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Critiques de Patrick Rambaud (433)
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Le chat botté



La Feuille Volante n° 1298



Le chat botté - Patrick Rambaud – Grasset.



Ce surnom, digne d'un conte de Perrault avait été donné à Bonaparte par une femme, Laure Permont, future épouse de son fidèle Junot dont il fera un général, à cause de ses grandes jambes maigres et bottées, un vrai chat efflanqué. Il n'était alors qu'un obscur général désargenté de 25 ans, au fort accent corse qui cherchait sa voie dans le tumulte de la Révolution, arrivait de Marseille dans une capitale qui venait de voir la chute de Robespierre. Nous étions au printemps 1795 et son ascension commençait. C'était une de ces situations surréalistes qu'on rencontre dans les périodes d’extrême tensions: le peuple de Paris affamé grondait et les muscadins fêtards que pourchassait la Convention dépensaient largement de faux assignats dans les restaurants à la mode, les agioteurs s'activaient, la violence et l'insécurité étaient partout, le pouvoir vacillait et avec lui les Institutions, l'armée. Lui dont les débuts avaient été difficiles, attendait son heure, observait les faits et les gens, apprenait, rêvait de guerre en Italie, méditait les auteurs latins qu'il affectionnait qui racontaient la vie d'hommes illustres où de simples citoyens, et parfois même des généraux, devenaient dictateurs ou empereurs… Une atmosphère insurrectionnelle terrorisait les gens, les Jacobins menaçaient de revenir, les royalistes relevaient la tête, la guerre civile s'installait, rappelant la Terreur et les exactions de Robespierre. Comme toujours en pareil cas, des noms émergent qui se perdront dans la tourmente de la révolte et d'autres comme Murat, Marmont, Junot seront favorisés par le destin ou par l'Histoire. Bonaparte attendait, réfléchissait et agissait en vrai républicain.

Ce général inconnu qui avait refusé d'aller en Vendée combattre la rébellion anti républicaine n'hésitera pas à faire feu au canon sur les royalistes de Paris à l'église Saint Roch. Pourtant, dans cette ambiance ahurissante, malgré les canons qui sèment la mort, on dîne dans les restaurants parisiens, on danse, on va au théâtre, enfin ceux qui en ont les moyens. Après le siège de Toulon où il s'était illustré victorieusement, Saint Roch est le deuxième acte de son parcours républicain, mais c'est aussi le début de la reconnaissance, de l'ascension vers le pouvoir suprême, vers la richesse. Il devient rapidement une sorte de dictateur de Paris, fait surveiller tout le monde, croise Fouché, le futur ministre de la police, rétablit l'Ordre Public si malmené pendant cette longue période de chienlit. L'aigle se sent pousser des ailes, déjà, parce qu'il faut un chef à la France et qu'il sera celui-là. Le Directoire n'a rien de bien sérieux, se trouve incapable de créer des richesses , de renflouer le Trésor, de juguler la hausse des prix, d'avoir de l'argent qui est le nerf de la guerre . Et c'est bien une guerre que ce général impétueux et ambitieux attend. Ce sera l'Italie.

Il ne lui reste qu'à tomber amoureux et à se marier, ce qu'il fait avec Rose de la Pagerie, veuve Beauharnais. Il fallait qu'il le soit parce que celle qu'il appellera désormais Joséphine n'était ni noble, ni riche, comme il le pensait, mais surtout pas vertueuse comme il aurait pu l'espérer, ce qui excite sa jalousie. Tout est en place pour que Bonaparte devienne Napoléon.

Alors qu'il était encore jeune, quelqu'un avait dit de lui qu'il fallait porter de l'attention à cet homme et ne pas oublier de le nommer à des postes importants, sans quoi il le ferait lui-même ! La suite de sa biographie a illustré cette appréciation pertinente.

L'ouvrage allie avec bonheur un travail d'historien, précis et authentique et un talent d'écrivain. Le style est fluide et facile à lire, ce qui transforme ce livre en un bon moment de lecture. Nous sommes en effet dans un roman historique qui, certes s'inscrit dans un contexte très concret mais qui laisse aussi la place à la fiction, même si, à titre personnel, je ne suis que très peu entré dans certains épisodes qui laissent la place à l'imaginaire.

Cet ouvrage, paru en 2006 fait partie, avec « La Bataille » (1997), « Il neigeait » (2000) et « l'absent » (2003) de l'épopée napoléonienne.

© Hervé Gautier – Décembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Le Maître

La Feuille Volante n° 1297



Le Maître - Patrick Rambaud – Grasset.



Tchouang-tseu est un peu un Diogène qui préfère la vie dans la solitude de la nature à celle des villes et des privilèges que sa haute naissance et son éducation de lettré lui promettaient. le poste de son père est important et sa puissance est enviée, ce fils est choisi par lui pour lui succéder, sa voie est donc toute tracée et, obéissant à la volonté paternelle, il devient Superviseur des Laques, situation lucrative qu'il aurait pu conserver toute sa vie. Quand il aurait pu mener une carrière dorée, corrompue et flagorneuse auprès de roi et de la cour ou profiter d'une situation recherchée, il préfère la vie itinérante et libre qui lui apprend davantage que ce qu'il aurait pu découvrir dans les livres et, lorsque les circonstances font de lui un mort officiel, il déclare préférer cet état à celui de vivant. Quand on lui demande ce qui est vraiment important en ce monde il répond simplement le Ciel ! Il connaît l'enseignement de Confucius mais il n'en fait pas pour autant une règle de vie inconditionnelle. Cela fait de lui un personnage marginal, individualiste, vivant volontiers à l'écart du monde, à la fois craint, respecté mais surtout connu et dont on recherche les jugements. Pourtant, adepte de l'oisiveté, une option qui en vaut bien une autre face à la brièveté de la vie, à son côté provisoire et transitoire, et amoureux de la nature, il donne sa préférence à une vie simple, pauvre et proche du peuple. Son parcours, autant que la manière dont il appréhende l'existence dans ce royaume de la Chine lui confèrent une sorte de sagesse qui lui permet de survivre face aux tyrans sanguinaires qui le peuplent et le font connaître et apprécier par sa philosophie et les conseils qu'il prodigue. Il jette en effet sur le monde qui l'entoure un regard mi-amusé mi-circonspect qui lui font exprimer des sentences parfois énigmatiques ou adopter des postures quasi suspectes qui ne sont pas sans déconcerter ceux à qui l'entourent ou à qui il les destine.



Ce roman ne manque ni d'humour ni de sobriété dans les termes. C'est une sorte de fable qui met en scène un authentique personnage hors du commun mais dont on sait peu de choses à part qu'il aurait illustré par ses écrits et sa vie la doctrine taoïste qui allie quiétude et équilibre mais aussi qu'il aurait effectivement refusé des fonctions politiques importantes, mettant ainsi en oeuvre cette philosophie. Les sentences que l'auteur met dans sa bouche sont certes des aphorismes choisis pour cette fiction mais aussi ont une valeur universelle et sont pour nous aussi une invite à la réflexion. Elles témoignent d'une observation fine et attentive des travers de l'espèce humaine dans le quotidien pour les gens du peuple, comme dans l'exercice du pouvoir pour les dirigeants. L'auteur nous présente Tchouang-tseu comme bienveillant vis à vis des gens qui le sollicitent, soucieux de remettre en cause toutes les superstitions, invitant ses disciples à la tolérance, à la tempérance, à réfléchir avant d'agir, à bousculer les habitudes et les traditions héritées du passé, usant volontiers de paraboles pour illustrer et expliquer sa pensée.



C'est peu dans l'air du temps où on met en lumière ceux qui ont réussi en évitant de mentionner tous ceux qu'ils ont écrasés pour obtenir postes et distinctions, mais, eu égard sans doute à la brièveté de la vie, j'aurais toujours un secret attachement pour ceux qui choisissent de rester dans l'ombre.

J'ai lu avec plaisir les romans historiques de Patrick Rambaud qui ici change de registre. Cela m'a un peu surpris mais pas moins intéressé, autant par la mise en lumière de ce personnage que par la qualité de son enseignement et de son exemple. le style d'écriture aussi a retenu mon attention, simple mais attachant.



© Hervé Gautier – Novembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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L'Absent



La Feuille Volante n° 1296



L'absent– Patrick Rambaud – Grasset.



Nous sommes en 1814, c'est la fin de l'Empire, les alliés de la coalition sont dans Paris et les Parisiens sont partagés entre la fidélité à Napoléon et la trahison. Talleyrand n'est pas en reste qui selon son habitude conspire, trompe son monde, trahit et assure son propre avenir. Face à une armée qui se débande et des hommes qui désertent, l'Empereur envisage une dernière tentative autour des officiers qui sont restés loyaux, face aux royalistes qui relèvent la tête et espèrent l'avènement de Louis XVIII, tergiverse puis finalement abdique. Il part pour l'île d'Elbe à travers une France qui, suivant les régions, l'acclame ou le rejette. Lui qui voulait soumettre l'Europe entière se retrouve à administrer et développer une simple sous-préfecture dépendant de Livourne, ce qu'il fait d'ailleurs avec efficacité et talent, réveillant une île qui dormait depuis des années. Tel est cet épisode qui caractérise la fin d'un règne.



Comme il en a l'habitude, Patrick Rambaud procède par petits détails. Ici, il choisit notamment de gommer l'aura de Bonaparte au pont d'Arcole que, quelques années plus tard, le peintre Jean-Antoine Gros représenta pour la postérité comme un entraîneur d'hommes. En effet il remet à l'honneur Pierre Augereau, simple soldat devenu maréchal d'Empire et vrai héro de cet événement guerrier à la place de Napoléon, tombé dans un fossé avant ce fameux pont (p.157) et qui se couvrit de gloire par la suite. Dans une note à la fin du roman, il apporte d'ailleurs quelques précisions bien utiles sur les personnages de cette époque , sur la vie dans l’île et le débarquement de l'ex-Empereur à Golfe Juan, ce qui témoigne de son travail d'historien. Il prête aux personnages de cette fiction historique des propos qu'ils auraient pu tenir lors de cet épisode qui a précédé les « Cents jours » et Waterloo.



Napoléon qui était parti de rien, que les événements avaient servi, et qui s'en était également servi, avait eu des succès en tous genres, la notoriété, la richesse, le pouvoir et maintenant il n'était plus rien, rien qu'un homme déjà malade, contraint de quitter son pays à bord d'un navire anglais, en se cachant de peur d'être assassiné. En outre il devait faire face à la trahison de ceux qui lui devaient tout et qui maintenant, par opportunisme ou par peur, se retournaient contre lui et menaçaient sa vie. Quand il arriva à l'île d'Elbe il reçut un accueil digne d'un «  sous-préfet aux champs » de la part d'une population flagorneuse qui l'ovationna mais qui, avant son arrivée, demandait sa tête et l'aurait bien vu pendu. Pour quelqu'un qui se targuait de connaître les hommes, la leçon était bonne ! Il rencontrait ici la versatilité de l'espèce humaine autant qu'un revirement de son destin personnel.



La France n'a sans doute jamais été aussi grande que sous l'Empire mais je retiens aussi que Napoléon, fin stratège et grand chef militaire, a souvent, quand cela allait mal pour lui et sous un prétexte souvent étranger, abandonné ses hommes, ce qui est indigne d'un vrai chef. Je reste quand même très étonné que ses soldats l'aient suivi dans toutes les guerres qui émaillèrent l'Empire.



C'est le quatrième volet de la saga napoléonienne consacrée par Patrick Rambaud à cette période de déclin de l'Empire commencé à la bataille d'Essling (« La Bataille ») et l’hécatombe de la campagne de Russie (« Il neigeait »).[Le premier « Le chat botté » -publié plus tard- évoque l’ascension de Bonaparte] Ici, l'ardeur des combats et le froid ont laissé place à la moiteur et au calme de l’île d'Elbe et ce malgré la préparation des « Cent Jours » et les différents projets d' assassinats déjoués. Encore une fois, mais d'une manière différente et pacifique, l'ex-Empereur devenu roitelet d'un caillou perdu en Méditerranée, réussit à s'imposer à la population locale en qualité d'administrateur.



Le style est précis, simple, agréable à lire. J'ai passé un bon moment de lecture avec ce livre. J'aime en effet le roman historique surtout quand il a l'avantage, comme c'est le cas ici, d'évoquer certes une grande figure de l'Histoire mais aussi d'en noter les petits travers.



© Hervé Gautier – Novembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]



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La Bataille



La Feuille Volante n° 1292



La bataille – Patrick Rambaud – Grasset. Prix Goncourt 1997 – Grand prix de l’Académie Française.



Ce roman historique, Balzac en avait rêvé sans pour autant en venir à bout.



Nul n'est resté indifférent au personnage de Napoléon, son génie de militaire et d'organisateur, son charisme, l'admiration qu'il inspirait à ses soldats, ses ambitions bien souvent contestables, ses failles… Il a certes été un excellent stratège, ce qui lui valut un destin hors du commun, mais son étoile guerrière n'a pas pâlit seulement à Waterloo. Nous sommes en mai 1809 dans la banlieue de Vienne, à Essling et l'armée de l'Empereur est face aux Autrichiens. Si ça n'a pas une défaite pour Napoléon, ça n'a pas été une victoire non plus, avec de lourdes pertes françaises, dont la mort du maréchal Lannes, et les désertions et les suicides dans son armée autant que les troubles en France annoncent déjà la fin de l'Empire.



Patrick Rambaud nous donne à voir, avec force détails le quotidien de cette armée en campagne, les vols, les viols, les pillages, la mort qui rode et les doutes qui commencent à pointer sous l'apparente excitation des combats et la gloire militaire de la Grande Armée. Il nous révèle les mouvements de troupes, les actes de bravoures des maréchaux combattant à la tête de leurs hommes dans des engagements meurtriers, les détails techniques des uniformes et des armes dans les deux camps, ce qui témoigne du côté documentaire de cet ouvrage. Son roman est plein du fracas des préparatifs de cet affrontement, du bruit des sabres et des charges meurtrières, du fracas des canonnades, du hennissements des chevaux qui, vivants participent aux combats et morts servent à améliorer le maigre ordinaire de la troupe, des charges des maréchaux aux uniformes brodés d'or et les soldats souvent en guenilles, de la mitraille, de la faim qui assaille les hommes, de la construction des fragiles ponts de bateaux face à la crue du Danube et des coups de boutoir des Autrichiens, des morts, officiers ou simples soldats, des amputations des blessés, une bataille de deux jours et de deux nuits...La troupe est toujours fidèle à l'Empereur, mais on sent néanmoins que la lassitude gagne les soldats et les officiers qui en ont assez le guerroyer loin de chez eux. Napoléon au contraire, confiant en sa bonne étoile, est toujours aussi autoritaire. Pourtant il ne s'est jamais vraiment relevé du désastre récent de la guerre d'Espagne. Il est certes toujours un fin stratège et un manœuvrier visionnaire au cœur même des combats mais l'auteur nous le révèle colérique, injuste pour ses hommes de qui il n'attendait qu'une obéissance servile, n'hésitant pas à opposer les maréchaux entre eux pour mieux les dominer, gourmand de parmesan, quelque peu négligé parfois et aussi superstitieux. Il nous laisse même deviner le son de sa voix à travers des expressions puisées dans un dialecte italo-corse. Charles Meynier aura beau peindre quelques années plus tard un Empereur vainqueur au milieu de ses soldats blessés, on sent déjà une ambiance de fin de règne dont ce roman témoigne. Même la victoire de Wagram quelques semaines plus tard aura un goût amer



Au cours de ce roman le lecteur rencontrera Henry Beyle, pourvoyeur de vivres pour l'armée qui ne s'appelle pas encore Stendhal et le compositeur Haydn ; Comme nous sommes dans un roman, il y a un côté romantique : des hommes sont engagés dans la guerre et peuvent mourir à tout moment mais gardent une pensée pour une femme restée loin d'eux. Ce sont de simples soldats, des paysans arrachés à la terre par la conscription mais qui songent à revenir chez eux pour les moissons et regrettent leur pays. Il y a des rivalités d'amoureux d'autant plus dérisoires que la mort rôde…



C'est un ouvrage fort agréable à lire, écrit dans un style fluide.



Il y a certes un petit croquis indiquant sommairement les lieux de cette bataille mais il me semble que, s'agissant d'un texte traitant de cet engagement important pour l'Empire, une carte plus détaillée aurait sans doute été préférable.



© Hervé Gautier – Novembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Quand Dieu apprenait le dessin

Très bon thriller du moyen age sur la montée en puissance de Venise. Une dose de données historiques, une dose d'aventure, quelques pincées d'humour noir, des descriptions crues de la vie quotidienne. On en reprendrait bien une part.
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La Bataille

Regards de frontières se toisant et se défiant.

L'un se persuadant de sa force de frappe, tandis que l'autre, par sa tempérance saura rester maître de ses territoires.



Débauches de stratégies, inefficacités de raisons feront plonger le maître de guerre de ce siècle.



Parcours à découvrir au travers de ces pages de conquêtes et de désillusions où les plus grands se découvrent dans leurs plus simples apparats, ceux d'hommes ordinaires, veules et opportunistes.
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Quand Dieu apprenait le dessin



La Feuille Volante n° 1282

Quand Dieu apprenait le dessin - Patrick Rambaud – Bernard Grasset.



Au Moyen-Age, Venise est déjà une puissance maritime, commerciale et politique qui s'affirme face au pape et à l'empereur d'Occident. Pourtant le duché est gouverné par Justinien, un doge vieillissant dont la vie est menacée. Il lui faut donc affirmer sa puissance par le rapatriement de la momie de l'évangéliste Saint Marc qui aurait jadis séjourné sur la lagune avant de terminer ses jours comme évêque d'Alexandrie où il est enterré. Mais Alexandrie est aux mains des Ottomans et selon la légende, le doge charge de cette mission deux marchands vénitiens rusés, voyageurs aguerris et tribuns, c'est à dire proches du doge, Rustico da Torcello et Buono da Malamocco qui s'en acquitteront avec succès et d'une manière rocambolesque, face à un Islam tout puissant qui menaçait la dépouille de profanation. Ils n'en tireront cependant aucune gloire et on oubliera jusqu'à leur nom .

Avec ce texte, l'auteur nous transporte dans un temps où les cités médiévales dominées par le pouvoir de l’Église, tiraient leur prestige de la possession de saintes reliques et Venise n'échappait pas à cette tradition, ne serait-ce que pour concurrencer Rome et le tombeau de Saint Pierre. Peu importe d'ailleurs l’authenticité de ces restes qui, à cette époque, faisaient l'objet non seulement d'une vénération un peu surréaliste mais surtout d'un négoce florissant. Nous sommes dans un Moyen-Age boursouflé d'obscurantisme et de superstition , gouverné par des prélats et des prêtres ignares, manipulateurs et dogmatiques qui ne juraient que par un dieu lointain, oublieux du message de l’Évangile dont ils étaient pourtant porteurs et exécutaient leurs semblables au moyen de ridicules ordalies. On se prosternait devant n'importe quoi pourvu que cela soit censé avoir appartenu à un saint ou mieux au Christ lui-même. Quant aux miracles qui leur sont attribués l’imagination était sans borne. Il n'y a que la foi qui sauve !

Si la dépouille du saint apôtre était effectivement en pays musulman, elle était entre les mains de l'église copte, donc concurrente des catholiques. Pour légitimer ce voyage on a un peu maquillé la réalité, les communautés chrétienne et musulmane vivant en bonne intelligence, ce qui est peut-être un signe de tolérance mais assurément la marque d'un autre monde, une autre culture où le commerce fait aussi sa loi avec palabres et profits, esclaves contre denrées. Pourtant, les religieux locaux s'avèrent tout aussi vénales que leurs collègues occidentaux, tout aussi hypocrites aussi, les miracles supposés ainsi que les dons des pèlerins étant une ressource importante de cette communauté..

Il y a une dimension épique dans ce récit qui prête vie à ces marchands intrépides, rusés et avides d'argent qui parcouraient l'Europe et l'Asie pour faire fortune en risquant leur vie. Sur des routes peu sûres du nord ils croisaient des brigands, des loups, des moines paillards et des religieuses lubriques protégés par la religion, l'hypocrisie et leur robe de bure. L'auteur s'approprie avec bonheur cette légende, adjoint à Rustico les services de Thodoalt, un aventurier pragmatique et instruit, un peu moine un peu médecin devenu son mentor. C'est l'occasion pour l'auteur de promener son lecteur dans cette cité médiévale vénète, d'en retracer l'histoire difficile et mouvementée, un duché florissant où le commerce prend la place des combats et où la paix doit être préservée parce qu'elle favorise le négoce quand tant d'autres villes s’appauvrissent dans la guerre.

Le dépaysement dans le temps comme dans l'espace est prenant dans cette fiction. L'auteur,balade son lecteur des brumes du nord de l'Europe à la touffeur d'Alexandrie en passant par les canaux humides de Venise. Par son style et la façon ironique et originale qu'il a de conter cette histoire autant que par la qualité et la précision de sa documentation historique et anecdotique, il fait revivre une époque méconnue et un peu oubliée, s'approprie l 'attention de son lecteur jusqu'à la fin et instille des remarques pertinentes sur les religions, l'hypocrisie, la superstition, les interdits, les batailles et les morts qu'elles suscitent.

J'ai lu ce roman avec délectation, pratiquement sans désemparer, et j'ai particulièrement apprécié la dédicace, notamment à tous ces anonymes vénitiens contemporains

© Hervé Gautier – Octobre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Quand Dieu apprenait le dessin

Un roman jubilatoire qui met en scène des personnages truculents au temps de la jeunesse de Venise. Que du plaisir de lecture !
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Les aventures de Mai

Roman qui nous permet de tout savoir sur mai 68. Ce qui est intéressant, c'est que l'auteur nous permet d'avoir le point de vue des politiciens (De Gaulle et sa suite), des policiers, des familles bourgeoises et de leurs enfants étudiants révoltés et des ouvriers.

On comprend bien comment tous les événements se sont enchaînés et c'est aussi le reflet d'une époque. Je ne peux m'empêcher de penser à mon père par exemple... . Par contre, c'est presque plus un documentaire qu'un roman. Pour ce qui concerne l'intrigue romanesque, j'ai lu mieux de Patrick Rambaud.

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La Bataille

Comme Fabrice à Waterloo dans la Chartreuse, je me demande si ce que j'ai lu, est-ce une bataille ? et si oui, est-ce une victoire ou une défaite ? Comme le héros de Stendhal, cette lecture refuse l'épopée grandiose et poétique à la Victor Hugo dans "l'Expiation" des Châtiments, ou dans les Misérables.



Non, ici, on est au plus près des soldats, à la manière de l'histoire-bataille défendue par un courant historiographique. Donc rien ne manque, des bourgeois de Vienne observant le spectacle à la lorgnette au tas de jambes sciées, du verre de Chambertin de Napoléon au bouillon à la tête de cheval assaisonné de poudre des mourants. C'est donc un roman incarné, peuplé à la fois de lâches et de héros, de courtisans serviles et prêts à trahir, comme de paysans effrayés.

Tel un réalisateur de cinéma ou un joueur d'échecs surplombant son plateau, l'auteur joue habilement sur les cadrages et les échelles, pour passer du plan d'ensemble donnant une vision stratégique à l'effet de zoom où le pion / le soldat ne comprend rien des événements.

Le dernier chapitre "après l'hécatombe" est glaçant : avec l'entrée dans l'ère des guerres modernes, cette boucherie n'a servi à rien, les positions n'ont pas bougé, 40 000 morts hantent le champ de bataille qui en annonce un autre, à quelques kilomètres, dans quelques semaines.
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Quand Dieu apprenait le dessin

Le dernier livre de Rambaud n'a pas le souffle de ses épopées napoléoniennes que nous avions tant aimées. On pourra aussi lui reprocher d'avoir pondu un hybride, empruntant ici au style des contes historico-artisitiques d'un Dominique Fernandez et là, à la démonstration orientaliste d'un Mathias Énard. L'érudition ne suffit pas. Mal assimilée, elle finit en d'interminables citations de lieux, de personnes... et cela peut lasser. Le livre se lit bien pourtant. C'est quand il mêle vérité historique et décalage contemporain que Rimbaud excelle, quand les clins d'oeil de l'histoire, absurdes ou grotesques, nourrissent son propos. On se régale, on le suit volontiers à travers la lagune, jusque sur la mer méditerranée et dans les faubourgs d'Alexandrie. Je peux me tromper mais j'avance ceci : je ne suis pas certain que l'Orient soit le terrain de jeu préféré de l'Académicien. Pour une raison simple : l'ironie et le sarcasme sont mal compris sous des terres moins sensibles au tempérament gaulois.
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L'Absent

L'île d'Elbe. Pauline, Marie Waleska, Marie-Louise, Josephine, l'importance donnée aux femmes qui jalonnèrent la vie de Napoléon est bien présente dans ce roman.

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Bérézina, tome 3 :  La neige

Il fait -25°C, il neige, il gèle. Les cosaques harcèlent les troupes de Napoléon qui sont déjà frigorifiées et affamées.



Ce troisième tome voit les conditions de la retraite se dégrader. L'immense gâchis de la campagne de Russie se révèle dans toute son horreur dans la fin de cette adaptation du roman de Patrick Rambaud.

Le froid, la faim, les épidémies et les attaques russes multiplient les blessés et les morts. Les visages s'émacient, les caractères tendent vers le pire : oublié solidarité, oublié l'entraide, oublié...

Le ton y est. Le dessin aussi.

Une BD historique qui nous raconte l'échec de la conquête de la Russie, le plus grand échec de Napoléon. ce que l'on appellera désormais : La Bérézina.
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Le Maître

J'avais fait une première tentative de la lecture de ce roman, que j'avais rapidement abandonné, puis m'y suis remise faute de livre sur la plage. Dans les deux cas, je n'ai pas trouvé ce roman très passionnant. Je ne m'attendais pas à cela, et bien qu'il ne m'est pas été passionnant j'ai finalement lu assez rapidement la vie de Tchouang aux travers les ages, ces réflexions, ces paysages.
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Quand Dieu apprenait le dessin

Oyez, bonnes gens, le récit d’une expédition

« branquignole et fondatrice » ! Ainsi l’auteur qualifie-t-il savoureusement cette histoire qui ne manquera certes ni de sel ni d’épices diverses !

Émergeant de la lagune depuis le VIème siècle, Venise a prospéré mais parviendra-t-elle à préserver son indépendance commerciale ? Loin de chercher à imposer une direction politique quelconque, c’est là, en effet, l’objectif de la cité. Toutefois elle se heurte au pouvoir grandissant de Rome, fondé sur l’éminente relique de saint Pierre. Venise pourra-t-elle dès lors garder son autonomie, elle qui rêve de fonder une « République de mille ans » ? Comment créer un équilibre, sinon en se dotant d’un symbole aussi puissant ?

En janvier 828, prétextant un ancien séjour de l’évangéliste Marc dans ses lagunes, le doge du Rialto dépêche ses deux meilleurs tribuns à Alexandrie afin de s’emparer « par tous les moyens » de l’illustre relique actuellement aux mains des prêtres coptes.

Sous couvert d’échanges commerciaux, les Vénitiens s’engagent dans un voyage périlleux. La traversée des contrées du nord promet son lot de misère et de barbarie. Le sud est prospère et éclairé (la route de la soie apporte richesses et ouverture) … mais jusqu’à quand ?

Aucun de ces deux modes de vie ne convenant aux Vénitiens, ceux-ci décident de créer une civilisation intermédiaire, négociant tout autant avec les uns et les autres.

Réjouissant mélange de données historiques, de créations rocambolesques et de propos impertinents, le récit de Patrick Rambaud séduit un lecteur qui découvre une époque marquée, parfois simultanément, par la barbarie, le raffinement et une bonne dose de folie !
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Quand Dieu apprenait le dessin

La genèse de Venise...
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La Bataille



Je lis peu de romans primés et celui-ci en est une preuve car il m’a été offert après qu'il ait eu le prix Goncourt et quand on sait que ce fut en 1997, on imagine bien depuis combien d'années il traine dans ma bibliothèque.

Il faut dire que le sujet ne me passionnait pas plus que ça à la base et il a donc fallu une raison bien précise pour que je le sorte de cette PAL dans laquelle il prenait très allégrement la poussière.

Encore une fois c'est le Challenge défi qui a permis cette sortie. En effet j'avais besoin de lire un roman qui a été transposé en bande dessinée et c’est le cas de celui-ci.



Autant le dire de suite, ce livre est un vrai flop pour moi.

Il est certes très bien écrit, c'est de la belle prose mais comme je ne suis pas fan du tout du personnage Napoléon, il faut pour que cela puisse m'intéresser que l'histoire soit vraiment passionnante.

Or ici cette guerre et cette bataille soit particulièrement ennuyeuses et racontées sans vraiment pouvoir accrocher l'attention du lecteur.

C'est long à se mettre en place et même après ça ne décolle pas d'où mon ennui.

La seule chose que je retiendrai de cette lecture c'est l'apparition d'Henri Beyle qui deviendra plus tard le célèbre auteur Stendhal.



Voilà un flop de plus pour moi mais comme il a obtenu le Goncourt, je suppose qu'il a eu un immense succès ensuite donc si vous aimez les histoires de guerre, si vous êtes fan de Napoléon, n'hésitez pas à le lire, vous aimerez surement plus que moi.

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Tombeau de Nicolas Ier, avènement de François IV

Patrick Rambaud nous décrit la fin du règne de Nicolas SARKOZY et les élections qui mèneront François HOLLANDE à la victoire sous une plume acérée et drôle. Affublés de titre de noblesse, les hommes politiques sont dévoilés dans leur jeu de dupe. On se remémore tous les coups bas, les mensonges, les trahisons, les coups montés, les ambitions déchues de nos dirigeants, les révélant sous leur vrais visage.
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Quand Dieu apprenait le dessin

Dans notre médiathèque, et à notre club, les romans historiques ont toujours beaucoup de succès, je pense que la moyenne d’âge doit-y être pour quelque chose. Je ne suis pas une fan absolue du genre, non pas que je sois plus jeune que les autres, mais souvent je trouve que les romans historiques sont trop didactiques et ne m’embarquent pas toujours dans la petite histoire à force de vouloir servir la grande (Histoire). Pour ce roman, on doit d’abord remarquer que Patrick Rambaud est un excellent écrivain, on sent son plaisir à nous raconter cette épopée et je suis partie avec lui sur la terre de tous les dangers : brigands, barbares, comme sur la mer de l’Adriatique sur laquelle régnaient de terribles pirates . Les riches marchands de Venise, ne veulent plus dépendre de Rome et en 823, ils embarquent pour Alexandrie, voler la relique de Saint Marc afin d’asseoir leur autorité face aux papes. Parce que c’est à ce détail que se joue l’autorité d’un lieu , l’importance de la relique qui la protège.



Le Vatican possède et vénère le corps de Saint Pierre, Venise aura celui de Saint Marc. On sent que l’auteur s’amuse beaucoup (et nous avec lui !) avec ces histoires de reliques, nous suivrons donc le coude de Werentrude qui a été remplacé par un fémur de cochon.., nous apprendrons qu’une église possède le nombril du Christ – il a dû l’oublier avant de monter au ciel ! Les marchands doivent d’abord se rendre à Mayence pour faire le plein d’esclaves, puis se confronter aux luttes de pouvoir à Venise et enfin partir à Alexandrie et revenir. Inutile que je vous raconte la fin, nous la connaissons tous puisque de Venise nous connaissons la place Saint Marc, nos marchands ont donc réussi leur mission : ils ont ramené le corps de l’évangéliste sur leur bateau. Venise pourra donc se développer sans autre tutelle que les doges vénitiens.
Lien : http://luocine.fr/?p=9513
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Chronique d'une fin de règne

Patrick Rambaud, avec tout son talent et son humour, nous propose une vision hilarante de la fin du quinquénat de François Hollande.



Les surnoms donnés à nos hommes politiques sont hilarants : le duc d'Evry pour Manuel Valls, Nicolas le Flambard pour Sarkozy, par Hollande.



C'est plein de coups fourrés, de trahisons...



Une lecture plaisante.



Pour une fois que nous pouvons rire de notre personnel politique...profitons en !!!
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