Les disparitions d’enfants sont des sujets que j’évite comme la peste, en littérature (et à la télé aussi), pourtant, j’ai sauté à pied joint dans ce roman noir, parce que le récit n’était pas QU’UNE histoire de disparition d’enfant.
En littérature, j’apprécie toujours d’aller dans l’Amérique profonde, dans le Sud, ségrégationniste au possible, haineux, pauvre…
Attention, je n’aime pas le racisme, la ségrégation me fait vomir, mais les atmosphères du vieux Sud me plaisent, en littérature. Cela donne souvent de grands romans.
Le récit s’écoule comme le Mississippi, lentement et il est aussi boueux que sombre. Sombre comme les eaux dans la carrière, celle que l’on dit maudite. Ne cherchez pas des fins de chapitres avec un suspense à couper au couteau, il n’y en a pas.
Ce roman noir, véritable drame, est surtout le récit de ce qu’il se passe dans une famille lorsque l’un des membres disparaît, surtout si cette personne est à l’orée de sa vie, trop jeune pour disparaître.
De plus, dans une disparition, les questions se posent, restent et empoisonnent la vie de tous les membres de cette famille, puisque nul ne sait si la disparue est vivante ou morte.
Roberta, dite Bert, notre narratrice, se retrouve coincée entre une mère qui ne vivait déjà que pour sa petite dernière et qui, maintenant, vit comme un légume (lit, divan), un père absent (on ne sait où il est, ni quand il reviendra) et un frère aîné qui gère le ménage, mais qui souvent, oublie qu’elle est vivante, qu’elle existe.
La disparue, tel un trou noir, aspire tout ce qui est vivant, reléguant les autres dans un coin, les enfonçant dans l’oubli.
Les débuts de chapitre sont consacrés à une période de l’Histoire, un passé dont les pièces du puzzle vont se mettre à former une image et nous éclairer sur bien des choses dans cette famille bizarre.
Le récit se déroule dans les années 70, les Blancs n’aiment pas se mélanger avec les Noirs et 20 ans auparavant, on tuait des Noirs sans que cela prête à conséquence. L’effet de meute était présent.
Un gamin Noir aurait fait un clin d’œil à une dame Blanche ? Horreur, malheur, punissons-le ! Une jeune Noire enceinte d’un Blanc ? La question d’un possible viol ne se posait même pas, elle l’avait séduit, donc, mise à mort !
Le shérif ne levait pas le petit doigt. Ça ne lui en touchait même pas une, alors, pour faire bouger l’autre, il aurait fallu shooter dedans.
Roberta est touchante, elle est humaine, elle est jeune, fait des erreurs, se regarde parfois le nombril, ne trouve pas sa place dans cette société où les superstitions sont nombreuses, où le racisme est omniprésent et où elle a l’impression que sa famille lui cache des choses sur le passé de leur paternel.
Justement, parlons de la famille, celle que, contrairement aux copains, on ne choisit pas, ou que parfois, on nous choisit… Roberta n’est pas gâtée avec sa famille et pourtant, c’est auprès de sa grand-mère (un sacré personnage, Clem), qu’elle trouvera réconfort et travail, mais pas les réponses à ses questions.
Cet excellent roman noir, aux atmosphères poisseuses comme les Everglades, commence dans le Mississippi pour se terminer dans les marais de Floride, où notre jeune Roberta va mener une enquête, afin de retrouver son père.
Un roman noir qui, malgré qu’il traite d’un drame, n’est pas dénué de lumière, notamment grâce à ses personnages marquants, certains étant plein de secrets, mais aussi grâce à son scénario maîtrisé qui nous entraîne dans une certaine Amérique, celle qui est profonde, le tout sans manichéisme aucun.
De plus, ce roman noir donne une place importante aux femmes, alors, raison de plus pour le lire, mesdames et messieurs !
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