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Citations de Philippe Annocque (86)


Bulgarie : Pays d’imprimeurs.
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Bien-pensant : Se dit d’un écrivain ou d’un intellectuel de gauche complexé, cette plaie de notre époque. Tonner contre. (Il n’est pas nécessaire de savoir que dans la bouche de Madame de Marsantes, bien pensant est un synonyme flatteur d’antisémite, Proust n’étant pas un auteur contemporain.)
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Authentique : Qualité littéraire qui ne coûte pas cher. S’obtient en parlant de la cueillette des champignons, de l’odeur du foin ou de la couleur du café (on peut varier les combinaisons)
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Artisan : On ne le dira jamais assez : l’écrivain est un artisan. Comme le tapissier, le taxidermiste et le prothésiste dentaire.
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Manger même les poils
Ils ont abordé à Marseille. Il faisait très beau. Ca lui a plu.
Et puis elle a pris le train pour Paris, toujours avec madame Rolin, qui allait à Paris aussi.
Au fait, c’était la première fois qu’elle prenait le train. Ça ne semble pas l’avoir tellement marquée non plus.
Elle est d’abord allée loger chez Tante Compas – Tante Compas qu’elle connaissait depuis la Guyane, quand avec ses parents elle allait lui rendre visite en bateau, à Saint-Georges-de-l’Oyapock ; et qui vivait à pésent à Paris, où plus tard il l’a connue, quasi centenaire.
C’est chez elle qu’elle a mangé pour la première fois un artichaut. Elle ne savait pas comment s’y prendre, elle a mangé même les poils, même les feuilles entières, en se demandant comment et surtout pourquoi manger une chose pareille. Tante Compas lui avait de commencer sans elle.
Puis très vite elle s’est installée dans un meublé, dans le quinzième arrondissement, rue de Dantzig.
Cet hiver-là a été très doux. Elle ne se couvrait pas beaucoup, elle n’avait pas besoin. Les gens d’ici étaient surpris, ils lui disaient qu’elle allait attraper froid.
Mais elle n’avait pas froid.
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Rester digne
Peu de temps après la communion solennelle, le médecin a décidé qu’il fallait les opérer, tous les trois : Mane et elle des amygdales, et le petit Marcel des végétations.
Sa tante a donc pris rendez-vous dans une clinique de bonne réputation. À cette époque, à cause de la guerre, les Antilles étaient très mal approvisionnées. C’est sans doute pour ça qu’il a été décidé que les opérations se feraient sans aucune anesthésie, puisque c’était bénin. À vif, donc. Ils devaient passer l’un après l’autre, le plus jeune en premier. Le petit Marcel a tout enduré sans rien dire. Ensuite est venu son tour à elle. Elle se souvient encore de la douleur en le racontant. En plus, il lui était resté un morceau sanguinolent qui pendait à l’extérieur, juste retenu par un filament de chair. Elle ne disait rien, elle espérait s’en défaire toute seule. Mais le chirurgien s’en est aperçu et il s’en est ensuivi une course-poursuite entre le médecin qui voulait en finir et elle qui n’avait qu’une idée : fuir ! Puis est venu le tour de Mane qui avait intérêt à rester digne après l’intermède de la course.
C’était une famille où l’on attendait de chacun cette qualité : la dignité. Même des enfants.
Ils sont restés en convalescence à la maison à sucer des morceaux de glace pendant la cicatrisation. Évidemment ils n’arrivaient pas à manger normalement.
S’il écoute bien ce qu’il y a au fond de sa pensée, il entend ceci :
Les enfants ont
au fond de la gorge
quelque chose que les adultes n’ont plus
et qu’ils veulent leur arracher.
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Taper quand il faut
Quand elle était en CM2, elle se souvient qu’elle faisait le trajet de l’école avec Marie-Louise Bottius, et peut-être aussi Marie Arnuel. En descendant des Terres Sainville, elles croisaient des garçons, qui montaient vers leur école. Ils lui tiraient les nattes et se moquaient d’elle. Les copines se sauvaient.
Une fois, elle a fait face, toute seule. Elle avait un vieux cartable décousu dont l’armature dépassait du cuir. Elle a sorti la tringle métallique qui servait d’armature et elle a lardé le garçon de coups. Après ça, elles ne l’ont plus vu pendant plusieurs jours.
Et puis un beau jour, voilà le garçon qui arrive avec sa mère. La mère lui a demandé des explications sur l’état dans lequel elle avait mis son fils. Elle lui a dit clairement et poliment comment les choses s’étaient passées. La mère s’est tournée vers le garçon pansé de partout : « Tu ne m’avais pas raconté ça comme ça ! » Elle s’est excusée, elle avait tout le temps des soucis avec lui.
Elle a raconté cette histoire à sa mère, et celle-ci, pour éviter les problèmes, a demandé à un voisin agent de police s’il voulait bien accompagner sa fille quand il pouvait. Pourquoi ne supprime-t-il pas cette anecdote ? Ce n’est qu’une anecdote. Une anecdote qui fait partie de la mythologie familiale, il a souvent entendu cette histoire. Ce n’est pas une raison pour la faire lire à tout le monde. Mais elle lui parle, cette anecdote. Il se souvient des emmerdeurs de l’enfance. Il regrette sûrement de n’avoir pas tapé. Il faut taper enfant, tant qu’il en est encore temps. Plus tard c’est trop grave, et il n’y a plus personne en face pour se faire taper dessus. Il n’y a que le vide en face.
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Juste se souvenir d’une phrase
Sur l’autre rive du fleuve on entendait les singes rouges.
Il pourrait mettre des guillemets à cette phrase car elle n’est pas de lui.
Il ne se rappelle plus quand elle l’a prononcée. Il se dit qu’il a dû l’entendre plusieurs fois. Elle s’est détachée de tout contexte, elle est devenue un objet qui tient tout seul par sa propre force de gravité. Et dont la trajectoire à présent traverse sa page d’écriture.
Sur l’autre rive du fleuve on entendait les singes rouges.
C’est l’histoire d’une traversée.
Ce n’est pas l’histoire de la traversée du fleuve. Le fleuve, ce fleuve-là, n’a jamais été traversé.
Les singes rouges, à ce qu’il en sait, sont restés des cris, des chants, dans la mémoire.
Les cris des singes rouges, qui traversaient le fleuve, ont traversé le temps. Ils ont aussi traversé l’océan. Voilà, c’est pourquoi il a écrit cette phrase inaugurale.
Il ne connaît pas le nom du fleuve. Elle dit juste : « Le fleuve. »
Maintenant il peut chercher son nom. C’est devenu facile, de chercher. Il n’a même pas besoin de bouger de sa chaise.
Mais elle ne dit pas le nom du fleuve, elle dit juste : « Le fleuve. » Alors il cherchera, bien sûr, mais un peu plus tard.
Là il va juste se contenter de ça : sur l’autre rive du fleuve, on entendait les singes rouges.
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Le 16 août 1916
Mon cher Papa
Le 13 et le 14 ont été une bonne journée pour moi. Le 13 j’ai reçu tes 2 cartes et la lettre de maman du 2. Le 14 la lettre de papa du 4 et une lettre de ma Tante du 6 et une de Lucie du 25. Com Je te charge donc de leur répondre à toutes deux et de les remercier. Comme colis j’ai reçu les n°26 et 28. Ma Tante m’annonce un colis de gâteaux. Le 14 je vous ai envoyé une photographie : c’est la 1ère celle où je ne suis pas très bien. J’en ai une autre que je vous enverrai dans quelques jours.
Il y a l’équivalent de trois lignes gribouillées au crayon de couleur violet, on dirait presque du feutre. Sous le gribouillage il n’y a rien à lire, pas une lettre.
Je n’ai pas oublié que c’était le 15 août hier et j’ai communié. J’ai bien reçu les cartes à jouer. Nous n’avons pas non plus de nouvelles précises de Robert, on sait seulement qu’il était grièvement blessé à la jambe. Certains disent qu’ils l’avoir vu mort, mais aucune certitude. Je suis suffisamment monté en chemises caleçons mais 1 flanelle de plus, quelques mouchoirs serviettes et 1 main de rechange seraient nécessaires (Une main ?). Comme chaussettes, comme c’est assez difficile de les raccommoder, envoies-en de temps en temps je mettrai les trouées de côté. Nous pouvons recevoir toutes sortes de photos du moment qu’elles ne représentent que des personnages. Envoyez-moi aussi du café en grains et un filtre unitasse pour varier de temps en temps avec le chocolat (deux mots que je ne parviens pas à lire. Du sucre ?) SVP. Ma tante et Lucie demandent mes occupations réponds. Je te quitte mon cher Papa en t’embrassant bien fort et de tout mon coeur ainsi que ma chère maman et toute la famille. Ton fils qui t’aime bien. EA
« J’ai communié » « j’ai reçu les cartes à jouer » et « Robert est peut-être mort ». L’enfermement est aussi le petit rectangle de carton identique à tous les autres où les mots se collent les uns aux autres. Promiscuité jusque dans l’écriture qui s’en ressent.
Je ne sais pas non plus qui est Robert. Mon père avait bien un cousin qui s’appelait Robert, mais il n’a pas été blessé à la jambe pendant la guerre suivante. Rien à voir.
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La carte est beige et d’un format légèrement inférieur à celui d’une carte postale de vacances – format encore familier aux personnes de ma génération mais pour combien de temps encore ? Alors je vais chercher la règle de mon fils…
… et elle mesure 14 cm sur 9.
Au recto à droite on peut lire :
Feldpostkarte
An
et à côté un coup de tampon rouge : Kriegsgefangenen-Sendung
au-dessus d’un noir 1 2 AUG 16
le 1 et le 2 comme ça, très espacés
et encore un cachet rond qui peut passer pour postal :
REISEN 22. 8. 16. 11-12V (Kr. LISSA)
et encore en dessous, sous
An
:
Monsieur Annocque
52 rue du Pont Firmin
Quimper
Finistère
Frankreich
C’est écrit au crayon à papier. L’écriture est belle, élégante. Bien plus élégante que la mienne, bien plus lisible que celle de mon père. Le M de Monsieur souligne la suite du mot jusqu’au i, le A de Annocque donne l’occasion d’adosser un œuf presque horizontal à une barre légèrement penchée sur la droite, un très gros œuf par rapport au reste du nom, mais moins gros cependant que celui du Q de Quimper qui fait carrément 2 1/2 cm de long.
Je n’ai jamais su que ma famille avait vécu à Quimper. Ou nulle part ailleurs en Bretagne.

Le tiers gauche de la carte est à remplir verticalement, il est réservé aux informations concernant l’expéditeur
Annocque Edmond
Sous-lieutenant

Mon jeune grand-père.

Stübe 79
Offiziergefangenenlager
Reisen in Posen

Je ne suis pas sûr de bien lire.
L’essentiel est au dos.
D’abord on est rebuté : c’est écrit tout petit, tout serré ; il n’y a pas de retour à la ligne, et c’est clairement la surface du carton et la taille de l’écriture qui déterminent la longueur du texte.
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Ce doit être l'heure, sans doute, qui tourne, elle ne s'arrête pas celle-là, qui la lui gâche, sa pensée; alors que son travail n'est pas plus avancé que tout à l'heure, il voit sur les tables voisines des feuilles qui se tournent, des pages qui se noircissent, il a encore la force cependant, et il s'en félicite, de voir toute cette écriture comme une sorte de liquide, et les pages comme des récipients, et comme ça au moins il peut presque rire, parce qu'il pense aux visites médicales où l'on demande à la personne d'uriner dans un récipient, et puis c'est vrai, si on n'a pas envie, on n'y peut rien, le récipient aussi reste sec.
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aimable, il l’est toujours, par principe; il n’a pas suffisamment de lecteurs pour se permettre de mettre dans le vent ceux qui lui écrivent aimablement, même si au fond il n’aime pas trop qu’on lui écrive.
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Il avait tellement d’imagination qu’il n’avait pas besoin de l’avoir pour avoir peur de la perdre.
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Il y avait un truc qui s’était emballé en lui et qu’il ne contrôlait plus. C’était comme un cheval. C’était lui et ce n’était pas lui. Mais c’était plus fort que lui. Il se disait que peut-être ça avait été pareil pour elle, juste avant, et que ça avait tiré si fort que ça s’était rompu, et qu’elle était restée là, les yeux ouverts sur l’absurdité de la situation, à regarder leur histoire qui s’échappait au loin déjà. Bien sûr que la situation était absurde. Mais qu’est-ce qui ne l’était pas ?
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La vraie vie. Dans le jargon du tchat on tape IRL, *in réal life*. IRL, ça sonne comme irréel, pourtant. La vraie vie est irréelle.
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C’est drôle, tout de même, tout ce qu’on peut voir se passer en soi, pourvu qu’on y regarde, c’est si drôle que, peut-être, ça ne s’y passe pas
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La femme a tourné le dos à Liev, d'un mouvement décidé qui a fait envie à Liev : sans doute fallait-il ds années d'expérience pour devenir capable de tourner à le dos à quelqu'un de cette manière là........Il y a eu un temps, et à la fin de ce temps Liev a éprouvé un début de panique ; il s'est rendu compte qu'il ne savait pas quoi faire. Il était debout dehors dans la cour, et il Ne savait pas quoi faire.
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C’est que l’habit fait le moine, comme le dit si bien le proverbe qui fait mine de dire le contraire – c’est justement parce qu’il fait mine de dire le contraire qu’il le dit si bien. Combien de moines ne l’ont été que par l’habit ? L’habit fait le moine comme il fait la princesse comme il fait la gardeuse d’oies.
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Si on avait demandé à Élise comment elles s’étaient connues, Lise et elle, bien sûr elle aurait pu répondre « à la fac », peut-être même qu’elle aurait pu se rappeler la rencontre chez Kookaï, au fait était-ce bien Kookaï ? En tout cas, c’était à côté des cabines d’essayage ; oui, elle aurait pu répondre ça, elle aurait pu le verbaliser ; un procès-verbal de la rencontre, oui, sa mémoire en aurait sans doute été capable. Mais s’en souvenait-elle vraiment ? Avait-elle un réel souvenir de ce qui s’était passé, de ce qui s’était vraiment passé à ce moment-là ? Elle aurait été incapable de dire comment elle était habillée, elle, ni de ce qu’elle était en train d’essayer, d’aller essayer, d’avoir essayé, ni comment Lise de son côté était habillée, ni ce qu’elles s’étaient dit. Peut-être que Sarah se souvenait, car Sarah était là, de cela Élise était sûre, presque sûre ; mais il était peu probable que Sarah, elle, se souvienne. Pourquoi se souviendrait-elle ? Quel intérêt, quelle importance cet événement, cette rencontre entre Lise et elle, pouvait-il avoir pour Sarah ?
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Peut-être que Lise aime Élise, se disait Sarah. Peut-être qu’Élise aimera Lise. Ça ne la regardait pas, Sarah. Ça l’intéressait, simplement. L’histoire d’Écho était l’histoire d’un amour malheureux. Mais peut-être Sarah se trompait-elle d’histoire.
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