Citations de Sidonie-Gabrielle Colette (1620)
Des fiançailles entre Vinca et lui? Philippe sourit, plein de pitié
condescendante. Des fiançailles... A quoi bon? Vinca lui appartenait, comme il appartenait à Vinca.
Il la vit un peu dolente et l’embrassa en frère. Mais elle se retourna, le mordit à la bouche et sous l’oreille, et ils usèrent, encore une fois, du divertissement qui raccourcit les heures et entraîne les corps à atteindre facilement le plaisir amoureux. Alain s’y fatiguait. Lorsqu’il dînait chez sa mère avec Camille et qu’il retenait des bâillements, Mme Amparat baissait les yeux et Camille ne manquait pas de rire d’un petit rire rengorgé. Car elle notait, orgueilleuse, l’habitude qu’Alain prenait d’user d’elle, habitude presque hargneuse, rapide corps à corps d’où il la rejetait, haletant, pour gagner le côté frais du lit découvert.
- Et pourquoi cesserai-je d'être de mon village ? Il n'y faut pas compter. Te voilà bien fière, mon pauvre Minet-Chéri, parce que tu habites Paris depuis ton mariage. Je ne peux pas m'empêcher de rire en constatant combien tous les Parisiens sont fiers d'habiter Paris, les vais parce qu'ils assimilent cela à un titre nobiliaire, les faux parce qu'ils s'imaginent avoir monté en grade.
Un moment après, ils gisaient au creux du grand lit de Léa, tout forgé d'acier et de cuivre. Chéri feignait le sommeil, la langueur, pour pouvoir mieux serrer les dents et fermer les yeux, en proie à une fureur de mutisme. Mais elle l'écoutait quand même, couchée contre lui, elle écoutait avec délices la vibration légère, le tumulte lointain et comme captif dont résonne un corps qui nie son angoisse, sa gratitude et son amour.
L'an prochain, Bel-Gazou aura plus neuf ans. Elle ne proclamera plus, inspirée, ces vérités qui confondent ses éducateurs. Chaque jour l'éloigne de sa première vie pleine, sagace, à toute heure défiante, et qui dédaigne de si haut l'expérience, les bons avis, la routinière sagesse. L'an prochain, elle reviendra au sable qui la dore, au beurre salé et au cidre mousseux. Elle retrouvera son chaume dépenaillé, et ses pieds citadins chausseront ici leur semelle de corne naturelle, lentement épaissie sur le silex et les sillons tondus. Mais peut-être ne retrouvera-t-elle pas sa subtilité d'enfant, et la supériorité de ses sens qui savent goûter un parfum sur la langue, palper une couleur et voir - "fine comme un cheveu, fine comme une herbe" - la ligne d'un chant imaginaire...
Le pugilat entre hommes, même la guerre, nous fait moins peur à nous autres hommes, moins nerveusement peur qu'une fureur de femme. Nous ne pouvons rien prévoir d'une femme déchaînée. Nous ne savons jamais si elle va nous traiter de "goujat" avec un grand air de dignité, ou bien tenter de nous arracher les ongles, nous ôter le nez d'un coup de dents. Elle non plus, d'ailleurs, n'en sait rien. Ça lui vient de trop loin.
Le Tendron.
Elle éclata d'un rire inattendu :
"Ma dignité ! Ah, vous me faites bien rire ! Ma dignité ! Ah ces jeunes femmes..."
Son rire et son regard me furent insupportables. "Mais, Marco, vous me demandez conseil, je vous réponds selon mon cœur..."
Elle riait toujours et haussait les épaules. Tout en riant, elle ouvrit cavalièrement la porte devant moi. Je croyais qu'elle allait m'embrasser, que nous nous donnerions rendez-vous, mais j'étais à peine dehors qu'elle refermait sa porte sans m'avoir dit un autre mot que :
"Ma dignité ! Ah ! non, c'est trop comique"
Le Képi.
Le hasard, mon ami et mon maître, daignera bien encore une fois m'envoyer les génies de son désordonné royaume.
Je n'ai plus envie de me marier avec personne, mais je rêve encore que j'épouse un très grand chat.
Il continue de me manquer. C'est un deuil égoiste, qui m'afflige lorsque j'ai besoin, non d'un conseil, mais d'un échangee verbal intelligent et désinteressé, qui me divertisse de l'épuisant monologue intérieur.p152
Seule,
elle
sourit
orgueilleusement,
fit
un
soupir
saccadé
de
convoitise
matée,
et
écouta
les
pas
de
Chéri
dans
la
cour
de
l'hôtel.
Elle
le
vit
ouvrir
et
refermer
la
grille,
s'éloigner
de
son
pas
ailé,
tout
de
suite
salué
par
l'extase
de
trois
trottina
qui
marchaient
bras
sur
bras
Vivre sans bonheur et n'en point dépérir, voilà une occupation.
J'ai souvent réfléchi avec mélancolie à la monotonie des choses de l'amour.
La terre appartient à celui qui s'arrête un instant, contemple et s'en va...
_Laisse ma belle écorchure...Avec ça que c'est doux,déjà , le sarrasin égrené...p.122
Il reçut le choc du mot détesté et faiblit. Encore une fois la simplicité de sa petite compagne et la soumission qu'elle osait avouer, cette manière femelle de révérer des lares anciens et modestes le laissait muet, déçu, mais vaguement apaisé.
Hélène va partir bientôt pour Paris. Quand j'en ai donné la nouvelle, la petite voix de Morhange m'a seule répondu :
- Ah ! tant mieux, cette bringue !... Je ne l'aime pas, elle n'est pas bonne.
J'ai insisté pour connaître la raison d'une si vive antipathie.
- Non, elle n'est pas bonne, dit Morhange. Et la preuve, c'est que je ne l'aime pas.
"Amoureuse," piètre mot pour exprimer tant de choses! ...Imprégnée, voilà qui exprime mieux...Imprégnée , c'est cela tout à fait, imprégnée depuis la peau jusqu'à lâme, car l'amour définitif m'est si entré partout que je m'attendais presque à voir mes cheveux et ma peau en changer de couleur. p.47
p.242 Ma chère douleur, c'est la tenture sombre et nuancée, le velours sans prix qui double l'intérieur de mon coeur.
Il emportait un malaise qu'il connaissait trop bien, l'agacement, la gêne de ne jamais exprimer ce qu'il eût voulu exprimer, de ne jamais rencontrer la personne à qui il devait confier un aveu indéfini, un secret qui eût tout changé et dépouillé de son insigne néfaste, par exemple, cet après-midi de pavés blanchis, d'asphalte flasque sous le soleil vertical...
Je goûte en elle, outre sa gaieté qui résiste à la misère, cette humeur protectrice, cette adresse à soigner, cette maternité délicate dans le geste, apanage des femmes qui ont sincèrement et passionnément aimé les femmes: elles en gardent un attrait indéfinissable, et que vous ne percevez jamais, vous autres hommes...