Citations de Susan Fletcher (430)
Vous le voyez, cet endroit ? Avec le regard de votre esprit, qui est notre regard le plus perçant ? Une vallée tellement étroite, aux flancs tellement escarpés que c’est comme si on entrait au fond d’une main à moitié fermée. Certains disaient que ça leur faisait peur, comme un poing en rochers. Certains disaient que les montagnes paraissaient si hautes qu’elles pouvaient s’écrouler et écraser un homme. Mais moi je n’ai jamais eu cette sensation. À Glencoe, j’ai ressenti de la douceur. C’était une main entrouverte où je pouvais me blottir, et qui me protègerait.
(p. 168)
J’avançais comme la reine de la pluie et du vent, de la fatigue, dans une jupe tellement boueuse que je pesais deux fois plus lourd. Je traînais derrière moi des branches avec leur mousse et des araignées. Comme ces araignées tissaient leurs toiles parmi mes cheveux pendant que je dormais, des phalènes étaient prises dedans. J’avais les cheveux pleins d’ailes et de fils blancs et en marchant je sentais leurs pattes sur mon visage. Des chardons restaient accrochés à mon ourlet. Mon corselet couvert de saletés et de boue séchée faisait des craquements. Ce n’est pas une jolie créature qui aboutit dans le glen.
(p. 158)
Sa méridienne avait, au départ, été vert mousse, mais avec le temps, à mesure que j’additionnais les lectures, que j’étudiais les cartes, cette couleur intense et veloutée prit la teinte des ailes de colibri, de l’envie d’Othello ou de ces joyaux vivants dissimulés dans les terre humides de l’équateur… de minuscules grenouilles tropicales d’un vert luminescent.
Je l’avais toujours eu, comme nous tous, tous les gens venus au monde avec un cœur ont le don double vue car c’est la voix du cœur. C’est la chanson de l’âme. Je l’ai reçu de chaque ciel étoilé, de chaque abeille qui cognait contre moi en s’envolant hors d’une fleur. Je l’ai reçu de la bonté, la mienne et celle des autres. Je l’ai reçu de mes poils qui se dressaient quand j’entendais un clan chanter autour du feu, de mes yeux remplis de larmes devant des choses belles et simples. Car c’est en ces moments-là que le cœur parle.
"Notre île est petite, ses contours sont harmonieux. Les falaises y sont hautes comme des tours et striées de blanc par les oiseaux nicheurs. Elles résonnent du bruit de la mer et du cri des oiseaux, et lever les yeux sur elles depuis un bateau qui tangue donne l'impression d'être minuscule, d'avoir froid. Des plumes descendent dans les airs pour atterrir à nos pieds. Elles dérivent à la surface de l'eau comme des rêves."
Ce n'est pas parce qu'un homme vous sourit qu'il vous veut du bien.
C'est le soir. La lune est à son premier croissant. Il y a des étoiles, et le bruit d'un ruisseau, et dans l'obscurité, j'entends même des ailes d'insectes. Je me dis "quels présents nous recevons". Quels présents, chaque jour.
Je m'enveloppe dans votre manteau, je respire. Je souris.
Voilà, c'est ici. J'étais sûr de ça. Car le cœur reconnaît l'endroit où il est chez lui quand il le trouve, et après l'avoir trouvé, il y reste.
Ma vie dans la vallée. Je l'ai vécue trop peu de temps, elle a été trop courte. C'est pourtant la meilleure que j'ai connue : où d'autre ai-je vu mon reflet et pensé tu es là où tu dois être, enfin.
Ce qui est sombre sera toujours sombre, je le sais bien. La mort est toujours la mort. La haine ne sera jamais loin, dans cette vie. Mais il y a aussi de la lumière. Elle est partout. Elle inonde ce monde, le monde en est rempli.
Mais la meilleure chose que j'avais apprise était peut-etre ça: on ne peut connaitre l'ame et la nature de quelqu'un qu'apres avoir passé du temps assis avec lui,à causer.
Nous ne connaissons que l’écume.
"Une femme sans entrave est cause de grands désordres."
On a quelquefois tant à dire qu'on ne peut le dire. Quelquefois, mieux vaut ne pas faire des adieux.
"Voilà, c’est ici". J’étais sûre de ça. Car le cœur reconnaît l’endroit où il est chez lui quand il le trouve, et après l’avoir trouvé, il y reste.
(p. 159)
Je me regarde encore bien plus au long de ces sombres jours et de ces nuits. Je me regarde avec des yeux vieillis et avertis, car je sais qu’au Mercat Cross on apporte du bois en le traînant dans la neige. Des cordes. Du goudron. Je sais qu’on le fait et que c’est pour moi. Je me regarde, monsieur, parce que je ne peux pas croire que je vais brûler vive et disparaître. Que ma peau va noircir et se déchirer. Que mes cheveux vont s’enflammer.
Cette peau pâle et douce entre mes orteils va brûler en premier, pour sûr. Ça commencera par le bas.
(p. 148)
Et voilà ce que je dis : quelles créatures nous sommes ! Quels pouvoirs sont en nous, en nous tous ! Comme nous savons d’avance les choses, si nous voulons bien passer un peu de temps à nous écouter nous-mêmes… Quel amour profond nous pouvons ressentir !
(p. 140)
Les choses nous viennent comme des présents. Oui. Des présents s’offrent à nous et il ne faut pas les négliger, parce qu’à travers eux le monde nous dit voilà, c’est bien...
Quand ils viendront me chercher, je penserai à l'extrémité de la corniche du nord, car c'est là que j'ai été la plus heureuse, avec le ciel et le vent, et les collines toutes sombres de mousse ou de l'ombre d'un nuage les survolant. Je reverrai ce moment où un coin de montagne s'éclaire soudain, comme si ce rocher avait été choisi entre tous les autres par le soleil, marqué par ses rayons. Il va briller, puis s'assombrir à nouveau. Je serai là cheveux au vent puis rentrerai chez moi. J'aurai en moi ce rocher éclairé par le soleil. Je le garderai en sécurité.
je pense que peut-être, avec la vie qu'on mène, à gagner son pain, se laver, se chauffer, livrer ses petites batailles quotidiennes, on oublie son âme. On ne s'en occupe pas, comme si elle avait moins d'importance que tout ça. Elle n'en a pas moins, je crois.