Citations de Sophie Avon (101)
Elle aimait écrire, elle aimait dessiner, elle aimait danser, elle aimait le piano, la littérature, la poésie, mais la scène, toujours lui avait paru le seul espace où atteindre au bonheur en conjuguant en une fois toutes les passions qui criaient famine en elle.
-Je n'ai rien à perdre, tu sais.
-On a tous quelque chose à perdre.
Les gens ne pensaient qu'à manger. Le pain remplaçait tout : l'amour, le réconfort, le succès.
« Tu sais, lui dit-il sans cesser de jouer, quand je te vois te lever le matin pour t’occuper de Sacha, je me dis qu’en fait, ma femme, c’est toi… » Elle se raidit. Elle n’a rien vu venir, n’en revient pas de cet aveu. D’un côté elle entend la déclaration d’amour, de l’autre, voit sa séduction réduite à des prouesses maternelles. »
« Voilà, Nina est partie. L’enfant la cherche pendant quelques jours, puis il l’oublie. Il erre dans la maison, échappé de son petit parc où, neuf fois sur dix, Camille omet de l’enfermer. Le mois de juin est brûlant, il déambule à moitié nu, transpirant à grosses gouttes, ouvrant les placards quand il a faim, tétant son biberon d’eau qui roule entre ses jouets. Dès qu’il voit son père, il s’élance en criant : « Po-me-nade! »
Chaque fibre de sa personne est dédiée à la mer. Tout, dans sa vie de très jeune homme, s'est organisé autour de ce projet : partir.
« Elle savait ce qu’il restait à faire.Attendre.Etre aussi entêtée que lui. Obstinée et mauvaise »
J’ai fait un calendrier dans mon cahier Clairefontaine et chaque matin, je raye au feutre rouge le jour écoulé. Comme un forçat sur le mur de sa prison. Sauf que moi, je marche à l’air libre sur une planète immense.
- Tu vois, pour moi, dit mon frère, la saveur du voyage, c’est de me sentir étranger.
Je hoche la tête. Je ne ressens pas les choses comme lui, ça ne m’empêche pas de le comprendre.
Un bonheur sourd m’empêche de trouver le sommeil. L’impatience que j’éprouvais, enfant, me revient. C’était l’été, le soir, dans mon lit ; j’essayais de fermer les yeux sans succès, la perspective de la journée suivante me débordait.
Elle n'avait pas compris que, sur le point de mourir, son mari ait eu besoin d'anéantir les derniers jours qu'il avait à vivre. Pas plus qu'elle ne comprenait qu'il ait toujours eu, même en bonne santé, cette sorte de détachement vis-à-vis de l'existence. C'était du même ordre, une question d'appétit.
Elle se demandait ce qu'elle avait bien pu faire de si noble dans une existence antérieure, pour mériter cet homme-là.
Son mari était un homme prévisible et, pourtant, elle avait toujours su qu'il était capable de l'étonner. Avec les années, son intuition s'était renforcée et, tandis que la plupart des couples se répètent et se lassent mutuellement, elle continuait de croire qu'il pouvait la surprendre. Entre eux, l'amour avait grandi grâce à ce genre de présomption bienveillante.
Toi, tu es une fille du sud, une fille des îles. Soleil et mer. Sables et cocotiers… Moi, je suis falaise et ciel gris…
(p. 151)
Il sentait qu'elle le redoutait tout en l'espérant, il savait qu'elle ne craignait pas ses assauts répétés,que ses peurs étaient plus animales et plus anciennes,que son sentiment d'insécurité l'altérait sans la dominer,même si d'une certaine manière elle acceptait d'en être la proie.Il le savait et en jouissait.
Elle a croisé tant de gens qui trimaient nuit et jour et qui
sont restés dans l’ombre, jamais récompensés, toujours
écartés comme si la réussite, même passagère, même fugace,
ne voulait pas d’eux. Pour elle, c’est différent, elle faisait
fausse route en espérant monter sur scène. Elle a vite compris que sa voie était ailleurs et désormais elle est écrivain,
même si elle n’ose pas le dire comme ça quand on lui
demande ce qu’elle fait. Elle gagne sa vie en corrigeant des
manuscrits dans une petite maison d’édition. Ce n’est pas
un métier d’avenir mais elle compte sur ses livres. Son premier roman est sorti l’année précédente et il a bien marché,
elle est même passée à la télévision où elle a joué les
modestes afin de masquer sa timidité et son mépris des
auteurs qui parlent de leurs écrits avec tellement d’aplomb.
Comment peut-on commenter ses propres textes, pense-t-elle tout en rinçant les verres — elle n’en a pas cassé un,
cela aussi est un motif de satisfaction, minuscule, dérisoire
et bien réel
Elle
a compris qu’elle ne fera jamais partie du monde des
vivants, ceux qui se tiennent la main en marchant sous
l’averse. À quoi bon l’espérer ? Elle ferme les yeux, lâche
son sac, s’effondre plus qu’elle ne saute, fait si peu de bruit
en tombant que les amoureux ne se retournent pas.
Elle va se déshabiller près de son lit, il la reluque
en vitesse, le temps d’apercevoir ses fesses un peu grasses
mais appétissantes. Lorsqu’elle se retourne, elle a un sourire rayonnant. Le fourreau la boudine aux hanches mais
dans l’ensemble il met en valeur ses formes et il aime plutôt
ça. Ce qu’il n’aime pas, c’est l’expression qu’elle a, l’expression de quelqu’un qui court après des chimères.
L’homme essaie de la
pénétrer mais il n’y arrive pas. Il lui dit, détends-toi. Elle
n’est pas tendue pourtant, c’est son corps qui refuse, son
sexe qui ne veut pas s’ouvrir. L’homme s’y prend à plusieurs fois mais sa queue lui fait mal, il renonce. L’autre les
rejoint. C’est un type rondouillard aux lèvres épaisses. Il
dit, alors ? Elle est O.K. mais c’est un peu difficile… Essaie
si tu veux, répond l’homme aux yeux verts. Elle entend
sans écouter. Le deuxième arrive à la pénétrer et jouit très
vite. Quand c’est fini, Mina se rhabille calmement.
Elle pense que parfois il faut
aimer pour deux. Damien vient jusqu’à elle, se penche au-dessus de ses cheveux bouclés. Cette fois, il a un gros pull
blanc, des jeans et des chaussettes en laine. Il répète : tu
n’as pas cours aujourd’hui ?