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Philippe Annocque (Autre)
EAN : 9782374911458
172 pages
Quidam (22/10/2020)
3.83/5   9 notes
Résumé :
Être la plus petite. Suivre le carnaval. Courir après les sauterelles vertes. Avoir un tigre à soi. Voir les Chinois grands. Savoir sa mère malade. Quitter son premier pays. Perdre son prénom. Être trop colorée, être trop blanche. Aimer la guerre et les fleurs. Se promener sur la plage en dormant. Perdre son deuxième pays. Gagner sa vie.

À travers le portrait d’une enfant éprise de liberté dans la Guyane et la Martinique d’autrefois, la question de l’... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Les singes rouges est un livre singulier, comme écrit sur la pointe des pieds, où il faut aller dénicher l'émotion derrière la pudeur du récit.
Je connais mal Philippe Annocque, je n'ai lu qu'un seul de ses romans dont la tonalité était très différente (Seule la nuit tombe dans ses bras), et j'ai éprouvé quelque difficulté à entrer dans son récit aux accents très personnels, lointains et autobiographiques. Jusqu'à ce que son texte vienne s'ancrer dans la mécanique de l'écrivain et tisse cette toile étrange qui recèle la source à laquelle il s'abreuve. C'est quasiment imperceptible, difficile à expliquer. Mais au travers de cette plongée dans l'Histoire de sa famille, de sa mère en particulier, entre Guyane, Martinique et France, par le biais du passage en revue des origines, c'est le matériau de l'écrivain qui prend forme, et fournit peut-être de quoi revisiter ses écrits précédents à l'aune de cette enquête sur lui-même. Pour le lecteur, les histoires, les personnages se mélangent, seule la figure d'Olga, portée par la plume et la mémoire de son fils émerge de la foule. C'est cet aspect choral qui fait la richesse des origines et de l'appartenance au monde, autant qu'à sa famille.
Oui, un roman singulier, qui laisse une douce empreinte, entre tendresse et nostalgie.
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« C'est l'histoire d'une traversée. » C'est l'histoire d'un chef-d'oeuvre. Retenez à jamais « Les Singes rouges » entre vos mains. Ce récit se relit mainte fois, à chaque fois, la même impression de ce rare perlé, de ce rythme quintessence, panoplie hyperbolique d'un futur. Cette lecture est une rencontre inestimable avec une trame fabuleuse (en plus sublime), à la Durassienne. Philippe Annocque est un auteur de génie. « Les Singes rouges » est un classique à l'aube née. L'écriture chorale, chuchotée est levant. « L'écriture des singes rouges, qui traversaient le fleuve, ont traversé le temps. Ils ont aussi traversé l'océan. Voilà, c'est pourquoi il a écrit cette phrase inaugurale. » Philippe Annocque est ce « Il » qui écrit. Passage d'une rive à l'autre. Il reçoit un appel téléphonique à 4h36. La litanie élève son chant. Nous sommes dans l'intériorité, ce microcosme invisible dont la gravité est galet, l'heure lourde et risquée. Les mots sont des chapelles. On pleure tant ce récit est la somme des rappels. Ce qui arrime la force des vivants, de ceux qui savent franchir le point d'alliance. Les souvenirs ressurgissent. L'appel téléphonique est l'écho. Nous sommes en plongée dans les images, reflets de la vie de « Il » et de cette enfant qui est la sienne avant l'heure et dans celle d'après. Et c'est beau, poétique et émouvant. « Car pour lui, avant sept ans, Martinique et Guyane étaient à peu près synonymes. C'étaient les noms des pays lointains et différents, l'enfance de sa mère. Les écoles n'y étaient pas en pierre meulière. Les arbres de la cour n'étaient pas des tilleuls élagués. C'était un ailleurs, un ailleurs à deux noms. » L'idiosyncrasie est une toile de maître. Picturale source, où l'on foule les terres chaudes, l'exotique dépaysement, toute cette avancée méticuleuse, soignée, subrepticement murmurée par « Il » dans cette remontée des temps, des années, des jours et des émois. « A l'école, la plupart des enfants sont des Bosch. C'est comme ça qu'on appelle les descendants d'esclaves africains qui se sont échappés dès leur arrivée en Guyane. Les descendants des premiers nègres marrons. » « La nuit on entendait les singes rouges. » Ce récit est la magistrale attitude d'une carte postale qui ne jaunit pas. Celle qui relie les sens, les essences, les souvenirs, dans une nostalgie de velours, quasi mémorielle. « Toutes les histoires ont leur géographie. » Cette phrase si pavlovienne : « Alors peut-être que ça fait sens » est une ode, l'épiphanie des grandeurs. « Les Singes rouges » est culte, un livre des splendeurs. « Il » ne le sait pas. Ses mots de modestie sont des cartographies. « Ses » Singes rouges : une chaîne générationnelle pays des chevelures emmêlées, l'enfance en porte-voix. « Ce n'était plus une jeune femme. Elle était déjà grand-mère depuis plusieurs années. C'était encore une petite fille. » « Les Singes rouges » est un hommage à la Mère, à la vie, au plein de la nuit de 4 h 36. Une référence ! Publié par les majeures Editions Quidam éditeur.
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Les singes rouges sont des singes hurleurs,c'est en tout cas ce que l'auteur a toujours pensé en écoutant sa mère lui raconter ses souvenirs d'enfance. Philippe Annocque a choisi de retranscrire les souvenirs de sa mère lorsqu'elle était petite fille. Il nous plonge dans un monde aux intonations créoles et décors colorés entre la Guyane et la Martinique.
En Guyane,elle se prénommait Olga mais à son arrivée en Martinique,sa tante change son prénom trouvant que Marie-Thérèse sonne plus doux. Dès l'enfance, la question de l'identité est posée. Couleur café au lait,la petite fille n'est pas assez noire mais pas assez blanche non plus,elle n'a pas oublié les anecdotes à caractère raciste et autres discriminations.
J'ai lu ce livre avec un grand plaisir,le texte est beau et touchant.Raviver la mémoire c'est conserver et transmettre.

"Les singes rouges, à ce qu'il en sait,sont restés des cris,des chants,dans la mémoire.
Les cris des singes rouges,qui traversaient le fleuve,ont traversé le temps. Ils ont aussi traversé l'océan."

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Un texte singulier fait de fragments de souvenir et qui interroge la mémoire.
Un texte qui ne manque pas de poésie ni de tendresse.
En fait il ne souffre d'aucun défaut si ce n'est de ne pas m'avoir touché.
Je suis passée à côté car sans doute trop intime pour que je me sente impliquée.
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Fragments d'une mémoire dans l'inquiétude de ce qu'elle ne sait dire, prénoms qu'elle ne sait attribuer, noms de lieux qu'elle évoque en exil. Dans sa prose rieuse, angoissée pourtant, Philippe Annocque ressuscite les souvenirs de sa mère, s'empare de ses mots dans un très bel exercice de partage. Les singes rouges restitue les trouées de cette enfance entre Guyane et Martinique, dans les silences et les reprises l'auteur y invente une identité délavée, inquiète, vivante
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Taper quand il faut
Quand elle était en CM2, elle se souvient qu’elle faisait le trajet de l’école avec Marie-Louise Bottius, et peut-être aussi Marie Arnuel. En descendant des Terres Sainville, elles croisaient des garçons, qui montaient vers leur école. Ils lui tiraient les nattes et se moquaient d’elle. Les copines se sauvaient.
Une fois, elle a fait face, toute seule. Elle avait un vieux cartable décousu dont l’armature dépassait du cuir. Elle a sorti la tringle métallique qui servait d’armature et elle a lardé le garçon de coups. Après ça, elles ne l’ont plus vu pendant plusieurs jours.
Et puis un beau jour, voilà le garçon qui arrive avec sa mère. La mère lui a demandé des explications sur l’état dans lequel elle avait mis son fils. Elle lui a dit clairement et poliment comment les choses s’étaient passées. La mère s’est tournée vers le garçon pansé de partout : « Tu ne m’avais pas raconté ça comme ça ! » Elle s’est excusée, elle avait tout le temps des soucis avec lui.
Elle a raconté cette histoire à sa mère, et celle-ci, pour éviter les problèmes, a demandé à un voisin agent de police s’il voulait bien accompagner sa fille quand il pouvait. Pourquoi ne supprime-t-il pas cette anecdote ? Ce n’est qu’une anecdote. Une anecdote qui fait partie de la mythologie familiale, il a souvent entendu cette histoire. Ce n’est pas une raison pour la faire lire à tout le monde. Mais elle lui parle, cette anecdote. Il se souvient des emmerdeurs de l’enfance. Il regrette sûrement de n’avoir pas tapé. Il faut taper enfant, tant qu’il en est encore temps. Plus tard c’est trop grave, et il n’y a plus personne en face pour se faire taper dessus. Il n’y a que le vide en face.
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Rester digne
Peu de temps après la communion solennelle, le médecin a décidé qu’il fallait les opérer, tous les trois : Mane et elle des amygdales, et le petit Marcel des végétations.
Sa tante a donc pris rendez-vous dans une clinique de bonne réputation. À cette époque, à cause de la guerre, les Antilles étaient très mal approvisionnées. C’est sans doute pour ça qu’il a été décidé que les opérations se feraient sans aucune anesthésie, puisque c’était bénin. À vif, donc. Ils devaient passer l’un après l’autre, le plus jeune en premier. Le petit Marcel a tout enduré sans rien dire. Ensuite est venu son tour à elle. Elle se souvient encore de la douleur en le racontant. En plus, il lui était resté un morceau sanguinolent qui pendait à l’extérieur, juste retenu par un filament de chair. Elle ne disait rien, elle espérait s’en défaire toute seule. Mais le chirurgien s’en est aperçu et il s’en est ensuivi une course-poursuite entre le médecin qui voulait en finir et elle qui n’avait qu’une idée : fuir ! Puis est venu le tour de Mane qui avait intérêt à rester digne après l’intermède de la course.
C’était une famille où l’on attendait de chacun cette qualité : la dignité. Même des enfants.
Ils sont restés en convalescence à la maison à sucer des morceaux de glace pendant la cicatrisation. Évidemment ils n’arrivaient pas à manger normalement.
S’il écoute bien ce qu’il y a au fond de sa pensée, il entend ceci :
Les enfants ont
au fond de la gorge
quelque chose que les adultes n’ont plus
et qu’ils veulent leur arracher.
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Juste se souvenir d’une phrase
Sur l’autre rive du fleuve on entendait les singes rouges.
Il pourrait mettre des guillemets à cette phrase car elle n’est pas de lui.
Il ne se rappelle plus quand elle l’a prononcée. Il se dit qu’il a dû l’entendre plusieurs fois. Elle s’est détachée de tout contexte, elle est devenue un objet qui tient tout seul par sa propre force de gravité. Et dont la trajectoire à présent traverse sa page d’écriture.
Sur l’autre rive du fleuve on entendait les singes rouges.
C’est l’histoire d’une traversée.
Ce n’est pas l’histoire de la traversée du fleuve. Le fleuve, ce fleuve-là, n’a jamais été traversé.
Les singes rouges, à ce qu’il en sait, sont restés des cris, des chants, dans la mémoire.
Les cris des singes rouges, qui traversaient le fleuve, ont traversé le temps. Ils ont aussi traversé l’océan. Voilà, c’est pourquoi il a écrit cette phrase inaugurale.
Il ne connaît pas le nom du fleuve. Elle dit juste : « Le fleuve. »
Maintenant il peut chercher son nom. C’est devenu facile, de chercher. Il n’a même pas besoin de bouger de sa chaise.
Mais elle ne dit pas le nom du fleuve, elle dit juste : « Le fleuve. » Alors il cherchera, bien sûr, mais un peu plus tard.
Là il va juste se contenter de ça : sur l’autre rive du fleuve, on entendait les singes rouges.
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Manger même les poils
Ils ont abordé à Marseille. Il faisait très beau. Ca lui a plu.
Et puis elle a pris le train pour Paris, toujours avec madame Rolin, qui allait à Paris aussi.
Au fait, c’était la première fois qu’elle prenait le train. Ça ne semble pas l’avoir tellement marquée non plus.
Elle est d’abord allée loger chez Tante Compas – Tante Compas qu’elle connaissait depuis la Guyane, quand avec ses parents elle allait lui rendre visite en bateau, à Saint-Georges-de-l’Oyapock ; et qui vivait à pésent à Paris, où plus tard il l’a connue, quasi centenaire.
C’est chez elle qu’elle a mangé pour la première fois un artichaut. Elle ne savait pas comment s’y prendre, elle a mangé même les poils, même les feuilles entières, en se demandant comment et surtout pourquoi manger une chose pareille. Tante Compas lui avait de commencer sans elle.
Puis très vite elle s’est installée dans un meublé, dans le quinzième arrondissement, rue de Dantzig.
Cet hiver-là a été très doux. Elle ne se couvrait pas beaucoup, elle n’avait pas besoin. Les gens d’ici étaient surpris, ils lui disaient qu’elle allait attraper froid.
Mais elle n’avait pas froid.
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Il y a plein d'histoires qui se croisent. Les gens qui écrivent se mettent à plusieurs pour n'écrire que leur partie d'une histoire plus grande.
Parfois la page d'un livre est en même temps la page d'un autre. Ou le dos de la page d'un autre.
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Videos de Philippe Annocque (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Annocque
SOIRÉE DE LANCEMENT DE LA REVUE CATASTROPHES #3
Avec Philippe Annocque, Guillaume Condello, Frédéric Forte, Julia Lepère, Cécile Riou & Pierre Vinclair
Catastrophes est une revue d'écritures sérielles, animée par Laurent Albarracin, Guillaume Condello et Pierre Vinclair. Bimestrielle en ligne (30 numéros sont parus), elle paraît tous les 18 mois en format papier, sous la forme d'une anthologie comprenant certaines des propositions poétiques les plus stimulantes de l'époque. Les quatre ensembles qui composent Catastrophes 3, « Dit impossible », « Rites rêvés », « Traduit en langue fauve » et « Mondes suspendus », présentent tous une dimension des rapports du poème, dans son essentielle étrangeté, à un monde qui ne fut pas toujours là et qui disparaîtra peut-être : assumer l'impossible, rêver d'une parole rituelle, articuler dans la langue commune une parole fauve, penser dans le vertige de la disparition, sont autant de promesses, fragiles, de faire de l'écriture le lieu d'une création radicale, à même d'exorciser la fatalité du néant.
À lire – Revue Catastrophes 3, coll. « S!NG », éd. le corridor bleu, 2021.
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