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Citations de Saint-John Perse (272)


Ô Terre notre Mère, n’ayez souci de cette engeance : le siècle est prompt, le siècle est foule, et la vie va cours.

Un chant se lève en nous qui n’a connu sa source et qui n’aura d’estuaire dans la mort :

équinoxe d’une heure entre la Terre et l’homme.
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Saint-John Perse
"… Etroits sont les vaisseaux, étroite notre couche.

Immense l’étendue des eaux, plus vaste notre empire

Aux chambres closes du désir.

Entre l’Eté, qui vient de mer. A la mer seule, nous dirons

Quels étrangers nous fûmes aux fêtes de la Ville, et quel astre montant des fêtes sous-marines

S’en vint un soir, sur notre couche, flairer la couche du divin.

En vain la terre proche nous trace sa frontière. Une même vague par le monde, une même vague depuis Troie

Roule sa hanche jusqu’à nous. Au très grand large loin de nous fut imprimé jadis ce souffle…

Et la rumeur un soir fut grande dans les chambres : la mort elle-même, à son de conques, ne s’y ferait point entendre !

Aimez, ô couples, les vaisseaux ; et la mer haute dans les chambres !

La terre un soir pleure ses dieux, et l’homme chasse aux bêtes rousses ; les villes s’usent, les femmes songent…

Qu’il y ait toujours à notre porte

Cette aube immense appelée mer – élite d’ailes et levée d’armes, amour et mer de même lit, amour et mer au même lit –

et ce dialogue encore dans les chambres :

II

1 –

« … Amour, amour, qui tiens si haut le cri de ma naissance, qu’il est de mer en marche vers l’Amante ! Vigne foulée sur toutes grèves, bienfait d’écume en toute chair, et chant de bulles sur les sables… Hommage, hommage à la Vivacité divine !

« Toi, l’homme avide, me dévêts : maître plus calme qu’à son bord le maître du navire. Et tant de toile se défait, il n’est plus femme qu’agréée. S’ouvre l’Eté, qui vit de mer. Et mon cœur t’ouvre femme plus fraîche que l’eau verte : semence et sève de douceur, l’acide avec le lait mêlé, le sel avec le sang très vif, et l’or et l’iode, et la saveur aussi du cuivre et son principe d’amertume – toute la mer en moi portée comme dans l’urne maternelle…

« Et sur la grève de mon corps l’homme né de mer s’est allongé. Qu’il rafraîchisse son visage à même la source sous les sables ; et se réjouisse sur mon aire, comme le dieu tatoué de fougère mâle… Mon amour, as-tu soif ? Je suis femme à tes lèvres plus neuve que la soif. Et mon visage entre tes mains comme aux mains fraîches du naufrage, ah ! qu’il te soit dans la nuit chaude fraîcheur d’amande et saveur d’aube, et connaissance première du fruit sur la rive étrangère.

« J’ai rêvé, l’autre soir, d’îles plus vertes que le songe… Et les navigateurs descendent au rivage en quête d’une eau bleue ; ils voient – c’est le reflux – le lit refait des sables ruisselants : la mer arborescente y laisse, s’enlisant, ces pures empreintes capillaires, comme de grandes palmes suppliciées, de grandes filles extasiées qu’elle couche en larmes dans leurs pagnes et dans leurs tresses dénouées.

« Et ce sont là figuration du songe. Mais toi l’homme au front droit, couché dans la réalité du songe, tu bois à même la bouche ronde, et sais son revêtement punique : chair de grenade, et cœur d’oponce, figue d’Afrique et fruit d’Asie… Fruits de la femme, ô mon amour, sont plus que fruits de mer : de moi non peinte ni parée, reçois les arrhes de l’Eté de mer… »

2 –

« … Au cœur de l’homme, solitude. Etrange l’homme, sans rivage, près de la femme, riveraine. Et mer moi-même à ton orient, comme à ton sable d’or mêlé, que j’aille encore et tarde, sur ta rive, dans le déroulement très lent de tes anneaux d’argile – femme qui se fait et se défait avec la vague qui l’engendre…

« Et toi plus chaste d’être plus nue, de tes seules mains vêtue, tu n’es point Vierge des grands fonds, Victoire de bronze ou de pierre blanche que l’on ramène, avec l’amphore, dans les grands mailles chargées d’algues des tâcherons de mer ; mais chair de femme à mon visage, chaleur de femme sous mon flair, et femme qu’éclaire son arôme comme la flamme de feu rose entre les doigts mi-joints.

« Et comme le sel est dans le blé, la mer en toi dans son principe, la chose en toi qui fut de mer, t’a fait ce goût de femme heureuse et qu’on approche… Et ton visage est renversé, ta bouche est fruit à consommer, à fond de barque, dans la nuit. Libre mon souffle sur ta gorge, et la montée, de toutes parts, des nappes du désir, comme aux marées de lune proche, lorsque la terre femelle s’ouvre à la mer salace et souple, ornée de bulles, jusqu’en ses mares, ses maremmes, et la mer haute dans l’herbage fait son bruit de noria, la nuit est pleine d’éclosions…

« Ô mon amour au goût de mer, que d’autres paissent loin de mer l’églogue au fond des vallons clos – menthes, mélisse et mélilot, tiédeurs d’alysse et d’origan – et l’un y parle d’abeillage et l’autre y traite d’agnelage, et la brebis feutrée baise la terre au bas des murs de pollen noir. Dans le temps où les pêches se nouent, et les liens sont triés pour la vigne, moi j’ai tranché le nœud de chanvre qui tient la coque sur son ber, à son berceau de bois. Et mon amour est sur les mers ! et ma brûlure est sur les mers !…

« Etroits sont les vaisseaux, étroite l’alliance ; et plus étroite ta mesure, ô corps fidèle de l’Amante… Et qu’est ce corps lui-même, qu’image et forme du navire ? nacelle et nave, et nef votive, jusqu’en son ouverture médiane ; instruit en forme de carène, et sur ses courbes façonné, ployant le double arceau d’ivoire au vœu des courbes nées de mer… Les assembleurs de coques, en tout temps, ont eut cette façon de lier la quille au jeu des couples et varangues.

« Vaisseau, mon beau vaisseau, qui cède sur ses couples et porte la charge d’une nuit d’homme, tu m’es vaisseau qui porte roses. Tu romps sur l’eau chaîne d’offrandes. Et nous voici, contre la mort, sur les chemins d’acanthes noires de la mer écarlate… Immense l’aube appelée mer, immense l’étendue des eaux, et sur la terre faite songe à nos confins violets, toute la houle au loin qui lève et se couronne d’hyacinthes comme un peuple d’amants !

« Il n’est d’usurpation plus haute qu’au vaisseau de l’amour. »

Saint John Perse Amers
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Oiseaux


IV
Extrait 3

  L’oiseau hors de sa migration, précipité sur la planche du peintre, a commencé de vivre le cycle de ses mutations. Il habite la métamorphose. Suite sérielle et dialectique. C’est une succession d’épreuves et d’états, en voie toujours de progression vers une confession plénière, d’où monte enfin, dans la clarté, la nudité d’une évidence et le mystère d’une identité : unité recouvrée sous la diversité.
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Oiseaux


IV
Extrait 2

  La fulguration du peintre, ravisseur et ravi, n’est pas moins verticale à son premier assaut, avant qu’il n’établisse, de plain-pied, et comme latéralement, ou mieux circulairement, son insistante et longue sollicitation. Vivre en intelligence avec son hôte devient alors sa chance et sa rétribution. Conjuration du peintre et de l’oiseau…
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Oiseaux


IV

Extrait 1
  De ceux qui fréquent l’altitude, prédateurs ou pêcheurs, l’oiseau de grande seigneurie, pour mieux fondre sur sa proie, passe en un laps de temps de l’extrême presbytie à l’extrême myopie : une musculature très fine de l’œil y pourvoit, qui commande en deux sens la courbure même du cristallin. Et l’aile haute alors, comme d’une Victoire ailée qui se consume sur elle-même, emmêlant à sa flamme la double image de la voile et du glaive, l’oiseau, qui n’est plus qu’âme et déchirement d’âme, descend, dans une vibration de faux, se confondre à l’objet de sa prise.
...
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Oiseaux


III

  … Toutes choses connues du peintre dans l’instant même de son rapt, mais dont il doit faire abstraction pour rapporter d’un trait, sur l’aplat de sa toile, la somme vraie d’une mince tache de couleur.

  Tache frappée comme d’un sceau, elle n’est pourtant chiffre ni sceau, n’étant signe ni symbole, mais la chose même dans son fait et sa fatalité – chose vive, en tout cas, et prise au vif de son tissu natal : greffon plutôt qu’extrait, synthèse plus qu’ellipse.

  Ainsi, d’un « territoire » plus vaste que celui de l’oiseau, le peintre soustrait, par arrachement ou par lent détachement, jusqu’à pleine appropriation, ce pur fragment d’espace fait matière, fait tactile, et dont l’émaciation suprême devient la tache insulaire de l’oiseau sur la rétine humaine.

  Des rives tragiques du réel jusqu’en ce lieu de paix et d’unité, silencieusement tiré, comme en un point médian ou « lieu géométrique », l’oiseau soustrait à sa troisième dimension n’a pourtant garde d’oublier le volume qu’il fut d’abord dans la main de son ravisseur. Franchissant la distance intérieure du peintre, il le suit vers un monde nouveau sans rien rompre de ses liens avec son milieu
originel, son ambiance antérieure et ses affinités profondes. Un même espace poétique continue d’assurer cette continuité.

  Telle est, pour l’oiseau peint de Braque, la force secrète de son « écologie ».

  Nous connaissons l’histoire de ce Conquérant Mongol, ravisseur d’un oiseau sur son nid, et du nid sur son arbre, qui ramenait avec l’oiseau, et son nid et son chant, tout l’arbre natal lui-même, pris en son lieu, avec son peuple de racines, sa motte de terre et sa marge de terroir, tout son lambeau de « territoire » foncier évocateur de friche, de province, de contrée et d’empire…
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Que nul ne meure qu'il n'ait aimé !
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"Et toi qui sais, Songe incréé, et moi, créé, qui ne sais pas, que faisons-nous d'autre, sur ces bords, que disposer ensemble nos pièges pour la nuit ?
"Et Celles qui baignent dans la nuit, au bout des îles à rotondes,
"Leurs grandes urnes ceintes d'un bras nu, que font-elles d'autre, ô pieuses, que nous-mêmes ?... Ils m'ont appelé L'Obscur et j'habitais l'éclat."
[Du Maître d'Astres et de Navigation]
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Et vous, Mers, qui lisiez dans de plus vastes songes, nous laisserez-vous un soir aux rostres de la Ville, parmi la pierre publique et les pampres de bronze?

Plus large, ô foule, notre audience sur ce versant d'un âge sans déclin : la Mer, immense et verte comme une aube à l'orient des hommes,
La Mer en fête sur ses marches comme une ode de pierre : vigile et fête à nos frontières, murmure et fête à hauteur d'hommes — la Mer elle-même notre veille, comme une promulgation divine...

L'odeur funèbre de la rose n'assiégera plus les grilles du tombeau ; l'heure vivante dans les palmes ne taira plus son âme d'étrangère... Amères, nos lèvres de vivants le furent-elles jamais?
J'ai vu sourire aux feux du large la grande chose fériée : la Mer en fête de nos songes, comme une Pâque d'herbe verte et comme fête que l'on fête,
Toute la Mer en fête des confins, sous sa fauconnerie de nuées blanches, comme domaine de franchise et comme terre de mainmorte, comme province d'herbe folle et qui fut jouée aux dés...
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J’ai aimé un cheval - qui était-ce ? – il m’a bien regardé de face,
sous ses mèches.
Les trous vivants de ses narines étaient deux choses belles à voir
- avec ce trou vivant qui gonfle au-dessus de chaque œil.
Quand il avait couru, il suait : c’est briller ! – et j’ai pressé des
lunes à ses flancs sous mes genoux d’enfant…
J’ai aimé un cheval - qui était-ce ? – et parfois (car une bête sait
mieux quelles forces nous vantent)
il levait à ses dieux une tête d’airain : soufflante, sillonnée d’un
pétiole de veines.
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Céder! comme l'écoute.
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Ainsi, par son adhésion totale à ce qui est, le poète tient pour nous liaison avec la permanence e l'unité de l'Être. Et sa leçon est d'optimisme.
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Car l'heure est grande et neuve, où se saisir à neuf.
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Et nous ravisse aussi ce très long cri de l'âme non criée!...
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Saint-John Perse
Cette chose errante par le monde, cette haute transe par le monde, et sur toutes grèves de ce monde, du même souffle proférée, la même vague proférant

Une seule et longue phrase sans césure à jamais inintelligible.
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Repose, ô coeur troublé. Il n'est menace ni péril. Sur ta faiblesse j'ai fondé,
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Secret du monde, va devant!
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- Toutes choses dites dans le soir et dans l'adulation du soir.
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Oui, ce fut un long temps d'attente et de sécheresse, où la mort nous guettait à toutes chutes de l'écrit. Et l'ennui fut si grand, parmi nos toiles peintes, l'écourement en nous si grand, derrière nos masques, de toute l'oeuvre célébrée!...
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Je me sens si peu littéraire....

Lettre, 13.10.1909
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