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Citations de Victor Segalen (612)


Je suis sans désir de retour, sans regrets, sans hâte et sans haleine. Je n'étouffe pas. Je ne gémis point. Je règne avec douceur et mon palais noir est plaisant.

Certes la mort est plaisante et noble et douce. La mort est fort habitable. J'habite dans la mort et m'y complais.

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Attisement

Si beau, si parfait à l'opposé de l'humain
Que je suis encor, - que nulle de mes paroles
N'atteindra jamais la neuvième des Coupoles
Ni l'espace bas où les lourds génies s'envolent.

Plus haut. Piétinons l'esplanade ordonnancée !
Portons haut le Nombre et les justes tourbillons.
Étreignons le cercle : happons l'azur : assaillons
Plus haut ? sans espoir : il n'y a pas de rayons !

Pour aide voici : les neufs brasiers nous affleurent :
Voici les trois monts et le renouveau des heures :
Recommencement : forte vie intérieure...
Comme eux flamboyons ! dévorons les chairs et sangs !

Il faut s'attiser ; grésiller ; brûler au rouge ;
Pénétrer son coeur du pic de profondes gouges :
Les feux verticaux à travers quoi le Ciel bouge
Portent au niveau de l'horizon plein des vents.
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C'est mauvais signe lorsque les mots se refusent aux hommes que les dieux ont désignés pour être gardiens des mots.
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Or, comme il achevait avec grand soin sa tâche pour la nuit, — nuit quinzième après la lune morte — voici que tout à coup le récitant se prit à balbutier… Il s’arrêta ; et, redoublant son attention, recommença le récit d’épreuve. On y dénombrait les séries prodigieuses d’ancêtres d’où sortaient les chefs, les Arii, divins par la race et par la stature :

« Dormait le chef Tavi du maraè Taütira, avec la femme Taürua,

puis avec la femme Tuitéraï du maraè Papara :

De ceux-là naquit Tériitahia i Marama.

Dormait Tériitahia i Marama avec la femme Tétuaü Méritini du maraè Vaïrao :

De ceux-là naquit… »
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Hommage à la Raison

J’enviais la Raison des hommes, qu’ils proclament peu faillible, et pour en mesurer le bout, j’ai proposé : Le Dragon a tous les pouvoirs ; en même temps il est long et court, deux et un, absent et ici, – et j’attendais un grand rire parmi les hommes, – mais,

Ils ont cru.

J’ai proclamé ensuite par Édit : que le Ciel inconnaissable avait crevé jadis comme une fleur étoilée, lançant au fond du Grand Vide ses pollens d’étés, de lunes, de soleils et de moments,

Ils ont fait un calendrier.

J’ai décidé que tous les hommes sont d’un prix équivalent et d’une ardeur égale, – inestimables, – et qu’il vaut mieux tuer le meilleur de ses chameaux de bât que le chamelier boiteux qui se traîne. J’espérais un dénégateur, – mais,

Ils ont dit oui.

J’ai fait alors afficher par tout l’Empire que celui-ci n’existait plus, et que le peuple, désormais Souverain, avait à se paître lui-même, les marques de gloire, abolies, reprenant au chiffre un :

Ils sont repartis de zéro.

°

Alors, rendant grâces à leur confiance, et service à leur crédulité, j’ai promulgué : Honorez les hommes dans l’homme et le reste en sa diversité.

Et c’est alors qu’ils m’ont qualifié de rêveur, de traître, de régent dépossédé par le Ciel de sa vertu et de son trône.

(p. 51-52)
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À Yvonne Segalen, Singapour 9 janvier 1918.
J'ai trois drames, dix romans, quatre essais, deux théories du monde, une poétique, une exotique, une esthétique, un traité des Au-delà, un répertoire général des choses inconnues, une vingtaine d'ouvrages inclassables, et quatre mille soixante-trois articles de deux cents à deux mille lignes à donner, avant de prendre ma vraie retraite. Après quoi je préparerai une édition entièrement contradictoire de mes oeuvres - afin que l'on puisse choisir.
Sérieusement, c'est ce ce côté-là, Mavone aimée, que je me prépare à vivre. Je tiens à dire ce que j'ai à dire. J'accumule trop de choses en moi, dont les explosions internes se traduisent au-dehors par d'apparentes sautes d'humeur. Le jour où j'en aurai dit le principe, je serai plus égal - et je rirai sans sourire, enfin.
p. 435
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À Paul Claudel, Brest 25 janvier 1915.
[Votre oeuvre] me livre en effet, avec une richesse, une puissance non pareille, tout l'arrière-monde et le poignant mystérieux humain sans quoi je me jetterais au cou de n'importe quelle croyance. Négligeant les dates, les intentions, et ignorant les secrètes préférences, j'en reviens malgré moi à Tête d'Or, à certain début de La Ville, à Connaissance de l'Est, et, dans les plus religieux et fervents de vos livres, à ce qui reste expression d'homme aux prises avec tout ce qui n'est pas lui - peut-être Dieu, et peut-être autre chose... C'est vous dire qu'un des plus fervents spectateurs de vos oeuvres est en même temps l'un des plus hétérodoxes et transfuges amis de votre âme, en marche imperturbable vers un but affirmé. Je suis conduit à cette sorte de blasphème, que l'étonnant pouvoir humain que vous montrez à célébrer le divin, et un certain divin catholique, m'écarte d'autant plus du Dieu qu'il me rapproche de l'homme qui le chante, - dont les mots, pleins de sortilège, me font voir d'autres symboles et un tout autre surnaturel que celui vers lequel il convie de s'avancer avec lui.
p. 365
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À Yvonne Segalen, Péking, 25 juillet 1909 [visite des tombeaux de la dynastie Qing]
Que les Egyptiens éternels aient tout sacrifié de leur génie, de leurs hommes et de leur temps au Temps qu'ils ont honoré ... Mais ici, quel mépris à rebours du Temps lui-même ! Il dévore ? qu'on lui donne à dévorer. Il ruine ? il décatit, il abrège, il tronçonne, il éventre et pourrit ? Qu'on lui donne à détruire. Qu'on nourrisse sa faim : et non pas avec des aliments durs et indigestes ... voici des mets plus apprêtés : des bois odorants ... des tuiles que délitera la pluie, et que la charpente effondrée versera comme des gravats sur le sol. Des charpentages faits pour la chute immense et des joints si précaires que déjà tout bâille et se disloque... Le Temps est repu. - Ici le monument est indurable et léger ... Mais il se réclame d'une autre puissance : le Monument chinois est /mobile/, et ses hordes de pavillons, ses cavaleries de toits fougueux, ses poteaux, ses flammes, tout est prêt au départ, toujours, tout est nomade : Rendons-lui donc son en-allée, sa fuite, son exode, et sa procession éternelle ...
[...]
Un empereur tombe ! qu'un autre lui succède : un palais meurt, qu'on en hausse un second exact et répété. Un jour s'abat, vienne le lendemain promis ... et que, si les êtres passent, leur série coule du moins avec une fuite éternelle et durable en ses retours.

pp. 200-202.
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À Jules de Gaultier, Paris, 28 décembre 1908.
Il se peut que dans mes développements je vous paraisse disciple hérésiarque ou infidèle ; que je m'égare, que je m'embourbe. Je ne puis qu'affirmer ma reconnaissance intellectuelle de vous devoir un tel point de départ. Même si je n'arrive pas, je serai au moins parti, et j'aurai, durant plusieurs années, vécu d'un bel espoir. Celui-là vous est dû tout entier.
p. 171
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L'Empereur dormait encore à l'heure du Grand Conseil. Malgré les ordres, personne ne l'a appelé. Il n'a point paru soucieux de l'oubli, et a dit qu'on préparât sa suite. La Chaise du Dragon s'est mise en route vers les Trois-Lacs et le Palais du Sud. Elle a franchi le Pont de Marbre et logé le lac du milieu, puis s'est arrêtée. A l'encontre du cérémonial l'Empereur est descendu. Son pas était allègre, comme les vers : " sa selle est d'argent, son cheval blanc ; Il va dans le vent du Printemps " - Et de même le Printemps au souffle blanc venait avec rapidité. Les vêtements de l'Empereur balayaient la terre et la poussière jaune comme les drapeaux d'une escorte et des armées essuient le ciel en frémissant.

p. 174
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Echmühl, derrière nous, aveuglant, fouille de ses éclats incandescents les rochers et la mer ; faisant, à chaque ondée de lumière, sauter de 'ombre un pignon de maison, une crête d'écueil...
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Il est des gens dont l'approche équivaut à tous les maléfices .
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On n'a pas le droit d'être fou selon sa guise, et jusque dans ses ébats de l'esprit supposé déharnaché des appareils orthopédiques de la raison, des bretelles et des sous ventrières du bon sens, on doit observer la règle et s'en tenir aux types reconnus. Sinon de fou, l'on est déclaré simulateur.
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L'exotisme n'est pas celui que le mot à déjà tant de fois prostitué. L'exotisme est tout ce qui est Autre. Jouir de lui est apprendre à déguster le divers.
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LES IMMÉMORIAUX
Les hommes qui pagaient durement sur les chemins de la mer-extérieure, et s'en vont si loin qu'ils changent de ciel, figurent pour ceux qui restent, des sortes de génies-errants. On les nomme avec un respect durant les longues nuits de veille, pendant que fume en éclairant un peu, l'huile de nono. Si bien qu'au retour — s'il leur échoit de revenir — les Voyageurs obtiennent sans conteste un double profit : l'hommage de nombreux fétii curieux, et tant d'épouses qu'on peut désirer. Le grand départ, l'en-allée surtout hasardeuse, la revenue après un long temps sans mesure, voilà qui hausse le manant à l'égal du haèré-po, le porte-idoles au rang de l'arioï septième, et l'arioï à toucher le dieu.
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Ne peuvent sentir la Différence que ceux qui possèdent une Individualité forte.
En vertu de la loi: tout sujet pensant suppose un objet, nous devons poser que la notion de Différence implique aussitôt un point de départ individuel.
Que ceux-là goûteront pleinement l'admirable sensation, qui sentiront ce qu'ils sont et ce qu'ils ne sont pas.
L'exotisme n'est donc pas cet état kaléidoscopique du touriste et du médiocre spectateur, mais la réaction vive et curieuse au choc d'une individualité forte contre une objectivité dont elle perçoit et déguste la distance. (Les sensations d'Exotisme et d'Individualisme sont "complémentaires").
L'Exotisme n'est donc pas une adaptation; n'est donc pas la compréhension parfaite d'un hors soi-même qu'on étreindrait en soi, mais la perception aigüe et immédiate d'une incompréhensibilité éternelle.
Partons donc de cet aveu d'impénétrabilité. Ne nous flattons pas d'assimiler les moeurs, les races, les nations, les autres; mais au contraire éjouissons-nous de ne le pouvoir jamais; nous réservant ainsi la perdurabilité du plaisir de sentir le Divers. (C'est ici que pourrait se placer ce doute: augmenter notre faculté de percevoir le DIvers, est-ce rétrécir notre personnalité ou l'enrichir? Est-ce lui voler quelque chose ou la rendre plus nombreuse? Nul doute; c'est l'enrichir abondamment, de tout l'Univers. Clouard dit très bien; " Ce naturalisme, on voit que ce n'est pas notre abaissement, ni notre dispersion, ni un avantage qu'obtiendrait la nature aux dépens de la personnalité humaine, c'est l'empire agrandi de notre esprit sur le monde."
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C'est la matière qui est l'esclave de l'artiste, elle lui appartient; le génie, sans doute, s'est manifesté en la choisissant.
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PERDITION DE CHANG-YIN

N'essayez point ici de tout voir d'un seul coup. L'oeil de l'homme ne peut percer d'un coup les étonnantes inventions d' une femme ; et le Peintre, afin de ne rien omettre, a compartimenté la surface. Cet assemblage minutieux de petits tableaux représente les jeux de l'Ingénieuse, la fille au délices nombreuses. D'autres aiguisent leurs doigts à enguirlander les étoffes, à dorloter les vers à soie dans la chambre tiède... Celle-ci préfère tramer sa vie en la chaîne des jours, et vêtir de ce tissu ardent le corps de son amant Impérial. Mieux que les Maîtres antiques, elle es ici Educatrice, Inspiratrice, Poète de la Perdition de CHANG-YIN.
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L’haleine s’angoisse très vite, et s’écourte ; les jambes vacillent ; les oreilles s’inquiètent à n’entendre que le bruit des pas dans l’eau ou sur les feuilles humides ; et les yeux s’effarent qui ne servent plus à rien. Le marcheur indécis s’alarmait du silence, de l’ombre épanchée autour de ses pieds, et surtout du ciel éteint par dessus sa tête : Hina-du-firmament [la lune] était morte pour deux nuits encore, et de lourdes nuées, étouffant les petits regards des étoiles, approfondissaient les ténèbres sur le sol.
(Chapitre : Les Hérétiques)
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La Dragon couché : le ciel vide, la terre lourde, les nuées troubles ; soleil et lune étouffant leur lumière : le peuple porte le sceau d'un univers qu'on n'explique pas.
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