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Citations de Paul Celan (384)


Ô petite racine d'un rêve

O petite racine d'un rêve
tu me tiens ici
miné par le sang,
n'est plus visible de personne,
propriété de la mort.

Courber un visage
qu'il y ait de la parole, de la terre,
d'ardeur, de
des choses avec des yeux, même
ici, où tu me lis aveugle,

même
ici,
où tu
réfute moi,
à la lettre.
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Ténèbres (« Finsternis »)

Les urnes du silence sont vides

Dans les branches
S’accumule, noire,
La chaleur lourde des chants muets

Les pals des heures
Tâtent, insensibles, un temps étranger

(…)

L’est est en fumée après cette nuit
Seule la Mort [das Sterben, avec ce S en forme de rune]
Jaillit.

(Ruth Kraft suggère le printemps 1941, je dirais plutôt l’été 1941, après l’arrivée des Einsatzgruppen à Czernowitz).
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L’heure des spectres (« Die Geisterstunde »)

Silence haletant. Le vent du sud se donne-t-il tant de souci ?
Viens, œillet, tu es ma couronne. Viens, la vie, fleuris.

Qui est dans le miroir ? Qui déambule ? Laisse la malice.
Qui écoute ton silence, qui voit comme tu es lisse ?

(…)

Tout pousse. Dans la maison illuminée volent des éclats.
Ils éventent nos âmes en chantant tout bas.

1941
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Nocturne (« Notturno »)

Ne dors pas, reste vigilant.
Les peupliers chantant au pas cadencé,
Viennent avec le peuple guerrier.
Tous les étangs sont remplis de ton sang.

(…)

Le monde est une bête en travail, pelée,
Qui dans le clair de lune s’est faufilée,
C’est le nom de Dieu qu’elle hurle, il me semble,
De froid et d’épouvante je tremble.

1941
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Murmure des morts (« Gemurmel der Toten »)
Pour Tanja

Les cavités de nos yeux sont claires,
Illuminées par les coléoptères.
Avec de l’argile, les cheveux en broussailles,
Nous construisons le monde, vaille que vaille.
(…)
Le bourreau avec son crochet
Décapite nos ombres dans le donjon.
Valets, ayez pitié, valets…
Pitié, ô, dragon.

Czernowitz, juillet 1941
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Le macchabée (« Der Tote »)

Son regard est fouetté par les astres
Leur épine est-elle cause de son désastre ?

Au point qu’il les empoigne, les pissenlits
Et que son cœur, à tous vents il l’aiguise,

Où les fourrés le retiennent et le chassent,
Et où la nuit vient se joindre au cadavre ?
(…)

Date inconnue. Ruth Kraft propose 1940. Je pense plutôt 1941.
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Solstice (« Sonnenwende »)

Toute bleue, la nuit fleurit : pour qui ? pour qui ?
À l’est, que verrons-nous donc, ici ?
La haie avec sa couronne d’incandescence
A imposé aux armes d’entrer en danse.

La fille à qui j’ai ordonné de s’endormir
De son grand cœur s’en va férir.
La lune – qui l’a décapitée ? – observe, blême,
Comment mon âme puise à la fontaine.

(…)

À toi, là-bas, sous le menton je dessine
La blessure que je suis moi-même.
Si ma cendre ressemble à la tienne,
Ton Vrai Empire sera peut-être en gésine.


1941
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Ton éclat, ton éclat
Jamais, jamais ne s’approchera…

Ton silence, ton silence
Ruisselle des branches.

Si bien que des corbeaux, des corneilles
S’étonnent et surveillent.

Alors, en hâte, sans alarme,
Saisiront au vol des larmes.

(…)

Date inconnue. Ruth Kraft propose 1940.
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Le marchand de sable (« Der Sandmann »)

Silence : je viens comme le vent de la nuit
Vient quand il pleut des averses
Avec des pas très doux, sans bruit,
Vous amener dans le monde des rêves.

(…)

Êtes-vous, dans la journée, si solitaires ?
Ne vais-je pas revenir, revenir ?
Je sème le sommeil dans vos paupières…
Aucun souci ne pourra nous unir…

(….)

Si vous avez le vertige, je viens comme le vent de la nuit
Vient, quand il pleut des giboulées,
Avec des pas très doux, sans un bruit,
Vous ramener chez vous, sans vous importuner.

Date inconnue. Ruth Kraft propose 1940.
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Retour (« Heimkehr »)

Qu’aucune
Voix dissimulée ne soit
Découverte.
Aucune.
Comment la vie, sinon,
Serait-elle agrandie devant moi
Et transfigurée ?
Pour les amis

– À la maison il n’y en aura aucun –
Un regard est déjà
Suffisant
Et pour la mère
Le signe qu’enverront peut-être mes asters. –

(…)

1939, à son retour de Tours à Czernowitz
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Dans le parc (« Im Park »)

La nuit. Et tout est là :
Le lac, les arbres, la barque ;
Les cercles dans l’eau…

Blanche
Une lueur traverse la prairie :
Une jeune fille
Qui se dépêche.

L’unique cygne passe.

(…)

Tours, jardin des Prébendes, 6 juin 1939
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Souhait (« Wunsch »)

Des racines se tordent :
Là-dessous
Il y a peut-être une taupe...
Ou un gnome…
Ou seulement du limon
Et un filet d’eau argenté…

Il vaudrait mieux
Que ce fût du sang.

Grammont (Belgique), le 7 mai 1939
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Paysage (« Landschaft »)

Il y a un tronc de bouleau tortu :
Craie blanche tordue.
A gauche trois nuages. Une crête.
Et la lande, la lande, qui ne s’arrête.

Puis une forêt, une forêt de pins, soudain.
Des blancs bouleaux. Et de nouveau des pins.
Tout là-haut des corbeaux. Ne vont-ils pas
Ecouter les étoiles approcher pas à pas ?

(…)

1938, (Allemagne du nord, sur la route de la France ? Ou peut-être commencé dans le train, entre la Bucovine et la Galicie)
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Plainte (« Klage »)

(...)

Et comme ton souffle serait resté lumineux...
Et maintenant tu joues un jeu sourd, silencieux...
Oh, comme nos rêves sont partis en fumée !
Enfant, comment est tombée ton errance ! Tombée, brisée...

1938
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Même la solitude (« Auch das Alleinsein »)

Même la solitude ne suffit pas pour des pleurs
Puisque mille feuilles viennent vers toi pour, calmement,
Démêler leur douce nostalgie, ruisselante dans la torpeur…

(…)

Des papillons de nuit ont mis des trains de verre
En branle, les confiant à la fatalité,

Qui ne connaissait ni cruches de cendre, ni tessons de bouteilles. (…)


1938
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Un jour que je lui parlais de mes tentatives de traduire quelques poèmes d'Annette von Droste-Hülshoff, Celan me dit : " laissez tomber les rimes, mais tâchez de garder le...de son langage" - et il frotta son pouce contre son index et son majeur réunis.Toute l'ambition des versions françaises qui suivent est d'être parvenu à suivre ce conseil pour sa propre poésie.
John E. Jackson, Introduction.
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FUGUE DE MORT

Lait noir du petit jour nous le buvons le soir
nous le buvons midi et matin nous le buvons la nuit
nous buvons et buvons
nous creusons une tombe dans les airs on y couche à son aise
Un homme habite la maison qui joue avec les serpents qui écrit
qui écrit quand il fait sombre sur l’Allemagne tes cheveux d’or Margarete
il écrit cela et va à sa porte et les étoiles fulminent il siffle pour appeler ses chiens
il siffle pour rappeler ses Juifs et fait creuser une tombe dans la terre
il nous ordonne jouez maintenant qu’on y danse

Lait noir du petit jour nous te buvons la nuit
nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
Un homme habite la maison qui joue avec les serpents qui écrit
qui écrit quand il fait sombre sur l’Allemagne tes cheveux d’or Margarete
Tes cheveux de cendre Sulamith nous creusons une tombe dans les airs on y couche à son aise
Il crie creusez plus profond la terre vous les uns et les autres chantez et jouez
il saisit le fer à sa ceinture il le brandit ses yeux sont bleus
creusez plus profond les bêches vous les uns et les autres jouez encore qu’on y danse

Lait noir du petit jour nous te buvons la nuit
nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux de cendre Sulamith il joue avec les serpents

Il crie jouez la mort plus doucement la mort est un maître d’Allemagne
il crie plus sombre les accents des violons et vous montez comme fumée dans les airs
et vous avez une tombe dans les nuages on y couche à son aise
Lait noir du petit jour nous te buvons la nuit
nous te buvons midi la mort est un maître d’Allemagne
nous te buvons soir et matin nous buvons et buvons
la mort est un maître d’Allemagne ses yeux sont bleus
il te touche avec une balle de plomb il te touche avec précision
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete
il lâche ses chiens sur nous et nous offre une tombe dans les airs
il joue avec les serpents il rêve la mort est un maître d’Allemagne

tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux de cendre Sulamith

Bucarest, 1945.
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Rends-moi amer,
Compte-moi parmi les amandes.
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[VON SCHWELLE ZU SCHWELLE] DIE HALDE

Neben mir lebst du, gleich mir:
Als ein Stein
In der eingesunkenen Wange der Nacht.
O diese Halde, Geliebte,
wo wir pausenlos rollen,
wir Steine,
von Rinnsal zu Rinnsal.
Runder von Mal zu Mal.
Ähnlicher. Fremder.
O dieses trunkenen Aug,
das hier umherirrt wie wir
und uns zuweilen
staunend in eins schaut.


[DE SEUIL EN SEUIL] LA PENTE

Tu vis à côté de moi, pareille à moi:
pierre
dans la joue effondrée de la nuit.
O cette pente, mon aimée,
où nous roulons sans faire de pauses,
nous les pierres,
de rigole en rigole.
Plus rondes à chaque fois.
Plus semblables. Plus étrangères.
O cet œil ivre
qui comme nous erre ici tout autour,
et parfois, étonné,
nous voit confondus.
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(MOHN UND GEDÄCHTNIS)

Er ruft süsser den Tod der Tod ist ein Meister aus Deutschland
er ruft streicht dunkler die Geigen dann steigt ihr als Rauch in die Luft
dann habt ihr ein Grab in den Wolken da liegt man nicht eng

Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts
wir trinken dich mittags der Tod ist ein Meister aus Deutschland
wir trinken dich abends und morgens wir trinken und trinken
der Tod ist ein Meister aus Deutschland sein Auge ist blau
er trifft dich mit bleierner Kugel er trifft dich genau


(PAVOT ET MEMOIRE)

Il crie plus douce la mort la mort est un maître d’Allemagne
il crie plus sombres les archers et votre fumée montera vers le ciel
vous aurez une tombe alors dans les nuages où l’on n’est pas serré

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
te buvons à midi la mort est un maître d’Allemagne
nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons
la mort est un maître d’Allemagne son œil est bleu
il t’atteint d’une balle de plomb il ne te manque pas

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