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Critiques de Rabih Alameddine (198)
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Les vies de papier

Les Vies de papier est un roman que je vais garder bien précieusement dans un coin de ma bibliothèque, à portée de main et de regard comme le portrait d’un être cher que l’on aime avoir sous les yeux…

Oui, j’ai adoré le personnage d’Aaliya Saleh avec ses soixante-douze ans, ses cheveux bleus (ben oui, une erreur de manip’, ça arrive), ses lunettes et ses clefs qu’elle cherche tout le temps (comme moi), son refus de se laisser étouffer par la société, la famille, les voisins, son amour des livres qu’elle traduit en arabe et ses mille et un souvenirs qui m’ont amusée, touchée, émue aux larmes.

J’aimais retrouver Aaliya tous les soirs, son franc-parler, son humour, sa façon d’être au monde, elle va terriblement me manquer. C’est pourquoi, il est hors de question qu’elle s’éloigne de mon bureau…

Il faut que vous dise aussi qu’à cause d’elle, mon budget Noël a diminué de moitié car elle m’a fait acheter une quantité de livres incroyables : j’ai rempli de titres plusieurs pages de mon carnet noir !

Aaliya est traductrice : tous les premiers janvier, après un bon bain décrassant et deux bougies allumées, elle « s’attaque à une œuvre nouvelle » qu’elle traduit en arabe… j’oubliais de vous dire une chose importante : elle habite Beyrouth ! Kafka, Yourcenar, Coetzee ou Bolaño ? Pas facile de choisir !

Elle vit depuis des années dans son appartement-refuge : dehors, pendant longtemps, ça a été la guerre et puis, lire et traduire sont deux activités qui l’occupent pleinement. Elle n’a besoin de rien d’autre et surtout de personne. Autour d’elle, des livres et des cartons dans lesquels elle place ses traductions : le carton Anna Karénine, le carton Le Livre des mémoires, le carton Le Livre de l’intranquillité et les autres, tous les autres. Qu’en fait-elle ? Rien. Elle les range dans une petite chambre de bonne et passe à une nouvelle traduction : « Traduire et ne pas publier, voilà ce sur quoi je mise ma vie… c’est le processus qui me captive, et non le produit fini. » » résume- t-elle. Son amour pour les livres remonte à loin : « Je me suis glissée dans l’art pour échapper à la vie. Je me suis enfuie en littérature. » avoue-t-elle. L’art comme refuge pour celle qui ne s’est pas sentie aimée des siens : « Je suis le membre superflu de ma famille, son inutile appendice. »

En toute lucidité, elle s’explique : « Je me suis depuis bien longtemps abandonnée au plaisir aveugle de l’écrit. La littérature est mon bac à sable. J’y joue, j’y construis mes forts et mes châteaux, j’y passe un temps merveilleux. C’est le monde extérieur de mon bac à sable qui me pose problème. Je me suis adaptée avec docilité, quoique de manière non conventionnelle, au monde visible, afin de pouvoir me retirer sans grands désagréments dans mon monde intérieur de livres. Pour filer cette métaphore sableuse, si la littérature est mon bac à sable, alors le monde réel est mon sablier - un sablier qui s’écoule grain par grain. La littérature m’apporte la vie, et la vie me tue. » Voilà, c’est dit. Je n’ajoute rien !

Il faudrait aussi parler de la musique (j’ai noté plein de références, merci Aaliya, enfin… merci, façon de parler… le budget va encore en prendre un coup !)

Parfois, elle entend ses voisines, Fadia, Marie-Thérèse et Joumana, qu’elle surnomme « les sorcières » parce qu’elle les imagine constamment en train de critiquer le monde entier. Voilà la vie d’Aaliya, son quotidien…

Mais cette femme a eu une autre vie, avant : elle a été mariée (peu de temps) à un certain : oh… j’ai oublié son nom ! Peu importe, me dirait elle, continue, ne parle pas de lui. Alors, je continue… (Je ne suis pas contrariante !) Que dire de son mariage ? Je te laisse la parole Aaliya puisque tu tiens à en placer une : « Lorsque chacune des jeunes filles arabes fit la queue en attendant que Dieu lui donne le gène de celle-prête-à-tout-pour-se-marier, je devais être ailleurs, probablement perdue dans un livre. ». Elle cite aussi Stendhal qui fait dire au comte Mosca : « La première qualité chez un jeune homme d’aujourd’hui… c’est de n’être pas susceptible d’enthousiasme et de n’avoir pas d’esprit. » et elle poursuit ainsi : « le portrait tout craché du crétin que j’ai épousé, bénie soit son âme rance. » Elle ajoute que leurs conversations commençaient chaque fois par « un silence d’une bonne vingtaine de minutes ». Elle avoue regretter de n’avoir pas écouté Tchekhov qui disait : « Si vous craignez la solitude, ne vous mariez pas. » Enfin bon, conclut-elle en citant Mme du Deffand, « Ne point aimer son mari est un malheur assez général ».

Elle eut aussi une amie : Hannah. Je l’entends me dire : « Là, prends ton temps, dis-leur qui était Hannah, ne bâcle pas. » Bien sûr, Aaliya, je vais leur dire mais pas tout, je ne peux pas leur raconter la terrible histoire de ton amie. Et puis, j’ai peur que ça te fasse de la peine de réentendre tout cela, laissons-les découvrir tout seuls. Disons quand même qu’elle adorait la philo, qu’elle était gourmande comme pas deux, et que, pendant que tu lui faisais la lecture, elle tricotait inlassablement pour les enfants de sa belle-famille… elle qui n’a jamais été mariée…

Aaliya évoque aussi sa mère. « N’en parle pas ! » m’ordonne-elle. Ah ! Mais je fais ce que je veux ! C’est mon article tout de même ! Si les personnages commencent à intervenir comme bon leur semble, où va-t-on ? Avoue, tu as honte de l’avoir mise à la porte de chez toi, d’avoir refusé de la prendre pour soulager ton frère et ta belle-sœur ! C’est ça ? Mais tu as le droit Aaliya. Tu ne comprends pas pourquoi elle a poussé un horrible cri en te voyant ? Rappelle-toi que tu avais les cheveux bleus, Aaliya. Elle a peut-être tout simplement eu un peu peur. Moi (celle qui écrit… il faut préciser qui on est maintenant !), je veux me souvenir de la scène où tu lui laves les pieds : les larmes me montent aux yeux, Aaliya, ce que tu as fait était si beau. Ton geste m’a marquée. Je ne l’oublierai jamais.

On pourrait aussi évoquer ta ville : « Beyrouth est l’Elisabeth Taylor des villes : démente, magnifique, vulgaire, croulante, vieillissante et toujours en plein drame. Elle épousera n’importe quel prétendant enamouré lui promettant une vie plus confortable, aussi mal choisi soit-il. » Une ville que tu as connue longtemps en guerre : « Tout Beyrouthin d’un certain âge a appris qu’en sortant de chez lui pour une promenade il n’est jamais certain qu’il rentrera à la maison, non seulement parce que quelque chose peut lui arriver personnellement mais parce qu’il est possible que sa maison ait cessé d’exister. » Les coupures d’eau, d’électricité, la faim, les trajets toujours différents… Terrible routine !

De quoi parles-tu encore Aaliya ? De ton corps (elle me regarde en fronçant les sourcils), un corps qui vieillit : « J’ai atteint l’âge où la vie est devenue une série de défaites acceptées… membres enflés, arthrite, insomnie, à la fois constipation et incontinence, les hautes et les basses marées des enfers du vieillissement. » Et puis, je râle toujours me souffle-t-elle. Merci on avait remarqué ! Tu n’es pas fréquentable, Aaliya ! Mais elle le sait celle qui cite Cioran écrivant dans Précis de décomposition (ah les titres de Cioran !) : « La vie en commun devient intolérable, et la vie avec soi-même plus intolérable encore. »

Ce n’est pas beau de vieillir dirait l’autre. Je n’ai jamais dit ça, proteste-t-elle. Non, ça, Aaliya, c’est moi qui l’ajoute ! J’ai le droit, non, je suis libre d’écrire ce que je veux !

Tiens, elle s’est endormie… Elle ronfle un peu… Je vais enfin pouvoir conclure tranquillement…

Une sacrée bonne femme, mon Aaliya ! Vous ne regretterez pas de faire sa connaissance… Enfin, je crois… Vous avez vu (et entendu !) : un caractère bien trempé ! Pas facile d’entrer chez elle, faut la connaître ! Maintenant, vous êtes prévenus. Vous ne l’oublierez pas de si tôt…

Je vous laisse, elle ouvre un œil ! Je vais lui préparer son thé…


Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Les vies de papier

Il nous est rarement donné de côtoyer une telle héroïne, encore moins de participer à un tel hommage au pouvoir de la littérature. Aaliya est un personnage que l'on n'oublie pas, un de ceux qui nous marquent pour toujours. Le voyage auquel elle nous convie est celui d'une femme érudite qui trouve dans les livres le refuge que ne lui offrent ni les rues de Beyrouth en proie à des conflits armés incessants, ni le carcan de la société libanaise toujours trop liberticide pour les femmes.



Les vies de papier. Pour une fois, le titre français est superbement bien choisi. Ces vies, ce sont celles qui accompagnent Aaliya depuis toujours. Disons depuis que, pour son plus grand bonheur, son mari l'a répudiée après seulement quelques années de cohabitation, et qu'elle a trouvé à s'employer dans une petite librairie de quartier. Amoureuse des mots, trilingue, elle s'emploie à traduire en arabe quelques chefs-d’œuvre de la littérature étrangère à partir de traductions anglaises ou françaises. Ces traductions s'empilent chez elle dans des boîtes, elle n'a jamais envisagé de les faire publier, seul compte le plaisir de la traduction. En fait, Aaliya n'a jamais envisagé que son travail puisse intéresser quelqu'un d'autre qu'elle-même.



L'histoire de sa vie, elle nous la livre peu à peu, du haut de ses soixante-douze ans dont la plupart vécus dans ce même appartement du centre de Beyrouth. Enfance, mariage, voisinage, jalousies familiales et dehors, les guerres, la menace qui rôde sans cesse au bout de la rue. En parallèle, ses vies de papier. Les auteurs qui l'aident à vivre et à comprendre le monde. Les auteurs pour qui elle vit, tout simplement.



"J'étais une lectrice vorace, mais après la mort de Hannah, je devins insatiable. Les livres devinrent mon lait et mon miel. Pour me réconforter, je me récitais des formules naïves du genre "Les livres sont l'air que je respire", ou pire, "La vie n'a pas de sens sans la littérature", tout cela en une faible tentative d'éviter le fait que je trouvais le monde inexplicable et impénétrable. Comparée à la complexité de la compréhension du chagrin, Foucault ou Blanchot sont dans la catégorie des livres pour enfants."



En côtoyant Aaliya, peu à peu ce sont les réalités de la société beyrouthine qui s'offrent à nous, une société qu'elle observe avec lucidité, humour et surtout une bonne dose d'ironie nécessaire. Comment comprendre un monde où l'on s'entretue à longueur de temps ? Comment ne pas chercher des réponses auprès des grands auteurs ?



"La première réaction que l'on peut avoir est de se dire que les Beyrouthins doivent être sauvagement fous pour se massacrer les uns les autres au nom de divergences aussi triviales. Ne nous jugez pas trop sévèrement. Au cœur de la plupart des antagonismes se trouvent des similarités inconciliables. Des guerres de cent ans furent livrées pour divergences sur la question de savoir si Jésus était humain de forme divine ou divin de forme humaine. La foi est assassine".



Ce roman nous offre un magnifique personnage de femme, éprise de liberté, amoureuse de son pays autant que de la littérature. Un regard aussi sur le souffle, l'oxygène que fournit cette fenêtre sur le monde que sont les livres. Mais sur ce thème assez souvent abordé par les écrivains, c'est l'érudition joyeuse et généreuse de l'ensemble qui emporte le morceau. La démonstration parfaite de la façon dont la littérature nourrit un être.



Un roman enthousiasmant, dépaysant et délicieusement intelligent.
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Les vies de papier

Le personnage principal de ce livre est quelque peu déconcertant, assez antipathique.

Une habitante de Beyrouth, Aaliya (ce qui signifié séparée, le ton est donc donné) vit recluse, entourée des livres qu'elle traduit en arabe à partir d'une traduction en anglais ou en français, les langues qu'elle connait mais dont elle ne traduit pas les écrivains : vous me suivez, là, c'est confus, j'ai l'esprit embrouillé comme celui de cette femme âgée qui mêle ses souvenirs à la littérature.

La grande interrogation est : saura-t-elle s'ouvrir au monde, faire preuve d'empathie pour ses voisines (qu'elle surnomme "les sorcières") et pour sa très vieille mère ?

J'ai apprécié la description de Beyrouth, que l'héroïne du livre n'a jamais quitté, même au plus fort de la guerre. Et, là aussi, l'attitude et le ressenti des personnages durant cette guerre civile (j'en suivait, impuissante, les actualités à la télévision) sont bien retranscris par l'auteur libanais.

Nous avons également un grand aperçu de la condition des femmes de ce pays, entre rêves de mariage et soumission aux hommes de la famille.
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Les vies de papier

Ce livre est un voyage, raconté par la vieille Aaliya.

Un voyage au coeur de Beyrouth et de son histoire tout d'abord.

Mais également un voyage culturel et littéraire aux multiples références.

Aaliya la narratrice est une érudite solitaire, amoureuse des livres, traductrice à ses heures perdues, qui nous livre ici un récit passionnant proche de l'introspection.

C'est un texte empreint de solitude mais aussi d'indépendance, bourré de digressions dans lesquelles on se laisse embarquer.

Un vrai plaisir de lecture.
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La réfugiée

Une médecin transsexuelle libanaise, ayant quitté depuis longtemps sa famille, dont le seul lien est son frère chéri, part dans le camp de Moria, en Grèce, tristement célèbre pour accueillir des migrants en partance. Elle fait la connaissance de l'auteur, à qui elle s'adresse en le tutoyant et d'une famille dont la mère est gravement malade. C'est celle-ci qui donne in fine son titre à l'ouvrage.

Par l'intermédiaire de la doctoresse, l'auteur expose ses états d'âme, ses hésitations, sans cacher ses failles.

Ce récit est très émouvant, mais je ne sais vraiment pas pourquoi je n'ai pas réussi à m'apitoyer complètement lors de cette lecture : peut-être à cause des sauts d'un personnage à l'autre qui m'ont déstabilisée ou est-ce qu'il est à la limite du pathos sans - heureusement - y entrer tout-à-fait ?

Ce livre a le grand mérite de nous faire réfléchir sur de très nombreux sujets : le deuil, l'identité de genre, l'accueil des réfugié.e.s (nos frères et nos sœurs en humanité) - d'ailleurs il vaut mieux parler de crise de l'accueil des migrants plutôt que de crise migratoire -, la fraternité familiale, nos lâchetés ordinaires et j'en passe...
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Les vies de papier

Un livre, un récit qui baigne dans les livres, l'amour de la lecture. Aaliya, cette femme solitaire, traductrice depuis 50 ans en langue arabe des oeuvres qu'elle le plus aimées, un livre à traduire par an, le plus difficile étant parfois le choix du début d'année.



Rabih Alameddine nous fait pénétrer dans l'immeuble de cette femme simple, qui ne vit et ne pense qu'à travers les lectures qui ont parsemé sa vie. Un mot, une pensée, une situation et un texte, une poésie lui revient.



Mais au-delà des livres l'auteur dépeint également les conflits du Liban avec ses conséquences : les coupures d'électricité, les décombres, les rafales par moment, la méfiance. Mais il y a aussi les femmes et la solidarité entre elles. Aaliya est entourée de femmes dans son immeuble, il y a les 3 sorcières mais il y avait surtout Hannah, sa belle-soeur disparut désormais, ne supportant plus la vie sans les traces de son grand amour. C'est une histoire de femmes, d'intimité mais une histoire de littérature, de livres de tous horizons.



Une femme simple qui après avoir longtemps travaillé dans une librairie s'enferme au milieu de ses livres, se coupant des autres, de sa famille et de sa mère, une inconnue désormais pour elle afin de passer sa vie à lire, car les livres lui semblent être ses seuls amis, donnant réponse à ses questionnements.



La première moitié du livre m'a paru un peu confuse, beaucoup d'aller-retours avec le passé (mais peut être n'étais-je pas très disponible à ce moment là) :  et j'ai eu un peu de mal à m'y retrouver, puis dans la deuxième partie j'ai aimé la narration des vies de ces femmes, essayant de maintenir une vie sociale, familiale dans une ville détruite par les guerres.



L'écriture est très narrative, tout passe par les pensées de Aaliya et j'aurai peut-être aimé un peu plus de rythme car toutes les énumérations de livres, d'auteurs, dont une partie me sont totalement inconnus, lassent un peu. Je trouve le titre magnifique : Les Vies de Papier ..... quel beau titre et c'est ce qui m'a attirée et j'en ressors un peu déçue même si l'amour de la littérature est bien présent : je n'ai pas eu d'émotions, je suis restée assez distante par rapport au récit à part pour la relation entre Aaliya et Hannah que j'aurai aimé voir développée un peu plus.
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L'ange de l'histoire

Une lecture qui nous plonge, à la fois dans une biographie et un conte. Un conte des temps modernes avec une plume chantante, déstabilisante. Une intrigue qui court sur plusieurs décennies pour nous raconter la dérive humaine. Mais cette dérive a le goût des mille et une nuit. Imaginez-vous devant un bon feu avec un auteur qui vous raconte une histoire. Rabih Alameddine, est un conteur.



Le temps d’une nuit, dans la salle d’attente d’un hôpital psychiatrique, Jacob, poète d’origine yéménite, revient sur les événements qui ont marqués son enfance dans un bordel égyptien, son adolescence sous l’égide d’un père fortuné, puis sa vie d’adulte homosexuel à San Francisco dans les années 1980, point culminant de l’épidémie du sida.



On s’imagine lire une énième biographie, mais c’est là où le talent de l’auteur nous entraîne, dans un conte fantastique. En effet, Jacob n’est pas seul : Satan et la Mort se livrent un duel et se disputent son âme, l’un le forçant à se remémorer son passé douloureux, l’autre le poussant à oublier et à renoncer à la vie.



Le plume est d’une rare érudition et je dois dire que cela fait du bien, car j’ai eu l’impression de relire un des auteurs classiques que j’ai pu affectionner. Alors oui, c’est beau, c’est même poétique, mais je me suis parfois ennuyée.



Le mélange entre saga familiale, biographie, plume poétique, ironie, a parfois eu du mal à trouver grâce à mes yeux. Alors que les éléments pris un par un étaient d’une grande saveur. Les chapitres s’alternent entre souvenirs de Jacob, discussions entre la mort et le diable et le présent dans la salle des urgences de l’hôpital.



L’auteur décrit avec justesse, la communauté homosexuelle de San Francisco ravagée par le sida pendant les années 80. Jacob, révèle une personnalité meurtrie par la mort, de ses amis et de l’amour de sa vie, emportés par la maladie.



L’impossible oublie, qui permet d’accepter la mort. L’oublie qui permet d’apporter la paix à Jacob lui est refusé par Satan, qui se dispute avec la Mort qui ne souhaite que le soulager. Enfin le soulager surtout pour avoir son âme. Chacun se disputant cette âme meurtrie, que la vie a meurtrie.



D’une certaine manière, l’auteur tente un éclairage sur les désillusions que nous rencontrons, oblige son lecteur à une certaine introspection, à se demander comment lui a fait face à ses monstres.



Un roman ambitieux, original, qu’il n’est pas aisé d’aborder. Malgré une lecture chaotique, je garde un sentiment agréable dans son ensemble, mais avec des passages à vide où je suis restée à la périphérie de ce conte moderne.


Lien : https://julitlesmots.com/202..
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Les vies de papier

Rabih ALAMEDDINE. Les vies de papier.



Je plonge dans le Liban meurtri par ses guerres fratricides. Aaliya Saleh a 72 ans. Elle se souvient de toute son existence et nous retrace son parcours de vie. Depuis de nombreuses années, elle traduit en arabe les livres de ses auteurs préférés, Kafka, Pessoa, Nabokov, etc.... Mais elle conserve toutes ces traductions dans des cartons, des classeurs, des feuilles volantes qu’elle entasse dans des pièces de son appartement dont elle n’a pas l’utilité. Elle vit seule, ayant été répudiée par son époux. Ce dernier, un homme impuissant l’a évincée de sa vie pour infertilité. Ils ont divorcé. Depuis qu’elle est à la retraite, elle se complaît dans son univers. Auparavant, elle possédait une petite librairie de quartier. La littérature , les livres, la musique ont occupé son existence. Elle n’a jamais pensé à faire publié sa production, c’est son plaisir personnel.



Lorsqu’elle parcourt les rues de Beyrouth, elle se souvient de son amie intime, Hannah. Elle nous fait partager leurs conversations tout en visitant le musée national où le gardien lui témoigne une grande amitié. Elle nous décrit sa ville, victime de la guerre, ses immeubles menaçants ruine , la fuite des habitants vers des lieux épargnés par les bombes, les diverses coupures qui impactent la vie au quotidien des la population urbaine. Elle dépeint la société patriarcale traditionnelle, l’ignorance dans laquelle l’homme se complaît à tenir la femme. Cette dernière n’a qu’un rôle : enfanter et de préférence un bébé mâle. Nous faisons la connaissance de sa mère et de sa seconde fratrie. Les relations sont un peu compliquées. Aaliya aime son indépendance, elle y tient comme à la prunelle de ses yeux et ne veut nullement s’encombrer de sa mère, très âgée et malade. Avec beaucoup d’humour elle nous décrit ses tranches de vies, depuis son enfance jusqu’à ce jour. De l’ironie, de l’amitié, de la tendresse, de l’humilité et beaucoup de nostalgie dans cette narration, par ailleurs fluide et bien rythmée.



Un roman mêlant les livres, la littérature du monde, romans anglais, russes, français, la poésie et la musique. Les références aux auteurs sont nombreuses et diverses. Rabith ALAMEDDINE possède une grande culture littéraire et musicale. Il nous distille son savoir et nous permet de connaître des ouvrages et des auteurs peu lus en France. Il aborde les problèmes liés à la vieillesse, à l’isolement. Mais une lueur d’espoir naît au travers de ces traductions secrètes menées à bien par son héroïne, et qui sont sa fierté, son enfant. Je vous invite à mettre vos pas dans ceux de cette femme à la forte personnalité, intègre, laborieuse, vivant humblement dans un appartement vieillot, défraîchi. Je vous souhaite une bonne journée.

(02/04/2024).
Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Les vies de papier

Voyager à travers les mots alors que le monde autour de soi n’est que désolations, Aaliya Saleh, fringante septuagénaire libanaise, libraire de son état, femme répudiée, iconoclaste bout de femme, en a fait sa raison d’être.



Enfermée dans son appartement, entourée des romans qui sont son seul refuge face à la bêtise ambiante, Aaliya contemple son Liban déchiré par plus de 10 ans de guerre civile. Le lecteur revit ainsi plus de 50 ans d’histoire du Liban au travers du portrait touchant et drôle, sans langue de bois, de cette femme attachante.



Ce roman est aussi et avant tout une ode à l’esprit libertaire doublé d’une belle déclaration d’amour de l’auteur à la littérature. Un très beau récit, intelligent et plein d’humanisme que je recommande vivement et qui se savoure avec plaisir.

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Les vies de papier

Voici un roman à la fois passionnant et à la fois déroutant.

Autant je me suis régalée de suivre Aaliya dans les méandres de la littérature autant parfois je me suis sentie carrément larguée dans cette histoire.

Aaliya nous fait voguer entre présent et passé et je dois avouer que parfois je me demandais où tout cela nous mènerez.

La richesse du livre est incontestable avec toutes les références littéraires des plus grands auteurs mondiaux, les citations, le problème des traductions dont fait part Aaliya. J'ai apprécié aussi faire connaissance avec ce pays et cette ville Beyrouth.

Au delà de ces connaissances appréciables, Aaliya est une vieille dame qui nous dépeint son quotidien avec son voisinages les trois sorcières, les maux de la vieillesse, la solitude, le sens de la vie arrivée au terme d'un long chemin.

Une belle histoire riche et intéressante mais parfois déstabilisante. Ce n'est pas un long fleuve tranquille loin de là, mais le voyage en vaut le détour;

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Les vies de papier



Aaliya vit seule dans son appartement de Beyrouth. Son mari l’a quitté, son amie Hannah n’est plus qu’un souvenir. À 72 ans, Aaliya vit entourée de livres et évite soigneusement ses voisines toujours prêtes pour les ragots.

Elle évoque ses souvenirs, beaucoup se déroulant pendant les différentes périodes de guerre civile qu’a connues le Liban.

Elle était vendeuse en librairie et a développé un amour viscéral pour la littérature et l’art en général. Ce texte à la fois nostalgique et moqueur fourmille de références littéraires. Le talent de l’auteur réside notamment à ne pas proposer un catalogue mais à insérer des citations qui tombent à pic. Autre talent, il fait parler une femme, une rebelle cultivée et tout est crédible.

C’est un très beau texte pour un très beau portrait de femme.

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Être un homme

Collum McCann est le président de Narrative 4, association d’un groupe d’écrivains et de militants qui s’interrogent sur le rôle de la littérature et ses atome crochus avec l’action sociale. « Notre incapacité à comprendre l’autre est le centre de notre faillite collective, écrivains et militants joignent leurs efforts pour faciliter une meilleure compréhension de l’altérité. »



Pour donner corps à ce projet ambitieux, le magazine « Esquire » offre un espace à des dizaines d’écrivains du monde entier, en une ou plusieurs pages des auteurs prestigieux ou inconnus vont avoir difficile et presque impossible tâche de répondre à la question ; « Qu’est-ce qu’être un homme ? » Ces minuscules nouvelles sont réunies dans ce volume édité par Belfond.



Ce livre est de la pure littérature en mouvement, un work in progress, un laboratoire qui questionne, scrute et fouille l’âme humaine, il nous laisse, bien sûr sans réponse, mais c’est encore plus fort, nous refermons le livre avec une foules de questions. Michael Cunningham, Ian McEwan, Roddy Doyle mais aussi Gabriel Byrne, Khaleb Hosseini, Ayanna Mathis, une danseuse de ballet et même un mathématicien…… bref soixante-quinze écrivains nous questionnent avec talent.



Poésie en prose, précipité de littérature, un véritable cours d’écriture qui donne envie au lecteur de participer à l’aventure. A vos plumes : « Qu’est-ce qu’être un homme ? »
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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L'ange de l'histoire

Dans le cadre de "Masse critique", les éditions 10/18 m'ont envoyé ce roman de Rabih Alameddine, "L'ange de l'histoire". C'est l'avantage de Masse Critique de mettre en circulation des livres que, de moi-même, je n'aurais pas lus. Ce roman gay, qui se déroule pour une part dans le San Francisco des années 70-80, en pleine épidémie de Sida, et dont le héros narrateur est un Arabe d'origine égypto-yéménite, poète tourmenté qui survit à la mort de tous ses amis, est un roman gai, drôle, par moments désopilant. Il a cette qualité littéraire insigne qui consiste à prendre des sujets graves et sérieux dans la vie réelle, pour les alléger et les rendre comiques, ou du moins supportables, par la grâce de la littérature.



D'où viennent cette "vis comica", la drôlerie de ces scènes d'hôpital psychiatrique, d'agonies sordides, de ces souvenirs de malheur et de harcèlement infantiles qui accompagnent le narrateur ? D'abord, il n'est pas seul à faire son récit : y collaborent Satan, excellent humoriste, son fils Mort (mawt, la Mort, du genre masculin), qui fume trop, et les Quatorze Saints Protecteurs que le héros, dans son enfance, a appris à invoquer en secret dans son internat religieux du Liban, même après que Vatican II les a exclus du calendrier. Les discussions vont bon train, chacun raconte à l'autre des bribes du passé de Jacob / Ya'qub, le personnage principal, et tout ce beau monde surnaturel s'ingénie à le sauver de la dépression et du désespoir. D'autre part, dans la salle d'attente des urgences psychiatriques de l'hôpital St Francis (de San Francico), le héros narrateur Jacob parle avec Satan, négocie, bavarde, retrouve des souvenirs pénibles et - qui sait - va se sortir de ce mauvais pas. Ces infinis papotages sont irrésistibles et contribuent habilement à faire avancer l'histoire, ou plutôt, à la faire reculer, puisque l'on reconstruit, de proche en proche, la vie passée de Jacob. La narration n'est pas linéaire, mais réfractée entre plusieurs narrateurs.



Cette participation du surnaturel rappelle fortement les derniers romans de Salman Rushdie, qui sont aussi irrésistibles, mais plus didactiques : Rushdie a une leçon à faire passer, tandis d'Alameddine cède au pur plaisir de raconter, sans trop verser dans le misérabilisme arabe progressiste. Il ne peut prêcher de grandes leçons à la façon des auteurs musulmans de gauche, il est trop homo pour ça : l'autre grand mérite de ce roman est là, l'homosexualité littéraire est un scepticisme. Le souvenir des années atroces du sida n'est jamais un prétexte à sombrer dans le pathos. Ces agonisants n'étaient pas surnommés "gays" pour rien : la légèreté, la pudeur ironique, évitent de s'attendrir et de tout prendre au tragique, ce que l'infirmier irakien sado-maso de l'hôpital psychiatrique dit à Jacob à la fin de sa nuit aux urgences : "Ya'qub, ya Ya'qub, ne vous en faites pas comme ça, ça ira,et si ça ne va pas, revenez et on trouvera une autre solution."



C'est donc un bon roman, même si l'auteur parfois use et abuse de certains procédés qui perdent de leur efficacité à la répétition.
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La réfugiée

La réfugiée est un roman très dense, qu’il me semble être compliqué de présenter et d’expliquer en une simple chronique. Le narrateur est un protagoniste particulier, puisque né fille dans un corps de garçon. Ce n’est qu’à l’adolescence que cette jeune fille décide d’entreprendre sa transition, au détriment de ses proches, qui ne conçoivent pas un tel changement. Les ponts sont coupés, les dos tournés, Mina ne fait plus partie de leur famille. Néanmoins pleinement épanouie dans sa nouvelle vie, elle va faire la rencontre de Francine, qui deviendra sa femme, l’épaulera et la soutiendra dans tous les projets entrepris. Le dernier projet en date, et pas des moindres : en qualité de médecin, Mina souhaite se rendre à Lesbos, une île grecque, pour porter secours aux milliers de réfugiés syriens, turques ou libyens, qui viennent s’échouer sur ces plages autrefois paradisiaques. Une décision qui n’est pas sans arrière-pensées, puisque Mina est originaire du Liban, avant de s’expatrier aux Etats-Unis. Ce retour au continent est l’occasion pour elle de renouer avec l’un de ses frères, de deux ans son aîné, avec qui elle entretenait jadis une relation fusionnelle.



La réfugiée, c’est une histoire complexe. Mina est une réfugiée libyenne partie aux Etats-Unis des années plus tôt, qui a été appelée en renfort par son amie Emma, pour venir en aide aux nouveaux réfugiés, hommes, femmes et enfants, toujours plus nombreux, toujours plus souffrants. Dans les années 2010, particulièrement en 2015 puis en 2017, la crise migratoire en Europe est en augmentation constante, avec bon nombre de migrants arrivant dans l’Union européenne via la mer Méditerranée et les Balkans, depuis l’Afrique ou le Moyen-Orient, fuyant la guerre civile. De nombreuses familles, à l’image de celle de Sumaiya, sont prêtes à dépenser toutes leurs économies pour embarquer dans des canots de fortune et rallier la terre promise, sécurisée et fiable. Beaucoup succombent durant la traversée, à l’image du petit Aylan Kurdi, rendu tristement célèbre par une photographie de son corps, échoué sur le sable. La crise migratoire est loin d’être terminée, avec un nouveau chapitre qui s’ouvre en 2022, provoqué par le déclenchement de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Les populations ukrainiennes se réfugient dans d’autres pays d’Europe, laissant derrière eux toute leur vie.



Il faut avoir un sacré courage, une force de caractère et le cœur bien accroché pour devenir bénévole humanitaire. La pauvreté est partout, la maladie, la famine, le désespoir, la tristesse… J’ai été particulièrement émue par Sumaiya et sa famille. Ces derniers ont fui un pays en guerre, laissant toutes leurs possessions derrière eux. Mais Sumaiya est malade, elle souffre atrocement et n’en a plus pour longtemps à vivre. Elle est clairement devenue un poids supplémentaire pour la suite de leur périple, mais son mari et ses enfants refusent de poursuivre leur route sans elle. Une belle entente familiale, avec des preuves d’amour qui dépassent toutes les horreurs de la guerre.



L’amour fraternel qui unie Mina et son grand frère est également source d’inspiration. Obligés de se séparer des années plus tôt, car les parents de Mina ne concevaient pas le changement de sexe de leur fils, son frère a su garder discrètement le lien avec elle, avant de renouer physiquement sur une terre empreinte de symboles pour tous les deux. Leurs retrouvailles sont pudiques, tous les deux intimidés, mais en même temps, c’est comme s’ils ne s’étaient jamais quittés. Les habitudes sont toujours présentes, ancrées, et les souvenirs déferlent, heureux. Ce changement d’état civil n’a pas été facile pour Mina, qui, avec la force de caractère dont on sait qu’elle est dotée, a su faire face seule aux nombreuses difficultés sociales, administratives et professionnelles que peut engendrer un tel changement. Rabih Alameddine souhaite faire passer un message de tolérance, de soutien, de compréhension, auprès de toutes ces personnes qui ne se sentent pas bien dans leur corps : soyez vous-mêmes sans vous souciez de ce que peuvent dire ou penser les gens autour.



Un récit complexe et dense, sur des sujets d'actualité qui font couler beaucoup d'encre : la crise migratoire, l'identification genrée, et bien d'autres thématiques secondaires. Une histoire puissante et dramatique, qui nous donne à réfléchir sur la société dans laquelle nous vivons et sur nos choix personnels. Il faut s'accrocher, mais elle en vaut le détour !
Lien : https://analire.wordpress.co..
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Les vies de papier



Plus de 150 critiques à propos d'un livre dont l'auteur m'était totalement inconnu . Juste quelques mots : c'est une très bonne surprise que ce roman dont le cadre est le Liban .

On est rapidement conquis par le parcours de cette ex libraire Aalliya Saleh , femme atypique dans ce pays déchiré .

Il n'est pas courant qu'un homme sache entrer dans la peau d'une femme avec la justesse de ton nécessaire à rendre crédible , ne serait-ce que les dialogues , sans parler des ressentis .

Au travers de l'histoire , apparaissent quelques propos concernant des livres ou des auteurs qui doivent avoir intéressé l'écrivain .
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Les vies de papier

Aaliya Salah, 72 ans, a une passion : traduire en arabe ses auteurs préférés.

Plutôt solitaire, elle se remémore son passé, son métier de libraire, son amie Hannah, ses livres, les rues mouvementées de Beyrouth……

Un livre très intéressant et riche mais que j’ai trouvé très long à lire.

J’ai beaucoup aimé le caractère et la personnalité d’Aaliya.

Elle se perd et nous perd un peu dans ses pérégrinations mentales.

Ses références littéraires sont presque inépuisables.

Un récit très bien mené, décousu à l’image de son héroïne, mais plein de richesses malgré ses longueurs.

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Les vies de papier

Aaliya Saleh est une libanaise de 72 ans qui vit en marge des carcans imposés par la société. Dans l’ombre sécurisante de son appartement, elle s’apprête à entamer la nouvelle année selon un rituel bien établi : après avoir allumé deux bougies en l’honneur de Walter Benjamin, elle entamera la traduction d’un ouvrage qui lui est cher en arabe. Prise dans ses obsessions et ses tourments, elle ne parvient pas à se décider et flirte avec l’idée de contourner les règles auxquelles elle s’auto-soumet depuis tant de temps. D’ailleurs, du temps, il en est question dans les innombrables allers-retours entre passé et présent qui permettent d’esquisser une histoire nationale à l’aide de trajectoires personnelles.



Les Vies de papier paraît être une ode à la littérature. Et c’est fou comme moi qui aime tellement les livres pour ce qu’ils sont, ce qu’ils disent, ce qu’ils laissent imaginer et là où ils m’emmènent, c’est fou comme je m’ennuie souvent lorsqu’on m’en parle. Chaque phrase vient avec sa citation, chaque paragraphe nous étouffe sous trois noms d’auteurs : il n’y a pas d’espace pour le rêve et la pensée, pas d’air pour apprécier. Ajoutons à cela qu’à presque chaque nom d’auteur connu (de moi), une grimace m’a échappée. Sûrement que la littérature qui lui parle n’est pas la même que celle qui me touche, ce qui explique peut-être que la manière de la mettre à l’honneur me refroidisse tant. Si rendre hommage à la littérature c’est nous assommer à coup de livres, alors j’ai envie de me défendre en déchirant des pages pour les rendre plus légers.



Et pourtant tout n’est pas à jeter dans ce roman. Certains passages émeuvent par la beauté des instants qu’ils décrivent, la finesse des relations qui voient le jour. Mais c’est tellement fin que ça se noie dans la masse…
Lien : https://auxlivresdemesruches..
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Les vies de papier

Une belle ode aux Livres, à la traduction et à la librairie.

Mais aussi un roman un peu bavard, manquant parfois de fil conducteur.

On se laisse cependant embarquer avec plaisir dans l'histoire, les histoires d'Aaliya.
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Les vies de papier

Roman de Rabih Alameddine.



Aaliya a 72 ans. Depuis 50 ans, cette ancienne libraire de Beyrouth a un rituel : chaque 1er janvier, elle entame la traduction d’un nouveau roman étranger. Elle utilise pour cela les traductions françaises et anglaises – puisqu’elle maîtrise les deux langues – pour produire une traduction en arabe classique. Mais elle ne fait cela que pour elle : c’est un hobby ritualisé très privé. « La littérature dans le monde arabe, en soi, n’est pas une denrée très prisée. La littérature traduite ? La traduction dérivée de traduction ? Pourquoi se donner cette peine ? » (p. 89) Aaliya est la narratrice de ce récit et on ne sait pas vraiment à qui elle s’adresse. Peut-être simplement à qui voudra la lire. Elle raconte un peu de sa jeunesse, son mariage raté, sa belle amitié avec Hannah, et Beyrouth. Surtout Beyrouth, théâtre de son existence et lieu de tant de tragédies. « Beyrouth est l’Elizabeth Taylor des villes : démente, magnifique, vulgaire, croulante, vieillissante et toujours en plein drame. » (p. 75) À grand renfort de citations, elle appuie son propos et illustre le récit fragmenté et décousu de sa vie où le texte, toujours et depuis toujours, est un principe fondateur. « Je me suis depuis bien longtemps abandonnée au plaisir aveugle de l’écrit. La littérature est mon bac à sable. J’y joue, j’y construis mes forts et mes châteaux, j’y passe un temps merveilleux. C’est le monde à l’extérieur de mon bac à sable qui me pose problème. […] Si la littérature est mon bac à sable, alors le monde réel est mon sablier – un sablier qui s’écoule grain par grain. La littérature m’apporte la vie, et la vie me tue. » (p. 10) Outre les livres, il est aussi question de musique classique, de films et de peintures. D’art, en somme, et de curiosité pour le beau. « Je pensais que l’art ferait de moi une personne meilleure, mais je pensais aussi que l’art ferait de moi un être supérieur à vous. » (p. 94) Le roman s’achève sur des livres sauvés de la noyade, en quelque sorte, et par le début d’une nouvelle traduction.



Les vies de papier est un roman charmant, enchanteur à bien des égards, mais qui frôle par moment la mièvrerie, voire le maniérisme. Effet de la traduction ? Peut-être… Le titre français est charmant, mais souffre du même défaut que je reproche au texte en général. Le titre original, An Unnecessary Woman, met mieux l’accent sur le personnage principal et sa complexité, voire ses contradictions. Je retiens surtout de cette lecture le beau portrait d’une vieille dame aux cheveux bleus qui déguste du vin rouge. Et je pense que les lecteurs sont nombreux à s’identifier à Aaliya et à son rapport à la lecture. « Quand je lis un livre, je fais de mon mieux, pas toujours avec succès, pour laisser le mur s’effriter un peu, la barricade qui me sépare du livre. J’essaye d’être impliquée. Je suis Raskolnikov. Je suis K. Je suis Humbert et Lolita. Je suis vous. » (p. 84) Je sors de ce livre avec une longue liste d’envies (à découvrir sur Babelio !), car le roman regorge de références et de titres. C’est là toute la magie de la littérature : ouvrir le champ des possibles et des désirs !
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Les vies de papier

Je voyais ce roman se balader sur les réseaux sociaux, mais je me disais que cette lecture n’était pas pour moi. Elle ne m’attirait pas outre mesure. Mais avec mon travail aidant, je me suis dit pourquoi pas. Cela fait indéniablement partie de ces lectures qui me surprennent et finissent par me plaire.



Dans cette lecture, c’est à travers le parcours d’une femme dans les années 70 au Liban, que va se dérouler notre histoire. On apprécie cette plongé dans un Beyrouth entre tradition et guerre civile. Un pays qui explose de l’intérieur, confronté à une dualité trop forte pour être contenue. D’un côté le besoin de liberté de la population amenée par une modernité toujours plus grandissante. De l’autre côté, on découvre un aspect bien plus conservateur du pays qui souffre de cette évolution. L’histoire du pays est la toile de fond de notre récit. Il permet la construction de notre protagoniste, son chemin, ses choix et ses doutes. Car l’auteur va nous raconter le parcours compliqué d’une femme seule, entourée de livre dans un pays où les messes basses sur la solitude d’une femme sont omniprésentes. Regard insistant, murmures et désapprobation familiale se font sentir.



On nous livre une lecture poignante sur le destin d’une femme, d’une passionnée par les livres et par la traduction. Elle a voué sa vie pour faire des traductions qu’elle conserve précieusement. Des traductions qu’elle estime nécessaire pour le bien de son pays, mais qu’elle garde caché à l’abri de tous. A travers cette image, c’est toute une vie qui est mise à nue. On nous dresse le destin d’une femme seule, entourée par ses fantômes elle donne un nouveau regard sur son monde. Elle doit se battre pour conserver son indépendance face à une famille qui ne comprend pas sa place.



Cette lecture est très riche, autant sur le Liban et cette période compliquée, mais également sur la littérature en générale. On s’amuse avec le temps en passant du passé au présent. On parcourt les pages de ce livre comme s’il nous permettait de remonter le temps dans la vie de cette femme. A travers ce roman, on comprend que c’est une introspection qui nous est donnée, sur un monde en perpétuel mouvement.



On va passer de digressions en digressions pour nous raconter cette histoire et même si certaines auraient pu être retirées, le résultat m’a touché. J’ai aimé découvrir ce pays, à travers le parcours banal et hors du commun d’une femme qui tentait juste de réaliser ses traductions.
Lien : https://charlitdeslivres.wor..
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