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Critiques de René Maran (44)
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Batouala

C'est génial
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Le Cœur serré

Chaque chapitre justifie, d'une certaine façon, le titre de ce roman, et les deux derniers chapitres sont poignants, mais à mes yeux l'émotion reste assez passagère, beaucoup de pages ne paraissent pas vraiment indispensables…



L'auteur a sans doute écrit une autobiographie romancée, comme le précise A. Rivière-Corre dans sa préface, mais l'enjeu reste mince, d'autant que, comme il arrive pour d'autres romans (tels plusieurs de ceux de Mauriac) le passage du temps rend hélas moins sensibles, moins compréhensibles les déchirements d'un jeune homme du début du siècle.



Bref, un sentiment mêlé, mais je crains vraiment d'être injuste à l'encontre de l'auteur et de son double de papier.
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Un homme pareil aux autres

René Maran a ses détracteurs sur le plan littéraire, je n'en suis pas. La langue est belle, très classique. C'est Veneuse lui-même qui est censé rédiger la majeure partie du roman sous forme de journal intime, d'où une dimension pastiche indéniable : ça sent la khâgne et l'école coloniale. La dernière phrase est un pur joyau.

"Veneuse" décrit à merveille l'hypocrisie et les micro-agressions de la petite société qui se crée à bord du paquebot, puisque beaucoup de passagers supportent difficilement de devoir traiter un homme noir comme leur égal. Certaines situations et réflexions ont une pertinence toujours actuelle. Cela ne l'empêche pas d'avoir lui-même des réflexes racistes et de se conduire en cliché du fonctionnaire colonial.

Ce roman peut être une lecture éprouvante à cause de la misogynie du personnage (il y a pire, certes, mais on ne va pas le féliciter d'enjamber une barre au sol) et surtout de son misogynoir : épouser une femme noire n'est pas une option pour Veneuse, aucune ne peut l'égaler socialement et intellectuellement.



Si Maran s'est beaucoup inspiré de sa propre vie, ce serait une erreur de confondre roman et biographie comme le rappelle M. Mbougar Sarr dans la préface (qu'il ne faut surtout pas lire avant d'avoir terminé le roman, il divulgache presque tout). Je vois désormais encore plus de liens entre cette œuvre et La plus secrète Mémoire des hommes.

Mais on comprend bien pourquoi Maran est passé à côté du mouvement de la négritude.



TW : mot en N évidemment, c'est d'époque.
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Un homme pareil aux autres

C’est le deuxième livre de René Maran que je lis, après [Batouala], le prix Goncourt d’il y a tout juste cent ans revenu à la mode cette année. Batouala, un livre peu agréable mais qui révèle en creux le mal-être de l’auteur lui-même, ce nègre éduqué tiraillé entre ses deux cultures, qu’il traduit en deux allégeances irréconciliables, celle à la société à laquelle je veux intellectuellement appartenir et celle à la société à laquelle le revoit son reflet dans le miroir. Quand j’ai découvert l’existence de cet autre livre de l’auteur, présenté comme plus intime, republié cette année par les éditions du Typhon (après sa première publication en 1947) et préfacé par Mohamed Mbougar Sarr (qui n’était alors pas encore le prix Goncourt 2021, un autre noir, à cent ans de distance, et pas avec beaucoup d’autres entre les deux, étrange coïncidence, façon de se donner bonne conscience tous les cent ans ?), il ne m’a pas fallu longtemps pour l’acquérir et me plonger dedans.

Encore une fois, ce n’est pas vraiment un livre agréable à lire. Si, les descriptions le sont. René Maran écrit dans un style précis, où chaque mot est choisi (et ma liste de nouveaux mots s’est considérablement allongée !), les phrases polies longuement et avec précision, mais sans que jamais le style ne deviennent pédant ou précieux. René Maran montre toute sa culture et l’étendue de sa maîtrise du français, comme un signe qu’il éprouve les mêmes déchirements que son personnage, mais il arrive à faire cela avec une immense délicatesse, mettant dans chacun de ses mots son regard émerveillé sur la lumière, les odeurs, les mouvements de la mer.

L’histoire n’a pas cette même « contemplativité » douloureuse. Jean Veneuse aime, mais il aime une blanche (une Européenne, c’est intéressant, il n’oppose pas blanc et noir, mais Européen et nègre). Alors il s’interdit cet amour et s’éloigne, s’enferme dans sa solitude de nègre éduqué maudit. Le personnage de Jean Veneuse n’est pas particulièrement aimable (et son opinion sur les femmes est assez désagréable, mais bon, on va dire que c’est l’époque qui veut cela…), mais René Maran rend bien sa torture, son tiraillement. D’un côté sa couleur de peau et le racisme dont il est victime, pas un racisme ouvert, un « racisme ordinaire » comme on dit aujourd’hui, celui qui fait dire à un de ses amis parlant de lui : « Vous pouvez vous fier à lui. Vous verrez. C’est un nègre comme on voudrait qu’il y eût beaucoup de blancs. » (p.36, chapitre 2, partie 1). De l’autre, son éducation et sa culture, ses idéaux et ses aspirations. En cela il ressemble beaucoup à son auteur, qui a cru aux vertus civilisatrices de la colonisation et qui a déchanté dès ses premières affectations dans l’administration coloniale. Qui a cru aussi à l’élévation par la culture, mais a surtout trouvé dans les livres un refuge contre la solitude, et un aiguillon pour alimenter son ressentiment.



Il est difficile de faire la part des choses entre l’auteur et le personnage, même si René Maran a toujours nié le caractère autobiographique de ce texte. Comme dit sur la quatrième couverture, ce livre est celui du « racisme introjecté ». « Introjecter », un terme qui signifie « fantasmer qu’on possède une caractéristique qu’on a vue quelque part) ». Jean Veneuse fait preuve de racisme envers lui-même, se dévalorise pour la simple raison de sa couleur de peau, s’interdit de vivre et d’espérer parce qu’il est noir, et uniquement parce qu’il est noir.

Dans le même temps, il crée aussi une autre distinction, entre les cultivés et les primitifs. Il se sent différent, supérieur à ces Africains auxquels il voudrait apporter la culture. Ce n’est pas vraiment la colonisation en tant que tel qu’il critique, mais la colonisation telle qu’elle est pratiquée. Il croit à la supériorité de la culture européenne et n’en démord pas. Jusqu’à la dernière page du livre, il veut se conformer à l’image qu’il se fait du Blanc cultivé.

Un livre qui dérange. Un peu comme Batouala, mais avec plus d’intérêt. Plus intime, plus personnel. Agréable dans ses moments de description des paysages, désagréable lorsqu’il évoque des situations sociales, mais très utile pour réaliser ce que fait le racisme dans l’intime de la construction personnelle. Tout cela ce sont des questions très actuelles aujourd’hui, où tout est à la déconstruction des archétypes, et c’est pourquoi même si certaines parties du livre ont vieilli (les femmes, ah les femmes…), c’est une lecture utile, très utile. Je connais très mal le mouvement de la Négritude, dont René Maran est cité comme un précurseur même s’il n’a jamais voulu y être associé. Un mouvement de noirs intellectuels, comme l’était René Maran, un mouvement qui a tenté de se construire en agrégeant ses différentes composantes. René Maran m’apparaît comme quelqu’un de torturé, j’espère qu’il a su s’apaiser, qu’il a trouvé une paix. Une paix qui n’est pas dans ce livre, malgré les dernières pages, et qui je l’espère est possible.
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