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Critiques de W. G. Sebald (109)
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Les Anneaux de Saturne

En cette période de redécouverte de la littérature allemande, j'ai pioché ce livre sur un rayon de la bibliothèque, et il m'a suivi dans mon sac de plage. L'écriture est certes agréable et empreinte de mélancolie, mais le lecteur ou plutôt la lectrice que je suis s'est très vite perdue dans cet étalage d'érudition qui passe du coq à l'âne disons le clairement. Une promenade sur une côté anglaise, la leçon d'anatomie de Rembrandt, la pêche au hareng, la seconde guerre mondiale,... Des fragments d'histoires intéressants mais il me manque un fil conducteur auquel m'accrocher, je m'accorde le droit d'abandonner ce livre à la moitié.
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Vertiges

Bien plus que l'amour indiqué dans le titre du texte d'ouverture évoquant Stendhal, c'est le souvenir qui est le sujet véritable des différents récits qui constituent le second beau livre d'importance (après D'après nature) de Sebald, Vertiges (1). Le souvenir ou plutôt ses altérations et ruptures, que le long et lent déploiement de l'écriture doit tenter de combler, du moins partiellement : «Les notes dans lesquelles Beyle, âgé de trente-cinq ans [...] essaie d'extraire de sa mémoire les tribulations d'alors, révèlent diverses difficultés où achoppe l'exercice du souvenir» (p. 10), alors même que, bien souvent, c'est la «violence de l'émotion» qui semble avoir conduit «à anéantir celle-ci» (p. 11), les dessins mais aussi les photographies qui émaillent le texte de l'auteur, et qui constitueront bien vite une de ses marques de fabrique, se proposant de compenser ces éclipses.
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Séjours à la campagne

En règle générale, je ne lis que très rarement les textes de présentation ou bien encore les portraits que les éditeurs français, dans un souci bien moderne de transdisciplinarité disent-ils, jugent trop souvent utile de joindre à la traduction de tel ouvrage d'un auteur étranger. Ainsi, m'apprêtant à ne point lire, comme de coutume, le court texte que le peintre Jan Peter Tripp écrivit après la mort de son ami W. G. Sebald, je fus tout de même arrêté par une expression qui évoqua immédiatement mon propre travail de critique placé sous l'éclairage paradoxal de la contre-nuit. Je ne reviens pas sur la définition de cette technique de gravure mais je m'étonne en revanche de n'avoir pas songé à évoquer la manière noire (en français dans le texte) à propos du lent travail de résurrection opéré par la prose mélancolique de Sebald. Voici ce qu'écrit Tripp : «L'appropriation du monde et sa description par W. G. Sebald m'ont toujours semblé procéder d'une méthode analogue. Loin du mode expressif de la gravure sur bois, il installe de vastes panoramas d'une densité et d'une intrication presque incroyables» (190).
Lien : http://stalker.hautetfort.co..
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Austerlitz

Une oeuvre de grande qualité. Remarquable.



Le narrateur relate ses rencontres curieuses et récurrentes avec un certain M. Austerlitz, qui constituera le personnage principal du roman et qui, au travers du récit par le narrateur, va expliquer son cheminement très long, complexe et approfondi pour retrouver son passé, comprendre ses origines et retracer sa vie.



La lecture est parfois laborieuse, requiert un effort d'attention soutenue, mais quelle merveille d'expression et de langage! Les phrases peuvent être longues, les digressions sinueuses, pour autant la profondeur de ce chemin personnel vers le passé, de ce dialogue avec les origines, avec les morts, est d'une intensité forte et empreinte d'une émotion subtile, prégnante. On est baigné dans cette recherche touchante, bouleversante. On chemine avec Austerlitz dans sa quête, avec une implication presque personnelle.



Ce livre est une ode au souvenir, au dialogue avec le passé, au travail de mémoire, mais en filigrane également infuse tout au long du récit, une humanité pleine de pudeur ou, plutôt, une pudeur pleine d'humanité.

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De la destruction comme élément de l'histoire..

Un livre éprouvant mais magistral, important, sur la destruction et la reconstruction de l’Allemagne à la fin la guerre : villes entières bombardées, rasées, vies anéanties, misère, lambeaux de rues et d’hommes…



Sebald se questionne sur l’absence totale de cette destruction dans la littérature allemande : il y a le tabou du « monstre allemand » qui ne peut se constituer comme victime, parce que le sommet de l’Histoire à ce moment-là était la Shoah, et aussi bien sûr la difficulté de prendre la parole pour décrire le traumatisme absolu. Mais surtout l’Allemagne a dû se reconstruire : pour se reconstruire il a fallu refouler cette destruction, de la même manière qu’il a « fallu » « oublier » la Shoah.



Ainsi les écrivains allemands n’ont pas su s’emparer de leur « propre » destruction, ou alors dans une langue convenue, qui ne faisait que masquer l’anéantissement. C’est donc à une réflexion sur la langue, sur la littérature, et sur l’Histoire et ses processus de déconstruction et de reconstruction que nous convie Sebald dans ce grand livre.

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Austerlitz

Dans ce roman de non-fiction, on pense à la Mystérieuse flamme de la reine Loana d'Umberto Eco pour la forme, et pour la trame, à Danube de Claudio Magris et bien sûr à L'histoire des grands-parents que je n'ai pas eus d'Ivan Jablonka. A noter l'amusante critique de la bibliothèque François Mitterrand.
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Les Émigrants

Il y a dans l'écriture de Sebald une intemporalité si particulière qu'elle me fait penser à ces vieilles plaques photographiques en verre auxquelles l’œil doit accomplir un effort d'adaptation pour dépasser l'opalescence qui s'en dégage et dont la manipulation doit s'exécuter avec la légèreté et la douceur que requiert le déplacement d'un objet fragile et sacré.
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Vertiges

Roman qui fonctionne très bien, la tonalité mélancolique hante le récit du protagoniste, qui voyage en Italie, en Allemagne, mais aussi dans son propre passé. L'auteur mêle à sa propre expérience celles de Kafka, de Stendhal et d'autres esprits avant lui. Quant à l'ajout de pièces, d'images, de "traces", à l'intérieur du texte, ajoute quelque chose d'intense et de sensible, comme autant d'archives, à cette quête de soi. Un excellent roman, sombre et profond !
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Les Anneaux de Saturne

Un homme décide de faire un voyage à pied dans l'est de l'Angleterre. Il visite certains lieux, fait quelques rencontres, évoque des souvenirs ou plus exactement des réminiscences. Il s'agit en fin de compte d'un voyage intérieur, où les choses se remettent en place, et les significations affleurent.



Il était très difficile de parler de Sebald. C'est un écrivain très original, qui a une très grande densité, aussi bien en ce qui concerne l'écriture que la vision du monde. Il ne s'agit pas dans le cas de ce livre d'un roman où même d'un récit, mais plutôt d'un journal de voyage dans lequel l'auteur évoque les sujets qui lui viennent à l'esprit, avec une infinie érudition, et une grande profondeur dans son approche de ces sujets. Cela semble donc par moments un peu décousu, les sujets évoqués semblent venir parfois un peu par hasard, certains m'ont plus captivé que d'autres. En tous les cas il faut une grande concentration pour rentrer dans ce livre. Mais l'effort en vaut la peine, et j'ai passé quelques beaux moments. J'avoue avoir préféré les passages où Sebald parle d'autres écrivains, les pages concernant Conrad et Chateaubriand m'ont terriblement captivée.



Cette lecture me donne en tous les cas envie de continuer à explorer l'univers de l'auteur, car son écriture est véritablement splendide.

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De la destruction comme élément de l'histoire..

L'histoire est toujours écrite par les vainqueurs, dit-on. Ce petit livre qui se questionne sur les bombardements en Allemagne pendant la Deuxième Guerre mondiale le prouve une fois de plus. Ce qui étonne Sebald, c'est le silence de la génération d'après-guerre sur ces bombardements. Il fouille dans la littérature mais il n'y trouve pas grand chose, ou alors une esthétisation des faits qui ne dit rien sur ce qu'ont vraiment vécu les Allemands pris au piège dans les décombres de leurs villes détruites. Pourquoi ce silence, ce trou de mémoire, ce tabou? S'agit-il de culpabilité? Pourtant, pour une fois, le peuple allemand est victime. Quoique... Ce qui provoque les bombardements, c'est d'abord la fuite en avant des nazis, soutenus ou du moins tolérés par le peuple qu'ils ont pris en otage. Peut-on être à la fois complices et victimes? Les bombardements sur les villes allemandes montrent que plutôt que de répondre à cette redoutable question, il est plus simple de faire comme si rien n'avait eu lieu et d'enfouir une époque gênante dans l'oubli. Le passé pourtant refait toujours surface et le colosse allemand ne marche pas tout à fait droit dans les bottes qui cachent ses pieds d'argile.
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Vertiges

« Vertiges » de W.G. Sebald raconte en deux longs chapitres, « All estero » et « Il ritorno in patria », les voyages de l'auteur en Autriche, Italie et Allemagne. Lecteurs, nous pouvons aisément vérifier la réalité des lieux obsessionnellement inventoriés – Vienne, Vérone, Venise, Innsbruck. Nous pouvons également vérifier l'existence des personnes auxquelles l'auteur nous dit avoir rendu visite en chemin – le poète Ernst Herbecck, le journaliste Salvatore Altamura. D'avantage, nous pouvons voir tout cela, le récit étant illustré par nombreuses photos dont la présence est toujours destinée à garantir la réalité de ce qui a été vécu par l'auteur. Mais cette maniaque précision et cette obsessionnelle vérité sont surtout l'occasion de faire de troublants parallèles avec d'autres voyages – ceux De Stendhal et Kafka – tout aussi attestés et détaillés dans deux courts épisodes du livre, « Beyle où le singulier phénomène de l'amour » et « le docteur K va prendre les bains à Riva ». le livre semble pourtant opérer une série d'écarts qui font système et ne construisent pas un impeccable compte-rendu mais bien une fiction d'un nouveau genre.





La narration de « Vertiges » multiplie les digressions, se fige dans la précision fascinée de détails sans signification ou se dissipe dans des recherches qui traversent sans règle apparente les espaces et les temps. A Vienne, W.G. Sebald tourne en rond, il a des hallucinations, croit apercevoir Dante et autres personnes, craint un début de paralysie ou une maladie cérébrale, ne voit rien, ne parle à personne, clochardise, refait enfin surface en entendant des enfants juifs chanter. le trajet de Vienne à Venise ne laisse aucune trace hormis les paysages qu'il associe aux tremblement de terre du Frioul et à « La peste » de Tiepolo. A Venise, W.G. Sebald est alternativement troublé et terrorisé dans les rues où des gens apparaissent aussi vite qu'ils disparaissent, il reconnait immédiatement Louis II de Bavière sur un vaporetto, étudie la « Gazzettino », prend des notes pour un essai sur le roi Louis à Venise, feuillette « le journal du voyage en Italie » de Grillparzer, s'intéresse à l'emprisonnement de Casanova au palais des Doges, regrette de ne pas être resté à la maison à consulter cartes et itinéraires, se promène sur la lagune en compagnie d'un astrophysicien, s'inquiète au réveil d'un silence de fin du monde, ne quitte plus sa chambre gelée, se sent mourir, revient à lui la troisième nuit, fait son bagage, se sent enfin sur le départ observé au buffet de la Ferrovia par deux jeunes gens. A Vérone, W.G. Sebald s'allonge sur un banc au Giardino Giusti, il est pris de panique lorsqu'il aperçoit aux arènes les deux personnes de la gare de Venise, décampe craignant pour sa vie, effectue des recherches sur Pisanello, détaille les fresques de la chapelle Pellegrini, dine dans une sinistre pizzeria, s'enfuie enfin en courant après la lecture d'un fait-divers sur fond de conversation téléphonique. le trajet jusqu'à Innsbruck ne lui laisse aucun répit.





C'est avec une date que débutent les comptes rendus de voyage : « Octobre 1980 ». C'est avec une date qu'ils se poursuivent : « Sept ans après ». Une date est toujours un indicateur de réalité, reste à savoir de quelle réalité il est question. le réel qu'il s'agit de marquer ici est celui d'une fiction où la rationalité habituelle qui préside au déroulement des évènements de la vie ordinaire s'est perdue. le temps dans « Vertiges » n'est pas en effet structuré par l'enchainement des causes et des effets, il procède de l'auteur lui-même. Après sa fuite, il refait donc le voyage de Vienne à Vérone pour raviver les souvenir de cette période périlleuse. A Venise, W.G. Sebald prend des notes à la Fondamenta Santa Lucia, il décide de ne pas rester dans la cité des Doges à la vue d'un gros rat. A Padoue, W.G. Sebald visite la chapelle d'Enrico Scrovegni décorée par Giotto, il est frappé par la plainte qu'élèvent depuis plus de sept cents ans les anges, il rejoint la gare avec ces mots en tête : « Les anges visitent les lieux du malheur ». A Vérone, W.G. Sebald escompte obtenir quelques éclaircissements aussi bien sur son séjour brusquement interrompu que sur le sinistre après-midi que Kafka avait passé dans cette ville sur le chemin du lac de Garde, il est, ébahi et paralysé, incapable de descendre du train. Sur le chemin du lac de Garde, W.G. Sebald est mis en présence de deux jeunes garçons ressemblant de manière inquiétante au portrait de Kafka à l'âge scolaire, il fait part de cette découverte espérant obtenir une photo des jumeaux, il est en proie alors à une confusion extrême et à une rage impuissante à l'idée de ne pouvoir présenter aucune preuve tangible de cette rencontre, quitte précipitamment le bus. A Limone, W.G. Sebald se promène la nuit tombante sur le lac, il est empêché de dormir par les vociférations imbéciles de jeunes gens de son propre coin de terre, écrit tentant de relier des évènements fort éloignés mais relevant d'un même ordre d'idée, lit et annote des journaux en trois langues, décide de retourner enfin, sans son passeport perdu, à Vérone. A Milan, W.G. Sebald est agressé à la gare, il récupère au consulat des papiers, déambule dans des rues qui ne mènent à rien qu'à d'incessantes vexations, perd la mémoire dans la cathédrale. de nouveau à Vérone, W.G. Sebald, bien accueilli à l'hôtel, garde le souvenir d'une dignité retrouvée, il s'intéresse, à la Biblioteca civica, aux publicités médicales charlatanesques et aux faits-divers de l'année 1913, trouve, examine une carte postale du cimitero di Staglieno de Gênes, retrouve et fait photographier par un passant la pizzeria qui l'a fait fuir sept ans auparavant, interroge un journaliste sur une affaire de meurtres ayant quelque improbable rapport avec les rencontres des deux jeunes gens de Venise et de Vérone, l'écoute parler d'un livre de Sciascia sur les années ayant immédiatement précédé la Première guerre mondiale et de sa nostalgie pour l'opéra de la même époque, pense à la visite Franz Werfel avec un exemplaire de son roman opéra dédicacé à son ami Kafka mourant, émerge enfin, sans savoir le pourquoi et le comment, d'un sommeil profond aux premières heures du matin.





Les évènements n'obéissent plus ici à l'enchainement ordinaire de causes et d'effets dotés d'une nécessité supérieure à leur déroulement. L'auteur qui se rend en Italie met certes ses pas dans ceux du jeune Henri Beyle franchissant les Alpes avec les troupes napoléoniennes, découvrant les affres de l'amour, passant au grade de sous-lieutenant, souffrant d'un sentiment d'infériorité, tombant malade, faisant halte dans le vaste champ de bataille de Marengo et, bien des années après, voyageant sur les bords du lac de Garde. Il empreinte certainement des chemins voisins de ceux de Kafka se rendant à un congrès à Vienne, fuyant pour Trieste, restant enfermé dans sa chambre à Venise, se sentant oppressé à Vérone et passant trois semaines dans un établissement thermal sur les rives du lac de Garde. « Vertiges » est un récit de voyages décousus, l'ordre des nécessités y est sans cesse brouillé par les manifestations de troubles nerveux qui semblent en résulter. de saisissants parallèles avec les pérégrinations tourmentées De Stendhal et Kafka semblent ici s'imposer au corps défendant de W.G. Sebald et ajouter à son angoisse. Les différents récits se déroulent comme une série de digressions qui nous mène d'un fait-divers à un menu détail de la vie ordinaire, de la peinture italienne à la lecture du journal, etc. La narration ne cesse ainsi de nous éloigner de la relation de voyage cultivée habituelle. Ce désordre des faits définit n'en doutons pas une autre manière de lier déplacement et savoir. Pour W.G. Sebald nous vivons sur la « ligne de fracture entre le monde et la nature (…) et cet autre monde généré par nos cellules nerveuses ».





Le déracinement est indissociable de l'oeuvre de W.G. Sebald et évidemment du régime nazi qui est le secret silencieux enfouit sous le paysage idyllique des Alpes bavaroises, un silence que l'écrivain a voulu fuir et qu'il retrouve au dernier chapitre de « Vertiges », « Il ritorno in patria ». Aussi, cette ultime recension de souvenirs d'enfance est plein de nauséeux non-dits : « en avril 1945 (…) [ils] sont tombés pour la patrie » (p.164), « il nous fallait passer à côté des « romanichels » et à chaque fois ma mère me prenait dans ses bras » (p.165), « l'album photo que mon père avait rapporté en cadeau à ma mère (…) on voit des zingari internés dans un camp » (p.166), « [mon père], sous-officier du train, avait son avenir assuré dans le nouveau Reich et même, en un certain sens, y était devenu quelqu'un (…) représentatif de la nouvelle société sans classe en voie de formation (…) il existait somme toute une justice sur terre » (p.173), « La Seelos Lena a un jour accouché d'un enfant d'Ekrem, qui heureusement, comme je l'ai entendu dire, n'a pas vécu plus d'une semaine. » (p.179), « Même après-guerre, lorsque ses oeuvres monumentales (Hengge), pour diverses raisons, n'avaient plus grande cote, il na pas changé de manière. » (p.185), « La morosité de son visage [Dr Rambousek] aux traits comme venus d'ailleurs et que, les paupières recouvrant à demi ses grands yeux sombres, on ne saurait mieux qualifier de levantins, sa façon d'être, pour ainsi dire toujours en retrait, ne laissaient guère de doute sur le fait qu'il appartenait à la race des inconsolables. » (p.204), « On disait qu'il était venu d'ailleurs [le chasseur Hans Schlag] » (p.211), etc. « Plus je rassemblais les images d'autrefois, dit-il, et plus il devenait invraisemblable que le passé se soit présenté sous cette forme, car rien ne pouvait y être qualifié de normal ; au contraire, la majeure partie de ce qui était arrivé était ridicule, et quand ce n'était pas ridicule, c'était à frémir d'effroi. » Il n'est fait état dans cette dernière partie du livre « in patria » d'aucune manifestation de troubles nerveux de W.G. Sebald.





« Vertiges » est sans doute un livre inclassable, un livre qui ne fabrique pas d'intrigues mais un lien entre ce qui se passe à tel moment, en tel lieu avec le narrateur et ce qui se passe à un autre moment en ce même lieu avec quelques autres (de Stendhal et Kafka). Babelio ne classe-t-il pas l'oeuvre littéraire de W.G. Sebald en essais ? Une certaine fiction moderne peut probablement se définir comme le récit d'un moment quelconque qui ne construit, ne détruit rien, qui ne se tend vers aucune fin mais qui se dilate incluant d'autres temps. La pensée mobile de l'auteur mélange dans « Vertiges » les préoccupations et transforme le récit de voyage en rêveries, hallucinations, lectures, souvenirs … afin de sauver tout ce qu'elle peut d'une expérience douloureuse d'un déracinement et d'un mal être.

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Austerlitz

On retrouve très souvent deux mots dans ce texte (qui est un roman d'après le quatrième de couverture) et c'est « Austerlitz dit », un peu à la manière du « Pereira prétend » de Tabucchi (on y rencontre d'ailleurs un Pereira comme personnage secondaire)… Le narrateur y évoque ses rencontres avec un dénommé Jacques Austerlitz. Arrivé en 1939, vers l'âge de cinq ans, dans la sinistre famille d'un pasteur gallois nommé Elias, dont il portera le nom, Austerlitz ne se souvient pas de sa petite enfance et semble souffrir déjà d'un manque de sentiment d'appartenance. Scolarisé tôt dans pensionnat, un de ses professeurs entreprendra des démarches pour connaître la véritable identité de son élève, qui toute sa vie cherchera ses origines. Comme toujours chez Sebald, du moins dans les deux autres romans que j'ai lu de lui, tous les éléments de narrations sont imbriqués les uns dans les autres, ouvrant la porte à toutes sortes de digressions apparentes (textes et images) qui finissent pourtant par faire sens. Du grand art.
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Austerlitz

Austerlitz est l'ultime roman de W. G. Sebald, décédé, accidentellement, en 2001.

Fils d'un pasteur anglican, sévère et secret, le héros du livre découvre, à la mort prématurée de ses parents, son adoption et son vrai nom Jacques Austerlitz.

Au fil des pages, devenu professeur d'histoire, il raconte à un de ses anciens élèves, son périlleux parcours pour retrouver la trace de ses parents.

ce récit profond et saisissant , est truffé de digressions sur l'architecture, l'histoire, la nature.

Des photos, en noir et blanc, soulignent l'anecdote, un arrêt sur images pour approfondir la vérité et refléter l'angoisse.

Cette œuvre majeure de la littérature allemande, écrite avec précision et sobriété,dépeint un tableau sombre et déchirant de la seconde guerre mondiale, et, dessine le portrait d'un être accablé et déséquilibré par une enfance déplacée.

Une quête des origines aux confins de la souffrance.

Magnifique.
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Campo Santo

Dix-huit fragments d’une prose poétique exceptionnelle hantée par la destruction et l’énigme de la mémoire.



Dès le milieu des années 1990, après la publication des «Anneaux de Saturne», W. G. Sebald a travaillé à un livre sur la Corse, resté inachevé après sa disparition en décembre 2001. Sous le titre «Petites proses», quatre textes sur la Corse sont rassemblés dans la première partie de ce livre paru en 2003 et traduit par Patrick Charbonneau et Sybille Muller pour les éditions Actes Sud (2009). La deuxième partie de «Campo Santo» se compose de treize essais inédits en français, écrits en 1975 et 2001, et l’ensemble, quoique qu’hétéroclite, ravira le lecteur ou la lectrice attentifs de l’œuvre de Sebald, en mêlant comme toujours ses lectures et méditations personnelles, autour des thèmes et des personnages qui hantent sa mémoire et son écriture. Le livre se conclut par le texte de réception de Sebald à l’Académie Allemande, «signe bienvenu d’une légitimation inespérée».



La suite sur mon blog ici :
Lien : https://charybde2.wordpress...
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De la destruction comme élément de l'histoire..

"De la destruction" est un livre profond qui traite de l'incapacité des Allemands à aborder de manière réaliste - documentaire - l'écrasement des villes allemandes lors des bombardements de 1942-1945. C'est surtout l'absence de ce sujet dans les lettres allemandes de l'immédiat après-guerre qui retient l'attention de Sebald.

Les raisons de cette absence? L'oubli comme moyen de pouvoir se projeter dans l'avenir, la quasi-impossibilité de décrire de manière réaliste et 'froide" la situation vécue, mais aussi la puissance d'une culpabilité chez ceux qui ont exterminés tant d'humains...Tous ces arguments sont connus et n'apportent pas de regard original sur le sujet.

En revanche, Sebald traque les vieux réflexes allemands dans une psyché marquée par l'héroisme et par la rhétorique fasciste consistant à faire du sacrifice - même effroyable - le fondement nécessaire de toute renaissance. Tout est dit sur cette psyché allemande et sur ce qui en a résulté après-guerre : une volonté inébranlable de survivre et de reconstruire. Le temps d'un retour objectif sur les souffrances allemandes n'est pas encore venu.
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Les Anneaux de Saturne

Voyage à partir du Norfolk en longue coulée, dans ce que lui disent ces paysages ou ce qu’il rêve à partir d’eux - pans de vies, corps d’idées - rebondissant de ces visions assez désolées, ou de ces paysages mourrants à d’autres, de personnages en personnages, échos secrétés par, et nourriture des lieux, éléments constituant par touches une philosophie.

Et c’est par eux que je me retrace ce trajet, ne gardant le corps du livre, sa saveur, que dans les souvenirs qu’ils amènent pour moi et qui doit être découvert en lisant.

Michael Parkinson « l‘un des hommes les plus innocents qu‘il m‘ait été donné de rencontrer », son manque de besoin, l’étude de Ramuz

Thomas Browne - les dissections, la leçon d’anatomie de Rembrandt - l’état flottant d’un opéré - l’érudition et le quinconce retrouvé partout et « dans le jardin du roi Salomon, dans l’ordonnance des lys blancs et des grenadiers qui y sont alignés au cordeau »… - les sépultures, la crémation

Hazel, le jardinier de Someleyton et la guerre aérienne

Les pécheurs de harengs et le dépeuplement des océans, ou leur empoisonnement

Bioy Caséres, les miroirs - son exemplaie de l’Anglo American Cyclopedia. - à l’existence incertaine

Johan Mauritz, les fortunes faites par les négociants au siècle d’or, et l’exploitation du Brésil

Les croates, Banja Luka et le traitement infligé aux serbes

Roger Casement, son histoire reconstituée ou rêvée, le Congo, Conrad, le jugement de ce dernier sur l’horreur de cette colonisation, et son histoire quand il était Jozef Teodor Konrad Korzeniowski, Cracovie, l’Ukraine, le traineau et l’oncle Tadeuz (et ces pages sont admirables)

L’empereur Xianlong, les compagnies occidentales, l’opium, l’impératrice Cixi, la sècheresse de 1878, et l’amour de l’impératrice pour les vers à soie - « ces créatures pâles, presque transparentes,qui délaisseraient bientôt leur vie au profit du fil ténu qu’elles tissaient, lui apparaissaient comme ses véritables fidèles. Elle voyait en eux le peuple idéal, zélé…. » - ses adieux à la vie et à l’empire, et les théories sur le temps humain.

Algerson Swinburne, ses excursions à Dunwich, sa fuite des salons préraphaléiques - « l’autodissolution progressive de la vie » - la mer qui gagne et le déplacement de la petite ville

Délaissant les personnages : « toute la civilisation humaine n’a jamais été rien d’autre qu’un phénomène d’ignition plus intense d ‘une heure à l’autre »

Une lande, le rêve d’un clair labyrinthe et Michael Hamburger et les souvenirs de sa jeunesse berlinoise (de leur)

Edward FitzGerald, la ruine des propriétaires irlandais - la chasse qui prend possession de la campagne et la superbe visite halucinée aux terrains qui ont servi à la recherche d’armes secrètes
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Campo Santo

Campo Santo se divise en deux parties dont on peine à comprendre le lien. La première rassemble quelques nouvelles ayant pour décor la Corse : promenade à Ajaccio où tout semble se rapporter à Napoléon, description du cimetière de Piana et digression de l'auteur sur les croyances et le rapport à la mort des Corses, ou encore éloge de la forêt de Bavella qui suscite des souvenirs germaniques au narrateur...



La deuxième partie s'ouvre elle sur une quinzaine d'essai traitant tous d'écrivains allemands, que je ne connaissais pas pour la plupart (Handke, Améry...Grass, Kafka et Nabokov pour les plus connus). On y retrouve des observations propres à Sebald sur l'après-guerre et la culpabilité allemande face aux atrocités commises, ainsi que la quasi absence de cette thématique dans la littérature allemande.



Corpus finalement très curieux, je retiens surtout de cette succession d'essai une désagréable impression de dérive intellectuelle constante de l'auteur au détriment de toute narration : les propos sont intéressants mais soporifiques, tant par les remarques fleuve de Sebald que par leur caractère analytique sous un prisme académique.

Ajoutons à cela que je ne suis pas une grande amatrice de la littérature allemande, et que j'ai trouvé la mise-en-page barbare : il m'a fallu m'accrocher pour parvenir à terminer ce bouquin pourtant pas si épais...Une première rencontre peu concluante avec Sebald !
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Les Émigrants

J'ai été à nouveau complètement pris sous le charme de cet auteur. Ce livre-ci regroupe quatre récits, de longueur inégale. Quatre portraits d'homme marqués par la fuite ou la tentative de fuite, pour des raisons diverses, du monde allemand ou autrichien. Quatre récits assez sombres, évidemment, mais aussi très doux. Deux récits se rattachent à l'angleterre, des rencontres qui ont marqué Sebald lui-même émigrant; Un autre est un portrait en biais de son grand oncle Ambros et le dernier la vie de son instituteur. Chaque fois, il y a plus qu'une empathie entre l'auteur et son sujet, celui-ci allant jusqu'à revenir sur les lieux, enquêter. Illustré de photos. De la vraie et grande littérature, sans concessions mais aussi capable d'universalité et d'aller toucher tout lecteur qui s'y aventure.
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Austerlitz

Il y a dans « Austerlitz » une émotion qui n’est pas réductible à la seule histoire racontée par W. G. Sebald. Le roman lu, compris, ne meurt pas à la dernière page. A nouveau parcouru, il renait à lui-même et redevient ce qu’il a été. Il ne transmet pas ce qu’il y a d’intelligible de Jacques Austerlitz mais inspire un certain état d’esprit, celui-là même du personnage principal. A la gare centrale d’Anvers, entre le narrateur et le héros sebaldien, il est sans transition et urgemment question de dysfonctionnement et de monumentalisme de l’architecture du vingtième siècle avec verrières, quais, cité ouvrière idéale, palais monstrueux, défense des villes et fort nazi … Chaque bâtiment dans l’œuvre de Sebald est saturé de traces, d’histoire, c’est pour lui tout un passé qu’il convient de se réapproprier. Pétris de savoir, vagabonds et polyglottes, les personnages tentent dans un monde d’invraisemblable oubli une récupération désespérée de la culture. Trente ans après la première conversation, Jacques Austerlitz qui a abandonné ses recherches architecturales, dévoile ce qu’il a appris très tardivement de sa propre biographie. C’est une vie pleine de catastrophes, de mystères qui refait surface sous forme de découvertes, de crises existentielles, d’accès de paniques et de paranoïa, de périodes de dépression et d’envies de suicide. Enfant de la shoah réfugié en Angleterre, Austerlitz retrouve, à Prague, au camp de Terezin, à Marienbad et à Paris … les traces de ses parents tragiquement disparus. Le roman de Sebald est un récit couleur de cendre qui brouille sans cesse fiction et histoire, il est un prodigieux montage de textes et d’images floutées, un télescopage formidable d’époques et de lieux qui réveille inexorablement les mémoires et fait surgir les fantômes. Le silence omniprésent qui hante ces pages, les nombreux blancs dans le récit, la parole toujours mélancolique rappellent, sans jamais l’évoquer directement, l’existence des camps de concentration. La conscience de Jacques Austerlitz est à n’en pas douter l’ombre portée des miradors. Trop petit pour se souvenir mais incapable d’oublier, W. G. Sebald dans son œuvre ne cesse de s’attaquer aux troubles de la mémoire allemande, à ses ravages dans les têtes et dans les corps. Il entend « Par-delà le crime et le châtiment » le cri d’un Jean Améry : « Le peuple allemand ne peut laisser neutraliser par le temps une partie de son histoire nationale, il faut au contraire qu’il l’intègre. « Auschwitz est le passé le présent et l’avenir de l’Allemagne » (Hans Magnus Enzensberger) ».
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De la destruction comme élément de l'histoire..

Excellent livre sur la 'brutalisation' du monde à partir notamment de l'exemple des bombardements de Dresde par l'aviation alliée à la fin de la guerre, dont il n'est pas tout à fait exclu que le motif était aussi la liquidation des immenses stocks de matériel produits par le complexe militaro-industriel allié.
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