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Citations de Paul Gadenne (110)


Les mots, sont comparables aux pièces de monnaie, qui servent aux échanges. Il arrive un moment où, par suite des frottements, d’un emploi trop fréquent, ils s’usent, ils cessent d’être vivants…
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Autour de cet espace silencieux, le ciel fourmillait de présences. Il n'y avait de vie et de mouvement qu'en lui, car la terre semblait avoir cessé de respirer et le torrent, à demi figé, ne faisait plus qu'un bruit menu au fond de la nuit. Le paysage était calme, cruel, étranger à tout. Mais, à sa surface, une clarté insolite était répandue. La lune, jaune, dilatée, parvenue à son éclosion suprême, régnait sur toute la pureté de l'hiver et doublait de sa lueur satinée la blancheur qui émanait du sol. Du côté d'Orcières, la grande muraille érigeait contre la nuit, à une hauteur inattendue, ses parois luisantes sur lesquelles la lune s'appuyait sourdement...
Pour la seconde fois de la journée, Simon eut conscience de se trouver sous la domination d'un monde qui l'attirait invinciblement vers le haut, l'obligeant à quitter la terre et à dépouiller tout ce que ses sentiments pouvaient avoir de trop humain.
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- La vraie foi, dit-elle, cela doit ressembler aux atomes : il suffit qu’il y en ait un qui éclate…
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Faire le bonheur de tous, en faisant son propre bonheur. Le devoir de l’artiste s’inscrivait dans cette limite : il était d’abord devoir envers soi ; il était honnêteté, – honneur. On reconnaîtrait toujours dans la pierre, dans le plâtre, la marque d’un esprit ennemi de toute concession, exempt de toute vulgarité. Antoine n’avait pas d’autre souci : être lui-même. C’était à cela qu’il travaillait, et à rien d’autre, persuadé que l’art suffit, que l’artiste n’a pas à signifier autre chose, et que son rôle est moins de fournir des illustrations à son temps, que de l’installer dans une permanence, de lui ouvrir un débouché sur l’éternel. Faire une statue qui soit comme un caillou usé par le temps, mais sur lequel le temps glisse, faute de prise
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Si Jésus Christ était jugé aujourd'hui, pensait-il, il n'y aurait pas, grâce aux reportages radiophoniques, de coin du monde où l'on ne puisse applaudir au cri stupide réclamant Barabbas ! …
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Car il n'y avait qu'une race à abattre, à supprimer, où qu'elle se trouvât (et aucune nation n'en avait sans doute le privilège) : c'était la race des Bûcherons, des oppresseurs, de ceux qui traitaient la terre, la nature en ennemie, comme une chose à utiliser, et qui traitaient les hommes de la même façon.
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La plupart des hommes ne supportent ni l'immobilité ni l'attente. Ils ne savent point s'arrêter. Ils vivent mobilisés : mobilisés pour l'action, pour le remuement, pour le plaisir, pour l'honneur. Et pourtant c'est seulement dans les instants où il suspend son geste ou sa parole ou sa marche en avant, que l'homme se sent porté à prendre conscience de soi.
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— Vous parlez comme dans un roman, dit-elle.
— Ce serait un mauvais roman qui débuterait d’une façon aussi romanesque. Seule la vie a le droit d’être comme un roman, ne le saviez-vous pas ? Ignorez-vous les lois des compositions artistiques ? Que de choses j’entrevois à vous apprendre !
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Ainsi la matière affinée, fatiguée par le travail de l’eau, par les frottements, a produit ce résultat incroyable, – la pureté même. Pureté qui fait de cet objet une pierre de touche, et rend grossier tout ce que l’on tenterait d’en approcher.
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Cette baleine nous paraissait être la dernière ; comme chaque homme dont la vie s’éteint semble être le dernier homme. Sa vue nous projetait hors du temps, hors de cette terre absurde qui dans le fracas des explosions semblait courir vers sa dernière aventure. Nous avions cru ne voir qu’une bête ensablée ; nous contemplions une planète morte.
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Je veux songer, les mains contre mes tempes...

Je veux songer, les mains contre mes tempes,
À mon néant, à ma soif d’inventer ;
Je veux brûler mes cheveux à la lampe,
Je veux brûler mes mains, toutes leurs manigances,
Je veux brûler mes yeux, tout ce qu’ils ont touché.

(p. 22)
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– Tu m’excuseras, dit Arnoult, mais même si tu me prouvais en ce moment que l’homme est seul… Oui, néant pour néant, je préfère le néant complet… Si je ne puis compter sur une pensée juste, aimante, connaissant la raison intime de mes faits et gestes, en somme sur la mémoire de Dieu, eh bien, je préfère ne compter sur rien, j’abandonne à l’instant toute prétention, je ne veux pas être autre chose qu’une poussière à la surface d’une poussière, – cette poussière d’astres que du moins j’aurai passionnément aimée. Si ces hommes devant nous n’ont pu compter au moment de mourir sur la mémoire de Dieu, ces noms et ces dates sur leurs tombes sont de trop, ils nous mentent, ils troublent inutilement notre néant. Et ces tombes elles-mêmes sont de trop ! Si le monde continue à être ce qu’il est, Hersent, nous n’aurons plus besoin de cimetières, plus besoin d’aligner des tombes. Nous referons des charniers. (…)
– Solitude pour solitude, reprit-il devant le silence d’Hersent, celle de l’humanité entière prise dans le cours de son histoire ne vaut pas mieux que celle d’un homme pris en particulier. Accepterais-tu de passer ta vie dans une prison ? De passer ta vie sans témoin ?... Sans l’espoir d’un témoin, d’un regard sur toi, tu meurs ; et tous les gestes, les pensées de ce prisonnier qu’est chacun de nous ne vont qu’à invoquer, à susciter un témoin hors des murs entre lesquels nous vivons, et quelquefois hors de notre époque. Sans quoi on ne s’apercevrait même plus qu’on est en prison, hein, et il n’y aurait pas de différence entre la vie et la mort. Le bourreau qui viendrait nous appeler au petit matin, qu’est-ce qu’il changerait à notre sort ? Rien. Absolument rien. Une fourmi écrasée, voilà ce que ce serait. Quelque chose de si accablant, de si inexistant qu’il n’y aurait même pas de quoi crier. Si l’humanité sait qu’elle vit sans témoin, elle est à elle-même sa prison. Nous sommes tous prisonniers, Hersent, dans ta perspective. Si Dieu n’existe pas, comprends donc, il faut le faire exister.

(Gallimard, L’Imaginaire, p. 176-178)
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Entre mes deux épaules

Entre mes deux épaules elle a planté sa voix
Puis s’est enfuie dans la nuit.
Tous les méchants font ainsi.
Où est-elle ?
Un train appelle
Un autre qui le suit.
Elle n’a plus de visage
Ses yeux se sont éteints pour moi.
Le train court il appelle
Où est-elle où est-elle
Dans le battement de mon sang
Dans le milieu de mes yeux
Entre mes vastes mains
Je cherche c’est en vain
Entre mes deux épaules elle a planté sa voix
Un jour sa voix reprendra vie
Et je tomberai transpercé.
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C'est ainsi que le printemps, cette année-là, passa inaperçu aux Hauts-Quartiers. Un jour, la terre sera couverte d'épiciers, de garagistes et de petits rentiers bricoleurs, et le printemps n'aura plus lieu d'être.
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-Ce que l'on comprend mal, disait Pondorge, c'est qu'il n'y a pas que des règles de contrainte; il y a aussi des règles d'exhaussement, des règles qui aident à plus, à mieux vivre. Voilà ma théorie ! Les êtres positifs, eh bien, c'est ceux pour qui la règle est la condition même et le climat de leur liberté, d'une liberté toujours plus haute. Ah ah, fit-il en lançant soudain à Simon un regard plus aigu, mes opinions vous paraissent un peu roides, n'est-ce pas, un peu démodées ? Mais quoi, s'exclama-t-il en prenant sa figure la plus lunaire, la plus catastrophique, c'est quand on a misé sa vie sur quelque chose qu'on peut commencer à s'élever au dessus d'elle...
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Dès son réveil, il tendait l'oreille vers la fenêtre et s'appliquait à isoler, sur le fond des murmures qui régnaient dans la maison, une rumeur grave et autoritaire à laquelle il sentait qu'un bonheur mystérieux était lié. Complètement allongé sous ses draps, les pieds touchant aux barreaux du lit, le corps étiré, la tête renversée, les reins posées sur la charnière même de l'univers, immobile, il se laissait remplir par cette clameur sauvage, par ce grondement qui s'emparait du ciel et se soumettait à tous les silences, par cette parole surhumaine qui parlait pour toute la nature et racontait la terre, depuis le chaos. C'était une parole qui, à des moments, se heurtait à un arbre, à un rocher et les entraînait. Cette parole-là tombait du ciel, elle coupait en deux la montagne et sonnait contre le granit. Elle avait de grands espaces de rochers, de terre, de prairie à parcourir. Elle retentissait au dessus des temps. Alors, parfois, sachant que cette parole avait pénétré son sommeil et que, le voulût-il ou non, il l'avait toute la nuit recueillie en lui, comme si elle avait coulé le long de sa chair, il se levait en hâte, se précipitait jusqu'au balcon et se mettait à scruter le brouillard, à la recherche du torrent-de ce chant qui retentissait, là-bas, sculptant la terre et recomposant chaque matin la figure du monde.
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Pendant des mois ils avaient ainsi vécu sans rien, ni objets ni argent, et ç'avait été des mois comblés, et pas une fois ne leur était venue à l'esprit l'idée d'une injustice, d'une inégalité : n'ayant rien, ils se sentaient égaux à tous.
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Je pense toutefois qu’on peut comprendre que les hommes trouvent plaisir à regarder les chats, mais quel plaisir les chats trouvent-ils à regarder les hommes ?…
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Hélas, je ne commande pas aux images. Elles rôdent, elles viennent sans être appelées. Et il y en a dont j’ai peur ; il y en a qui s’emparent de moi avec un excès d’intensité qui ne me laisse pas libre.
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Combien de gens qui ont entendu parler de la baleine se sont contentés d'un haussement d'épaules et sont retournés à leur ménage. Comme si nous avions une baleine tous les dimanches !...
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