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Citations de Rainer Maria Rilke (1487)


Je sais, votre profession est dure, elle est en pleine contradiction avec vous-même ; je prévoyais votre plainte et savais qu'elle se manifesterait. Maintenant qu'elle s'est exprimée, je ne puis pas vous apaiser, je ne puis que vous conseiller de réfléchir : toutes les professions ne sont-elles pas pleines d'exigences, pleines d'hostilité à l'égard de l'individu, tout imprégnées en quelque sorte par la haine de ceux qui sont restés muets face au devoir objectif et s'y sont pliés en maugréant. La condition au sein de laquelle il vous faut désormais vivre n'est pas plus lourdement grevée de conventions, de préjugés et d'erreurs que toutes les autres, et s'il en est certaines qui font montre d'une plus grande liberté, il n'en est aucune qui offre par elle-même de l'ampleur et de l'espace ni qui soit en relation étroite avec les grandes choses dont est faite la vraie vie.

Lettre du 23 décembre 1903.
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Je continue de marcher, solitaire. Au-dessus de moi,
je sens le printemps frémir dans les branches.
Un jour, je viendrai, avec des sandales sans poussière,
attendre aux grilles du jardin.

Et tu viendras quand j'aurai besoin de toi,
et tu prendras mon hésitation pour un signe,
et silencieusement tu me tendras les roses épanouies de l'été
des tout derniers buissons.

POUR TE FÊTER - Écrit pour Lou Andreas-Salomé
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Un même espace unit tous les êtres :
espace intérieur au monde.
En silence l’oiseau vole au travers de nous.
O moi, qui veut grandir,
je regarde au-dehors, et en moi grandit l’arbre.

Fragments
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Rainer Maria Rilke
Rose, ô pure contradiction, volupté de n'être le sommeil de personne, sous tant de paupières

Rose,o reiner Widerspruch, Lust niemandes Schlaf zu sein unter so viel Lidern
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Permettez-moi de formuler ici tout de suite cette prière : autant que possible, lisez peu de réflexions d'ordre esthétique et critique — ou bien ce sont des vues partisanes, figées et désormais dépourvues de sens dans leur pétrification sans vie, ou bien ce sont d'habiles jeux de mots où telle conception l'emporte aujourd'hui et la vision contraire le lendemain. La solitude qui enveloppe les œuvres d'art est infinie, et il n'est rien qui permette de moins les atteindre que la critique. Seul l'amour peut les appréhender, les saisir et faire preuve de justesse à leur endroit.

Lettre du 23 avril 1903.
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Ne pas chercher à être consolé d'une perte, cela devrait être instinctif chez nous. Et nous devrions plutôt mobiliser toute notre profonde, lancinante curiosité, pour aller explorer au plus profond de nous, jusqu'au cœur d'une "telle" perte, pour la comprendre, faire l'expérience de la nature unique et singulière de "cette" perte-là et de son impact dans notre vie. Oui, nous devrions faire preuve d'une audacieuse et noble avidité pour enrichir notre monde intérieur avec, précisément, "cette" perte, son sens, son poids... Plus nous en sommes profondément affectés, plus elle nous bouleverse brutalement, plus il est de notre "devoir" de la revendiquer comme faisant partie de nous, intégrée de manière différente, définitive: "ceci" permettrait de parvenir immédiatement à un accomplissement suprême, d'aller au-delà de tout ce qu'une expérience de la souffrance peut avoir de négatif et de complaisant. Il s'agira alors d'une souffrance active, présente à l'intérieur de nous, la seule qui ait un sens et soit digne de nous.
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La nature, les choses qui font partie de notre environnement quotidien sont éphémères et périssables. Mais tant que nous sommes ici, elles sont "notre" propriété, nos amies, nos complices dans la détresse et la joie, comme elles l'ont été pour nos ancêtres. Donc il est important de ne pas mépriser ni dégrader ce qui existe dans l'ici et maintenant - et surtout, parce qu'à cause de leur côté provisoire, qu'elles partagent avec nous, ces choses doivent être, le plus intimement possible, comprises et transformées par nous. Transformées ? Oui, car c'est notre tâche d'imprimer en nous, passionnément, profondément, douloureusement, cette terre périssable, qui n'a qu'une vie provisoire, pour que sa réalité renaisse en nous - mais "invisible". "Nous sommes les abeilles de l'Invisible. Nous butinons éperdument le miel du visible pour l'accumuler dans la grande ruche d'or de l'Invisible"*.

*En français dans le texte

( Lettre écrite à Witold Hulewicz, ami et traducteur en polonais de Rilke. )
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Je sais que si j'étais destiné au pire il ne me servirait à rien de me travestir sous mes meilleurs vêtements. Ne glissa-t-il pas du milieu de sa royauté parmi les derniers? Lui, qui, au lieu de s'élever, tomba jusqu'à ce qu'il touchât le fond. C'est vrai, j'ai cru parfois aux autres rois, bien que les parcs ne prouvent plus rien. Mais il fait nuit, c'est l'hiver, je gèle, je crois en lui. Car la puissance ne dure qu'un instant, et nous n'avons rien vu de plus long que la misère.
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Nombreux sont, en effet, les jeunes gens qui aiment de manière fausse, c'est-à-dire qui s'en tiennent au seul abandon et refusent la solitude (la majorité médiocre en restera d'ailleurs toujours là...), et qui ressentent le poids d'une faute, qui veulent aussi rendre fructueuse et vivable, à leur manière propre et personnelle, cette situation où ils se retrouvent ; en effet, leur nature leur dit bien que, moins encore que tout ce qui par ailleurs est important, les questions de l'amour ne peuvent être résolues de manière publique ni en obéissant à telle ou telle opinion majoritaire ; elle leur dit qu'il y a des questions, des questions d'ordre intime, d'homme à homme, qui requièrent chaque fois une réponse inédite, spéciale et strictement personnelle...

Lettre du 14 mai 1904.
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Et seulement quand nous étions tout à fait certains de n'être pas dérangés, et que, au dehors, la nuit tombait, il pouvait arriver que nous nous abandonnions à des souvenirs, à des souvenirs communs qui nous paraissaient à tous deux très anciens et dont nous souriions : car depuis lors nous avions tous deux grandi. Nous nous rappelâmes qu'il y avait eu un temps où maman désirait que je fusse une petite fille et non pas ce garçon que, mon Dieu, oui, il fallait bien que je fusse. J'avais deviné cela, je ne sais plus comment, et j'avais eu la pensée de frapper quelquefois l'après-midi à la porte de maman. Quand elle demandait alors qui était là, j'étais tout heureux de répondre du dehors "Sophie", d'une voix que j'amenuisais si bien qu'elle me chatouillait la gorge. Et lorsque j'entrais ensuite (dans mon petit vêtement d'intérieur aux manches relevées qui semblait presque un déshabillé de fillette), j'étais tout simplement Sophie, la petite Sophie de maman qui s'occupait dans le ménage et à laquelle sa maman devait tresser une natte pour qu'il n'y eût pas surtout de confusion avec le vilain Malte, si jamais il revenait. Cela n'était du reste nullement désirable ; il plaisait autant à maman qu'à Sophie que Malte fût absent, et leurs conversations - que Sophie poursuivait toujours de la même voie aiguë - consistaient surtout en énumérations des méfaits de Malte dont ils se plaignaient, "Ah oui, ce Malte", soupirait maman. Et Sophie ne tarissait pas sur la méchanceté des garçons, comme si elle en avait connu un tas.
" Je voudrais bien savoir ce qu'est devenue Sophie", disait alors tout à coup maman au milieu de ces souvenirs. Et là-dessus sans doute Malte ne pouvait pas la renseigner. Mais lorsque maman présumait que certainement Sophie devait être morte, il la contredisait avec entêtement et la conjurait de ne pas croire cela, bien qu'il ne fût nullement capable de prouver le contraire.
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Rainer Maria Rilke
Ne parlons pas de toi. Tu es ineffable
selon ta nature.
D'autres fleurs ornent la table
que tu transfigures.
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L'amour, c'est l'occasion unique de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde pour l'être aimé. C'est une haute exigence, une ambition sans limite, qui fait de celui qui aime un élu qu'appelle le large. Dans l'amour, quand il se présente, ce n'est que l'obligation de travailler à eux-mêmes que les êtres jeunes devraient voir. Se perdre dans un autre, se donner à un autre, toutes les façons de s'unir ne sont pas encore pour eux. Il leur faut d'abord thésauriser longtemps, accumuler beaucoup. Le don de soi-même est un achèvement : l'homme en est peut-être encore incapable.
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Vous ne savez pas ce que c'est qu'un poète ? Verlaine... Rien ? Pas de souvenir ? Non. Vous ne l'avez pas distingué de ceux que vous connaissiez. Vous ne faites pas de différence, je sais. Mais c'est un autre poète que je lis, un qui n'habite pas Paris, un tout autre. Un qui a une maison calme dans la montagne. Qui sonne comme une cloche dans l'air pur. Un poète heureux qui parle de sa fenêtre et des portes vitrées de sa bibliothèque, lesquelles reflètent, pensives, une profondeur animée et solitaire. C'est justement ce poète que j'aurais voulu devenir ; car il sait tant de choses sur les jeunes filles, et moi aussi j'aurais su tant de choses sur elles. Il connaît des jeunes filles qui ont vécu voici cent ans ; peu importe qu'elles soient mortes, car il sait tout. Et c'est l'essentiel. Il prononce leurs noms, ces noms légers, gracieusement étirés, avec des lettres majuscules enrubannées à l'ancienne mode, et les noms de leurs amies plus âgées où sonne déjà un peu de destin, un peu de déception et de mort. Peut-être trouverait-on dans un cahier de son secrétaire en acajou leurs lettres, pâlies et les feuillets déliés de leurs journaux où sont inscrits des anniversaires, des promenades d'été . Ou bien, il est possible qu'il existe au fond de la chambre à coucher, dans la commode ventrue, un tiroir où sont conservés leurs vêtements de printemps ; robes blanches qu'on mettait pour la première fois à Pâques, vêtements de tulle qui étaient plutôt des vêtements pour l'été que cependant l'on n'attendait pas encore. O sort bienheureux de qui est assis dans la chambre silencieuse d'une maison familiale, entouré d'objets calmes et sédentaires, à écouter les mésanges s'essayer dans le jardin d'un vert lumineux, et au loin l'horloge du village. Etre assis et regarder une chaude traînée de soleil d'après-midi, et savoir beaucoup de choses sur les anciennes jeunes filles, et être un poète. Et dire que j'aurais pu devenir un tel poète, si j'avais pu habiter quelque part, quelque part en ce monde, dans une de ces maisons de campagne fermées où personne ne va plus...
Mais la vie en a disposé autrement, Dieu sait pourquoi. Mes vieux meubles pourrissent dans une grange où l'on m'a permis de les placer, et moi-même, oui, mon Dieu, je n'ai pas de toit qui m'abrite, et il pleut dans mes yeux.
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Rainer Maria Rilke
Je te vois, rose, livre entrebâillé,
qui contient tant de pages
de bonheur détaillé
qu’on ne lira jamais. Livre-mage,

qui s’ouvre au vent et qui peut être lu
les yeux fermés…,
dont les papillons sortent confus
d’avoir eu les mêmes idées.
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VOIS-TU, LÀ-HAUT, CES ALPAGES ...

Vois-tu, là-haut, ces alpages des anges
entre les sombres sapins ?
Presque célestes, à la lumière étrange,
ils semblent plus que loin.

Mais dans la claire vallée et jusques aux crêtes,
quel trésor aérien !
Tout ce qui flotte dans l'air et qui s'y reflète
entrera dans ton vin.
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L'art lui aussi n'est qu'une manière de vivre et, […] dans tout ce qui est réel, on en est plus proche et plus familier qu'en exerçant une de ces professions semi-artistiques et irréelles, qui, dans la mesure où elles reflètent une proximité d'avec l'art, et, en fait, nient et attaquent l'existence de tout art, ce que fait, par exemple, toute la profession journalistique, presque toute la critique, et les trois quarts de ce qu'on appelle littérature et qui revendique ce nom.

Lettre du 26 décembre 1908.
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L'enfance ? Qu'était-ce ?
Lorsque nous la vivions, nous ne la connaissions pas, nous la faisions vivre, sans savoir son nom ; et c'est justement pour cela que nous l'avions, pleine, inépuisable ; plus tard viennent les choses avec des noms, elles ne doivent pas déborder hors de ces limites et par prudence elles les laissent à demi vides. [..]
Autrefois nous vivions tout, dans cette période d'immaturité, je crois que nous vivions l'horreur pleinement, l'horreur extrême, sans savoir que c'était l'horreur ; nous vivions pleinement la joie - et peut-être tout l'amour.

Rilke à Benvenuta - Paris, le 12 février 1914
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Rainer, tu peux dire oui à tout ce que je veux - ce ne sera jamais bien grave. Rainer, quand je te dis : je suis ta Russie, je te dis seulement ( une fois de plus ) que je t'aime. L'amour vit d'exceptions, d'isolations, d'exclusions. L'amour vit des mots et meurt des faits.

Extrait d'une Lettre de Tsvétaïeva à Rilke - 22 août 1926
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Rainer Maria Rilke
Ah, ne pas être séparé,
Même par la cloison la plus mince,
De la mesure des étoiles,
L’intérieur - qu’est-ce donc ?
Si ce n’est un ciel plus intense
Parsemé d’oiseaux et creusé
Par les vents du retour.
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Rainer Maria Rilke
VOICI ENCOR DE L'HEURE QUI S'ARGENTE

Voici encor de l'heure qui s'argente,
mêlé au doux soir, le pur métal
et qui ajoute à la beauté lente
les lents retours d'un calme musical.

L'ancienne terre se reprend et change :
un astre pur survit à nos travaux.
Les bruits épars, quittant le jour, se rangent
et rentrent tous dans la voix des eaux.
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