Václav Havel

Quelques mot sur ma vie ici. Dans l'ensemble, mes compagnons sont gentils et m'aiment bien. Ils me posent cependant un problème parce qu'ils ne cessent de parler, ce qui m'empêche de lire, de réfléchir, etc. Naturellement je ne peux pas les en empêcher. Parfois cela me rend fou. Mais dès qu'ils se taisent, ne fût-ce que pour dix minutes, ma fureur refoulée disparaît et je suis de très bonne humeur. Pour le moment je ne risque donc pas de dérèglement psychique durable excepté qu'une fois sorti de prison, je serai probablement allergique aux bavardages sur les femmes jusqu'à la mort.

L'espoir, nous l'avons ou nous ne l'avons pas. C'est une des dimensions de notre âme qui ne dépend, au fond, que très peu de notre observation de la réalité ou de l'estimation de la situation politique. Il ne faut pas identifier l'espoir aux prévisions. ; il est une orientation de l'esprit, du coeur, il va au-delà du vécu immédiat et il s'attache à ce qui le dépasse.

C’EST POUR DEMAIN

Rašín - Nous savons cela, nous, mais eux, le savent-ils ? Il ne sera pas facile de remplir le vide laissé par l’Autriche en Europe centrale ! Il est vrai que c’était un colosse aux pieds d’argile, et c’est pour cette raison qu’elle s’est effondrée. Mais l’existence à cet endroit d’un tel colosse avait une certaine logique : entre l’Allemagne et la Russie […] il existait une sorte d’espace qui ne pouvait pas servir de terrain de jeu pour des expansions diverses, comme la menace peut en exister désormais, alors que d’un coup vont apparaître des États nouveaux, inexpérimentés, et en conflit entre eux !

La crise planétaire de l'individu traverse le monde occidental autant que notre monde. Elle a simplement d'autres formes sociales et politiques. Heidegger parle explicitement de la crise de la démocratie. Rien, en effet, ne permet de croire que les démocraties occidentales, à savoir les démocraties parlementaires traditionnelles, offrent une issue plus sûre. On pourrait même dire que, si elles ouvrent plus d'espace pour les vraies intentions de la vie en comparaison avec notre système, elles cachent mieux la situation dans laquelle l'homme se trouve et le plongent d'autant plus profondément dans la crise.

Je pense simplement qu'il faut demander aux gens s'ils entendent se sacrifier... avant d'entreprendre des actions irréversibles.

Je suis ici depuis presque sept mois et je constate que je n'ai rien inventé même si j'ai un temps illimité pour penser. C'est bizarre mais apparemment la création spirituelle n'existe pas sans interaction avec des impulsions de l'extérieur ; quand on est isolé de tout, l'âme ne se développe pas mais stagne plutôt. Bref, l'âme humaine a besoin du MONDE - sans lui elle "tourne à vide". Pour mes codétenus je suis un introverti qui ne cesse de réfléchir, de lire, ou d'écrire, mai moi, au fond, je ne suis pas ainsi. Je m'inspire de l'expérience du monde, pas de ma vie intérieure.

L'ESPOIR EST LA DIMENSION DE L'ESPRIT. Il n'est pas hors de nous mais en nous. Si tu le perds tu dois le retrouver en TOI et dans les gens autour de toi - pas dans les objets ni dans d'éventuels événements.

Die Tragödie des modernen Menschen besteht nicht darin, daß er eigentlich immer weniger über den Sinn des eigenen Lebens weiß, sondern daß ihn dies immer weniger stört... (Brief 96)

Il ne faut pas attendre Godot.
Godot ne viendra pas car il n'existe pas.
Il est d'ailleurs impossible d'inventer Godot. L'exemple-type d'un Godot imaginaire, celui qui finit par arriver, donc un faux, le Godot qui prétendait nous sauver mais qui n'a fait que détruire et décimer, ce fut le communisme.
...
Je viens d'un pays plein d'impatients. Ils sont peut-être impatients parce qu'ils avaient si longtemps attendu Godot et qu'ils ont l'impression qu'il est enfin arrivé. C'est une erreur aussi monumentale que celle de leur attente. Godot n'est pas venu. Et c'est très bien ainsi, car si un Godot arrivait, il ne serait que le Godot imaginaire, le Godot communiste.

Chers concitoyens,

Depuis quarante ans, vous avez toujours entendu le premier jour de l’année, de la bouche de mes prédécesseurs, le même discours avec seulement quelques variantes : comment notre pays fleurissait, combien nous avions fabriqué de nouveaux millions de tonnes d’acier, combien nous sommes tous heureux, combien nous avons confiance en notre gouvernement et quelles belles perpectives s’ouvrent devant nous !

Je suppose que vous ne m’avez pas proposé à ce poste pour que je vous mente à mon tour.

Notre pays ne fleurit pas. Le grand potentiel créateur et spirituel de nos nations n’est pas utilisé comme il se doit. Des branches entières de l’industrie produisent des choses qui n’intéressent personne, tandis que ce dont nous avons besoin nous manque toujours. L’Etat, qui s’appelle un « Etat des ouvriers », humilie et exploite les ouvriers. Notre économie arriérée gaspille une énergie rare. Le pays qui pouvait être fier autrefois de l’érudition de son peuple dépense tellement peu pour l’enseignement qu’il se trouve aujourd’hui à la 72e place mondiale dans ce domaine. Nous avons pollué la terre, les rivières et les forêts que nous avaient laissées nos ancêtres au point que nous avons aujourd’hui le plus mauvais environnement de toute l’Europe (…).

AUTO-STOP

Et de nouveau nous faisons signe de la main. Cinq voitures passent, dix voitures passent, chacune d’elles aurait pu nous prendre, mais les voitures défilent sans s’arrêter. Et on se sent floués, et la moutarde nous monte au nez. « Crève, fumier, crève ! » crie-t-on après les voitures. Mais on se reprend aussitôt. « Pas d’insultes ! Il peut nous prendre, mais il n’y est pas obligé. S’il y était obligé, ce ne serait plus ça. » Et nous continuons patiemment à faire signe de la main.

Il y a encore autre chose : en se laissant ainsi entraîner dans le système, cette personne participe à la constitution d’une « norme » et à la pression exercée sur ses concitoyens. Et plus encore : elle doit considérer son implication dans le système comme une habitude, s’identifier avec lui comme avec quelque chose de donné, d’indispensable, afin de pouvoir considérer elle-même plus tard le contraire de son implication comme quelque chose d’anormal, comme une provocation, une attaque contre soi-même, comme une « exclusion de la société ». En entraînant ainsi tout le monde dans sa propre structure de pouvoir, le système totalitaire fait des gens les instruments réciproques du totalitarisme, de cet « autototalitarisme » de la société. (p. 45)

**** LE FRAGILE VERNIS DE LA CIVILISATION ******
** Discours de Vaclav Havel à l'université de Harvard en 1995 ****

Monsieur le président , monsieur le vice-président , mesdames et messieurs ,
Lors d'une récente soirée , J'étais assis dans un restaurant en plein air près de l'eau . Ma chaise était à peu près semblable aux chaises qu'on trouve dans les restaurants près de la rivière Vltava à Prague . On jouait la même musique rock que l'on joue dans la plus part des restaurants tchèques . je voyais des publicités auxquelles je suis habitué à la maison . Plus que tout , j'étais environné de jeunes gens qui étaient tous habillés à l'identique , qui prenaient des verres qui se ressemblaient tous et ils se conduisaient avec la même désinvolture que celle de leurs contemporains à Prague . Seuls leur apparence et et les traits de leur visage étaient différents car j'étais à Singapour .
J'étais assis en songeant à cela et de nouveau pour la énième fois , je pris conscience d'une vérité presque banale : nous vivons maintenant dans une civilisation globale . L'identité de cette civilisation ne réside pas simplement dans la similitude des vêtements ou des boissons , ni dans le bruit constant de la musique commerciale qui est partout la même dans le monde , ni même dans la publicité internationale . Elle réside dans quelque chose de plus profond : grâce à l'idée moderne d'un progrès indéfini , avec son expansionnisme immanent , et à l'évolution rapide de la science qui en découle , notre planète , pour la première fois dans la longue histoire de l'espèce humaine , a été recouverte , en l'espace de quelques décennies , par une seule et même civilisation essentiellement technologique . Le monde est maintenant intriqué dans les réseaux de télécommunication constitués de millions de petits fils , ou capillaires , qui non seulement transmettent des informations à la vitesse de la lumière mais qui véhiculent également des modèles intégrés de comportement social , politique et économique . Ce sont des conducteurs de normes légales , tout autant que de milliards de milliards de dollars parcourent le monde tout en étant invisibles même à ceux qui traitent directement avec eux . La vie de la race humaine est totalement interconnectée , non seulement d'un point de vue informationnel , mais au sens causal également . En guise d'anecdote , je pourrai illustrer ceci en vous rappelant , puisque je viens de vous parler de Singapour , qu'aujourd'hui il suffit d'une simple transaction initiée dans l'ombre par un simple employé de banque indélicat , pour jeter à terre une banque à l'autre bout de la terre . Grace aux réalisations de cette civilisation , pratiquement chacun d'entre nous sait ce que signifient , chèques , obligations , lettres de change et actions . Nous sommes familiers avec CNN et Tchernobyl et nous savons qui sont les Rolling Stones , Nelson Mandela et Salman Rushdie . Plus encore , les capillaires qui ont intégré cette civilisation de manière si parfaite véhiculent également certains modes de coexistence humaine qui ont montré leur valeur , tels la démocratie , le respect des droits de l'homme , l'Etat et le droit , les lois du marché . De telles informations circulent en flux autour du monde et à des degrés divers , prennent racine en différents endroits .............

Et pourtant , il y a dans cette civilisation quelque chose qui ne va pas tout à fait .........

Je voudrais insister sur la source des dangers qui guettent l'humanité en dépit de cette vision globale ......Bien des grands problèmes ont leur origine dans le fait qu'elle n'est , en réalité , rien de plus mince qu'un vernis ..........

"Il faut apprendre partout où c'est possible."

Les hommes de cœur même si leurs opinions sont des plus antinomiques, sont toujours capables de dialogue, de compréhension mutuelle et de tolérance. Les hommes moins généreux sont, au contraire, prêts à se haïr à mort pour des futilités.

Für seine Erfolge einzustehen ist einfach. Jedoch die Verantwortung auch für sein Versagen auf sich zu nehmen, es vorbehaltlos als sein eigenes Versagen anzunwehmen, das nirgendwohin und auf nichts geschoben werden kann, und sich sebst auch tätig zu dem zu bekennen, was dafür zu bezahlen ist - das ist verteufelt schwer! (Brief 142)

Auf der menschlichen Ebene findet die erste dieser Tendenzen ihre entstellte Forsetzung in dem, was ich die "Ordnung des Todes" nenne, die zweite dagegen - unter anderem und vor allem - im unüberwindlichen "Willen zu sich selbst" d.h. dem Willen des Menschen, der zu sein, der er ist oder sein will, er selbst, und dies so gut wie möglich zu sein, es zu verteidigen und zu vertiefen - also in seinem "Willen zur Identität". (Brief 120)

PREMIER INDIVIDU

Je dirais que la générosité des milieux haut placés est comme un pneu usagé : faut pas trop rouler avec.

L'Europe de l'Est est hantée par un croque-mitaine qu'on appelle en Occident "la dissidence".

Cet épouvantail n'est pas tombé du ciel. Il est le produit naturel et inévitable du système politique dans la phase actuelle de son évolution. Il est né de la situation où, d'un côté, pour diverses raisons, le pouvoir ne peut plus se servir de l'arbitraire pur et brutal pour éliminer toute forme d'expression non conformiste mais où, de l'autre côté, il est devenu si immuable qu'il rend pratiquement impossible cette expression dans le cadre délimité par ses structures officielles.

Si quelqu'un trouve que c'est là une autre illusion de rêveur, je le préviens que celui qui possède cette arme (le rêve), ne craint pas la mitrailleuse la + moderne alors qu'une cave pleine de mitrailleuses n'aidera pas le peureux.