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Citations de Philippe Muray (523)


Si ... on glisse vers France 2 et qu'on a le malheur de tomber, le même soir, et pratiquement sans transition, sur Marguerite Duras en train de gargouiller au "Cercle de minuit", on se rend compte tout de suite que le même combat se poursuit, la même dissuasion, la même entreprise de liquidation sanitaire et crépusculaire (...) N'ayant plus rien lu d'elle depuis mille ans, j'avais l'esprit frais pour écouter cette Bouche d'Ombre de l'Ecrit Primal, et entendre comme il le mérite son discours sans bords, ce cataclysme verbal de cyclope haché de silences brumeux comme des pubs entrecoupées de neige électronique, ces infra-phrases se multipliant par elles-mêmes dans la bouillie de leur cauchemardesque génération spontanée, ces confettis de rien perpétuellement imposés comme un mystère profond, ces vagues lourdes et noires d'inepties ("On vit dans un bruit d'automobiles, à Paris, est-ce que vous savez ça ?") ...

Durassic flaque, p. 459
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Le féminisme d'il y a trente ans, dont se réclament les neo-féministes de la post-histoire, était déjà précisément l'un de ces discours amplifiés et sur-ajoutés, l'une de ces superstructures décoratives et emphatiques venant envelopper, et faire semblant de déclencher, alors qu'ils n'arrivaient qu'après coup, un fait accompli : l'irréfutable transformation des femmes, le changement de leur "place" dans la société, et toutes sortes d'autres réalités qui n'étaient nullement les conséquences du féminisme ; d'où, bien sûr, la rage de celui-ci à en rajouter ; et à faire semblant de conduire une évolution qui se produisait sans lui.
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Ce n’est pas parce que le cancer du poumon est un danger réel que l’on pourchasse les fumeurs avec de plus en plus de férocité ; ce qui motive d’abord la répression, c’est le plaisir de réprimer, le dernier peut-être qui nous reste ; et avec d’autant plus d’allégresse que la cause est indiscutable.
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13 janvier 1992.
Le problème n'est plus de connaître beaucoup de gens, d'être aimé par beaucoup de gens, mais au contraire, à mes yeux, d'en connaître le moins possible. Deux ou trois suffisent désormais puisqu'ils se ressemblent tous.
p. 28
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Je ne suis pas un marchand d’espérance ni de mensonges. Et je déteste les positiveurs, que je trouve bien plus désespérants que moi. Je ne m’appelle pas Onfray-Sponville, ni Comte-Spongieux, ni Maffesoli-Spontex.
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Le "programme" de l'opposition et celui de la majorité voguent dans les mêmes eaux pour s'y dissoudre et y mêler leurs ultimes déchets. Et la fête est tout ce qui reste quand les contenus idéologiques se sont à peu près egalisés ou indifférenciés.
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18 octobre 1995.
Nanouk et moi on attend Delaroche au Lucernaire. On dîne. Au petit étal de bouquiniste qui se trouve devant l'entrée du restaurant, j'achète un recueil d'articles de Ionesco, "Antidotes". Des choses qui datent des années 60-70. Ionesco y écrivait dans la perspective du triomphe planétaire de l'URSS, et ses cris de détresse, de ce point de vue, pourraient paraître complètement démodés. Sauf si on pense que les agents du collectivisme sont toujours en place (surtout en Occident), et plus que jamais actifs, propageant plus que jamais le conformisme totalitaire, jouant plus ardemment que jamais sur la corde sensible, mais sous des masques nouveaux, dans des domaines apparemment dispersés, indépendants les uns des autres (féminisme, hystérie anti-tabac, droits des animaux, droits des prétendues minorités opprimées, droits des enfants, droits des homos, droits des sidaïques, etc). Dans "Jugement à Moscou", Boukovsky écrit même que si la nomenklatura socialiste européenne est si pressée de "construire l'Europe", cette camisole de force comme il la définit, c'est qu'elle sait qu'elle ne pourra rester éternellement au pouvoir qu'en devenant "une bureaucratie centralisée non élue qu'il sera pratiquement impossible de déloger." Nous vivons, annonce-t-il, "une seconde guerre froide, avec une nouvelle race d'utopistes coercitifs qui s'efforcent de modifier notre culture, de contrôler notre comportement et, à la fin des fins, nos pensées." En 1975, Ionesco écrivait : " L'homme est un être asocial qui ne peut vivre qu'en société, mais qui, dans la société, ne peut vivre qu'asocialement." Et aussi : "Si toutes les sociétés sont mauvaises, c'est parce que le quotient individuel empêche qu'elles soient parfaites et s'oppose à l'utopie. Ceci est à la fois bon et mauvais. C'est plutôt bon, encourageant."

p. 536
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Depuis qu’ils sont incapables de jouer avec la beauté, l’harmonie, la vérité et le mensonge, les arts se sont découverts une mission. Comme toutes les espèces qui, se sachant menacées, ne peuvent plus rien inventer d’autre que l’accélération de leur disparition, les artistes contemporains adhèrent à l’humanitarisme, qui est l’ennemi mortel de chaque art séparé. Pour que les arts séparés rentrent dans la sphère de l’humanitarisme, il faut qu’ils perdent leur spécificité. La meilleure manière de leur faire perdre cette spécificité est de les noyer tous ensemble dans la soupe de la Culture. […] La Culture ne retire rien aux arts qu’elle absorbe, sauf une chose, une seule, leur qualité d’empêchement ; et leur virtuosité critique ; et leur capacité conflictuelle ; autant dire leur sexe. […]
En tant que destin mondial de l’absence des arts, la Culture est l’expérience essentielle de l’histoire contemporaine.
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8 avril 1992.
Un spécialiste américain de l'histoire de la littérature donnait récemment les quatre raisons pour lesquelles celle-ci est en train de disparaître (...) 4. Les livres sont écrits pour appartenir au journalisme et non plus à la littérature. Il faudrait y ajouter, à mon avis, la nouvelle injonction, diffuse et en même temps implacable, d'approuver partout un monde qui se prétend idéal puisqu'il veut le bien de tous, et qui ne saurait tolérer le moindre manquement de respect à son égard. L'enfer des écrivains a toujours été pavé de médiateurs, mais jamais encore ceux-ci n'étaient apparus sous le masque inattaquable de la philanthropie.
p. 119
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Le fondement de la mauvaise littérature, c'est la démagogie. Si le lecteur aime tant la mauvaise littérature, c'est qu'elle a la vertu de le replacer, lui, /en groupe/. De lui faire croire que son salut vient des autres, des goûts qu'il a en commun avec les autres. Il veut être effacé dans le collectif. La mauvaise littérature est la vraie mort de l'homme, mais c'est une mort qui lui plaît parce qu'en l'effaçant elle lui voile qu'il n'est rien (ruse de l'identification). Tous les gros tirages, presque tous les best-sellers (pas tous, ce serait trop facile, il faut quelques exceptions d'éclat, quelques consécrations mémorables de grands auteurs pour que la farce n'apparaisse pas trop grossière et que le système ne perde pas toute sa crédibilité) viennent de ce désir de mort douce, de mort flattée, qui lui même vient du désir de ne rien savoir de la volonté de vivre qu'il y a dans /l'opposition qui s'écrit/, dans le fait de devenir, soi-même, le tout de l'opposition à une société donnée (la nôtre est évidemment d'autant plus refoulante qu'elle est consensuelle).

16 mai 1989, p. 125-126
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Philippe Muray
Pivot (Bernard) : «télé-évangéliste», avec sa «fausse bonasserie postillonnante, ses fous-rires de pucelle, ses yeux ronds de poisson des Alpes, sa jovialité de ballot du Danube, ses extases d’épicier empâté, ses lunettes sur le front, ses finasseries de fanfare municipale et ses pseudo-sévérités de maître d’école ballonné de fleurs de rhétorique», «absolu de l’horreur anti-littéraire»
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(Dumas au Panthéon, 2003).
Oui, pauvre Dumas... Et Didier Decoin, président de la Société de ses faux amis, commentait alors pesamment : "Dans la France d'aujourd'hui, c'est bien de mettre au zénith un beur ou un quarteron." Mais déjà se prépare la panthéonification de George Sand, et l'on pourra assister à de nouveaux étalages de crétinisme boursouflé dans le genre : "Entre ici, Parité !" Sans préjuger de ce qui se chantera quand ce sera au tour de Marguerite Duras d'y passer : "Entre ici, Pull-over !" Et de bien d'autres. J'espère vivre assez vieux pour voir Christine Angot transférée au Panthéon : "Entre ici, N'importe quoi !" Et Delerm : "Entre ici, Petits riens !" Ou Virginie Despentes : "Entre ici, Aphasie !" Ou Anna Gavalda : "Entre ici, Ensemblecétout !" Pour qui se sent des dispositions à la rigolade, il y a du rire sur la planche ...

p. 239
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"Coups de coeur" : le mot coeur.

... et que Céline a aussi dit plus tard ce qu'il pensait précisément de l'usage abusif du /coeur/ ("Je l'oubliais cet autre renvoi visqueux ! La marque d'une bassesse intime, d'une impudeur, d'une insensibilité de vache vautrée, irrévocable, pour litières artistico-merdeuses, extraordinairement infamantes ...")

p. 319
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Les Romains imposaient une civilisation aux peuples qu’ils avaient conquis là où les Américains veulent imposer un style de vie dont ils ne voient pas qu’il se partage entre l’horrible, le désolé et le grotesque.
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« Ce que je reproche à l’égalité, ce n’est pas d’entraîner les hommes à la poursuite de jouissances défendues, c’est de les absorber entièrement à la recherche des jouissances permises. » Voilà où nous en sommes exactement : à nous contenter de ce qu’on nous donne.
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6 septembre 1997.
Aux obsèques de Diana, j'ai vu la reine, flingue de l'opinion publique pointé sur elle, obligée de s'incliner sur le passage du cercueil de son ex-belle-fille (un peu comme les sans-culottes, si je ne me trompe, ont contraint Louis XVI à trinquer avec eux). J'ai vu tous les /hommes/ (les hommes ?) de la famille royale (Charles, Philip, les enfants de Diana et de Charles), à la suite du sinistre, du diabolique frère de la défunte, forcés de suivre le convoi, pris par surprise et obligés de marcher, entre deux haies de badauds, alors que rien de semblable n'avait été prévu par le protocole, dans une atmosphère sourde de lynchage à blanc qui rappelait, deux siècles plus tard, le retour forcé de Louis XVI à Paris, le 6 octobre 1789. C'est surtout l'air égaré du prince Philip qui m'a ému. Lui qui, dans toute sa vie, n'a probablement pas déambulé une heure à travers les rues de Londres, lui dont la stupide existence a toujours consisté à chasser le faisan, il était là, avançant comme un vaincu derrière le char de triomphe de Diana, entamant le chemin de croix de la monarchie anglaise.
Les Britanniques ont tapé sur la famille royale à coups de larmes. Ils les ont guillotinés avec le couperet de la compassion. La couronne est noyée dans un torrent de sanglots. C'est la Terreur du Coeur. Et des bouquets de fleurs. Et des cartes à jouer avec la Reine de Coeur.
"Les gens se sentaient coupables s'ils ne manifestaient pas leur tristesse, raconte un journaliste du Guardian. La semaine dernière, ceux qui jugeaient la réaction à la mort de Diana excessive tâtaient le terrain avant de se lancer dans une conversation pour savoir s'ils avaient à faire à un /croyant/ ou à un /apostat/." C'est moi qui souligne.
Diana, pour les Anglais, c'est la bonne monarchie, la monarchie à visage de conne.

pp. 336-337
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18 septembre 1989.
Est-ce un hasard si les stupéfiants, en France, arrivent une vingtaine d'années après la Révolution ? La proclamation du bonheur pour tous n'aurait pas été suffisante pour consoler de la disparition des plaisirs ? Comme c'est curieux ! ... Plus l'ensemble social veut le bonheur (ou croit qu'il s'est donné les moyens de l'obtenir), et plus l'art a de bonnes raisons de craindre le pire. Quand tout, dans un pays, est "astreint aux affaires" ..., il n'existe plus aucune porte de secours ouvrant sur aucune frivolité, et le blabla romantique peut alors débarquer pour camoufler, sous ses fumigènes multicolores, les réalités du business. Mais tout le monde n'a pas le goût de ce mensonge idéalisant qu'on appelle romantisme. Comment ne pas se laisser enfermer dans les faux problèmes de son temps, les faux devoirs et les effervescences piégées ? Pour Baudelaire et pour quelques autres, il est fort probable, hélas, que les paradis artificiels soient apparus comme le seul contrepoison libérateur, face à l'intoxication forcée du bonheur en commun.

p. 185 (aussi dans Exorcismes Spirituels, I, "Narcophilanthropie").
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Depuis que l’art est mort, chacun veut être artiste.
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Il faudra discourir et discourir et discourir encore pour dissimuler que [la guerre contre l’Irak] n’a aucun sens (en dehors du projet jamais vraiment avoué, et tout de même légèrement loufoque, du moins à moyen terme, de réduire le monde arabo-musulman en esclavage, c’est-à-dire de lui refiler l’Occident actuel comme on refile le choléra à la peste).
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[Ce sont les Rosanvallon, les Plenel et les Lindenberg que] j’appelle les nouveaux actionnaires – actionnaires de la société en commandite Nouveau Monde, maîtres d’une nouvelle réalité qu’ils ne comprennent pas du tout mais sur laquelle ils entendent avoir le monopole de l’interprétation claudicante et de la critique percluse. Qu’une autre interprétation et une autre critique se développent en dehors d’eux, et ils se gendarment. On n’a pas le droit, en effet, de désobéir à leurs petites désobéissances de mérinos ; ni de déranger leurs dérangements routiniers ; encore moins d’iconoclaster leur iconoclasme. On ne doit, en d’autres termes, jamais se mutiner en dehors des plates-bandes d’Esprit, de Libération, des Inrockuptibles et du Monde…
(Flammarion, Champs/Essai, 2008, p. 262)
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