe qui, comme la danseuse d'une des nouvelles. Tel un miroir, le vide se transforme en masques via la fiction, en une multitude de visages possibles.



« C'est ainsi que je rêve de moi, toujours dans le miroir, toujours avec un autre visage. »



Les masques de Tokarczuk sont des individus en apparence banals (les introductions insistent souvent là-dessus) mais qui se placent résolument à la marge du réel. Ils sont souvent en transit, étrangers, voire naufragés. Donc toujours sujets à l'impermanence. Dans leur exil, ces marginaux malgré eux reconstruisent des modèles réduits du réel, pour mieux le comprendre, pour fusionner avec lui. Avec ces robinsonades d'un nouveau genre, on explore donc les îles et les hôtels comme on explore des corps à la dérive, capables de nourrir de nouvelles formes de vie. Ces mini-mondes organiques sont parfois voués à s'étendre et/ou à acquérir une forme d'autonomie qui brouille les limites entre leur espace-temps et celui de l'univers macroscopique. Une veine très borgésienne, qui s'observe en particulier dans les textes les plus anciens datés de 1985, notamment « Deus ex », nouvelle visionnaire qui anticipe Sim City, voire… Deus ex (le jeu) en mettant en scène un logiciel de simulation vidéoludique pour modéliser des mondes alternatifs. Et l'on observe en parallèle la façon dont ceux-ci prennent possession de la conscience, donc du monde que celle-ci perçoit. Ainsi Tokarczuk affirme-t-elle son ADN de conteuse ludique, adepte des jeux dans le jeu de la fiction.



L'auteur n'est jamais meilleure que dans les textes où s'affirme son goût des singularités au sens astrophysique du terme, les impulsions d'une infinité d'espace-temps alternatifs (comme dans son roman Dieu, le temps, les hommes et les anges) qui aident à regarder notre réel autrement, comme des « tambours dont le son monotone nous maintient en alerte »



C'est donc tout naturellement que la nouvelle éponyme fait converger ces thèmes dans ce qui constitue le texte le plus philosophique du recueil, très marqué par la spiritualité orientale, avec un zeste de Bruno Schulz, puisque c'est une ville entière qui s'anime, s'ébruite et se transforme à coups de tambours, chaque son étant le présage d'histoires et d'habitants nouveaux, pas encore nés.



« Les écrivains sèment l'anarchie dans les universaux, ils sont des relativistes de naissance, des expérimentateurs de la vérité, des découvreurs d'alternative ».



Mais le cheminement vers ce feu d'artifice n'est pas linéaire, loin de là. On joue même aux montagnes russes (polonaises, pardon !), car au fil de ce très long recueil, Tokarczuk égare parfois son inspiration. Ses ratés prennent des formes diverses : de maigres intrigues saturées par le bavardage poussif de couples dysfonctionnels (« le cavalier », « La répétition générale »), la fainéantise dans le traitement d'un thème déjà bien éculé (« le double fictionnel de l'auteur »), voire même le vide que l'on aurait oublié de recouvrir d'un tambour (quelques tranches de vie dont il ne me reste déjà plus rien en mémoire, pas même les titres).



Et puis il y a des entre-deux, des textes corrects mais où le tam-tam accuse quelques problèmes de rythme, les tambours de la narration se faisant alors ronron lénifiant. « Che Guevara » est une nouvelle sur les fous qui manque un peu de folie à mon goût. Et si la première nouvelle (« Ferme les yeux, tu n'es plus en vie ») ironise à bon escient sur son début interminable (via un jeu de métalepse qui rend certainement hommage à « La continuité des parcs » de Cortazar), le récit n'en présente pas moins une fin aussi abrupte que décevante, d'une grande platitude.



Dans l'ensemble, la prose demeure fluide et gracieuse, mais elle accuse aussi quelques irrégularités, notamment des abus de phrases non verbales ou de personnifications gnangnans (le soleil montant « avec courage », la neige tombant « par compassion »). C'est d'autant plus étrange que certaines nouvelles en sont particulièrement affectées tandis que d'autres pas du tout.



La démarche littéraire de Tokarczuk m'intéresse, mais la qualité inégale des résultats me pousse à me demander si elle n'écrit pas un peu trop, et surtout avec un manque de recul critique sur certaines de ses créations. À confirmer ou à infirmer avec d'autres de ses oeuvres, par exemple les Histoires bizarroïdes…
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Les livres de Jakob

Olga Tokarczuk l'hérétique dont le livre doit être brûlé nous raconte l'histoire des juifs et des non-juifs. Elle nous parle de milliers d'hommes et de femmes qui ont rejeté leur foi, le judaïsme, pour épouser -officiellement le chrisianisme-, officieusement les croyances et les préceptes d'un homme qui s'est proclamé Messie. Il est intéressant de voir la naissance, l'émergence d'une nouvelle secte, qui attire aussi bien les miséreux que les puissants qui se rendent compte du pouvoir qu'exerce un seul homme sur des milliers sinon plus. Ainsi, on découvre par exemple l'histoire d'un évêque qui prend sous sa protection les antitalmudistes, non pas pas bonté d'âme ou par souci de sauver leurs âmes (contrairement à ce qu'il dit dans ses lettres) mais parce qu'il avait emprunté de fortes sommes et donné en gage aux usuriers juifs ses insignes épiscopaux pour régler des dettes de jeu ... Et la correspondance insérée dans le roman nous révèle ainsi moult machinations, hypocristies, trahisons ... Le summum étant le procès intenté aux juifs pour le meurtre d'enfants (on les accuse de consommer le sang chrétien pour la Pessah ... Au final, nul ne sait qui tue les enfants ... Sont-ce les juifs ou au contraire ceux qui les accusent de l'avoir fait ? Olga Tokarczuk nous laisse cogiter là-dessus ce qui ne peut qu'enflammer les esprits de certains lecteurs - comme moi - qui ont du mal à accepter le fait qu'un meurtre d'enfant reste impuni ... Qu'on me donne un personnage de roman pour qu'il soit condamné ! ) En tout cas, la secte décrite par Olga Tokarczuk est tellement puissante qu'elle traverse les frontières, les hommes et les femmes traversant sans cesse les frontières avec leurs biens, pour fuir les persécutions (après avoir provoqué les persécutions des juifs) , ils traversent aussi les frontières grâce aux émissaires qui sans cesse transmettent des ordres, des doléances ... et des échanges entre certains personnages restent confidentiels (ce qui alimenterait n'importe qu'elle théorie du complot qui proclamerait cette secte responsable des grands malheurs du 18ème siècle et de ce qui s'ensuit ...) Et puis, je défie quiconque de s'enticher d'un des personnages de cette secte, de ces hommes et des femmes qui vivent du commerce d'alcool, de contrebande, d'emprunts jamais remboursés ... Qui s'enrichissent comme par magie et qui s'adonnent une fois la nuit tombée et les rideaux tirés à de drôles de rituels que je passerai sous silence.



PS : Un livre dangereux recommandé par MIVILUDES (ou pas), pour se prémunir de toutes dérives sectaires. Si un homme colérique au visage grêlé, habillé et coiffé à l'orientale, vous demande de lui prêter sa femme ou de lui envoyer vos enfants ou de lui envoyer de l'argent, méfiez-vous quand même.

(Ceci est un conseil gratuit de Lutopie. Les prochaines conseils vous seront facturés trois chèvres (car je consomme du lait de chèvre), six femmes (car je compte me constituer un cercle de femmes, c'est tendance dans les cercles féministes) et dix enfants (ne me demandez pas pourquoi).
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Sur les ossements des morts

Les livres de Tokarczuk sont des petits bijoux !

Celui-ci narre la vie d’une vieille polonaise dans une campagne reculée vers la frontière tchèque sur un fond d’intrigue policière . Toutefois l’aspect policier n’est que prétexte ( encore que le final explicatif soit digne d’une Marple ou Nestor Burma et même Poirot) pour Tokarczuk pour nous initier à sa philosophie quelque peu ésotérique et mystique mais tellement enchanteresque

Tokarczuk est une grande croyante : elle est athée Dieu merci et nous explique qu’on appartient à un tout et que la vie est précieuse

Alors évidemment quand son personnage Janina Doucheyko vieille femme fatiguée, végane vivant dans le souvenir de ses « petites filles » rencontre des chasseurs ,notables viandards en diable avec curé qui n’est pas ne reste, les choses ne se passent pas bien

Et pour cause : l’astrologie science inexacte, mais pas plus qu’une autre, et surtout mystique prédit bien que Mars divinité guerrière rôde dans « les maisons » et le temps est venu à la gente animalière, du scarabée à la biche, de se faire respecter surtout le soir à la lune noire



La vie est de partout, chaque chose a sa place, chaque vie est précieuse Il n’appartient pas à l’homme de définir ce qui est utile ou ne l’est pas d’ailleurs cette notion humaine d’utilité est ridicule





Avec Tokarczuk on apprend a relativiser et à toucher du doigt ce qui essentiel et ce qui ne l’est pas

En outre elle montre qu’il ne suffit pas de philosopher mais qu’il faut payer de sa personne et dire haut et fort ce qui ne va pas, quitte à se mettre a dos la communauté bien pensante

La vie et l’intégrité ont un prix !

Les personnages sont très « vrais » ils ont une consistance palpable

Avec cela, l'air de rien, un brin d’humour noir : parler de cadavre pourrissant en mangeant des pâtes au roquefort !

Des personnages secondaires typés et sympathiques qui ne détonnent pas avec Janina . Les autres peuvent être observés dans la vie de tous les jours surtout les poulets

On suit avec un immense plaisir le devenir de cette petite communauté d’individualistes, humanistes qui résiste contre l’entropie , celle engendrée par l’homme et on ressent un grand vide lorsqu’on referme le livre

Tokarczuk nous a ensorcelé avec son univers

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Sur les ossements des morts

Quel roman étonnant ! Charmeur, poétique, drôle, décalé, touchant, engagé, humaniste.

Cela commence comme un polar classique, avec un mort dès le premier chapitre. Un titre et une couverture au diapason. On s’attend à frissonner. Mais l’enquête n’est pas le sujet principal. L’autrice, via son attachante héroïne, la vieille Janina Doucheyko, percluse de douleurs et en proie à une certaine folie, nous entraine vers d’autres thématiques, un plaidoyer sans concession contre la chasse, la consommation de viande, l’arrogance de la supériorité humaine sur l’animal, et pour un rappel de notre petitesse dans l’univers, une perception d’une harmonie cosmique.

C’est tellement bien écrit, bien amené, avec des formules magnifiques, que l’on ne peut qu’être conquis.

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Le tendre narrateur

Lire un essai sur la littérature d'un écrivain qu'on découvre et dont on n'a jamais rien lu d'autre, ce n'est pas forcément une bonne idée et je le savais, lorsque j'ai pris ce livre mis en avant, à ma médiathèque.

Le tendre Narrateur, quel titre surprenant et attirant! Ce court recueil de trois textes, dont un écrit pour la remise du prix Nobel et l'autre à l'occasion du confinement qui a touché le monde entier en 2019, est un recueil résolument moderne tant il est ancré dans notre monde d'aujourd'hui.

Olga Tokarczuk nous parle de ce que signifie écrire pour elle, aujourd'hui, dans ce monde connecté et ouvert, cette recherche d'une vérité littéraire au-delà de ce qui existe déjà, les personnages, l'intrigue, tous les rouages d'une narration classique. Intrigant, mais il me manque bien sûr l'expérience de ce qu'elle a écrit elle, en ce sens. Lire les deux premiers textes était comme avancer dans le noir, en tâtonnant, mais cela m'a clairement donné l'envie de la lire vraiment.

Le troisième texte écrit donc pendant le confinement contient à la fois ce temps suspendu qu'on a tous pu éprouver en plein coeur du printemps, la paix qu'il a apporté aux chanceux, une certaine tranquillité d'esprit, mais aussi en germe ce qu'on appelait "le monde d'après", et dans lequel nous commençons à peine à mettre les pieds; l'avertissement d'un nouveau monde.

Une découverte intrigante d'une auteure résolument à suivre.
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Histoires bizarroïdes

Bizarroïdes ?

Olga Tokarczurk propose dans ce recueil 10 récits. De taille variable, de genres différents : conte, réaliste, fantastique, SF, dystopie, ses histoires présentent toutes une constante, le difficile rapport des êtres vivants entre eux avec très souvent la contrainte de ne pas manifester ou de gérer absolument ses sentiments, avec un doux pessimisme ambiant notamment quand il s’agit d’avenir. Etrangement la première présente une exception.



Alors, oui, elles sont toutes insolites, étranges, mystérieuses. Pourtant, l’ancrage de la 1ère m’a fait penser immédiatement à Maupassant : un voyageur dans un train raconte, la chute de la seconde m’a fait penser à un conte bien connu…

Après « Sur les ossements des morts » qui m’avait beaucoup séduit, j’ai cette fois encore aimé la plume de l’auteure dans cet autre exercice de la nouvelle. En quelques mots elle vous dresse le portrait d’un personnage, une atmosphère… En quelques mots, elle introduit un déséquilibre, un basculement dans la perception du lecteur. Et surtout, elle a le talent, très vite, de créer une attente qui sera comblée par une chute souvent bien surprenante.

J’ai été particulièrement touchée, frappée par « Les coutures » ; « Le Transfugium », « La montage de Tous-Les-Saints » ; « Le calendrier des fêtes humaines ».

Je vais poursuivre mes découvertes des récits de cette dame.

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Sur les ossements des morts

Ce livre a fleur d'émotion nous plonge dans la société polonaise d'aujourd'hui. Dans un coin perdu au cœur de collines couvertes de forêt, vivent trois personnes que l'hiver et l'isolement n'effraient pas. Mais c'est aussi le terrain de jeu des chasseurs, notables locaux qui défendent leurs privilèges.

L'héroïne (le livre est écrit à la première personne) se livre à une lutte sans succès contre les abus de toutes sortes, en particulier des chasseurs, et elle se retrouve temoin de meurtres qu'elle explique haut et fort avec de l'astrologie et des thèses un peu ésotériques de comportements animaux...

Elle passe pour une vieille folle, mais elle n'a rien à perdre, entourée de quelques amis qui la comprennent et la soutiennent.

Entre truculence et finesse, émotion et action, dans un style simple et très agréable, ce livre nous emmène au coeur d'une intrigue policière où la défense de la nature s'oppose au conservatisme uniquement guidé par l'intérêt personnel de ceux qui se partagent les pouvoirs, à l'échelle locale.

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Dieu, le temps, les hommes et les anges

Le petit village d'Antan est gardé par les quatre archanges Raphaël, Gabriel, Michel et Uriel postés aux quatre points cardinaux tandis que pour les enfants il existe une frontière imaginaire au-delà de laquelle il n'y a plus rien. Pourtant ce petit village hors du temps sera rattrapé par l'histoire et le modernisme. D'abord ce seront les occupants allemands puis russes qui imposeront leur loi, puis les voitures et les prospectus venus par voie postale amèneront le temps des hommes.



@Olga Tokarczuk nous raconte l'histoire de ce village sur plusieurs décennies à partir de 1914.

Son église avec son curé essayant en vain d'arrêter la crue de la rivière ; son château avec son châtelain Popielski, en pleine crise religieuse et existentialiste, à qui un rabbin offre un jeu très étrange qui rythmera le roman et amènera le châtelain hors de la réalité, peut-être pour son plus grand bien ? Sa forêt dans laquelle vit l'énigmatique Glaneuse et bien sûr, son moulin avec Michel le meunier, sa femme Geneviève et leurs descendants que nous suivrons au fil des ans.



Dans ce conte onirique, tout le talent de @Tokarczuk s'exprime à travers de courtes nouvelles intitulées le temps de... qui mises bout à bout forment un roman qui nous raconte le temps qui passe, le rôle de Dieu, sa non implication sur les fléaux qui jalonnent nos vies, alors elle l'égratigne, Dieu, dans ses dialogues  :



« —Réparer le monde, dis-tu. C'est très intéressant, mais irréaliste. le monde ne saurait être amélioré ni rendu pire. Il doit rester tel qu'il est.

—Mais pourtant, vous vous êtes appelés « réformateurs ».

—Ah, tu as mal compris, mon garçon. Nous n'avons pas l'intention de réformer le monde. Nous réformons Dieu. »





Et les Anges ? Elle ironise sur les Anges :



« La raison d'un ange ne ressemble pas à celle de l'homme, il ne tire pas de conclusions, ne juge pas, ne pense pas de manière logique. À certains humains un ange pourrait paraître stupide. Mais l'ange, depuis l'origine des temps, porte en lui le fruit de l'arbre de la connaissance, le savoir pur : une raison affranchie de la pensée, et , du même coup des erreurs - ainsi que de la peur qui les accompagne. Une raison libre des préjugés engendrés par la perception lacuneuse des humains. »





Cela me rappelle une citation d'un autre auteur sur les anges :





« La condition humaine, mais quelle est la condition des anges? A mi chemin entre Allahbonne et homo sapiens, ont-ils jamais douté? Oui : défiant la volonté de Dieu, un jour, ils se sont cachés sous le trône, osant poser des questions interdites, des antiquestions: Est-ce juste. Ne pourrait-on pas en discuter. La liberté, la vieille antiquête. Évidemment il les a calmés en employant ses dons de dirigeant, de Dieu. Il les a flattés : vous serez les instruments de ma volonté sur terre à propos des salutdamnations de l'homme et tout l'habituel etc. Et hop presto, fin de la revendication, on remet les auréoles et au boulot. Les anges(...)fais-en tes instruments et ils joueront ta musique à la harpe. » Salman Rushdie @



@Dieu, le temps, les hommes et les anges jette donc un regard espiègle, mais sans concession, sur la religion et particulièrement sur la catholique Pologne qui semble avoir oubliée qu'elle fut aussi, un temps, juive.



Un roman avec de nombreux niveaux de lecture mais dans lequel l'écriture lumineuse et poétique d' @Olga Torcaczuk prédomine, car c'est avant tout du plaisir que j'ai ressenti à la lecture de ces « temps » métaphoriques proposés par l'auteure.

L'humour, également très présent dans le roman, complète la copie parfaite rendue par @Olga Tokarczuk. Nul doute que le réalisme magique a encore de beaux jours devant lui avec un tel talent.



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Pioche dans ma PAL

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