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Citations de René Grousset (81)


[Derniers chefs mongols occidentaux, XVIII°s]
Par la politique avec le premier Galdan, puis par les armes avec Tséwang Rabdan et Tséreng Dondoub, ils dominent à Lhassa : la puissance spirituelle de l'église lamaïque y est à leur dévotion, comme, à Kachgar et à Yarkand, le "clergé" musulman des khôdjas n'est que leur fondé de pouvoir. Pendant plus d'un siècle, ils sont les vrais maîtres de la haute Asie. Leurs chefs, les khongtaidji Ba'atour, Galdan, Tséwang Rabdan, Galdan Tséreng, se révèlent à nous comme des politiques pleins de ressources, aux vues audacieuses et vastes, comme des guerriers tenaces, sachant mettre à profit la merveilleuse mobilité, l'ubiquité de leurs archers montés, l'arme même qui a donné à Gengis-Khan ses victoires. Eux aussi faillirent réussir. Que leur a-t-il manqué pour cela ? De venir quelques années plus tôt, avant que la domination mandchoue eût donné à la vieille Chine une armature neuve. La Chine des derniers Ming était tombée dans une telle décrépitude que quiconque, Mongol, Japonais ou Mandchou, pouvait s'en emparer. Mais une fois la dynastie mandchoue installée sur le trône des Fils du Ciel, la Chine en reçut pour un siècle et demi comme une vie nouvelle. Les premiers empereurs mandchous, intelligents, actifs, encore libres des préjugés millénaires, firent un sérieux effort pour moderniser le pays ; les pièces d'artillerie pour eux fabriquées par les pères jésuites en témoignent. Galdan et Tséwang Rabdan, ces compagnons de Gengis-khan attardés sous Louis XIV, se heurtèrent aux canons mandchous dans le Gobi oriental, comme aux fusils moscovites sur l'Iénissei. Le XIII°s se heurtait au XVIII°. La partie n'était pas égale. Le dernier Empire mongol s'effondra en pleine ascension parce qu'il était un anachronisme historique.

pp. 726-727
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Conclusion du chapitre III, "Les Turcs et l'islam jusqu'au XIII°s".
Aussi bien, en dépit de la bonne volonté culturelle des Seldjouqides, - ces Turcs si rapidement en foncièrement iranisés - leur triomphe en Iran comme en Asie Mineure a-t-il eu comme conséquence économique et sociale - nous revenons à dessein sur ce point essentiel - de faire de l'Iran comme de l'Asie Mineure un prolongement de la steppe. Ici en effet la géographie humaine a terriblement réagi sur la géographie végétale. Le nomadisme abolit les cultures, transforme la face de la terre. Ce que nous avons dit de l'Asie Mineure est encore plus vrai de l'Iran. Le Tadjik (=le Persan) a pu, des oasis qui entourent ses villes, continuer à faire le délicieux jardin de cyprès et de roses chanté par Omar Khayyâm et Saadi. Aux portes de ces cités, une fois les derniers jardins dépassés, c'est la steppe qui commence avec les tribus transhumantes poussant leurs troupeaux noirs et dressant près des points d'eau les hameaux mobiles de leurs tentes noires. Quelque chef de tribu particulièrement intelligent - car tous ces Turcs ont le sens inné du gouvernement - peut bien périodiquement se faire reconnaître roi par les sédentaires dont il a, d'ailleurs, le grand mérite de faire cesser les discordes civiles. Les deux sociétés, la société sédentaire des Tadjik urbains et la société nomade des tentes noires, semblent "coïncider" pendant quelques décades ; puis tout se défait, le cheminement des tribus reprend, la notion d'Etat est oubliée, jusqu'à ce que l'histoire recommence par la sédentarisation de quelque clan nomade, promu à la royauté. Le cycle en effet n'est jamais fermé. Pour le renouveler du dehors, nous allons voir que périodiquement, du XI° au XVI°s, de nouveaux nomades apparaissent au seuil de la steppe kirghize ou de la steppe turcomane, à l'orée des cultures, réclamant leur part de la mise en coupe réglée des Tadjik.

p. 245
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[Le pèlerin Hiuan-tsang dans le Dekkan]
En même temps, les Pallava sont une des dynasties qui ont le mieux travaillé pour la culture indienne. De bonne heure, ils avaient créé une architecture à eux, d'où devaient dériver tous les styles du Sud, et, lors du passage de Hiuan- tsang, Mâvalipuram, leur métropole, commençait à se peupler des oeuvres admirables qui en ont fait une des capitales de l'art indien. On connaît par les beaux travaux de M. Victor Goloubev cet ensemble peut-être unique dans l'Inde : temples monolithes qui couvrent toute la plage, en rappel de leurs répliques chames et indonésiennes, rochers sculptés en forme de statues animales, d'un naturalisme merveilleusement large et puissant, falaises entières ouvrées en fresque de pierre, en immenses tableaux d'une ordonnance, d'un mouvement, d'une vigueur lyrique jusque-là sans exemple aux Indes.

p. 202
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Mais après bien des erreurs, bien des défaillances, aussi, il avait la suprême consolation de pouvoir se dire qu'il mourait à la tâche, fidèle au devoir, ayant refusé de quitter cette Terre Sainte où il avait trouvé tant d'amertume, "à l'exemple du Christ qui avait refusé de descendre de la Croix".
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Cette descente des hordes de la steppe qui viennent périodiquement asseoir leurs khans sur les trônes de Tch'ang-ngan, de Lo-yang, de K'ai-fong ou de Pékin, de Samarquand, d'Ispahan ou de Tauris, de Qonya ou de Constantinople, est devenue une des lois géographiques de l'histoire. Mais il est une autre loi - opposée- celle qui fait lentement absorber les envahisseurs nomades, par les vieux pays civilisés ; phénomène double, démographique d'abord : les cavaliers barbares, établis à l'état d’aristocratie sporadique, sont noyés et disparaissent dans ces denses humanités, dans ces fourmilières immémoriales ; phénomène culturel ensuite : la civilisation chinoise ou persane vaincue, conquiert son farouche vainqueur, l'enivre, l'endort, l’annihile. Souvent, cinquante ans après la conquête, tout se passe comme si elle n'avait pas eu lieu. Le barbare sinisé ou iranisé est le premier à monter la garde de la civilisation contre les nouvelles vagues d'assaut de la Barbarie[...] Le Turco-Mongol n'a ainsi vaincu les vielles civilisations que pour finalement mettre son épée à leur service.
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L'avènement de la dynastie T'ang posait à nouveau le problème religieux. Avec l'éducation, les goûts et les préoccupations qu'on lui a vus, l'entourage que nous venons d'évoquer, l'empereur T'ai-tsong (Tang Taizong, règne 626-649), à son avènement, ne pouvait avoir que de médiocres sympathies pour la religion de paix, d'idéalisme et de renoncement qu'était le bouddhisme. "L'empereur Leang Wou-ti, remarquait-il un jour, a si bien prêché le bouddhisme à ses officiers que ceux-ci n'ont pas su monter à cheval pour le défendre contre les révoltés. L'empereur Yuanti expliquait à ses officiers les textes de Lao-tseu au lieu de les faire marcher contre les Huns qui ravageaient son empire..."

Leang Wouti : Wu Liang, 464-549.
Yuanti : Jin Yuandi, 276-323.
Taizong méprise les intellectuels et les religieux, et pour justifier ce mépris, il se montre très érudit et connaisseur de l'histoire. (N.du lecteur)

p. 37
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D'autre part, autant que les scolastiques qu'ils détrônent, les humanistes sont souvent esclaves de la lettre, du précédent. Ils parlent des Anciens comme jadis on parlait des Pères de l'Eglise. La paroles des Anciens est littéralement devenue parole d'Evangile. Comme dit Albert Maison, il est évidemment plus commode de recevoir des matériaux tout préparés que d'aller extraire le bloc de la carrière. Ainsi conçu l'humanisme peut être une régression. Il arrive qu'il dispense de penser. Il arrive qu'il paralyse la recherche et assoupisse l'évolution.
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Mais il y a pis que le Barbare aux portes de la cité, c’est le Barbare dans la cité.
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[Retour en Chine]
Le Maître de la Loi fut admis à présenter ses hommages à l'empereur. Cette réception eut lieu au palais du Phénix, à Lo-yang - aujourd'hui Ho-nan-fou - la seconde capitale impériale où résidait pour lors la Cour.
T'ai-tsong demanda à Hiuan-tsang pourquoi il était jadis sorti de Chine sans l'avoir averti - euphémisme pour désigner la défense transgressée. C'était la question délicate. Hiuan-tsang s'en tira en bon lettré chinois,en faisant valoir qu'il avait adressé plusieurs placets à la cour, mais qu'à cause de l'obscurité de son nom on avait négligé de les soumettre au Fils du Ciel. Avec sa franchise habituelle aussi, il ajouta qu'il n'avait pas pu contenir l'élan de son zèle passionné pour le bouddhisme.
Cette sincérité plut à l'homme supérieur qu'était T'ai-tsong. Loin de lui adresser des reproches, l'empereur le félicita d'avoir exposé sa vie pour le salut et le bonheur de tous les hommes, "et il lui témoigna son étonnement de ce qui, malgré les obstacles que lui opposaient les montagnes et les rivières, la distance des lieux et la différence des moeurs, il ait pu parvenir heureusement au but de son voyage".
De fait la randonnée accomplie par le pèlerin ne pouvait qu'exciter l'intérêt du conquérant chinois. Elle pouvait être d'une singulière utilité - utilité d'information et de précédent - pour les visées du protectorat chinois sur les confins indo-iraniens.

p. 267-268
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Surtout Harsha est dans l'Inde le dernier des grands souverains bouddhistes. Malgré la prospérité matérielle et la floraison intellectuelle dont témoigne le récit de Hiuan-tsang, il est indéniable que le bouddhisme déclinait lentement aux Indes devant une reprise brahmanique, pacifique encore mais continue. Les empereurs bengalis de la dynastie gupta qui avaient gouverné l'Inde presque entière pendant les IV° et V°s étaient déjà plutôt hindouistes ; malgré leur tolérance ou même leurs sympathies envers le bouddhisme, la plupart d'entre eux se rattachaient de préférence aux sectes vishnuites. Ce n'étaient encore là que des tendances personnelles que neutralisaient encore le syncrétisme et la religiosité éclectique du temps. Mais l'heure des persécutions brutales allait commencer.
(...)
Certes Harsha, pas plus qu'aucun prince indien de son temps, ne rompit jamais avec les sectes hindouistes. Hiuan-tsang nous le montre comblant les brahmanes de cadeaux et dans ses oeuvres il se proclame lui-même adorateur de Shiva ; son confident et son ami, le romancier Bâna, était d'ailleurs de caste brahmanique et de foi hindouiste. Mais les sentiments personnels du monarque allaient nettement au bouddhisme, et dans le bouddhisme, au Mahâyâna... C'est dire combien il devait s'entendre avec [Hiuan-tsang]. De fait, pendant les quelques semaines qu'ils allaient passer ensemble, une étroite amitié devait s'établir entre le mahârâja indien et le pèlerin chinois.

pp. 227-229
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[Fresques de Kutshâ]
Les fresques de Qizil et de Qumtura (qui, pour la plupart sans doute, datent précisément du VII°s), nous montrent en effet avec une singulière précision la brillante société koutchéenne rencontrée par Hiuan-tsang. Et c'est vraiment une surprise, car, dans cette oasis morte du Gobi, voici ressuscitée sous nos yeux, en pleine fraîcheur, toute une brillante chevalerie dont les héros semblent sortis de quelque miniature persane. Plus rien de chinois en effet, plus rien d'indien ici. Seulement une province artistique iranienne oubliée au seuil de l'Extrême-Orient, et qui, ayant échappé à la catastrophe musulmane, forme le lien entre la peinture sassanide de Bâmiyan et de Dokhtar-i Noshirwân, et la peinture timûride ou safawide. Or, par une curieuse rencontre, cette Perse du Gobi se trouve, dans le domaine des conceptions artistiques et de la culture matérielle, toute proche de notre Occident médiéval : par l'aspect extérieur, le style général, l'ambiance même, la chevalerie de Qizil et de Qumtura est soeur de la nôtre.

p. 77
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Nous qui étions occidentaux, nous sommes devenus orientaux [...]. Nous avons oublié les lieux de notre origine ; plusieurs d'entre nous les ignorent ou même n'en ont jamais entendu parler. 
Untel possède ici des maisons en propre comme par droit d'héritage, tel autre a épousé une femme, non parmi ses compatriotes, mais syrienne, arménienne, parfois même une Sarrasine baptisée. [...] On se sert des diverses langues du pays ; et les langues jadis parlées à l'exclusion les unes des autres sont devenues communes à tous, la confiance rapproche les races les plus éloignées. La parole de l'Écriture se vérifie : "Le lion et le bœuf mangeront au même râtelier." Le colon est maintenant devenu presque un indigène ; qui était étranger s'assimile à l'habitant. 
Ceux qui étaient là-bas pauvres, Dieu ici les a rendus riches. [...] Pourquoi retourneraient-ils en Occident ? Foucher de Chartres, Historia Hierosolymitana, 
dans Recueil des historiens des croisades, historiens occidentaux. XIIe siècle
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Son chevaleresque adversaire, le sultan Saladin qui unissait, lui aussi, à la gloire des armes le mérite d'avoir favorisé cette détente, avait dû se contenter également d'un demi succès. Sans doute jouissait-il dans tout le monde islamique du prestige incomparable que lui valu la reconquête de Jérusalem, mais après avoir, dans la journée de Hanttîn, touché de si près à la victoire totale, il avait connu les jours sombres d'Acre et de Jaffa et, tout en conservant à l'Islam la mosquée d'Omar, dû rétrocéder aux chrétiens la côte palestinienne. Il est vrai aussi que sa générosité, son humanité profonde, sa piété musulmane sans fanatisme, cette fleur de libéralisme et de courtoisie qui ont émerveillé nos vieux chroniqueurs, ne lui valaient pas dans la Syrie franque une moindre popularité qu'en terre d'Islam. En le fréquentant dans les circonstances les plus tragiques où l'homme se montre en entier, les francs avaient appris que la civilisation musulmane peut, elle aussi, produire des types d'humanité vraiment supérieurs, de même que les Musulmans, un peu plus tard, devaient avoir une révélation analogue de la civilisation chrétienne en fréquentant Saint Louis.
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Hun, Turc ou Mongol, l'homme de la steppe, le brachycéphale à la grosse tête, au torse puissant, court sur jambe, le nomade toujours en selle "l'archer à cheval" de la haute Asie rôdant au seuil des cultures, n'a guère varié à travers les quinze siècles de razzias au détriment des civilisations sédentaires
p134-135
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Les Kèrèit sont un des peuples les plus mystérieux de l’histoire. De race, à coup sûr, turco-mongole, nous ne savons au juste s’ils étaient plutôt Mongols ou plutôt Turcs. Ils n’apparaissent pratiquement dans les chroniques qu’à la génération qui a précédé celle de Gengis-khan et tout de suite y jouent un rôle de premier plan. Eternel destin de ces empires de la steppe qui s’édifient en quelques années et s’écroulent de même.
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Le propre de la civilisation chinoise est donc d’être une des grandes civilisations originales de l’humanité, civilisation ayant largement fait la loi autour d’elle, pour civiliser et humaniser une importante partie de l’Asie. Mais si la mission historique de la Chine s’était bornée à cette tâche — à la vérité, capitale — , elle n’en aurait pas moins été malgré tout réduite à un isolement longtemps total, à un rôle en quelque sorte « précolombien ». L’intérêt majeur de l’histoire chinoise est qu’après avoir eu le temps, durant près de vingt siècles, d’élaborer en vase clos cette culture p.III entièrement originale, la Chine soit entrée et depuis soit restée presque continûment en contact avec quelques-unes des plus hautes civilisations du monde extérieur.
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un bon laïc est incomparablement meilleur qu'un moime qui manque sans cesse à ses résolutions.
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On peut réconcilier deux peuples, deux races, deux politiques. On ne concilie pas deux absolus métaphysiques dont chacun ne se pose qu'en s'opposant à l'autre.[...] La pensée de l'islam et la pensée hindoue sont radicalement inconciliables.
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L'empereur T'ai-Tsong (627-649) est le véritable fondateur de la grandeur chinoise en haute Asie.
p156
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La soumission des Miao-tseu (1775) marque une date. Avec elle s'achevait la conquête de la Chine par les Chinois, oeuvre immense entreprise par les dynasties légendaires à l'époque d'Our et de Babylone, et qui se terminait à la veille de la Révolution française. En même temps la soumission de la Mongolie, de la Dzoungarie, de la Kachgarie et du Tibet par K'ang-hi et K'ien-long réalisait le programme de l'expansion chinoise en haute Asie, programme suivi, nous l'avons vu, depuis l'ère chrétienne. A la fin du règne de K'ien-long, en 1796, l'Empire chinois englobait de nouveau, comme à l'apogée des Han et des T'ang, l'espèce de continent clos compris entre la Sibérie, l'Altaï, le T'ien-chan, le Pamir et l'Himalaya.
p. 295
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