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Citations de Philippe Jaccottet (680)


Même sédentaires, même carnassiers, nous ne sommes jamais que des nomades. Le monde ne nous est que prêté. Il faudrait apprendre à perdre.
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(Grignan)
Octobre 1953

Disposer les mots comme des bûches, et qu'ils brûlent bien.
(Paroles de qui a froid.)
                        
Peu de chose : un doigt d'eau brillant dans les prés.
                        
*
                        
Septembre 1955
                       
Ce changement des saisons descelle en nous quelque chose de très profond ; l'amour se fait plus attentif.
Ne ferai-je donc que décrire un décor ? Accrocherai-je au mur de nouveaux paysages, des souvenirs de l'été ? Que répondrai-je à ceux qui me reprocheront de m'être abrité sous des feuilles et de réduire le monde à un reflet dans les eaux d'un canal ? Ce que m'apprend le monde, leur dirai-je, me semble contenir toute la richesse des leçons humaines ; certains se font joie d'une aventure ou d'un échange avec les autres, je me retranche et peut-être suis-je fait pour transformer en bonheurs d'expression les comédies de la lumière, l'histoire des arbres, l'invraisemblable sommeil des montagnes.
                       
*
                       
Octobre 1955
(Lettre à Lubin)  
                        
Du souffrant à l'heureux (ou presque heureux) quelles paroles,
quelles pensées courront compréhensibles dans les airs ?
Quelle force franchit les distances de vie à vie ?
Quelle insinuation pénétrera tant d'épaisseur ?
Je vous envoie moins que l'éclair d'un rouge-queue,
le moment où au point de se coucher notre soleil
éblouit l'eau d'une mince rivière entre des herbes.
...
                        
L'automne, ces choses voilées.
                        
[Observations II & III, extraits].
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La seule grâce à demander aux dieux lointains,
Aux dieux muets, aveugles, détournés,
A ces fuyards,
Ne serait-elle pas que toute larme répandue
Sur le visage proche
Dans l’invisible terre fît germer
Un blé inépuisable ?
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Je me souviens qu'un été récent, alors que je marchais une fois de plus dans la campagne, le mot joie, comme traverse parfois le ciel un oiseau que l'on n'attendait pas et que l'on n'identifie pas aussitôt, m'est passé par l'esprit et m'a donné, lui aussi, de l'étonnement. Je crois que d'abord, une rime est venue lui faire écho, le mot soie ; non pas tout à fait arbitrairement, parce que le ciel d'été à ce moment-là, brillant, léger et précieux comme il l'était, faisait penser à d'immenses bannières de soie qui auraient flotté au-dessus des arbres et des collines avec des reflets d'argent, tandis que les crapauds toujours invisibles faisaient s'élever du fossé profond, envahi de roseaux, des voix elles-mêmes, malgré leur force, comme argentées, lunaires. Ce fut un moment heureux ; mais la rime avec joie n'était pas légitime pour autant.

LE MOT JOIE ( extrait )
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AU PETIT JOUR

I.
La nuit n'est pas ce que l'on croit, revers du feu
chute du jour et négation de la lumière,
mais subterfuge fait pour nous ouvrir les yeux
sur ce qui reste irrévélé tant qu'on l'éclaire.

Les zélés serviteurs du visible éloignés,
sous le feuillage des ténèbres est établie
la demeure de la violette, le dernier
refuge de celui qui vieillit sans patrie...

II.

Comme l'huile qui dort dans la lampe et bientôt
tout entière se change en lueur et respire
sous la lune emportée par le vol des oiseaux,
tu murmures et tu brûles. (Mais comment dire
cette chose qui est trop pure pour la voix ?)
Tu es le feu naissant sur les froides rivières,
l'alouette jaillie du champ... Je vois en toi
s'ouvrir et s'entêter la beauté de la terre.

III.

Je te parle, mon petit jour.
Mais tout cela ne serait-il qu'un vol de paroles dans l'air ?
Nomade est la lumière. Celle qu'on embrassa
devient celle qui fut embrassée, et se perd.
Qu'une dernière fois dans la voix qui l'implore
elle se lève donc et rayonne, l'aurore.

"Dans les rues d'une ville" (1650-1952)
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La nuit n'est pas ce que l'on croit, revers du feu,
chute du jour et négation de la lumière,
mais subterfuge fait pour nous ouvrir les yeux
sur ce qui reste irrévélé tant qu'on l'éclaire.

(Extrait de "Au petit jour")
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Philippe Jaccottet
Tout s’éloigne …


Tout s’éloigne et à quelle distance
ou serait-ce moi qui vous quitte
sans avoir l’air de faire un pas?
Seuls sont proches les ennemis
toujours plus proches à mesure
que les choses perdent leur poids.
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Qu'il est digne d'admiration,
Celui qui, devant l'éclair,
Ne pense pas : "Que la vie est brève !"

Bashô - Été
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René Rilke, c'est Rilke avant Rilke, non pas un génie précoce, mais un jeune homme sensible qui écrit par don naturel et pour s'opposer à ce qui l'a blessé : la médiocrité du milieu, la raideur de son père, la frivolité et la bigoterie de sa mère, la brutalité de l'Ecole militaire ; et puis aussi toute la détresse humaine, devinée de loin...
C'est l'adolescent qui se promène dans Prague un iris à la main, parce qu'il a l'âge maladroit où l'opposition prend volontiers les formes les plus extérieures, les plus voyantes. C'est un être meurtri, mal préparé en effet à la vie ; mais il dispose de cette arme qu'il a opposée dans son tout premier texte à l'épée : la plume.


600ème citation
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Longer le pré aujourd'hui m'encourage, m'égaie. C'est plein de coquelicots parmi les herbes folles.
Rouge, rouge ! Ce n'est pas du feu, encore moins du sang. C'est bien trop gai, trop léger pour cela.
Ne dirait-on pas autant de petits drapeaux à peine attachés à leur hampe, de cocardes que peu de vent suffirait à faire envoler ? ou de bouts de papier de soie jetés au cent pour vous convier à une fête, à la fête de mai ?
Fête de l'herbe, fête des prés.
Mille rouges, dix mille, et du plus vif, tant ils sont brefs ! Gaspillés pour la gloire de mai.
Toutes ces robes transparentes ou presque, mal agrafées, vite, vite ! dimanche est court ....
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Philippe Jaccottet
La clarté de ces bois en mars est irréelle,
tout est encore si frais qu'à peine insiste-t-elle,
Les oiseaux ne sont pas nombreux; tout juste si,
très loin, où l'aubépine éclaire les taillis,
le coucou chante. (...)

(" L'effraie")
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Jour de janvier, ouvre un peu plus grands les yeux,
fais durer ton regard encore un peu
et que le rose colore tes joues
ainsi qu'à l'amoureuse.

Ouvre ta porte un peu plus grande, jour,
afin que nous puissions au moins rêver que nous passons.

Jour, prends pitié.
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Philippe Jaccottet
Tout ce vert ne s'amasse pas, mais tremble et brille,
comme on voit le rideau ruisselant des fontaines
sensible au moindre courant d'air; et tout en haut
de l'arbre, il semble qu'un essaim se soit posé
d'abeilles bourdonnant; paysage léger
où des oiseaux jamais visibles nous appellent,
des voix, déracinées comme des graines, et toi,
avec tes mèches retombant sur des yeux clairs.

(" L'Effraie")
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Philippe Jaccottet
La certitude est la chose au monde qui m'est la plus étrangère.
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Aux derniers vers de la Huitième Élégie, la plus belle peut-être, toute consacrée à dénoncer la difficile condition humaine :

Qui nous a retournés de la sorte, que nous
ayons dans tous nos actes, l'attitude
de quelqu'un qui s'en va ? Et comme sur
la dernière colline qui lui montre encore une fois
sa vallée tout entière, il se retourne et tarde -,
tels nous vivons, à chaque pas prenant congé.

Si Rilke ne s'est pas effondré, alors qu'il l'aurait pu si souvent, s'il n'avait pas à chercher remède hors de lui, dans la psychanalyse, la morale, la politique ou la religion, c'est qu'il pouvait écrire de telles lignes ; c'est à dire constater une évidence qui semble suffire à rendre la vie impossible ou vaine, et en même temps, par l'image qui la saisit, l'inscrire - sans l'effacer ni la tourner - dans une immensité qui la change, dans une figure qui l'apaise ; c'est-à-dire maintenir l'homme et le monde saufs. Cette expérience ne peut être prouvée, ni formulée ; elle ne peut qu'être intimement revécue ( par le lecteur ).
La poésie finalement est cette possibilité d'insérer la plainte dans une totalité qui la résorbe. [...]
" Être ici est splendeur "
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Avril   [l'une des 'Trois fantaisies']
     
Les lignes du râteau peignent la terre, la rident comme une eau. Il faut les tracer quand celle-ci n'est pas trop sèche, sinon de la poussière s'élève et envahit la maison, se déposant sur les tables, les livres, les flacons. Des moines, en Extrême-Orient, ont créé des jardins de méditation à partir de ces lignes et de quelques pierres. Cela ne me surprend pas, car les dessins du râteau produisent une sorte d'apaisement intérieur, un sentiment de plénitude silencieuse. Pourquoi ? Ai-je coiffé la terre comme je coiffe encore quelquefois mon enfant, qui n'est plus une enfant ? Ce travail facile, ces gestes qui s'accommodent de la lenteur et de la distraction, brisent la mince écorce que la chaleur avait rendue imperméable, opaque ; on voit de nouveau la matière plus sombre, intime, vivante de la terre. Celle-ci s'est rouverte en même temps qu'elle s'est ordonnée. Ressemblerait-elle à ces persiennes qui laissent passer la lumière en la striant ? Je ne sais trop. Sans doute faut-il plutôt penser à des ondes, à la vibration d'une voix, à l'écriture d'un chant... On aurait fait apparaître un chant à la surface de ce sol qui nous porte et nous recevra ; une fois que c'est achevé, comme devant une surface de neige fraîche, on hésite à y marquer son pas.
     
     
BEAUREGARD, 1976-1980.
(Note : Ce recueil a paru en édition originale avec des gravures de Zao Wou-Ki aux éditions Maeght, Paris, en 1981).
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Je me redresse avec effort et je regarde :
il y a trois lumières, dirait-on.
Celle du ciel, celle qui de là-haut
s’écoule en moi, s’efface,
et celle dont ma main trace l’ombre sur la page.
     
L’encre serait de l’ombre.
     
Ce ciel qui me traverse me surprend.
     
On voudrait croire que nous sommes tourmentés
pour mieux montrer le ciel. Mais le tourment
l’emporte sur ces envolées, et la pitié
noie tout, brillant d’autant de larmes
que la nuit.
     
     
Autres chants, dans « Chant d’en bas », 1974.
(Repris dans « À la lumière d'hiver, Gallimard ; précédé de, Leçons ; et de, Chants d'en bas ; et suivi de, Pensées sous les nuages», Gallimard, 1994 ― & en Introduction dans « L'encre serait de l'ombre; Notes, proses et poèmes choisis par l'auteur », 1946-2008, Gallimard, 2011).
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Plus aucun souffle.
     
Comme quand le vent du matin
a eu raison
de la dernière bougie.
     
Il y a en nous un si profond silence
Qu’une comète
en route vers la nuit des filles de nos filles,
nous l’entendrions.
        
Leçons - p. 26
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Abeilles, accourez broder de braise ces robes
ou ces paupières, ou ces lèvres, ou ce cou

puis, moins brûlantes mais non moins dorées,
éparpillez-vous sur toute la soie de la nuit.
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Un simple souffle, un noeud léger de l'air,
une graine échappée aux herbes folles du Temps,
rien qu'une voix qui volerait chantant
à travers l'ombre et la lumière.
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