Citations de Ursula K. Le Guin (1103)
— Alors, à quoi sais-tu qu'un homme n'est pas un sorcier ?
— Il n'est pas là, répondit Mousse. Il n'est pas là, ma toute belle. Le pouvoir. Écoute donc. Si j'ai une tête avec des yeux, je peux voir que tu as des yeux, n'est-ce pas ? Et si tu es aveugle, je le verrai aussi. Et si tu n'as qu'un œil, comme la petite, ou si tu en as trois, je les verrai, pas vrai ? Mais si je n'ai pas d’œil pour voir, tant que tu ne me l'auras pas dit, je ne saurai pas si tu en as. Mais j'ai des yeux. Je vois, je sais. Le troisième œil !
'- Pourquoi, à votre avis, votre mère n'avait-elle pas remarqué que la réalité avait changé depuis cette nuit-là ?
- Eh bien, elle ne l'avait pas rêvé. Je veux dire, le rêve avait vraiment changé la réalité. Il avait créé une réalité différente, rétroactivement, dont elle avait toujours fait partie. Étant dans cette réalité, elle n'avait souvenir d'aucune autre. Moi si ; je me souvenais des deux parce que j'étais... là... au moment du changement. C'est la seule façon de l'expliquer ; je sais que cela paraît insensé. Mais je dois trouver une explication, ou bien me rendre compte que je suis fou.' (p. 21)
Ce soir nous nous retrouvons dans la moraine, ce désert rocheux, ce chaos de cailloux amoncelés, de blocs erratiques, d’argile et de boue. Un bras du glacier s’est retiré de ce versant au cours du dernier siècle ou demi-siècle, mettant à nu le squelette de la planète, ses os décharnés où ne pousse aucun brin d’herbe.
Derrière la vitrine de la boutique, l'Etranger les regarda s'éloigner, pareil à une créature marine qui observait depuis un aquarium ; il les vit passer, puis disparaître dans la brume.
(Excipit)
Il regardait le monde incompris par l'esprit : le mauvais rêve.
" Il n'est pas debout là, pensa Orr ; pas comme je serais moi-même debout, ou assis, ou allongé. Il est debout comme moi dans un rêve, je serais debout. Il est là dans le sens où, dans un rêve, quelqu'un est quelque part. "
Le vide dans l'esprit de Haber, le cauchemar effectif qui avait irradié du cerveau qui rêvait, avaient défait des relations. La continuité qui avait toujours été maintenue entre les mondes ou les lignes temporelles des rêves d'Orr avait maintenant été rompue. Le chaos y avait pénétré.
Il pénétra dans l'œil du cauchemar.
Il ne paraissait pas connaître l'usage du silence.
Dans son sommeil, George vit les profondeurs de la pleine mer.
Il savait que, dans la mesure où quelqu'un renie ce qui est, il lit dans ce qui n'est pas : les contraintes, les rêveries, les erreurs qui accourent pour combler le vide.
J’éveillais en eux un degré variable de curiosité. Rares étaient ceux à qui ma personne faisait peur, ou chez qui elle provoquait un réflexe xénophobe. L’étranger n’est pas un ennemi en Karhaïde, on ne le voit pas comme un envahisseur, mais comme un invité. C’est votre voisin qui est l’ennemi.
Il n'existe qu'une seule créature capable de faire cela.
- Un homme?
- Nous, les hommes.
- Comment cela?
- Par un désir démesuré de la vie.
- De vie? Mais ce n'est pas un mal que de vouloir vivre?
- Non. Mais lorsque nous désirons acquérir du pouvoir sur la vie - une fortune inépuisable, l'invincibilité, l'immortalité -, alors ce désir devient de la cupidité. Et si la connaissance s'allie à cette cupidité alors survient le mal.
(Tome 3 - L'ultime rivage)
"ils n'aiment pas les Errants", dit-elle, "ni aucun étranger. Quant on vit dans une telle solitude, on a peur (...)"
Une communauté ? (...) La primauté donnée à la sécurité rendait naturellement suspecte toute velléité d'indépendance ou de vie personnelle
Celui qu'on nommait Drehnem avait eu peur de lui; il l'avait frappé par PEUR et par RéPULSION devant ce qui était étranger, monstrueux, inexplicable.
Il n’existe qu’un Premier Mobile. Sur n’importe quelle planète l’Ekumen ne se dévoile que par l’intermédiaire d’une voix unique, celle d’un seul homme, présence vivante, présence solitaire. Il arrive qu’il soit tué, tel Pellelge sur Tétra-Taurus, ou enfermé avec des aliénés comme le furent successivement les trois Premiers Mobiles envoyés sur Gao. Et pourtant cette pratique a été maintenue, car elle a fait ses preuves. Une seule voix au service de la vérité s’avère plus efficace qu’un grand déploiement d’armées et de vaisseaux spatiaux, si l’on a du temps, beaucoup de temps – et l’Ekumen, c’est justement ce qui fait sa force, a beaucoup de temps…
La possibilité infinie, l'intégrité illimitée des purs, des neutres, des gens frustes : l'être, n'étant que lui-même, est tout.
Au bout d'un moment, la lune apparut à sa gauche, presque pleine, tandis qu'elle roulait vers le sud. Cela l'ennuyait qu'on regarde par-dessus son épaule dans chaque virage. [...]
Une pièce volée, l'extrémité du fusil pointé sur soi, un trou rond dans le manteau du ciel.
Elle haïssait la loi, qui était trop affirmative et trop agressive. Pas comme elle. Elle avait une personnalité sournoise, rusée, timide et renfermée.