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Critiques de Thomas Cantaloube (143)
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Frakas

Nous avons trop vite oublié le rôle de la France en Afrique, même si, de temps à autre, l’actualité rafraîchit quelques souvenirs pas toujours glorieux.

Alors, en lisant Frakas, ce polar signé par l’excellent Thomas Cantaloube, j’ai été plongé au début des années 1960, au moment où notre pays perd peu à peu toutes ses colonies sans renoncer à les exploiter.

Franchement, en lisant Frakas, à de nombreuses reprises, je n’ai pas été fier d’être Français. L’action des services secrets, le SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage), les coups de main du SAC (Service d’action civique), le rôle de ces hommes politiques de premier plan comme Pierre Messmer, François Mitterrand, Gaston Deferre et surtout de celui qui tirait toutes les ficelles, dans l’ombre, Jacques Foccart, secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches sous de Gaulle et Pompidou, ont de quoi nous faire rougir de honte.

Au travers de l’histoire qu’il conte avec moult rebondissements, Thomas Cantaloube ne mâche pas ses mots. La plupart de ses personnages sont inventés, leurs aventures aussi mais l’histoire du Cameroun et de ses relations avec la France, bien réelles.

Tout débute le 15 octobre 1960, à Genève, où Félix Moumié, Président de l’UPC (Union des populations du Cameroun), est assassiné. Près de deux ans plus tard, le 17 mai 1962, voici un des principaux personnages de l’histoire : Luc Blanchard, journaliste à France Observateur.

Cet ancien flic, pour ne plus obéir aux ordres de Maurice Papon, a démissionné de la police criminelle. Son domaine concerne les anciennes colonies, Algérie, Maroc, Afrique noire. Son rédac’ chef lui demande alors d’enquêter sur une organisation assez obscure : La Main rouge.

Autre personnage important, Antoine Lucchesi, navigue en Méditerranée avec Alphonse Mukenga qui est aussi commis de cuisine dans le restaurant de Maria, la compagne de Lucchesi. Ce dernier gagne bien sa vie en convoyant de la morphine-base pour les labos marseillais qui transforment cela en héroïne à destination du marché étasunien. Marseille, la pègre, Mémé Guérini et Gaston Deferre, ce n’est pas beau du tout ! Antoine que l’auteur appelle souvent « le truand », tient un cahier de comptes pour la mafia locale, cahier qu’il cache dans une valise.

Subitement, Alphonse Mukenga, sympathisant de l’UPC, part pour le Cameroun, son pays d’origine, pour s’occuper d’un oncle bien malade. Alors qu’Antoine est absent, Maria croit bien faire en prêtant une valise à son commis, sans savoir qu’elle contient le fameux cahier.

En quelques semaines, au cours de cet été 1962, l’action s’emballe, m’emmène à Yaoundé sur les traces d’Antoine qui veut récupérer son fameux cahier pour sauver sa petite famille menacée par un caïd de la drogue.

En même temps, pour étoffer son enquête, Luc Blanchard, en bute aux intimidations et agressions d’un membre du SDECE, part là-bas aussi. Alors que le Cameroun est soi-disant indépendant, l’appétit de quelques industriels français pour les richesses du pays ne s’est pas éteint. Ils sont soutenus par des politiciens véreux qui savent bien camoufler leur trafic d’influences sous les dorures de notre ambassade.

Si les dirigeants camerounais collaborent, les maquisards de l’UPC ne désarment pas et luttent pour une véritable indépendance de leur pays. Au cours des aventures de Luc, Antoine, Alphonse mais aussi Lucille, délicieuse métisse qui tient un hôtel-restaurant à Yaoundé, je découvre les arrestations arbitraires, la torture, les massacres de paysans et même un village rasé au napalm !

À tout cela, s’ajoute un racisme puant, un sentiment de supériorité révoltant de tous ces Blancs qui tentent de profiter au maximum du pays et de ses habitants. Heureusement, Thomas Cantaloube fait évoluer Célestin, attachant chauffeur de taxi en 2 CV, efficace et très dévoué.

Luc enquête, découvre une réalité scandaleuse mais court de grands risques. Arrive enfin un certain Sirius Volkstrom, sorte de militaire d’occasion, dont l’efficacité est salutaire. Mais, attention, je n’en dis pas plus… J’ai essayé de survoler l’action de ce thriller mais pas en hélicoptère ; seuls les lecteurs de Frakas comprendront…

Après m’être régalé avec le second polar de Thomas Cantaloube, il me reste à lire Requiem pour une République, paru déjà dans la Série noire de Gallimard et plusieurs fois primé.


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Frakas

Cet excellent thriller politique plonge le lecteur aux origines de la Françafrique qui s'est installée une fois que la France a accordé l'indépendance à ces dernières colonies d'Afrique subsaharienne en 1960. Ou comment remplacer la manne coloniale par un système tout autant rentable.



Et c'est passionnant de découvrir ainsi la matrice d'un des aspects majeurs de la vie politique contemporaine. D'autant plus que Thomas Cantaloube a choisi de traiter le sujet par l'angle mort de la guerre qui a sévit au Cameroun de 1955 à 1962, une guerre cachée dans le prolongement de la guerre d'Indochine. Grâce à une documentation ultra précise , l'auteur met en lumière les faits saillants de cette guerre cachée, menée par la France contre les rebelles de l'UPC ( Union des populations du Cameroun ), rappelant furieusement les méthodes répressives mises en oeuvre durant la guerre d'Algérie : bombardements de villages, tortures, escadrons de la mort, assassinats ciblés de dirigeants de l'UPC comme Ruben Um Nyobe. Toute la trame historique est parfaitement lisible avec un sens de l'analyse politique assez brillant dans sa capacité à la rendre intelligible et concrète. Sa radiographie géopolitique de bas en haut de l'échelle des responsabilités est passionnante.



Le sujet aurait pu écraser le romanesque. Ce n'est jamais le cas car Thomas Cantaloube a su impulser une intrigue policière classique mais efficace, porté par un casting haut en couleurs qui fonctionne parfaitement : un journaliste ex-flic, un convoyeur de drogue ex-résistant et un mercenaire ex-barbouze.



On suit donc l'enquête d'un journaliste, Luc Blanchard, sur la piste d'une organisation secrète de type OAS, la Main rouge, et de l'assassinat à Genève d'un leader de l'UPC, Félix Mounié ( fait réel ) empoisonné par les services secrets français. Il se rend à Yaoundé et y découvre cette guerre cachée du Cameroun et tous les dessous de la Françafrique naissante. Il devient rapidement une cible à mesure qu'il s'enfonce dans ce bourbier semé d'embûches.



Thomas Cantaloube a le sens des péripéties. Il mène son intrigue pied au plancher, jonglant avec aisance entre fiction et réalité historique, entremêlant personnages fictifs et réels comme Jacques Foccart, secrétaire général aux affaires étrangères, grand manitou de la politique africaine du général De Gaulle. La dernière partie est particulièrement trépidante ( presque un peu trop rocambolesque d'ailleurs ) en mode pieds nickelés dans une course poursuite en hélicoptère, avec des dialogues savoureux souvent truculents.



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Mai 67

Avec cet excellent opus, Thomas Cantaloube clôt sa trilogie consacrée aux arcanes peu ragoûtants de la Vème République époque gaulliste. Après les soubresauts de la guerre d'Algérie ( Requiem pour une République ), puis les débuts du Françafrique et la guerre du Cameroun ( Frakas ), l'auteur explore les dessous sombres de l'après-colonisation en mettant en lumière un épisode guadeloupéen peu connu en métropole.



Après une énième agression raciste, la Guadeloupe explose, de mouvements de grèves en émeutes violemment réprimées. le 26 mai 1967 à Pointe-à-Pitre, les forces de l'ordre ouvrent le feu. Il y a des morts mais il ne faut surtout pas le dire. Tabou absolu. Ce n'est qu'en 2016 qu'une commission indépendante présidé par l'historien Benjamin Stora parle de « massacre ordonné sciemment sur le terrain et approuvé par le gouvernement sous la présidence du général De Gaulle ». le non archivage des événements rend difficile d'établir un bilan fiable. Sans doute près d'une centaine de morts, contre les 7 officiels.



Le fond du roman est passionnant, la forme est tout aussi réussi. Jamais le poids du sujet et de la documentation n'écrasent le romanesque. Thomas Cantaloube a une nouvelle fois trouvé l'équilibre parfait entre Histoire et fiction.



On adore retrouver l'attachant trio fictif Luc Blanchard ( ex-policier, ici journaliste pigiste à France-Antilles ), Antoine Lucchesi ( ex-truand corso-marseillais reconverti en skipper pour riches propriétaires de voiliers ) et l'inénarrable Sirius Volkstrom ( ex-collabo officiant désormais dans l'anticastrisme pour la CIA ) cotoyer de vrais personnages comme le jeune Jacques Chirac, alors secrétaire d'Etat à l'emploi ou Jacques Foccart, le grand manitou du Françafrique.



Le lecteur est complètement immergé dans une intrigue fluide et virevoltante, en empathie pour la quête de justice de Luc dont la compagne fait partie des 19 Guadeloupéens appelés à comparaître devant la Cour de sureté de l'Etat à Paris, accusés d'avoir organisé les émeutes. On suit dans l'urgence son enquête acharnée jusqu'à la capitale et l'arrière-boutiques des ministères pour remonter le fil de ses constatations initiales.



Les genres "polar historique" et "thriller politique" sont idéaux pour pousser à la réflexion, ici en questionnant la pérennité des méthodes brutales pour réprimer des mouvements sociaux, et plus largement la continuité entre ordre colonial et violences policières. On est sidéré devant le portrait d'une Guadeloupe des années 60, qui par bien des aspects n'est pas considéré comme un département français mais plutôt comme une colonie non décolonisée, rongée par le racisme et les inégalités sociales.



«  Ce n'est pas un affrontement entre flics et grévistes qui dégénère, c'est quelque chose qui remonte des tréfonds de notre histoire. Les gens sur la place de la Victoire ont complètement oublié les demandes d'augmentation. Ils se battent maintenant contre l'injustice, contre ce qu'ont subi leurs parents, leurs grands-parents et toutes les générations avant. Les policiers en face, eux, tout ce qu'ils voient, ce sont des Noirs qu'il faut remettre à leur place ! »



On est glacé de découvrir le parcours du préfet Pierre Bolotte ( dans le roman Delbotte ) : d'abord le corps préfectoral sous Vichy, puis l'Indochine et l'Algérie où il systématise des formes militaro-policières de répression, avant d'atterrir en Guadeloupe ... et de devenir en 1969 le premier préfet du tout jeune département de Seine-Saint-Denis où il expérimente la BAC ( brigade anti-criminalité ).



Hâte de découvrir vers quels horizons va se tourner l'auteur maintenant que sa trilogie est terminée.
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Requiem pour une République

Ce roman sera incontestablement , pour moi , un de mes " coups de coeur de l'année " quand bien même celle - ci est loin d'être terminée et réservera sans doute encore à chacun et chacune d'entre nous de belles découvertes , et ...de bonnes nouvelles sur un plan sanitaire , espérons - le ....Mais pas de pronostic , des faits et les faits c'est que " Requiem pour une République " est un roman marquant , terriblement addictif qu'il faut absolument lire si , bien entendu , on aime ce genre littéraire mêlé à des pages d'histoire.

Avant de vous lancer dans une lecture qui va vous happer et vous emmener dans les arcanes du monde politique de la France de l'année 60 ( 1959 à 1961 , précisément ) , imaginez - vous dans un film en noir et blanc . Pensez à vos acteurs préférés de l'époque , fredonnez quelques airs musicaux , repensez au contexte politique et notamment aux " événements d'Algérie " , souvenez - vous de qui était au pouvoir , des troubles ....Trop loin ? trop difficile ? Trop flou ? Bon , ben même pas grave parce que Thomas Canteloube va vous remettre " plein de choses en mémoire " , voire vous donner envie de vous retourner sur ces années peu glorieuses , glauques , violentes et de vous pencher sur toute une époque pas si lointaine de notre histoire . Bon sang , 1960 , j'avais 7 ans !!! C'était hier ...euh , avant - hier ....

Le résumé ? Comme d'hab , il est sur la quatrième et vous me connaissez , si c'est pour vous raconter, " en gros " , ce qui va se passer , je ne suis pas trop " fan " , vous fréquentez autant que moi les librairies , vous savez faire , et ça ne présente qu'un bien terne intérêt de " divulgacher " ....

Non , pas de résumé , donc , mais tout de même : l'atroce assassinat d'un avocat algérien lié au FLN et le massacre de toute sa famille ..... Et puis trois hommes que tout oppose à la poursuite , hautement " surveillée et contrôlée " de l'assassin ..... Voilà, c'est tout , le reste , tout le reste , c'est pour vous . Mais attention : moi , j'ai fait du " non - stop " ce qui , dans une période où la mode est plutôt au " stop and go ou autre Click and collect " ( ah , la beauté de la langue française ) est tout de même un signe . Ceci étant, ça ne concerne que ma modeste personne .

Thomas Canteloube nous fait profiter de ses connaissances , de ses compétences linguistiques et introduit dans son histoire des personnages réels ou fictifs travaillés, attachants ( pour certains ) , détestables ( pour d'autres ) , époustouflants ou sans grand intérêt . le récit est rempli d'actions , d'émotions ,de réflexions, de suspens , nous fait côtoyer le monde politique dans toute son " hypocrite splendeur " et l'ironie mordante de certains propos nous arrache de complaisants acquiescements , voire même , mais oui , quelques sourires . Hum !!! Pas sûr qu'on puisse dire que " c'était mieux avant " mais ça , c'est bien à vous de voir ...

Et comment ai- je choisi ce livre ? Les prix qu'il a obtenus . Sa sortie en poche .Sa quatrième de couverture et ...sa couverture . Et , surtout , surtout , les conseils de mon libraire et ami Nicolas que je ne remercierai jamais assez . Oui , je sais , j'ai beaucoup de chance mais je crois que c'est le cas de bon nombre d'entre vous aussi et , un bon libraire , c'est vraiment extraordinaire . Il est tellement fan de ce premier roman de Canteloube qu'il veut lire son " petit dernier " , "Frakas ". S'il est de la même veine , les perspectives sont au beau fixe ...

Voilà pour ce soir . Hâte de lire vos commentaires , cet ouvrage , il vous le FAUT , sinon vous allez vous priver , à mon avis , d'un bon moment de plaisir .A bientôt .
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Frakas

À l’instar de Requiem pour une République, son premier roman, que j’avais fort apprécié, Frakas se révèle également un excellent thriller historique et politique.

Si nous ne sommes plus dans les années les plus sombres de la Vème République (années 1959 à 1961), dans les coulisses de la guerre d’Algérie, nous n’en sommes pas si loin. Le roman se déroule peu après, sur une période plus courte, du 17 mai 1962 au 8 août 1962.

Sans qu’il soit fait référence au premier livre, donc sans aucune obligation de l’avoir lu, on retrouve avec plaisir les trois personnages centraux, aux opinions et aux caractères différents que sont Luc Blanchard, Antoine Carrega, devenu Antoine Lucchesi et Sirius Volkstrom.

Luc Blanchard a démissionné de le Police criminelle et vient d’être embauché au journal France Observateur, à la rédaction. « On lui avait assigné un domaine dont personne ne voulait : les anciennes colonies françaises qui volaient désormais de leurs propres ailes, Algérie, Maroc, Afrique noire. L’ancien empire n’était plus, mais que devenait-il ? » Il va ainsi s’intéresser à la situation au Cameroun, intrigué par l’assassinat, deux ans plus tôt, d’un chef de l’opposition.

Antoine Lucchesi, ancien résistant corse est devenu convoyeur de drogue à bord de son chalutier, accompagné dans ses sorties par Alphonse Mukenga, par ailleurs commis de cuisine dans le restaurant de Maria, la compagne d’Antoine, dans le Panier, à Marseille.

Quant à Sirius Volkstrom, cet ancien barbouze manchot, grillé en métropole, n’a eu d’autres choix que de se planquer en Afrique.

Une piste va conduire notre journaliste à Yaoundé, mais il met son nez où il ne devrait pas et devient la cible du gouvernement local et de ses conseillers de l’ombre français. Pour tenter de s’extraire de ce bourbier et pour faire éclater la vérité, il aura grandement besoin des deux autres acolytes.

Frakas est un polar politique qui nous plonge au cœur de la guerre du Cameroun qui a fait des dizaines de milliers de morts dans la quasi-indifférence générale. Il nous fait revivre la naissance de la « Françafrique », cette relation spéciale, de type néocolonial, établie entre la France et ses anciennes colonies en Afrique subsaharienne, caractérisée par le rôle des services de renseignement, des entreprises, des barbouzes, des militaires …, l’ingérence directe des autorités françaises dans les affaires intérieures des anciennes colonies et la complicité des élites africaines locales.

L’intérêt de ce bouquin est de nous faire vivre au travers d’une fiction absolument passionnante et haletante la Françafrique et ses hommes politiques aux mains sales.

Thomas Cantaloube, comme dans le premier tome, n’hésite pas à mettre en scène des personnages réels et pas des moindres, tels Gaston Deferre, François Mitterrand, sans oublier Jacques Foccart, cet homme considéré comme un des hommes de l’ombre du gaullisme, et l’un des fondateurs du SAC.

Certains personnages sont inventés, d’autres encore sont inspirés de personnages réels.

Le livre s’appuie sur une solide documentation et Thomas Cantaloube, tient à souligner : « Ce roman est une fiction, mais il s’appuie hélas sur l’histoire bien réelle du Cameroun, de la France, et de la relation entre ces deux pays, qui compose une partie de ce que l’on appelle désormais la Françafrique. » C’est, à mon avis ce qui fait toute la force de ce bouquin, bouquin qui m’a permis de prendre connaissance de cette guerre inconnue pour moi.

Toute la valeur de ce polar réside dans le fait que le lecteur est embarqué dans cette terrible réalité au moyen d’une fiction débordante d’action et de suspense, complètement dépaysante.

La fin du récit, avec une course-poursuite à bord d’un hélico m’a laissée carrément bouche-bée !

Je ne peux que vous encourager à découvrir ce roman policier aussi instructif que divertissant !


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Requiem pour une République

Requiem pour une République débute le 15 septembre 1959 et se termine le 18 octobre 1961. Tout se déroule donc durant les années troubles les plus sombres de la Ve République.

Un avocat algérien, Bentoui, lié au FLN, est assassiné ainsi que toute sa famille, assassinat orchestré par le Préfet de Police, Maurice Papon, et savamment enterré par le 36, Quai des Orfèvres. Trois personnages centraux, aux opinions et aux caractères différents, veulent trouver l'assassin : Sirius Volkstrom, ancien collabo, manchot devenu exécuteur de basses oeuvres pour Papon, Antoine Carrega, ancien résistant corse devenu convoyeur de drogue et Luc Blanchard, jeune policier assez naïf.

Ces trois individus que tout oppose vont se croiser et devoir, malgré eux, oeuvrer ensemble pour déjouer cette importante manipulation politique.

Chaque chapitre raconte une journée avec un de ces trois hommes comme personnage central. Ce sont bien sûr trois héros de fiction mais le talent de Thomas Cantaloube a été de leur permettre, lors de cette enquête, de rencontrer ou de croiser de vrais personnages politiques historiques : Mitterrand, De Gaulle, le Pen, Papon… Ce qui en fait une fiction plus vraie que nature.

Cette enquête est un véritable plongeon dans un Paris pourri par la lutte sanglante pour l'indépendance de l'Algérie, les trahisons politiques et les basses oeuvres du Préfet de police, Maurice Papon.

Outre les personnages réels, les événements tels que les essais nucléaires français dans le Sahara, l'attentat perpétré par l'OAS à Vitry-le-François contre le train Strasbourg – Paris, le 18 juin 1961 - le plus meurtrier sur le territoire hexagonal jusqu'au 13 novembre 2015, au Bataclan – et le massacre de manifestants algériens par la police française, le 17 octobre 1961, tous ces événements contribuent à rendre ce roman exceptionnel, d'autant que l'évocation de ces faits historiques n'est jamais pesante, bien au contraire.

Ceci fait de Requiem pour une République un grand polar historique dans lequel la trame policière est aussi passionnante que le fond politique. Tout y est : les sentiments, l'action, l'Histoire !

Thomas Cantaloube, dans ce premier roman, a su mêler avec brio faits réels et fiction pure en le rendant palpitant de bout en bout. Difficile de sortir indemne de cette lecture qui nous rappelle ce que fut cette période : une tragédie pour les Algériens vivant en France, victimes de ratonnades et du racisme ambiant, une période dont on n'est pas fier, qu'on a préféré taire et qui pourtant, fait partie de notre Histoire : la fin de l'empire colonial français.

Je remercie vivement Lecteurs.com, dans le cadre des Explorateurs du Polar, et les éditions Gallimard qui m'ont permis de découvrir ce livre passionnant.
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Frakas

Cette quadruple enquête survole les barbouzeries de « la main rouge », les liens entre les truands corses et le maire de Marseille (époque Gaston Defferre), les luttes d’indépendance du Cameroun et les début de la « Françafrique » puis la naissance du Nouvel Observateur suite à la faillite de France Observateur.



A mon modeste avis, traiter quatre sujets différents en quatre cent pages, condamne à des analyses superficielles pour qui ne se contente pas d’un polar mais espère des études historiques étayées, d’où une certaine déception et le sentiment de rester sur sa faim, avec une intrigue qui repose en partie sur des hasards, des coïncidences et qui enterre sans explication des personnages .



L’indépendance du Cameroun est incontestablement l’aspect le plus intéressant de ces pages mais l’auteur oublie que ce territoire était une ancienne colonie allemande et que certains indépendantistes étaient manipulés par des intérêts étrangers qui sabotaient la tache de notre administration.



Le rappel des liens entre Gaston Defferre et les milieux corses est équilibré par l’évocation du jeu trouble des « compagnons » de M Charles, alias Pasqua qui fit une honorable carrière dans le groupe Pernod Ricard. Les actions de « la main rouge », faux nez du SDECE, sont par nature secrètes et donc difficiles à préciser.



Le roman se conclut en évoquant la crise traversée par France Observateur, journal proche du PSU, quand Roger Stéphane déserta la rédaction pour rejoindre les équipes élyséennes ce qui contribua à la chute des ventes et la quasi cessation de paiement soldée par l’éviction de Claude Bourdet, le fondateur, et l’apparition de Claude Perdriel, employé du groupe Rothschild.



« Mieux valait ne pas réfléchir » confesse Thomas Cantaloube dans sa conclusion qui broie du noir et avoue les limites de ce polar indéniablement addictif et agréablement écrit.
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Mai 67

A Pointe-à-Pitre, rue Débouchage, on peut voir la grande fresque murale en hommage aux victimes de mai 1967 commémorant les massacres commis cette année-là en Guadeloupe. Sous la République française, des gendarmes ont tué au moins 8 personnes qui manifestaient à la suite de l'agression raciste commise par Vladimir Snarsky, militant de l'UNR, propriétaire d'un magasin à Basse-Terre, qui lâcha son berger allemand sur un vieux cordonnier handicapé en disant: « Dis bonjour au nègre ! »

Grèves, émeutes, l'île s'embrasa, le préfet de l'île fit déployer deux escadrons de gendarmerie. Les historiens estiment aujourd'hui qu'il y eut en fait 87 victimes. Il était temps qu'un romancier se penche sur ces évènements tragiques occultés par l'Etat français et il n'y a rien de tel qu'un roman noir pour aller renifler du côté des poubelles bien nauséabondes de l'Histoire.



Thomas Cantaloube s'est déjà attaqué à la guerre d'Algérie (Requiem pour une République) et à la Françafarique (Frakas). On retrouve dans Mai 67 certains personnages des romans précédemment cités. Même si le roman peut se lire indépendamment, il serait dommage de se priver du plaisir de lire les deux premiers opus, des Série Noire comme on les aime, qui explorent les dessous de cartes, s'intéressent aux barbouzes, aux clivages politiques, aux petites magouilles de la CIA. Et il y a surtout la Guadeloupe, traitée comme un département de seconde catégorie, malgré le prix payé par la population sous l'administration de Vichy, malgré le sang versé par les «  dissidents » partis clandestinement à leur risque et péril pour rejoindre la France libre, et qui en 1967 est en train de se vider via le Bumidom et son exil forcé. En plus d'un bon roman noir aux multiples intrigues, Mai 67 est une piqure de rappel sur un épisode peu glorieux de la République.

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Requiem pour une République

Fin 1959.

Volkstrom, ancien collabo, est engagé par le bras droit du préfet Papon pour "couvrir" l'assassinat d'un avocat d'origine algérienne. Mais l'affaire tourne mal...

Antoine Carrega, petit truand corse, est chargé par Félix, son ancien chef dans la résistance, de retrouver l'assassin de sa fille, épouse de l'avocat, de ce dernier et de leurs 2 enfants.

L'enquête officielle est confiée à Luc Blanchard, un flic débutant encore naïf, et à son chef alcoolique, Amédée Janvier.

Blanchard, Volkstrom et Carrega, un bon, une brute et un truand (au grand cœur) que l'enquête va mettre en relation...



Un roman noir dont l'intrigue se déroule à la charnière des années 1950-1960, une époque où les amitiés nées dans la Résistance, la prise du pouvoir par le général de Gaulle, et les haines liées à la demande d'indépendance de l'Algérie vont se confronter. L'auteur nous fait vivre avec intensité cette période trouble et méconnue de l'histoire de France. Pourquoi a t'on voulu la mort de l'avocat algérien devient vite secondaire...

Les personnages sont parfois très noirs (moralement !), rarement tout blancs. Thomas Cantaloube, pour ancrer son roman dans le réel, n'hésite pas à convoquer, parmi ses héros de fiction, quelques figures de l'époque, comme le préfet Papon ou François Mitterrand.

J'ai aimé l'écriture, dynamisée par l'alternance des points de vue qui place le lecteur tantôt dans la peau du bon, de la brute ou du truand. S'y ajoutent de nombreuses péripéties parfois sans lien avec la trame du roman, mais qui éclairent sur l'instabilité de l'époque ou la psychologie des personnages.

Il y a longtemps que je n'avais pas lu un roman noir aussi brillant et intéressant !
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Frakas

Après un extraordinaire essai marqué avec " Requiem pour une République " , Thomas Cantaloube vient de superbement ajouter une trés belle transformation avec " Frakas " . Pas toujours facile , pourtant , de confirmer .



L'auteur a choisi de poursuivre sur une route dont il est désormais un des maîtres incontestables- le roman noir politique et sociétal.



Nous sommes en 1962 , nombre d'états africains se libèrent du joug des avides nations colonialistes .L'exercice n'est pas forcément aisé tant les yeux des politiques du vieux continent , notamment , ressemblent en tous points à ceux " de l'oncle Picsou " .Laisser s'échapper la " poule aux oeufs d'or " est pour eux un " créve- coeur " auquel , malgré les accords signés , il n'est pas facile de renoncer . La France dans tout cela ? Ben , tiens , vous allez voir ...Les politiques ( ...bien connus ...) dont les noms sont cités dans le roman connaissent la " musique " . Pas de pitié, il reste tant à faire....Corruption , compromission, malversations ......



Nous allons retrouver deux héros rencontrés dans " Requiem pour une République ": le jeune Luc Blanchard , ancien policier devenu reporter de presse ( ...sorte de Tintin ...au Cameroun ) et Antoine , ancien barbouze et bistrotier à Marseille . Les deux , pour des raisons bien différentes, vont prendre le chemin du Cameroun et finir par s'y retrouver .Le premier prépare un reportage sensible , le second s'est lancé à la recherche d'un ami ....



Leur séjour en Afrique ne sera pas de tout repos , croyez- moi , même s'il faut bien reconnaître qu'ils ont l'un et l'autre , l'art d'attirer les em......où qu'ils se trouvent . Sacrées aventures en perspective .

Thomas Cantaloube a le don de mêler Histoire et fiction et on peut affirmer qu'il a écrit un roman passionnant qui ne manquera pas de séduire un large lectorat .



Je tiens à dire que les scènes de violence sont parfaitement maîtrisées, , le sang ne " dégouline " pas à chaque page , loin de là. Pas d'excès donc , de nature à rebuter les âmes sensibles dont je fais partie en certaines circonstances .



Le rythme du récit s'accélère au cours du roman , les dialogues et l'alternance des chapitres partagés par Luc et Antoine contribuent aussi largement à donner du " pep " .

Une grande place est accordée à l'Histoire mal connue de cette époque trouble , aux images de la vie quotidienne au Cameroun et aux rapports pleins d'ambiguïté entre " noirs et blancs " et c'est très intéressant, vraiment .



J'ai eu la chance de rencontrer l'auteur lors d'une séance de dédicace en juin ...Intéressante mais , hélas, quelque peu perturbée par le port réciproque du masque ...J'ai toutefois bien noté qu'il lui avait fallu deux ans pour parvenir à ses fins .On peut donc mesurer le travail . Évidemment, le prix de " la qualité " .....dommage pour le lecteur qui devra " ronger son frein " avant le prochain opus . J'en aurais bien pris un autre , là , tout de suite , moi ....



Thomas Cantaloube va très vite faire partie de ces auteurs de qui obtenir une dédicace va demander de faire la queue un bon moment .( Bussi , Norek ....et bien d'autres ).Bon , ceci étant , il sera plus agréable de faire " cette queue - là " que celle " pour le test ou le vaccin Covid " , non ? Et puis , chers amies et amis , je l'ai , moi , là dédicace alors ....Mais non je ne vous nargue pas ....enfin....



J'avais adoré " Requiem pour une République " , j'ai dévoré " Frakas " .Le premier étant paru au " livre de poche " , je vous conseille sa lecture en premier . De toute façon, aussitôt après avoir tourné la dernière page , vous aurez envie de vous précipiter sur " Frakas " , alors ....Heureux veinards !!!



Un grand merci à tous ceux et celles qui m'ont signalé que ma critique avait été largement amputée, un mystère de l'informatique ou ......le manque de compétence du rédacteur.......

Merci les " Lecteurs vigilants" .







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Requiem pour une République

Trois hommes, un flic, un truand et un assassin, enquêtent autour du meurtre d'une famille d'Algériens à Paris au début des années 60, à l'heure de la décolonisation qui heurte une partie des soutiens du général de Gaulle. On croise Charles Pasqua, du SAC, Jean-Marie Le Pen et François Mitterrand, en pleine affaire du faux attentat de la rue de l'Observatoire dans ce roman noir où la frontière entre les bons et les méchants ne peut pas être claire lorsque Maurice Papon est à la tête de la préfecture de Police de Paris...
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Requiem pour une République

Un polar bien ficelé ayant pour toile de fond l’indépendance de l’Algérie. Début difficile car beaucoup de personnages et pour éviter les répétitions, je suppose, ils sont nommés tour à tour par le prénom ou nom de famille ou fonction ou surnom. Chapitre par personnages et plusieurs enquêtes. Assassinat à Paris d’un avocat algérien, de sa femme, son frère, ses enfants. Meurtre commandité par Papon alors préfet de police. Trois hommes de milieu divers vont enquêter et se rencontrer. Y gravite des gens célèbres comme Mitterand et d’autres dont je laisse la surprise. Un polar dense et bien documenté, un peu à la façon de R.J. Ellory.
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Requiem pour une République

Voilà (encore) un roman policier que je n’aurais pas lu sans les critiques positives postées sur ma page d’accueil par mes amis sur Babelio. Merci à eux. En effet, je suis pas un adepte de la collection (Série noire de Gallimard), la couverture est délibérément vieillotte, l’auteur m’était inconnu (c’est un journaliste de Mediapart), et, avant tout, la période abordée, celle de la guerre d’Algérie et des manipulations auxquelles elle a donné lieu en métropole, est toujours source d’oppositions et de parti-pris.



En fait, Cantaloube a trouvé par le biais du roman policier l’occasion de raconter une époque, celle des débuts de la cinquième république.

1959, De Gaulle est de retour au pouvoir en promettant de traiter le problème algérien. Ce que certains interprètent comme un blanc-seing aux exactions anti-FLN, particulièrement en France métropolitaine. Le préfet de police de Paris, Maurice Papon, a déjà sévi en matière de maintien de l’ordre pendant l’occupation. Son adjoint, Deogratias, décide de se débarrasser de l’avocat algérien des militants FLN en lui envoyant un tueur issu des rangs de l’extrême droite, Victor Lemaire. Pour couper toute chance à une très éventuelle enquête de remonter jusqu’à lui, il mandate un ancien collabo de ses amis, Sirius Volkstrom, pour liquider le tueur dés qu’il sera passé à l’action.

Un plan qui devait se dérouler sans accroc, un soir de la semaine où l’épouse française issue de la bonne bourgeoisie et les enfants devaient être de sortie. Mais le jour venu, Volkstrom ne peut que constater les dégâts : Lemaire a exécuté l’avocat, son frère de passage dans les lieux, sa femme et deux tout jeunes enfants, et il a réussi à s’enfuir. L’enquête est confiée à la brigade criminelle. Le jeune débutant Luc Blanchard est sur le coup. Un dossier où il va vite sentir malgré sa naïveté qu’on cherche à orienter l’enquête vers un simple règlement de compte entre algériens.

Le père de la femme de l’avocat est un grand banquier, ancien chef d’un réseau de résistance dans le sud. Désemparé, sentant que la préfecture de police lui ment, il fait appel à un camarade du maquis, Antoine Carrega. Ce truand corse a ses entrées dans le milieu. Au nom de leur passé commun et des liens qu’ils ont noué, Carrega va accepter de mener l’enquête de son côté pour savoir qui a pu tuer aussi sauvagement toute une famille.



Chaque chapitre concerne alternativement l’un des personnages (fictifs) : Carrega, du mauvais côté de la loi mais totalement fiable, Volkstrom, escroc occasionnellement tueur, sans engagement politique, mais toujours prêt à faire régner la violence pour de l’argent, et Blanchard, le petiot manquant de confiance en lui, mais qui ne se satisfait pas des conclusions toutes faites qu’on lui présente.

La chasse à l’homme commence. Elle va permettre de croiser des personnages réels. Papon, bien sûr, dont on voit la responsabilité dans la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 organisée par le Front algérien de libération nationale (FLN). François Mitterrand aussi, alors sénateur d’opposition, impliqué dans un faux attentat contre sa personne, boulevard de l’observatoire. Michel Debré, chef du gouvernement, dont Cantaloube reprend un discours, en le situant dans un autre lieu. Jean-Marie Le Pen, alors député d’extrême droite présent dans les manifestations pour l’Algérie française.

L’ambiance faite de manœuvres politiques, de coup d’État en préparation et d’opérations clandestines en réaction aux attentats du FLN et aux discussions à Evian autour de l’indépendance, est prenante.



Le montage de Cantaloube prend vite. Le lecteur plonge dans un polar stylé années cinquante, avec des truands qui ont des règles d’honneur et des barbouzes qui fraient avec les extrêmes. Les policiers sont ambigus, les politiques ouvertement manipulateurs. Cantaloube avance son intrigue avec efficacité. Le livre est épais, mais il se lit à grande vitesse en se remémorant les évènements réels que Cantaloube évoque au passage. Une réussite dans le genre.

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Requiem pour une République

Passionnant et instructif ce « Requiem pour une République » de Thomas Cantaloube. On pourrait presque s'arrêter là tellement ces deux mots définissent à eux seuls ce premier roman. C'est dans une plongée vertigineuse durant les années les plus sombres de la Vème République, de 1959 à 1961, que nous entraine l'auteur.



Automne 1959 : l'assassinat d'un avocat algérien lié au FLN tourne au carnage. Victor Lemaitre, écrivain raté d'extrême droite et professionnel du crime, assassine froidement toute la famille d'Abderhamine Bentoui puis disparait. Que s'est-il passé ? Rien de tout cela ne devait arriver. Juste l'avocat, avaient-ils dit. Qui ils ? le Préfet de police, Maurice Papon et son Directeur Adjoint, Jean-Paul Deogratias, qui ont commandité le meurtre. Pour quelle raison obscure ont-ils orchestré cet assassinat ?



Trois hommes que tout oppose vont se lancer dans une chasse à l'homme qui va les mener bien malgré eux à se croiser et à joindre leurs forces dans cette traque dont les enjeux profonds les dépassent. Luc Blanchard, jeune flic intègre et naïf de la PJ chargé de mener l'enquête, Sirius Volkstrom, ancien collabo devenu exécuteur des basses oeuvres du Préfet Papon, présent sur le lieu du crime et en possession de documents estampillés secret-défense dont il peine à comprendre le sens et les enjeux et Antoine Carrega , ancien résistant corse qui a ses entrées dans le Milieu.

Leur traque racontée en chapitres relativement courts narrant pour chacun la journée d'un de ces trois hommes.



Partant d'une intrigue de fiction, l'auteur met en scène avec un talent certain des personnages fictifs et réels. On croise les figures emblématiques de ces années troubles : De Gaulle, Papon, Mitterrand, le Pen et bien d'autres, l'OAS, le SAC, le FLNC. Il entremêle avec brio la fiction et des évènements bien réels de cette époque : les essais nucléaires français dans le Sahara, l'attentat perpétré par l'OAS à Vitry-le-François contre le train Strasbourg – Paris et le massacre de manifestants algériens par la police française, le 17 octobre 1961…



« Requiem pour la République » est un polar historique absolument étourdissant, palpitant de la première à la toute dernière ligne, tant du point de vue de l'intrigue que sur le fond politique réel. L'auteur a su recréer à la perfection l'ambiance et l'atmosphère de ces années sans rien occulter de la réalité de l'époque : évènements, langage châtié qui en choqueront plus d'un, tant aujourd'hui tout est sclérosé. Alors certes, on peut ne pas être forcément d'accord avec cette étude coupée aux couteaux de cette époque néfaste de la France mais l'auteur a le mérite d'avoir écrit sur cette période qu'est « la guerre d'Algérie », ce qui est rare pour être souligné !



Bref, une chose est sûre et certaine ce pavé de plus de 500 pages est impossible à lâcher : un vrai régal de lecture !



Un formidable polar qui n'est pas sans écho à ce qui se passe de nos jours !



«Je ne veux pas être désobligeant avec vous, mais il y a des choses qui vous dépassent. L'intérêt supérieur du pays nécessite souvent que l'on passe certains évènements, certaines personnes, par pertes et profits. »



« La raison d'Etat.

Qu'est-ce que tu racontes ?

On apprend ça lorsqu'on fait des études de droit. C'est, quand au nom d'intérêts supérieurs, des gouvernants s'autorisent à violer les règles de droits. »



Édifiant non ?...

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Requiem pour une République

Bon évidemment c'est un pavé. Mais c'est réellement passionnant. Un voyage dans le temps (années 60) autour de l'indépendance de l'Algérie.

5 morts. Un avocat algérien, sa femme française, leurs deux jeunes enfants, le jeune frère de l'avocat.

Un meurtre commandité au nom de la raison d'Etat.

3 hommes vont naviguer autour de ce drame :

- un jeune flic idéaliste, fils de Résistant, en charge du dossier

- l'organisateur de l'assassinat (qui voit le dit assassinat partir en vrille), un tueur de l'extrême droite, collabo pendant la 2e Guerre Mondiale

- un malfrat corse, ancien Résistant, sollicité afin de retrouver les commanditaires des meurtres.

Avec eux on va croiser Papon, Préfet de Police, Mitterrand, élu sénateur....

On va revoir nos leçons d'Histoire. Notamment le traitement infligé aux Musulmans vivant en France.

Un livre coup de poing passionnant !
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Mai 67

Le roman de Thomas Cantaloube commence par un prologue qui se déroule en mars 67, à Basse-Terre, en Guadeloupe. Un vieil homme fatigué s'installe à la place où habituellement il exerce en toute légalité son métier de cordonnier. Mais pour le faire partir, un commerçant le traite de « sale nègre » et lâche son chien sur lui. Des badauds se groupent, tentent de protéger le vieil homme. Certains jettent des pierres sur la vitrine du commerçant qui continue à insulter tout le monde, y compris les policiers qui s'en sont mêlés. Les troubles vont durer 48 heures et puis tout va se calmer. Mais la colère ne s'atténue pas…

***

On retrouve dans Mai 67 les plusieurs des personnages principaux de Requiem pour une République (les débuts de la Ve République et la guerre d'Algérie), ainsi que de Frakas (les peu glorieux débuts de la Françafrique au Cameroun), les deux précédents romans de Thomas Cantaloube avec lesquels celui-ci forme une trilogie. Luc Blanchard, ancien flic devenu journaliste, et sa compagne guadeloupéenne, Lucille, vivent maintenant dans l'île et ils ont une petite fille. Sirius Volkstrom, alias Pierre l'Herbier, mercenaire, émarge à la CIA pour entraîner des Cubains anticastristes. Antoine Lucchesi, ancien trafiquant de drogue, semble sorti des affaires louches. Il convoie plusieurs fois par an de luxueux bateaux dans différents ports pour de riches propriétaires. Il n'a pas revu Luc, mais ils avaient sympathisé, et comme il se rend à la Guadeloupe, ce sera une bonne occasion de se rencontrer.

***

Une fois encore, Thomas Cantaloube, appuie où ça fait mal… Il va s'attarder ici sur les émeutes bien oubliées ou occultées qui ont eu lieu en Guadeloupe, en mai 1967, et sur la sanglante répression menée par la police. Si officiellement on parle de huit morts, on sait aujourd'hui qu'il y en a eu beaucoup plus. On ne peut que faire le parallèle avec le 17 octobre 1961 relaté dans Requiem… Thomas Cantaloube mêle très habilement, je trouve, une réalité historique et les interventions de personnages de fiction. La position de journaliste pigiste de Luc l'oblige à une certaine lecture des événements, alors que les accusations portées contre Lucille, qui se retrouve emprisonnée en Métropole, le place au coeur du problème. Les interventions de Volkstrom nous ramènent tout près d'un pouvoir décidément aveugle et prêt à tout pour étouffer les scandales. J'ai un faible pour la scène où Chirac « se la joue » ! La dénonciation du racisme, souvent évident mais parfois aussi insidieux, se révèle particulièrement efficace. Je me demande bien où Thomas Canteloup va nous emmener la prochaine fois, mais je le suivrai sans hésiter !

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Frakas

Après « Requiem », Thomas Cantaloube revient avec « Frakas », un polar historique où il nous parle de la guerre du Cameroun dont on a très peu entendu parler et qui fait naitre aujourd’hui ce qu’on appelle la « Françafrique »

Luc Blanchard, qui a démissionné de la police (je ne l’ai pas lu mais de nombreuses explications se trouvent dans le 1er roman de l’auteur) est aujourd’hui journaliste au « France observateur ». René son rédacteur chef, lui demande de chercher ce qu’est devenue la Main Rouge, une organisation qui n’hésitait pas à faire des attentats pour défendre la colonisation. Il va enquêter sur Bechtel soupçonné d’avoir empoissonné 2 ans plus tôt (en 1960) Félix Moumié le Président de l’UPC (L’union des populations du Cameroun. En voulant faire éclater la vérité, il va se mettre en danger et devenir une cible. Il va cependant être aidé d’Alphonse qui doit retourner au Cameroun et d’Antoine Lucchesi (anciennement Antoine Carrega)

Pour ma part c’est une période de l’histoire où mes connaissances entre ses 2 pays et la relation qui a fait naitre Françafrique sont très limités mais ce roman fiction m’a donné envie d’en savoir plus sur le sujet peu évoqué en littérature. J’ai envie de découvrir ce qui tient du réel et de la fiction si on peut vraiment savoir …

Si vous aimez les romans historiques, les hommes politiques aux mains sales, les romans noirs, ce livre est fait pour vous. Il est vraiment passionnant du début jusqu’à la fin et le choix de faire une fiction est un très bon moyen de faire passer des faits sans en avoir l’air.

Je ne sais pas si d’autres membres de Babelio passent dans le coin et vont participer à la réunion zoom de demain soir mais si c’est le cas, je vous dis à demain….



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Frakas



A partir non pas d’un fait divers, mais d’une guerre dissimulée/désavouée par la France contre le Cameroun , Thomas Cantaloupe brode un thriller, avec vrais agents secrets, vrais faux passeports, magouilleurs arrivistes et vrais entourloupeurs , dont les noms sont donnés : Jacques Foccart, Pierre Messmer, Michel Debré.

Le Cameroun, nous dit Cantaloupe, n’était pas une colonie française, mais un dominion anglo-français, puis se trouvera sous tutelle des Nations Unies. Ce qui n’empêche pas la France de se dresser contre les intellectuels communistes de l’UPC, censés représenter un danger de basculement du monde vers le communisme, et l’exaspérant depuis longtemps par leurs revendications indépendantistes. Ils avaient eu (perdu) le Vietnam, puis l’Algérie, alors, basta ya .

Sur la couverture en sépia de Frakas, nous voyons Ruben Um Nyobé souriant en compagnie de Félix Moumié et d’Ernest Ouandié.

Le premier, un homme d’exception, qui a essayé de se faire entendre à l’ONU ( et dont je voyais le portrait /martyr affiché dans les chambres des étudiants africains mes amis, au même moment que Lumumba) sera assassiné par l’armée française en 1958, Moumié sera empoisonné à Genève en 1962, et toute la recherche du livre est de comprendre qui est derrière cet empoisonnement. Le troisième sera fusillé en 1971.



Bien avant l’indépendance, les affrontements des « indigènes » avaient été réprimés par une occupation appelée « pacification », regroupement des paysans camerounais en zones spéciales, obligés d’abandonner leurs cultures , incendies de certains villages suspects, emprisonnements dans des camps de détention et tueries., l’armée française appuyée par l’armée camerounaise à sa botte. De plus, Thomas Cantaloupe parle de napalm dans les années 1960.

Il cite Messmer qui disait « on donnera l’indépendance à ceux qui la demandent le moins » , or le Cameroun la demande le plus.

Dans d’autres pays d’Afrique, la mise en place de dirigeants dirigés, comme Léon Mba, au Gabon, la marionnette de Paris, dont parle Cantaloupe, va de pair avec une ingérence militaire(le fameux 6· Bima), et l’assurance que des fonds financiers occultes parviendront depuis l’ Afrique à l’ex- colonisateur. Par valises entières.



De valises, il est aussi question dans Frakas, mais dans l’autre sens et pas remplies de billets. Car c’est, sur le fonds de cette guerre sanglante et pas connue, en tous cas pas reconnue, que Thomas Cantaloupe nous emmène à Yaoundé , à Douala, et à Libreville. Il n’est pas né de la dernière pluie, ce Cantaloupe, il sait déceler le vrai du faux, sait quand ses personnages doivent comprendre qu’il vaut mieux se taire, ou partir, mensonges, mensonges et entrelacs politiques. Quant Foccart dit à notre journaliste « j’ai bien connu votre père » l ‘autre, qui ne l’a pas connu, ne peut rien répondre, et l’homme politique le sait.

Le plus curieux de ce livre est que ces massacres réels bien que niés , vu l’inculture européenne vis à vis de l’Afrique, ont pour moteur au départ la lutte contre le communisme, puis la recherche du pétrole…. Or il y a moins de pétrole au Cameroun qu’au Nigéria et au Gabon.



Renouant avec mon passé d’africaine de coeur, j’ai eu le bonheur de participer à l’entrevue donnée par l’auteur sur zoom, et celui , somptueux, de recevoir son livre Frakas.

Un grand MERCI ,à Babelio, à Nathan qui a été très patient devant mon incompétence à me brancher sur zoom, et à l’auteur de ce livre .

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Frakas

J'aurai la chance de participer au club de lecture vidéo du 25 mai avec Thomas Cantaloube et je suis impatiente d'y être. Merci à Babelio d'organiser de tels événements !

***

Comme dans Requiem pour une république, ce nouveau roman de Thomas Cantaloube s'attache à lever une partie du voile qui camoufle certaines des magouilles et des horreurs encore aujourd'hui cachées et déniées par le gouvernement français. La citation du Premier ministre François Fillion (21/05/2009) mise en exergue donne le ton : Circulez, y a rien à voir… Le prologue de Frakas nous présente Félix Moumié, un leader de l'UPC (Union des populations du Cameroun), opposant actif au président Ahidjo soutenu par les Français. Moumié déjeune dans un restaurant de Genève avec un prétendu journaliste, William Bechtel, qui empoisonne son Ricard avec du thallium…

***

En tête du prologue, des 35 chapitres et de l'épilogue se trouvent indiqués le personnage en focalisation, le lieu et la date. Sauf ceux du prologue (Genève, 1960), les événements se déroulent entre le 17 mai et le 8 août 1962, essentiellement en France et au Cameroun, après l'indépendance (officielle) de la plupart des colonies françaises en Afrique. On retrouve Luc Blanchard qui a démissionné de la police à la fin du roman précédent. Il est maintenant journaliste à France Observateur. À la demande de son rédacteur en chef, il commence une enquête sur la Main rouge, un groupuscule ardent défenseur de la colonisation. Qui le compose ? Quelques illuminés qui agissent de leur propre chef ? N'est-ce pas plutôt un groupe organisé obéissant à des ordres venus d'en haut ? À suivre. On retrouve aussi Antoine Lucchesi, que l'on connaissait sous le nom de Carrega, le truand corse ancien résistant. Il s'est reconverti en convoyeur d'héroïne... Alphonse, son second sur le bateau, est un étudiant en droit camerounais, sympathisant des milieux anticolonialistes. Il ne manque plus que l'antipathique manchot, Sirius Volkstrom, toujours exécuteur des basses œuvres, dont les intérêts vont brièvement converger avec ceux de Blanchard et de Lucchesi.

***

Thomas Canteloube nous plonge des nouveau dans les débuts de la Ve République pour nous présenter les origines de ce qui deviendra la Françafrique. Vous vous en doutez : ce n'est pas très propre… Il mêle les personnages réels (Defferre, Messmer, Pasqua, Mitterrand, Debré, Foccart et ses sbires, Moumié, Ahidjo, Bechtel, etc.) avec des personnages entièrement fictionnels ou parfois recomposés, comme il s'en explique dans la Note de l'auteur. Les intérêts des trois protagonistes principaux divergent au début, mais les péripéties les amèneront finalement à collaborer. Ce n'est pas étonnant pour Luc et Antoine, mais c'est très surprenant pour Volkstrom, mais on verra que… Bref, l'intrigue romanesque s'appuie sur des faits réels, et c'est passionnant. Le roman ramène au jour des événements scandaleusement passés sous silence : une autre sale guerre. Il n'était pas question ici de défendre un territoire contre un envahisseur, mais plutôt de préserver des intérêts économiques français liés au pétrole et à diverses richesses des pays africains. Pour que les événements tournent à l'avantage de la France, les militaires et les barbouzes français ont commis des actes épouvantables : assassinats sur commande approuvés, ordonnés, mais officiellement ignorés par les plus hautes sphères de l'État, incendies de villages entiers au napalm, charniers laissés derrière eux… Nécessaire, terrible et terriblement instructif ! Je ne sais pas où il va nous emmener, mais je me précipiterai sur le prochain roman de Thomas Cantaloube !

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Requiem pour une République

Une fois de plus mon instinct de lecteur m'aura conduit à une belle découverte.

Rencontré au Quai du polar, édition  2019, Thomas Cantaloube m'a séduit en me parlant de son premier roman Requiem pour une République.

Moi qui suis friand de romans qui mêlent petite et grande histoire, j'ai été comblé.

Là,  pas de Moyen-Âge, pas de Première ou de Seconde guerre mondiale, ni rois ni généraux, pas de dépaysement non plus.

France. 1959 à 1962.

L'Algérie souhaite son indépendance.

En France, pros et antis s'affrontent.

Le préfet de police, Maurice Papon, donnent des ordres au nom de la raison d'État.

Il faut mater la rébellion.

Tous les moyens sont bons.

Sirius Volkstrom est convoqué. Un avocat gênant doit être éliminé. Ce bon vieux Sirius, personnage mystérieux, doit superviser l'exécution.

Tout ne se passe pas comme prévu, mais... la raison d'État exige le silence.

Thomas Cantaloube se sert donc de cette période perturbée pour tisser la trame de son roman noir à travers le destin de trois personnages. Sirius, Antoine et Luc.

Je vous laisse soin de découvrir le rôle de chacun de ces protagonistes que rien n'aurait dû réunir.

Requiem pour une République est donc une enquête qui s'étale sur quatre années et dans lequel on retrouve quelques événements sombres et peu flatteurs pour notre pays. Les dirigeants de l'époque,  Général De Gaulle en tête, militaires, policiers, politiques ou journalistes qui n'ont pas toujours fait leur travail ou qui, obéissant aveuglément, eurent du sang sur les mains, ont ainsi écrit l'une des pages les plus sombres de notre histoire.

Cantaloube a su recréer l'atmosphère de l'époque, notamment en employant un langage courant, banni aujourd'hui et qui peut choquer, mais là, on ne peut pas dire qu'il ait enjolivé pour masquer la réalité du moment.

Soixante ans plus tard et au regard de ce que l'on entend ou voit aujourd'hui, on peut aisément s'imaginer vivre la situation.

Si l'on peut, sans aucun doute, avoir de l'empathie pour les personnages fictifs de ce livre, il en va tout autrement des personnalités qui y apparaissent...

Un roman qui m'a fait penser, par certains côtés, à ce qu'écrit l'un de mes auteurs favoris, Romain Slocombe.

Si vous aimez les bons polars noirs, Requiem pour une République est pour vous.



 
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