"Ma vertu, c'est les hommes. Mon rythme, c'est eux. Leur douceur. Il faut juste leur en laisser la possibilité, tu sais, le droit de l'être. C'est si dur de devenir un homme : c'est pour ça qu'il leur faut cacher cette douceur."
Une rencontre sur la terrasse d'un restaurant, friture de poisson et vin blanc. Une jeune et une vieille femme. Rencontre entre une "voluptueuse avec sagesse" et une silhouette traversant les pays sans véritablement se connaître. Fosca et Constance. Elles parleront, jusqu'à tard dans la nuit, et décideront d"un voyage. Constance nous dit ce voyage, le dernier pour Fosca, son premier vrai voyage, pour elle.
Durant ce périple, Fosca raconte cette douceur, cette douleur heureuse d'aimer, d'avoir été aimée par ces quelques hommes, ces hommes qui ont façonné son corps, ce corps auquel elle accordera bientôt le repos. Confession, bilan, journal intime à retardement, mais surtout, un hommage. Ce voyage prend pour Constance une autre allure que ceux qu'elle effectue pour son travail. "Testeuse" de sites touristiques pour un tour operator : "Mes chambres d'hôtel". Fosca lui permet cette pause qu'elle ne s'est jamais accordée. Fini le jet-lag, "je n'ai jamais été de nulle part, j'ai été partout de passage, jusqu'à Fosca". Comme une halte, Un pied-à-terre.
C'est dans l'une de ces chambres que Fosca la quittera, lui donnant un nair de mausolée : "La souffrance, ma Constance, vient de la résistance au changement. Je vais me laisser glisser, ne rien faire pour me retenir, même si je devais durer quelques heures de plus, quelques heures de trop". C'est ainsi je pense, qu'elle souhaitait mourir, un lieu qu'elle connaît, qu'elle aime, mais qui n'est pas chez elle. Ne pas laisser le poids de la mort hanter sa maison, dans laquelle retournera Constance. Ne laisser aucune ombre sur le souvenir.
Sur la table de la cuisine, une lettre, pour elle, qui balaie tout sur son passage : "comme si soudain un grand coup de vent avait soulevé toutes les feuilles mortes que nous avions soigneusement mises en tas dans un coin de notre jardin."
Chez Fosca, elle découvrira des centaines de cahiers de recettes, si particuliers. Mais surtout, un "journal-correspondance". Elle finira ainsi l'histoire que n'a pu achever Fosca de vive voix. Elle découvrira le secret de Fosca, de la vie, cette philosophie positive qu'elle imposait, qu'elle s'imposait. Pourquoi. Pourquoi elle. Pourquoi ce voyage... :
"Chagrins, nuits d'amour, secrets de Polichinelle, de feuille morte, de morte-eau, de morte-saison... Il y a des choses que l'on ne peut faire que dans l'aile sombre de la nuit : retrouver les caresses, renouer les mains qui ont été séparées, remonter le cours des larmes".
Une écriture personnelle, ciselée, joueuse aussi. Romantique aussi, sans être romanesque, ni romancée. Une traversée de la vie, de l'amour, un brin philosophe, tendre, sans regret. Tout un poème : "Pendant mon rêve, j'ai découvert où vont les vagues quand elles meurent sur la grève et la flamme d'une bougie quand on la souffle. Où vont les vieilles chansons dont on a oublié le refrain.Où vont les amours impossibles et aussi les amours vécues et finies. les baisers non donnés. Les caresses et les regards incompris..."
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