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Critiques de Tommy Orange (164)
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Ici n'est plus ici

°°° Rentrée littéraire 2019 #5 °°° 



D'abord, un prologue, militant et stimulant, pour préparer le lecteur à recevoir comme il se doit ce magnifique et douloureux roman. Pédagogique avant tout, égrenant des temps forts de l'histoire amérindienne comme le massacre de Sand Creek en 1864. Nécessaire pour introduire les douze personnages que l'on va suivre : des Indiens urbains, nés en ville, loin des clichés, «  plus habitués à la silhouette des gratte-ciel d'Oakland qu'à n'importe quelle chaîne de montagnes sacrées, au hurlement des trains dans le lointain qu'à celui des loups, nous sommes plus habitués à l'odeur d'essence, de béton coulé de frais et de caoutchouc brûlé qu'à celle du cèdre, de la sauge, voire du frybread – ce pain frit qui n'a rien de traditionnel, comme les réserves n'ont rien de traditionnel. »



Les choses sont claires. Le roman peut commencer. Un roman choral qui donne la parole de façon très intime à des personnages, tous urbains d'Oakland tous mal dans leur vie, qui se posent tous, de façon plus ou moins aiguë, ( Californie ) la même question : que signifie être indien ?

Ils sont homme, femme, jeune, moins jeune, métis, adopté par des Blancs, inscrits sur le registre d'une tribu ou pas, avec un nom indien ou pas ... chacun est en quête de ses origines indiennes, se sentant inauthentique tel quel. Tous vont converger vers le Grand Pow-Wow d'Oakland ( un rassemblement festif autant qu'une occasion pour les Amérindiens de faire vivre leur héritage culturel ) . Tous vont être liés par un événement, certains le sont déjà par des liens du sang qu'ils ne connaissent pas encore et ne découvriront peut-être jamais.



«  Si dans le premier acte vous dites qu'il y a un fusil accroché au mur, alors il faut absolument qu'un coup de feu soit tiré avec au second ou au troisième acte. » Anton Tchekhov

La terrible règle du fusil de Tchekhov ... Au premier chapitre apparaît un revolver imprimé en 3D. Cette présence crée d'emblée une tension, une menace qui ne cessera de planer tout au long du roman. Quel que soit le personnage qui se raconte, on y pense à ce revolver qui va forcément servir, sans qu'on sache sur qui le feu s'abattra.



Au-delà de cette tension, le choeur des personnages emporte rapidement le lecteur dans un tourbillon romanesque bouillonnant de bruit et de vie, mais aussi dans une ambitieuse méditation sur l'identité et ses alternatives brisées. Les personnages des soeurs Opale Viola Victoria Bear Shield et Jacquie Red Feather sont absolument sublimes de complexité.



La construction de ce roman est d'une classe folle, chaque voix touche, interpelle, bouleverse, fait craindre, répond à la suivante dans une chaîne qui explose dans les cinquante pages, incroyablement percutantes. On les attendait, et lorsqu'elles arrivent, elles déflagrent puissance mille et vrillent notre coeur. Je les ai lues comme en transe, les récits se télescopant pour raconter la même scène. C’est un grand moment de littérature et presque de cinéma tellement j’ai eu l’impression de voir, entre ralenti, léger différé, « split screen ». C’est brillant !



Ce premier roman intelligent, puissant, singulier, plein de rage et de poésie, porté par une écriture lumineuse, résonne comme une alarme sur la désolation qui survient lorsqu'un peuple cherche à dominer un autre et à l’assimiler de force. Mais plus largement, ce roman n’est pas que celui de la contre-histoire de la tragédie amérindienne. Il est bien plus universel que cela, c’est toute l’Amérique des grandes métropoles qui est contée : alcoolisme, violences familiales, misère, quête d’identité de ceux qui sont en marge.



Incontournable pour les amoureux de la littérature nord-américaine et pour ceux qui s'intéressent à la culture amérindienne.



Lu dans le cadre du Picabo River Book Club

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Ici n'est plus ici

A Oakland, en Californie, doit avoir lieu un grand pow-wow, festival culturel communautaire qui rassemblera quantité d'Amérindiens venus de tous les Etats-Unis, pour, notamment, une compétition de danses traditionnelles. Parmi les organisateurs et participants, une douzaine de personnages ignorent que leurs destins seront bientôt liés : comme autant de mèches ou de traînées de poudre dispersées mais convergeant à leur insu vers une commune explosion finale, leurs histoires individuelles ouvrent le récit, semblant d'abord de petites nouvelles dont le fil rouge serait le mal-être identitaire qui condamne leurs protagonistes d'origine indienne à la marginalisation, à l'alcoolisme, à la toxicomanie ou à la délinquance, mais où on s'apercevra bientôt que ces derniers ont bien plus de points communs qu'ils ne pourraient l'imaginer eux-mêmes, sans parler de la tragédie qui les attend.





Après une percutante et bouleversante introduction sur l'ethnocide des Indiens d'Amérique et la gageure que représente le fait d'être Amérindien aujourd'hui, la première moitié du livre ressemble à une juxtaposition d'exemples, d'extraits de vie criants d'authenticité, qui, s'ils peuvent risquer de perdre un tantinet le lecteur qui devra faire preuve de patience pour comprendre où on l'emmène, font toucher du doigt un marasme accablant et sans espoir.





Puis, les fils de toutes ces histoires commencent à s'entremêler pour dessiner un motif encore plus effroyable, comme si la gangrène avait fini par se développer sur tant de blessures négligées, amorçant une véritable bombe à retardement dont le lecteur, atterré, ne pourra plus qu'attendre l'explosion.





J'ai trouvé dans cette lecture une très forte proximité avec l'auteur camerounaise Alexandra Miano, qui, dans Les aubes écarlates, explique l'emprise de la violence en Afrique subsaharienne par le pourrissement inconscient d'un sentiment confus de honte et de perte d'identité, entretenu par l'absence de reconnaissance explicite par la communauté internationale des torts causés par la traite négrière et la colonisation.





Curieusement, les guerres indiennes et les massacres des populations d'Amérique ne figurent pas à ce jour parmi les génocides officiellement recensés par l'Organisation des Nations Unies.





La non-reconnaissance de la violence est une autre violence aux effets d'autant plus terribles que, parce qu'ils sont plus souterrains, on ne s'aperçoit pas qu'ils empêchent toute reconstruction : « La plaie ouverte par les Blancs quand ils sont arrivés et ont pris ce qu'ils ont pris ne s'est jamais refermée. Une plaie non soignée s'infecte. Devient une plaie d'un type nouveau, de même que l'histoire de ce qui s'est réellement passé est devenue une histoire d'un nouveau type. Toutes ces histoires que nous n'avons pas racontées pendant si longtemps, que nous n'avons pas écoutées, font simplement partie de ce qu'il faut soigner. »





D'origine cheyenne, l'auteur sait de quoi il parle. Son discours dépasse toutefois largement la seule cause amérindienne : ce livre est un cri, un appel au droit d'exister, une incitation à oser enfin regarder la réalité en face de part et d'autre, à raconter le passé et les souffrances qui résultent encore aujourd'hui de toutes les colonisations, et qui font le lit actuel et futur d'explosions de violence incontrôlées et incontrôlables. Une lecture sombre et pas toujours facile, mais éloquente et admirablement menée, qui mérite qu'on s'y accroche et qui nous concerne tous.





Prolongation sur les pow-wow dans la rubrique le coin des curieux, à la fin de ma chronique sur ce livre sur mon blog :


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Ce roman commence avec un prologue très fort qui rappelle comment les Indiens d’Amérique ont été traités. On commence en 1621, avec la cession des terres, qui se conclut par un repas à l’origine de la fête la plus hypocrite qui puisse exister : « Thanksgiving » ! puis les massacres qui ont débuté deux ou trois ans plus tard, un nouveau massacre en 1637, pour atteindre le summum en 1864, à Sand Creek.



Les autochtones se sont retrouvés dans des réserves, plus récemment certains ont pu devenir des « Urbains » mais la discrimination est toujours là.



Ce roman, raconte, à travers l’histoire de douze personnages, de différents âges, des hommes, des femmes, des enfants, chacun ayant sa propre problématique, qui se retrouvent pour un grand Pow-Wow organisé pour la première fois dans la ville d’Oakland.



Cette cérémonie n’a pas la même signification pour tous. Mais, avec les danses, les tambours, les costumes traditionnels cela doit être une fête et une manière d’honorer les anciens, de renouer avec les racines.



On sait dès le départ que rien ne sera simple, car l’un des protagonistes vient de fabriquer un revolver grâce à une imprimante en trois dimensions.



Le Pow-Wow est organisé par Blue, qui a été adoptée et ignore tout de ses parents biologiques ; elle est assistée par Edwin Black, mal dans sa peau car il est obèse et se sent rejeté par les autres. Un troisième larron est censé les aider Calvin, mais sa fiabilité n’est pas à toute épreuve.



Une autre famille, atypique bien-sûr, est aussi sur le départ : elle est composée de deux sœurs dont on va apprendre la douloureuse histoire au fur et à mesure que la fête se prépare : Opale Viola Victoria Bear Shield et Jacquie Red Feather, qui ont un père différent et qui ont passé leur enfance à fuir, (la mère était victime de maltraitance mais pas uniquement) pour atterrir à Alcatraz, où se sont réfugiées d’autres familles indiennes à l’époque, dont des conditions lamentables…



Jacquie fait la connaissance de Harvey et on sait qu’il s’est passé quelque chose de grave sur la « plage » d’Alcatraz, ce qui va avoir des conséquences tragiques.



La fille de Jacquie est décédée d’une overdose, laissant trois enfants et c’est Opale qui va les adopter officiellement : Orvil, Loother et Loney.



On rencontre aussi Dene, qui a obtenu une bourse, pour un projet de « film » : il recueille des témoignages d’Indiens sur leur origine, leurs désirs dans la vie. Orvil, qui est âgé de quatorze ans va témoigner, sur son appartenance aux Cheyennes. Chaque personne qui accepte de témoigner reçoit une somme d’argent, et pour Orvil, il s’agit d’offrir un vélo à son petit frère Loney.



Outre, Edwin Black et son poids, on rencontre aussi Tony Loneman et le Drome de qui va hanter sa vie, empêchant des relations normales avec les autres, car il se sent différent, monstrueux.



« Quand j’ai posé la question à Maxine, elle m’a dit que ma mère buvait quand j’étais dans son ventre, m’a dit très lentement que j’avais le syndrome d’alcoolisation fœtale. Tout ce que j’ai entendu c’est Drome, et puis je suis retourné devant la télé éteinte que je n’ai plus quitté des yeux. »



A côté, il y a des loubards, qui n’ont qu’une seule idée en tête : voler l’argent mis en jeu pour le Pow-Wow, sous forme de sorte de « bons d’achats » qui doivent être remis aux gagnants des participations : danseurs, musiciens…



Tommy Orange raconte très bien la difficulté de naître Indien, le mépris des Blancs, la difficulté de se faire une place dans cette société capitaliste sans valeurs ni respect pour autrui, ou pour la Nature. Il raconte aussi la fuite dans l’alcool, pour oublier (comme Jacquie) ou Tony et son visage défiguré par le syndrome d’alcoolisation fœtale, ou encore dans la drogue, au risque d’en mourir, comme Jamie, la fille de Jacquie.



On retrouve aussi le besoin de retrouver ses racines, son identité, telle l’importance du costume traditionnel pour être considéré comme un Indien pour Orvil Red Feather qui répète devant YouTube la chorégraphie des danses.



Ce roman m’a énormément plu, car il aborde des thèmes qui m’intéressent : les racines, l’abandon, l’adoption, l’héritage culturel, la fuite dans les paradis artificiels et ce qui peut en découler, sans oublier le métissage, qui complique encore la notion d’identité.



Il ne va pas améliorer les sentiments que j’éprouve à l’égard des USA, des colonisateurs qui ont spolié les Amérindiens de leurs terres et qui ont le culot de remercier chaque années la terre qu’ils se sont appropriés avec une fête d’une hypocrisie qui va au-delà des mots : Thanksgiving ».



Ceci explique pourquoi, j’ai longtemps fait un blocage sur la littérature américaine, (qui s’est longtemps limitée à Philip Roth, Joseph Boyden); je découvre à petite dose, choisissant bien les auteurs.



Tommy Orange est un excellent conteur, et il cite au passage Gertrude Stein, qui lui a inspiré le titre du roman, propose des citations de James Baldwin, Bertolt Brecht, Jean Genet, entre autres.



« Cette citation est importante pur Dene. Ce « Là, là ». Il n’avait pas lu Gertrude Stein en dehors de cette citation. Mais, pour les Autochtones de ce pays, partout aux Amériques, se sont développés sur une terre ancestrale enfouie, le verre, le béton, le fer et l’acier, une mémoire ensevelie et irrécupérable. Il n’y a pas de là, là : ici n’est plus ici. »



J’ai beaucoup aimé ce roman choral, dont la couverture est superbe, et il m’a donné envie de lire d’autres livres sur les Amérindiens, de découvrir des auteurs amérindiens… Sherman Alexie, Louise Erdrich, James Welsh, David Treuer entre autres frappent à la porte de ma PAL…
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Un roman tragique, jeune et moderne sur l'identité amérindienne. C'est un cri, une pulsation urbaine un peu confuse et désordonnée, mais pleine d'élans lyriques passionnés . A ce titre, c'est une lecture intéressante.

Tommy Orange est le descendant de survivants d'un génocide, et ce passé terrible, suivi de la relégation sociale d'un pays raciste est lourd à porter, difficile à transmettre.

Il nous raconte dans une forme classique du roman chorale, le destin de personnages résidant à Oakland. Tous ces Autochtones, comme ils se nomment, vivent mal leur présent. On est dans l'attente du grand Pow Wow de la région et cela interroge leur attachement culturel à la tradition, eux qui ont adopté internet, smartphones, imprimantes 3D, ou drones...

Ils sont confits dans l'alcool , drogués, en rupture familiale, victimes de violences, ou petits délinquants, des blessures de pauvres en Amérique, au chômage ou avec de petits boulots, se demandant où est leur place quand ils sont métis, mais toujours là et vivants, dans un présent compliqué. Le croquis est terrible sur l'état sanitaire d'une population dépressive et suicidaire à espérance de vie limitée.

Le chemin, c'est la solidarité et la transmission, c'est le projet de Dene , le documentariste , sur la collecte de témoignages , c'est Edwin, le futur écrivain et sa glaçante relecture du génocide , c'est la grand mère qui se faire lire des passages de textes de Louise Erdrich, c'est le chant , la danse, l’art et la culture vivante et renouvelée ...

Un premier roman urgent et sincère qui transmet des siècles de douleur , à découvrir.

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Là, c’est décidé, je vais aller me faire soigner parce que me voici de nouveau face à un livre encensé par la critique, élu Meilleur roman de l’année par l’ensemble de la presse américaine, finaliste du prix Pulitzer et du National Book Award… Excusez du peu !



Je ne suis pas devant une daube et pourtant, je ne pourrai même pas me fendre d’un « merci pour ce moment » car je n’ai ressenti aucune émotions devant les personnages et leurs histoires.



Enfin, aucune, j’exagère, j’ai senti vibrer un peu ma corde sensible, surtout lors du prologue mais ensuite, j’avais l’impression d’être sur la lune alors que j’aurais dû avoir les pieds sur terre.



Ce roman choral brossait différents portraits qui étaient intéressants puisque nous étions face à des gens fracassés, marginalisés, paumés, déracinés, ayant perdu leur identité propre, leur culture, n’était pas reconnu, ayant été génocidé (et je me fous que ce soit un néologisme, j’inaugure).



Tous ces personnages basés dans la région d’Oakland ont des origines indiennes et plus question de nier que ce peuple a souffert (mais pas sans rendre une partie des coups).



Il serait bête de dire qu’il ne souffre plus de nos jours. Comment être un Indien en 2019 ? Comment être un métis ? Comment gérer son nom Indien qui fait sourire les Blancs ? Comment vivre dans un Monde qui n’est plus le sien ? Comment être sur la Terre de ses ancêtres quand d’autres la foulent et la piétine ?



Ce roman avait tout pour ma plaire, une fois de plus : des Amérindiens ou d’origine, des questionnements, des êtres fracassés, marginaux, complexes, une quête d’identité qui n’est pas simple.



Un roman choral porté par 12 portraits de personnes qui allaient se croiser au Grand Pow-Wow d’Oakland sans que l’on sache ce qui allait se passer, hormis un drame puisqu’on avait imprimé en 3D un révolver pour passer les portiques de sécurité…



Oui, il y avait tous les ingrédients pour me filer un trip littéraire d’enfer et j’attendais beaucoup, l’ayant vu passer un peu partout avec des critiques positives, des coups de coeur…



Je pense que mon problème est venu de la construction du récit. Je me suis perdue dans les personnages, je me suis perdue dans leurs histoires, leurs récits et j’ai perdu pied, lâchant le fil d’Ariane, me déconnectant du récit.



Râlant, je vous l’avoue parce que j’aurais aimé l’aimer à sa juste valeur, surtout qu’il traitait d’un sujet que j’apprécie fortement : la vie des Amérindiens de nos jours. Mais voilà, une fois de plus, je n’ai pas suivi le rythme et le roman et moi nous nous sommes perdu au fil des pages pour ne plus nous rencontrer que très brièvement, au hasard d’un chemin de traverse.



Peut-être qu’il vous a donné des émotions que je n’ai pas eue, vous êtes des veinards ou peut-être qu’il vous en donnera, et vous serez chançards aussi. Moi, je vais me chercher un Petzi pour tenter de retrouver des émotions et relancer la machine littéraire qui, ces derniers temps, c’est vachement enrayée chez moi.


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Puissance et modernité. Voici les premiers mots qui me viennent sur la langue. Des indiens d’aujourd’hui qui vivent dans la baie de San Francisco. Qu’ont-ils fait des valeurs de leurs ancêtres ? Comment s’intégrer dans cette Amérique raciste ? Des personnages attachants, même si parfois le lecteur ne sait plus les identifier surtout lors du Pow-Wow. J’ai été énormément sensibilisée sur son analyse de l’époque actuelle. Un grand et premier roman qui restera, je pense, dans le futur.
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Un roman encensé par les critiques, plusieurs fois récompensé et au final une grosse déception !

Pour résumer, Tommy Orange raconte une énième histoire d’un peuple fantôme et de ses errances géographiques ou de ses addictions : les amérindiens. On a évidemment droit aux clichés : obésité, chômage, alcool, drogue, viol, larcins... Rien de nouveau sous le soleil des États-Unis, pays des libertés et de la ségrégation.

Mais ce n’est pas le plus gênant. Parmi les gros défauts de ce roman on trouve en premier lieu la construction. Il faut attendre un bon tiers du livre pour se rendre compte que l’on est pas dans un recueil de nouvelles mais bien dans une seule histoire. L’idée de cette polyphonie dispatchée dans les chapitres fait de cette histoire un puzzle dont il est difficile de rassembler les morceaux pour en apprécier l’unité.

Deuxième gros défaut, la multiplicité des personnages qui font pratiquement tous partis de la même famille mais sur plusieurs générations avec des liens parentaux plus ou moins avérés. Une fois de plus on se perd. Les personnages de Tommy Orange n’ont pas de tempérament ou de caractère suffisamment marqué pour que l’on s’attache à eux. Ils sont fades !

« Ici n’est plus ici » est un roman qui se lit rapidement, parfois ennuyeux, inabouti, décousu. Les dernières pages ont du rythme, ce qui sauve, mais trop tard, ce récit.

On peut se passer de le lire... Ou lire les romans passionnants de Louise Erdrich (qui elle a eu le prix Pulitzer !) sur des sujets similaires.

Traduction de Stéphane Roques.

Editions Albin Michel, Le Livre de Poche, 347 pages.

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Ce roman tire sa force de sa multitude de personnages, des échos qui résonnent encore et encore alors que les douze voix se mêlent et se brouillent. Mosaïque éclatée qui prend tout son sens alors que chaque timbre ajoute un fragment coloré, c'est aussi un livre exigeant qui s'appuie sur des silhouettes finalement peu exploitées individuellement. C'est la foule, la communauté créée par l'auteur qui porte l'histoire, elle-même porteuse de l'Histoire des différents Amérindiens (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/03/27/ici-nest-plus-ici-tommy-orange/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Des autochtones d’Oakland, un excellent roman des États-Unis d’aujourd’hui.



Un livre qui parait au départ comme une série de nouvelles. Des chapitres qui présentent la misère de personnages différents. Des récits souvent bouleversants, comme celui de cet homme victime d’alcoolisme fœtal. Ce n’est que peu à peu et surtout à la fin que des liens émergeront.



Si c’est un peu déroutant de ne pas avoir tout de suite le motif global du roman, la trame de ces différentes vies raconte des situations sociales voisines : racisme, problèmes sociaux, alcoolisme, et surtout une quête d’identité des autochtones qui vivent en ville.



Un rappel aussi de l’histoire des États-Unis, des massacres qui font partie de l’héritage. On peut en vouloir aux Blancs qui ont conquis le pays, mais comment on peut faire lorsqu’on est métis, à moitié Blanc ? Peut-on haïr une partie de soi ?



Un roman dramatique, sans beaucoup de lumière et d’espoir, des mots qui mordent plus qu’ils ne consolent.

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Ce livre me faisait vraiment envie… Depuis la rentrée, je l’avais repéré et je n’avais qu’une envie, c’était qu’il rejoigne ma PAL ! Bref, j’ai entamé ma lecture en me disant que ça allait énormément me plaire…



C’est une vraie déception ! Je n’ai pas réussi à entrer dans cette histoire, à aucun moment je n’ai accroché au style et à l’histoire. C’est pourtant très bien écrit, on ne peut pas dire le contraire.



Mais ce n’est pas ça le pire… Que l’écriture ne nous plaise pas soit mais là, c’est également l’histoire qui ne m’a pas plu. Impossible de s’attacher aux personnages… Je pense que le fait que ce soit un roman chorale ne m’a pas aidé : j’ai systématiquement du mal avec ce type de livres, qui me laissent toujours l’impression d’être décousus… Impossible donc de rentrer dans l’histoire et pourtant tout était réuni pour que ça me plaise.



Bref, je ne sais même pas quoi en dire tellement cela a été pour moi une lecture en mode « passage à côté ».
Lien : https://ogrimoire.com/2019/1..
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Tommy Orange a choisi une structure assez simple pour son beau premier roman, Ici n’est plus ici : un prologue et 4 parties, chacune étant divisée en chapitres relativement courts, voire très courts dans la dernière, tous portant en titre le nom d’un personnage ; à ces chapitres s’ajoute un entracte au milieu de la deuxième partie. Si la structure est relativement simple, la narration est complexe. On va suivre successivement 12 personnages (14, si on compte les petits-enfants de Jacquie) qui s’expriment à la première personne ou que l’on voit par les yeux d’un narrateur à la troisième personne. Une des interventions de Thomas Frank se fait à la deuxième personne. Dans la dernière partie, le narrateur est toujours à la troisième personne, mais le lecteur a déjà compris le drame qui se noue… Le personnage principal de chaque chapitre, celui dont le nom est proposé en titre, devient un personnage secondaire d’un ou de plusieurs autres chapitres, car tous les protagonistes sont inter-reliés, que ce soit par des liens familiaux, des rencontres souvent dramatiques, des lieux, des addictions, etc., qu’ils en soient conscients, qu’ils le découvrent au fil du récit ou qu’ils l’ignorent jusqu’à la fin.

***

C’est un beau roman que j’aurai sans doute chroniqué de façon plus enthousiaste s’il n’avait pas été couvert de tant de louanges. Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’être un peu déçue. Quantité de personnages sont effleurés, et je n’ai pas réussi à éprouver de l’empathie pour certains d'entre eux. Aux noms cités en tête des chapitres s’ajoutent de nombreux autres personnages ; je m’y suis perdue plus d’une fois, au point de ne plus chercher à vérifier qui était qui. Par ailleurs, quand l’auteur « sort » du roman dans le prologue et l’entracte, moments très forts, les explications se font plus didactiques et appuyées. Je reconnais évidemment les grandes qualités de ce premier roman, mais j'avoue être infiniment plus sensible aux dénonciations des conditions de vie des Amérindiens et aux persécutions qu'ils ont subies et subissent encore dans romans de Louise Erdrich, par exemple. Bref, une belle découverte tempérée de gros bémols.

***

Au Canada, à la télévision, dans les années 70, il y avait aussi la Mire à tête d’Indien, celle qui est décrite au tout début du prologue de ce roman. Je ne sais plus quand elle a été supprimée. Je croyais n’avoir pas eu conscience à l’époque qu’il s’agissait d’une mire. Pourtant, dans mon souvenir, j’avais placé la tête au centre, ce qui ne laisse aucun doute. J’ai eu besoin d’aller voir la représentation sur Wikipédia pour me convaincre qu’elle était bien au-dessus de la mire, telle que la décrit l’auteur, et non pas en plein milieu…

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Un Indien dans la ville...

Il a raison Tommy Orange, cette image-là n'est pas naturelle dans la représentation spontanée que la culture blanche a construite des Indiens d'Amérique. Et pourtant ils y sont aujourd'hui, dans les villes américaines, et c'est ce que l'auteur a voulu mettre en lumière dans ce roman, même si ladite lumière est crue, blafarde, et plutôt colorée de violence et de désespoir.

Au cours de ma lecture, j'ai visionné et découvert quelques vidéos de pow-wow urbains. Au coeur de l'intrigue de "Ici n'est plus ici", ces grands rassemblements inter-tribaux dans des stades ou gymnases dans lesquels les différentes tribus dansent, parées de leurs plus magnifiques tenues traditionnelles, sont fascinantes à regarder. L'impression laissée est à la fois grandiose et tragique; c'est celle d'une énergie primale unique et d'un gâchis épouvantable, à l'image de tous ces personnages que Tommy Orange met en scène avant de les faire converger vers la violence incandescente du pow-wow final.

Une mise en scène et en lumière à la fois réussie pour la vigueur et la clarté de la focale portée sur son sujet, mais à mon avis un peu noyée dans un trop grand nombre de personnages insuffisamment aboutis, et affadie par le format que je commence à trouver lassant du roman choral où les voix se succèdent à chaque chapitre, et qu'un peu trop de jeunes auteurs américains appliquent à la sortie de leurs cours de creative writing.

Cela reste néanmoins un livre et un auteur à découvrir et suivre pour sa plume sidérante d'énergie et d'authenticité.
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Ici n'est plus ici

ICI N'EST PLUS ICI de Tommy Orange



Traduit par Stéphane Roques



Publié chez Albin Michel, collection Terres d'Amérique



Autant le dire tout de suite, ce livre est un énorme coup de coeur !



Il débute, à la manière d'un essai, en rappelant ces centaines d'années où les amérindiens ont été assassinés, affamés, rabaissés, moqués, volés, spoliés, dispersés et exilés dans des réserves. Pourtant, certains (beaucoup) ont fait le choix d'aller vivre dans les villes et essayent aujourd'hui de se redéfinir dans une Amérique où leur "terre est partout et nulle part".



Après ce prologue, les personnages prennent la parole à tour de rôle. Et j'ai aimé me perdre parmi eux, quitte à devoir quelquefois revenir quelques chapitres en arrière pour retrouver le fil de l'histoire et comprendre ce qui les relie entre eux. En revanche, ce que l'on comprend très vite, c'est l'importance de ce pow-wow, organisé dans le Coliseum d'Oakland, vers lequel ils convergent tous. Si certains s'y rendent pour honorer leurs traditions, d'autres sont à la recherche d'un patrimoine perdu... mais c'est aussi l'occasion recherchée par quelques voyous pour réaliser un braquage.



C'est un livre qui fait mal ! Alcoolisme, syndrome d'alcoolisation fœtale, dépression, délinquance, perte de l'identité, ... Mais il y a aussi de la beauté malgré cette noirceur et j'ai ressenti une profonde empathie pour chaque personnage (même les voyous m'ont touchée à leur manière).



C'est un livre magistral qui dénonce le stéréotype de "l'indien" dans lequel la société américaine enferme tout un peuple en lui reniant l'individualisme de chaque individu qui le compose.



Un très grand livre que je ne manquerai pas de relire !



Mille mercis à Leatouchbook, au Picabo River Book Club et aux Éditions Albin Michel pour m'avoir permis de lire ce livre dans le cadre d'un partenariat.
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La question d'éprouver ou pas de la culpabilité à abandonner la lecture d'un roman circulait la semaine dernière sur Babelio...Et bien oui, pour celui ci je me sens coupable, parce que j'ai tout fait conscience de la qualité de l’œuvre, que le sujet est sensible, intéressant et que l'auteur est directement concerné par le sujet et le traite avec originalité. Cependant, j'arrive à la moitié du livre et je dois avouer que je ne parviens pas à m'y impliquer . J'ai l'impression de lire un "catalogue" de portraits dont les personnages, j'en suis certaines vont se retrouver mais impossible de m'y attacher et même pire, de réellement les différencier! Je laisse donc tomber ma lecture en ayant la désagréable sensation d'être un cochon à qui on vient de donner de la confiture!!!
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Voilà trois semaines que j’ai terminé ce roman sans savoir véritablement quoi en penser et quelle critique en faire.

Le résumé en a été fait plusieurs fois : pour être synthétique, l’auteur brosse le portrait et décrit quelques jours de la vie d’une douzaine d’amérindiens vivant à Oakland. La plupart sont très pauvres et certains ont vu leur vie détruite par l’alcoolisme. Ils se préparent à participer à un grand pow-wow organisé dans la ville. Tous revendiquent leurs origines tout en s’interrogeant sur leur identité. Qu’est-ce qu’être un indien urbain et souvent pauvre ? Que reste-t-il de la grandeur passée de leur peuple et de leurs coutumes ?

Le sujet est donc plutôt passionnant mais je crois que son traitement m’a dérangé. En choisissant de faire le portrait de multiples personnages, l’auteur n’a pas réussi à véritablement me toucher bien que la plupart aient des vies tragiques. Certains ne sont qu’effleurés et l’ensemble m’a paru trop superficiel. Dommage. Ce n’est pas désagréable à lire mais cela ne me laissera pas un souvenir impérissable.

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Ici n'est plus ici

Encore un roman de la Rentrée Littéraire 2019 dont tout le monde parle, couvre d’éloges et qui m’était proposé dans le cadre du Comité de Lecture du réseau des bibliothèques de ma commune.



Tommy Orange dans ce premier roman met en lumière les indiens urbains, ceux qui sont nés et vivent en ville, loin des paysages de leurs ancêtres et comment ils ont tenté de s’intégrer sans toutefois oublier leurs origines. Dès le prologue, c’est un cri de colère sur les massacres perpétrés par le passé, sur les contraintes qu’ils ont dû acceptées, voyant leur environnement changer, les obligeant à vivre là où ils n’avaient plus leur place, eux qui sont et demeurent les premiers habitants d’une terre qui ne leur appartient plus.



"Nous amener en ville devait être la nécessaire étape finale de notre assimilation, l’absorption, l’effacement, l’achèvement de cinq cents ans de campagne génocidaire. (p15)"



C’est à travers douze personnages, hommes, femmes, jeunes ou moins jeunes que l’auteur évoque principalement la quête d’identité de ces indiens urbains, eux qui n’ont que peu de références, eux qui ont de moins en moins de transmission des générations antérieures et qui pourtant sentent dans leurs veines et leurs âmes un manque, une errance d’un monde qui n’est plus. Les réminiscences de leurs origines passent le plus souvent parce que les blancs en ont fait : film, publicité etc…., avec une vision transformée : les indiens racontés par les blancs !



Le monde où ils vivent n’est plus leur monde : Ici n’est plus ici…..



"Quand nous entreprenons de raconter notre histoire, les gens croient que nous voulons la réécrire. Ils sont tentés de nous dire « pauvres losers » ou « passez à autre chose », « arrêtez de jouer les procureurs ». Mais s’agit-il vraiment d’un jeu ? Seuls ceux qui ont perdu autant que nous voient la singulière méchanceté du grand sourire de qui pense avoir gagné en disant : « Tournez la page. » Le hic, c’est que si quelqu’un a la possibilité de ne pas penser à l’Histoire, ni même de la prendre en considération, qu’il l’ait bien apprise ou non, croire qu’elle mérite considération ou non, alors cela signifie qu’il sait être à bord du bateau où l’on sert des petits-fours et tapote ses oreillers, pendant que d’autres sont à la mer, nageant, se noyant, ou grimpant sur de petits canots pneumatiques qu’ils se relaient pour garder gonflés, les essoufflés, qui ignorent le sens des mots « petits-fours » et « tapoter ».(p162-163)"



J’ai été frappé de la constante recherche d’identité des personnages, par l’image ou la non image qu’ils ont eux d’eux-mêmes, les reflets du miroir ne correspondant pas à ce qu’ils pensent ou pensaient être, ne reconnaissant pas toujours le reflet qu’ils aperçoivent. Chacun, à travers une quête personnelle, qu’elle soit familiale ou identitaire, veut exister, être reconnu pour ce qu’il est. Le pow-wow annuel d’Aukland est l’occasion pour beaucoup d’entre eux de renouer avec les chants, danses, de se retrouver, de se sentir à nouveau soi et de perpétuer leurs traditions. Certains le font à travers un film, d’autres en revêtant les tenues ancestrales ou en participant aux danses.



J’ai eu du mal avec la construction du récit, l’auteur alternant les différents protagonistes, les prises de parole, j’ai dû plusieurs fois revenir en arrière, prendre des notes, me faisant perdre le fil du récit . Cela en a fait une lecture hachée, difficile et parfois laborieuse parce que le souffle en était brisé par le recherche de qui était qui, de la relation de chacun et j’avoue humblement que pour certains je les ai pratiquement occultés.



Je me suis attachée à Jacquie Red Feather et sa sœur Opale, à leur parcours, à leur destin familial, elles qui occupèrent, avec leur mère, l’Ile d’Alcatraz comme d’autres autochtones en 1969, fait que je ne connaissais pas du tout et qui dura plusieurs mois, et qui fut pour elles un moment décisif de leurs existences.



"Oui, ça va mal de nos jours. Tout le monde fait comme si ça allait mieux, et cela ne fait que renforcer l’idée que ça va mal. (p98)"



Le roman se découpe en trois parties : Reste – Réclamation et Retour, comme trois étapes avec une partie Entracte dans laquelle l’auteur revient sur des actions significatives de leur culture : pow-wow, sang, nom (puisqu’ils ont perdu non seulement leur identité mais aussi leur nom) et jusqu’à les morts apparentes qui finissent parfois par devenir réelles.



Tommy Orange fait un constat des lieux de son pays face à sa communauté mais porte aussi un regard sans complaisance sur une société qui vit dans la violence, le monde virtuel, les armes et un mal-être ressenti de plus en plus. Comment ne pas retrouver à travers son discours notre propre sentiment face à la montée de la violence, des attentats etc…



"Ou nous croyons seulement y être habitués jusqu’au moment où le tireur apparaît, où nous le croisons dans la vie réelle et qu’il est parmi nous ; les coups de feu viendront de partout, de dedans, du dehors, du passé, du futur, du moment présent, et nous ne saurons pas tout de suite où les tireur, les corps tomberont, la puissance des détonations nous fera battre le cœur, accès de panique, étincelle et sueur sur la peau, rien ne sera plus réel que l’instant où nous saurons dans notre chair que la fin est proche. (p166)"



C’est finalement, pour être tout à fait honnête, une lecture en demi-teinte parce que j’aurai sûrement aimé moins de personnages ou plus de continuité dans l’histoire de certains et pourtant à plusieurs reprises j’ai trouvé une beauté dans les ressentis de chacun, dans les pertes identitaires, dans les regards posés sur eux-mêmes mais aussi sur le monde.



Une lecture exigeante, qu’il faut faire d’un trait pour ne pas en perdre le fil, pour suivre ces vies brisées, abîmées, malmenées, ravagées pour entendre la voix et le regard du narrateur qui analyse, observe et se révolte sur le devenir d’un peuple.
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Ici n'est plus ici

Je remercie tout d’abord le Picabo River Book Club et les éditions Albin Michel pour m’avoir permis de découvrir en avant-première ce roman prometteur de la rentrée littéraire, le tout premier de son auteur, Tommy Orange.



Ce roman, c’est déjà un prologue tel un uppercut, histoire de bien planter le décor, de faire prendre conscience des infamies perpétrées à l’encontre des indiens. Comprendre aussi qu’au fil du temps, ces derniers se sont adaptés aux changements qui leur étaient imposés, s’habituant par exemple à vivre en ville.



Car ce roman, au joli titre plein de mélancolie, évoquant la perte, parle des indiens non pas des réserves ou des plaines, mais de ceux habitant en milieu urbain. Des personnages conscients de leurs cultures, de leurs traditions, avec l’envie de perpétuer celles-ci, mais en même temps meurtris. Car le tableau est en effet assez sombre, entre ravages de l’alcoolisme et violences conjugales.



La construction de ce roman m’a également particulièrement séduit : de nombreux personnages (pas toujours évident de s’y retrouver néanmoins…) liés par la préparation d’un grand pow-wow à Oakland, dans la baie de San Francisco. Des existences disparates (quoique…), certains personnages contribuant à l’organisation de l’évènement, d’autres imaginant au contraire tirer sournoisement profit de celui-ci, mais tous ces destins unis autour cet objectif… jusqu’à l’issue tragique.



Ce roman choral, porté par une écriture pleine de verve et de poésie, relate une histoire forte et émouvante… une vraie réussite !

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Ici n'est plus ici

« Être Indien en Amérique n'a jamais consisté à retrouver notre terre. Notre terre est partout ou nulle part »

Quatrième de couverture extraite du prologue.



Ils sont douze. Hommes, femmes, enfants, déracinés, à vaquer dans Oakland, baie de San Francisco sur la côte Ouest de cette Amérique qu'ont arraché par la force, à coup de traités véreux ou par le biais de meurtres sanglants les colons blancs devenus maîtres d'une terre que personne ne possédait vraiment.

Chacun porte les stigmates d'une histoire douloureuse, plus ou moins violente. Quasiment tous sont unis par le sang ou par des liens plus complexes, certains l'ignorent.

Mais tous ont prévu d'assister au grand Pow-wow, à l'immense rassemblement de toutes les tribus du pays.



Ça donne envie ?



Pourtant ce livre est d'une tristesse infinie et peu simple à comprendre.

Je ne connais pas grand chose à la situation des Premiers Peuples aux USA mais je n' ai pas adhéré. Tous les clichés sont réunis : alcool, drogues, chômage, grossesse non désirée et abandon. Je suppose que cela est également possible en Europe mais c' est très peu évoqué. Tant qu'aux autres « problématiques », est-ce vraiment un problème typiquement Amérindien (mis à part le fait qu'ils ne puissent toujours pas voter. En parallèle, ils sont propriétaires de nombreux casinos et récoltent les gains ...).



Il me semble que « surfer » sur la vague du misérabilisme ethnique n'est pas particulièrement bienvenu de la part d'un homme diplômé, ingénieur son, qui a continué des études en littérature pour écrire des romans. La misère ne revendique malheureusement pas de couleur de peau, ni d'origine sociale. Mais j'oubliais, certains Amérindiens étaient propriétaires d'esclaves.

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Ici n'est plus ici

" être indien en Amérique n'a jamais consisté à retrouver nos terres..notre terre est partout ou nulle part ".

C'est pour cela que Tommy Orange offre, dans ce roman la voix chorale à 12 personnages, 12 récits, 12 vies d'indiens urbains !

Les Blancs, non contents de leur avoir volé leurs terres, leur ont volé leur image et, c'est Hollywood qui a largement diffusé aux U.S et dans le monde une approche quasiment folklorique, même schématique de leur véritable identité.

En prologue, il présente l'état actuel de ces Autochtones dans l'Oakland en plusieurs chapitres, mais en fait : ce sont les témoignages de ces 12 Indiens qui au travers de leur existence évoquent : l'alcoolisme, le rejet , la drogue, la violence, la misère, l'argent, l'isolement, la misogynie qui les touchent, alors qu'ils cherchent leurs racines, leurs identités, leurs familles, leurs traditions ! Ils espèrent à l'occasion du Pow-Wow d'Oakland se rassembler, se connaître, se reconnaître, se retrouver quelques heures pour ne pas oublier leur véritable Nation. En effet, ils se battent dans l'Amérique moderne depuis, des années, mais " ils veulent exister comme un peuple au présent, convenable et vivant ", " tout cela pour mourir dans l'herbe en habit de plumes ". Ceux qui portent les noms de poèmes, de description d'animaux, de couleurs, attribués par des généraux, des amiraux, des colonels..ne veulent pas être étiquetés comme des bestiaux ! Hélas, le Pow-How sera une tragédie et leurs vies seront encore brisées !

Un roman sur les Indiens qui sort des clichés habituels, du récit officiel et, qui les présente après les massacres de Sand Creek, et après 500 ans d'une campagne génocidaire pour les absorber, les effacer, les diluer dans le béton, les rues, les gratte-ciel, suite à le loi du Programme d'assimilation qui en fit des Indiens urbains..loin des montagnes sacrées, des sequoias, de la forêt sauvage ! Car Ici n'est plus Ici !

L.C thématique de janvier 2022 : un(e) auteur(e) des U.S/Canada.
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Ici n'est plus ici

Ici n'est plus ici : leur monde est devenu immonde, les plaines sont devenues des plaies, les tribus ont été avalées dans des quartiers sordides, les seuls clans restant sont des gangs. Leur peau cuivrée est devenue peau rouge ; dans la langue de ceux-là mêmes qui en firent couler tant de sang. Leurs tenues sont devenues costumes, leurs peintures, des maquillages. Leurs prières sont devenues des complaintes, des chants amers ; les rituels des pow-wow pour essayer d'être… encore un peu. Les légendes sont devenues des rumeurs, les signaux des textos. L'esprit du clan se cherche sur internet, les connexions remplacent les veillées autour du feu. Les veillées et feux de camps ne sont plus que des images de ciné. Leur mémoire est devenue une toute petite page d'histoire, peu lue, souvent mal écrite, leur savoir un vieux grimoire, qu'on consulte sans y croire. Leurs différences sont devenues des ressemblances, dans les yeux pâles et froids des conquistadors : seule assimilation offerte. Leur identité est devenue un combat plus dangereux qu'un rite de passage. Ici, le monde des autochtones des Amériques précolombiennes n'est plus ici : there is no more there, there, in America. le rêve américain fut d'abord le cauchemar des natives, décimées, humiliés, puis parqués, affamés ; infâmés ! Ici n'est plus ici depuis que ce rêve est devenu cette réalité : un génocide, un culturicide, un terrorisme permanent pour ses premiers habitants.

Ce roman de Tommy Orange n'est pas seulement prenant, il est important, il est nécessaire : il est aussi bouleversant qu’il est essentiel, pour relire le passé comme pour comprendre le présent. Il résonne aussi fort qu'un concert de tambours. Il envahit l'esprit, fait vibrer le corps et vous attrape au coeur.
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